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au 31 Mai 21 :
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contenant 15226 chapitres
qui ont générés 24443 reviews
 
     

     
 
Cyber Friend
Par Sanashiya
Tsubasa Reservoir Chronicle  -  Romance/Humour  -  fr
One Shot - Rating : T (13ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     4 Reviews    
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Salut à tous, voici ma première fic sur ce site ! o/

Auteur : Sana
Série : Tsubasa Reservoir Chronicle
Couple : Kurogane x Fye
Disclaimer : ces deux-là appartiennent à Clamp.
Rating : T, je dirais...

Enjoy !

.oOo.

Cyber Friend (ou la geek attitude).

My name is Bib. Je le dis en anglais parce que l'anglais, c'est toujours plus classe que le français. Je suis Bib le Sanguinaire, je suis Bib le Mage, je suis Bib le Guérisseur, je suis Bib l'Elfe de la Nuit. Mais mes amis m'appellent surtout Bib le Geek.

Bon, en réalité, je m'appelle pas vraiment Bib. Et je suis pas vraiment un Elfe de la Nuit non plus – encore que ce genre de jeu est prenant, je me suis déjà dit une fois que j'avais gagné des points de dextérité en ouvrant le frigo avec mes pieds (flemme fait loi chez moi). Et pour votre information, je n'ai pas poussé l'expérience jusqu'à attraper la tartelette à la fraise avec mes orteils – même si ça m'aurait sans doute rapporté des points d'expérience... Par contre, en parlant de flemme, je n'ai toujours pas trouvé le moyen d'aller aux toilettes sans décoller de mon siège, ça aussi ç'aurait été pratique. Ma devise : moins j'en fais, mieux j'me porte...

Bref, j'en disais que Bib, c'était mon pseudo internet. Car oui, mes braves, tel que vous me voyez (ou tel que vous me lisez, plutôt), je suis un geek de la pire espèce. J'en suis même des fois à me dire que Bib est mon vrai nom – auquel cas j'aurais dû le choisir avec un peu plus de précautions quand j'ai commencé à l'utiliser. Mais tout le monde fait des erreurs, hein. J'ai même déjà croisé sur le net une fille qui avait mixé les noms de ses deux anciens personnages préférés ensemble, Sano et Ashiya ! Si c'est pas ridicule, non mais je vous demande un peu...

Et là, le téléphone sonne.

Je décroche.

Et là, la voix me hurle dans les oreilles.

- FLOWRIGHT !

Parce que voilà, dans la vraie vie, mon nom, c'est Fye D. Flowright, et je ne suis ni Elfe, ni Mage, ni Guérisseur, je suis journaliste. Nettement moins classe. Je n'ai aucun don en magie – j'ai fini par croire que le fait d'avoir pu faire péter toutes les vitres du bureau de mon patron en sifflotant relevait d'un hasard particulièrement extraordinaire, ou de la force incroyable de mes pensées – je n'ai pas d'armure, je n'ai pas de cape, et je ne gagne pas de points d'expérience quand j'essuie pour la 12ème fois de la journée les remarques cyniques dont mon boss semble avoir fait sa principale source de détente.

Je soupire.

- Patron ?

- Il est 21 heures 05.

- Merci patron, je sais encore lire l'heure...

- Eh bien, ravi de constater que vous n'êtes pas encore totalement dépourvu de cervelle, Flowright. Je vous rappelle que je vous avais ordonné de me rendre votre article à 21 heures grand maximum.

Arrêt sur image. Retour en arrière.

La veille, 16 heures, bureaux du Asahi Shimbun.

- Et votre article, Flowright ?

- J'y travaille, patron...

- Demain soir sur mon bureau, à 21 heures au plus tard. Passé ce délai d'un minute, vous êtes viré, c'est bien compris, Flowright ?

Merde. Merde. Merde. Comment j'ai pu oublier ? J'étais en train de l'écrire, ce putain d'article, et là, un ami d'Internet m'a appelé parce qu'ils étaient en train de se faire une Lan-party sauvage avec quelques potes, et j'ai aussitôt foncé sur mon ordinateur redevenir Bib le prêtre guérisseur... et j'ai oublié mon article.

- Et il est 21h06 à présent, et votre article brille par son absence.

- M.. Mon chat l'a mangé, patron...

Silence de mort.

- Et moi je suis la reine d'Angleterre, Flowright...

Non, il n'aurait pas pu en être plus différent, d'ailleurs, mais bon, là n'est pas le problème...

- Je le fi... je le retape, patron, et je vous l'apporte dans la nuit...

- Parce que je n'ai que ça à faire de vous attendre, Flowright ? ironise la voix cinglante de mon chef. Vous pensez que je n'ai pas une vie à moi, à côté ? Est-ce que je ne vous avais pas dit que je vous virerais si je ne voyais pas votre rapport à l'heure ?

- V... vous l'avez dit, en effet...

- Bien dans ce cas...

- Attendez, patron ! Ne me virez pas ! Je le termine et je vous l'apporte dans l'heure, je vous le promets ! Ne me mettez pas à la porte !

C'est qu'il me faut des sous pour financer mes ordinateurs et ma connexion Internet, moi... Je ne peux pas me permettre de me faire virer...

- C'est votre dernière chance, Flowright, claque la voix de mon boss avant qu'il ne coupe la communication.

Soupirant une nouvelle fois, je repose le téléphone sur son socle. Je suis maudit, putain. Je suis tombé sur le chef le plus chiant de l'histoire de l'humanité. Et lui, il se prend pour qui, avec ces crétins de cheveux noirs en piques, et puis, on n'a pas idée d'avoir un corps si bien foutu et des yeux rouges comme la braise !

Enfin, surtout, on n'a pas idée d'avoir envie de coucher avec son patron qu'on déteste – et qui vous hait également.

Bib says : Sorry guys, gotta go. My boss' gonna kill me.

Les serveurs anglais regorgent toujours de gens intéressants, alors j'ai pris l'habitude d'aller y squatter. Et puis, c'est plus classe de parler anglais. Mais bon, on dirait que d'autres ont eu la même idée que moi.

Pio says : Bib, t'y vas déjà ?

Ah, Pio... j'adore ce type. Mon âme sœur de combat, un nain paladin super doué. En duo, lui en attaque, moi en défense en tant que prêtre guérisseur, on est invincibles.

Bib says : Désolé, Pio, mais faut t'en prendre à mon boss...

Pio says : Ton boss ? A cette heure-ci ? O_o

Bib says : Oui, il vient de m'appeler, ça m'saoule... Whatever, gotta go. On s'voit plus tard.

Il a à peine le temps de me répondre un petit "kay..." que je suis déjà parti. Je ne veux vraiment pas me faire virer...

.oOo.

Il est quatre heures du mat quand j'arrive au bureau. Ça me fait bizarre de voir tout le bâtiment éteint... Bon, de toute façon, je ne suis pas là pour m'éterniser. J'ai fini mon article, mais la Lan-party est encore en cours, et j'ai des gens à aller soigner, moi. (Et dormir, dans tout ça, me direz-vous ? Eh bien, regardez mon air de poisson pas frais, et vous comprendrez.)

Je monte jusqu'à l'étage du patron, tout en me demandant comment je vais faire pour poser mon dossier sur son bureau s'il l'a fermé à clé, mais un rapide coup d'œil à sa porte ouverte et à la lumière qui en émane me renseigne sur la situation. Il est encore là.

Il m'a attendu toute la nuit.

Non, non, c'est débile, c'est le chef, tout de même. Il a plein d'autres choses à faire que d'attendre toute la nuit l'article d'un de ses employés, et même pas le plus célèbre. Juste le plus blond de tous. (Dans un pays où 99,9% des gens ont les cheveux noirs, ça se remarque un peu, il faut dire...)

La seule source d'éclairage de la pièce, c'est son écran d'ordinateur, sur lequel il a les yeux rivés, dans une telle concentration qu'il ne m'a pas entendu venir. (Ça, ou le casque qu'il a sur les oreilles, peut-être). Mon boss est vraiment un hard-worker... (Eh oui, c'est ça que de jouer avec des gens qui parlent anglais tout le temps, on finit par prendre des tics de conversation, et de mettre plein de mots en anglais partout.)

Il lève la tête lorsque j'apparais dans son bureau, et je ne peux pas m'empêcher de me dire que dans cette atmosphère, la pièce faiblement éclairée, sa cravate dénouée, les premiers boutons de sa chemise négligemment ouverts, ses cheveux noirs en bataille, sa barbe naissante... mon boss est à violer. Bon, soit, si j'essaye, il se peut que je me fasse rembarrer en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, vu son gabarit d'ours et le mien de chaton malade, mais bon.

Il enlève son casque, et me regarde comme s'il ne comprenait pas ce que je faisais là. C'est bien ce que je me disais, c'était juste pour le plaisir de me faire chier, et il n'était pas du tout en train de m'attendre. Ce gars m'énerve.

- J'ai fini mon article, patron.

- Pas trop tôt, répond Kurogane en tendant la main, mais pour une fois, son ton n'est pas acide, étrangement.

Je m'avance vers lui et lui tends le dossier. J'arrive à percevoir une odeur de gel douche quand je m'approche, je remarque que ses cheveux sont mouillés, et je me demande si ce gars vit ici ou s'il rentre chez lui parfois. Un rapide regard à sa main gauche m'apprend qu'il n'est pas marié, en tout cas (je n'avais jamais pris la peine de vérifier, jusqu'ici).

Et pendant qu'il lit mon article, je l'observe. Il est vraiment beau... si seulement il n'était pas aussi détestable, il aurait tout du canon de mes rêves. Sa voix est sensuelle (eh oui, même quand il me balance des ignominies à la gueule...), son corps est à baver, ses yeux me donnent l'impression de fondre devant lui à chaque regard...

- Bien, fit-il en reposant le dossier.

C'est tout ? Et moi qui m'apprêtais à subir le fouet, la pendaison, ou quelque chose de ce goût là... Parce qu'il faut savoir que môssieu, non content d'avoir fait de moi son bouc émissaire numéro 1 de tout le bureau, a une passion, par dessus toutes ; celle de rejeter mes travaux. Il faut que je recommence chaque article quinze fois au moins pour qu'il en soit satisfait, alors je n'osais pas imaginer ce qu'il allait me dire après un travail en retard.

- Bien ?

Il doit sentir l'incrédulité dans ma voix, car il hausse un sourcil – de la façon la plus classe qui soit.

- Que vouliez-vous que je vous dise ? Parfait, génialissime, la nouvelle Bible ?

- Non, au contraire...

- Vous êtes vraiment quelqu'un d'emmerdant...

Il y une sorte de velouté dans sa voix, une satisfaction qui me fait penser que ça doit lui faire plaisir que je sois si emmerdant, pour qu'il ait la possibilité de m'infliger ses petites phrases assassines.

- On dirait presque que ça vous fait plaisir de vous faire insulter, insinue-t-il.

- J'ai fini par m'y habituer, venant de vous, patron.

C'est là que je ne comprends pas tout, en fait. Kurogane menace toujours de me virer sous tel ou tel prétexte, et je suis toujours celui qui se prend tout dans la gueule quand les choses ne vont pas. Et moi, j'aime pas me laisser faire, alors ça m'est déjà arrivé de lui répliquer vertement ce que je pensais – et ce que je pensais, en général, c'était qu'il était un gros connard. Mais selon mes collègues, parce que moi, je ne m'en rendais pas compte, d'autres se sont fait virer pour moins que ça. Il ne comprennent toujours pas comment je suis encore dans la boîte après avoir déjà insulté le patron – et à dire vrai, je me demande, moi aussi. D'autant qu'on se hait cordialement, tous les deux...

Alors, peut-être qu'il me garde pour le plaisir de m'engueuler, mais j'ai toujours envie de pousser ma chance plus loin à chaque fois, pour voir jusqu'ou il ira. C'est débile, je sais, et risqué. Mais je ne peux pas m'en empêcher. On dirait que le licenciement n'est pas encore pour cette fois-ci, à voir la façon dont un sourire amusé et cynique se peint sur ses lèvres.

- Une remarque, Flowright ...

Je le regarde d'un air interrogateur, et il me tend mon dossier.

- Première page. Quand on ne sait pas écrire ses kanji correctement, on ne devient pas journaliste.

Je fixe d'un air ébahi la première page, ou un cercle qu'il vient de tracer au feutre rouge me pointe du doigt l'énorme erreur que j'ai commise en confondant le kanji de "bizarre" avec celui de "amour".

- Mais c'est pas de ma faute s'ils se ressemblent, je me plains.

- Même les gamins ne font pas d'erreurs de ce genre.

Bon, je sais, c'est trop la honte. Soit, je suis étranger, j'ai une excuse (encore qu'après 14 ans passés dans ce pays, je ne sais pas si elle sera encore valable longtemps), mais quand même...

- Je corrigerai...

- J'espère bien, dit mon chef avec un sourire ironique. Vous pouvez y aller.

L'odeur enivrante de son gel douche ne me quitte pas jusqu'à ce que je quitte la pièce.

.oOo.

Mon article est rendu, corrigé, ma Lan-party est finie, il est 14 heures, et je scrute mon plafond, les yeux explosés. Décidément, les jeux de rôle, c'est pas bon pour le sommeil, ni pour le teint, mais qu'est-ce que ça peut être addictif.

Le son futuriste que j'ai configuré par défaut se fait entendre lorsqu'une fenêtre de conversation de msn poppe sur ma barre de tâches.

Pio says : Bib ?

Mais si c'est pas mon bon Pio ! Je crois qu'il est le seul de tous mes amis rôlistes à avoir mon adresse msn – les autres, ça ne les intéresse pas tellement, en fait, msn, vu qu'ils passent le plus clair de leur temps à améliorer leur équipement.

Bib says : Salut Pio !

Pio says : ça va ?

Bib says : j'suis destroy ... C'est plus de mon âge, les nuits blanches à faire des lan-party.

Pio says : tout pareil xD

Bib says : alors tu fais quoi, là ?

Pio says : je mange des crevettes.

Bib says : beuh...

Pio says : t'aimes pas ?

Bib says : eurk. J'aime pas les fruits de mer.

Pio says : je prends note ...

Bib says : pour quoi faire ?

Pio says : eh ben, si j'avais envie de t'inviter au resto un jour, mmh ?

Bib says : ouais enfin, faudrait déjà qu'on se rencontre IRL pour ça...

Pio says : mais ça pourrait être possible, mon cher Bib... ça fait longtemps que j'ai envie qu'on se rencontre IRL.

Bib says : moi aussi, mais depuis le temps qu'on en parle et que ça ne se fait pas...

Pio says : on le fera, un jour, t'inquiète! Enfin, quoi qu'il en soit, tu n'aimes pas les fruits de mer... voilà une information en plus pour ma base de données.

Bib says : quelle base de données ?

Pio says : sur toi, tiens xD

Bib says : t'as une base de données sur moi ? O_o Mais le stalker, j'hallucine !

Pio says : plop. :P

Bib says : t'es sérieux ? T'as vraiment une base de données sur moi ? O_O

Pio says : haha, je t'ai mis le doute. xD J'adore faire ça ! Mais au fait, t'es pas censé bosser, là ?

Bib says : ... si, théoriquement ...

Pio says : et ton chef, il dit rien ?

Bib says : il a pas encore du se rendre compte que j'étais pas là xD Le boulet.

Pio says : dis pas ça, il va ptete t'appeler pour te dire de te pointer là tout de suite...

Bib says : M'étonnerait. S'il fait ça, je t'offre un verre.

Pio says : tenu. Dis-le moi quand il t'appelle =P

Bib says : je te dis qu'il va pas appeler ...

Le téléphone sonne. Je le fixe d'un air hébété, mais ça ne peut pas être le chef, certainement pas.

Bib says : je re, tel ...

Pio says : Haha !

Bib says : mais c'est pas lui...

Je décroche.

- Flowright...

- Patron ?

Un silence à l'autre bout du fil, puis :

- Ça vous surprend ? Expliquez-moi donc pourquoi vous n'êtes pas au boulot.

- Euh je, je...

- Aucune raison valable donc. Non content de rendre vos pitoyables articles en retard, vous vous permettez de sécher le travail. Vous tenez vraiment tant que ça à vous faire renvoyer, Flowright ?

- Euh ... patron, je ...

- Si vous n'êtes pas dans un quart d'heure les fesses sur votre siège, vous pouvez dire adieu à votre place de journaliste dans mon quotidien, c'est bien compris ?

- Oui patron.

- Alors à dans un quart d'heure. Je serai là pour vérifier que vous ne dépasserez pas le délai d'une minute.

Et meeeerde j'suis dans de beaux draps ! Je vais finir par croire au pouvoir des mots – il suffisait d'en parler pour ça arrive.

Bib says : j'y vais, Pio !

Pio says : c'était ton chef, alors ? =P

Bib says : oui et si j'y vais pas je vais me faire tuer ! On se reparle après pour cette histoire de verre !

Pio says : gotcha. Bon courage !

Bib says : thanks !

Et je me déconnecte. Ah, j'ai perdu mon pari... C'est dingue, ce chef est omniscient, ou quoi ?

.oOo.

Lorsque j'arrive devant mon bureau, il reste une minute avant le temps imparti, et mon chef attend, les fesses gracieusement posées sur ma chaise à roulettes. A bout de souffle, aussi crevé que si je venais d'escalader le mont Fuji (c'est que le sport et moi, ça fait deux), je le regarde, et il jette un coup d'œil à l'horloge.

- Bravo, Flowright, il est 14h45. Vous n'avez que... sept heures de retard. Quel talent.

Autour de nous, tous les autres gens des bureaux voisins du mien se sont tus, comme s'ils sentaient la tempête qui allait venir. Et je sais qu'ils sont tous là en train de se dire "allez c'est bon, cette fois-ci, il va se faire virer". Pourtant, mon chef garde un calme imperturbable.

- En sept heures, vous savez ce que j'ai eu le temps de faire, Flowright ? J'ai prévu quinze rendez-vous, j'ai corrigé vingt articles, j'en ai écrit deux, j'ai mis en forme dix pages du journal de demain, j'ai regardé deux documentaires, et j'ai même eu le temps de réserver un dîner ce soir au restaurant. Et vous, en sept heures, qu'est-ce que vous avez fait ?

Oh, si vous saviez, mon cher patron. J'ai soigné Pio, j'ai trouvé un item rare, j'ai amélioré mon équipement, j'ai augmenté de deux levels, et j'ai fini deux quêtes. Qu'est-ce que vous en dites ?

Je peux certainement pas lui dire ça.

- Euh...

- Rien, donc, constate calmement mon patron. Expliquez-moi donc pourquoi je perds mes sous à vous employer, et mon temps à vainement essayer de vous faire comprendre que si vous continuez à glander, je finirai vraiment par vous virer, aussi sûrement que deux + deux font quatre.

Sa voix ne s'est pas élevée d'un décibel, mais dans la pièce, et malgré la cinquantaine de personnes qui y sont présentes, on pourrait entendre une mouche voler. En général, mon patron n'est pas trop maître de l'art de passer un savon sans élever la voix. D'habitude, au contraire, il hurle à s'en faire péter les cordes vocales – je ne le sais que trop bien, puisque la plupart du temps, c'est moi le destinataire de ces hurlements. C'est sûrement pour cette raison que tout le monde a l'air de se dire, avec une silencieuse jubilation : "le chef crie pas. Cette fois c'est la bonne, le blond va dégager." Allez savoir pourquoi, mais j'ai remarqué que les gens n'aimaient pas trop les cheveux blonds et le yeux bleus, dans ce pays.

- Ou va-t-il falloir que je vous emploie de nuit, si vous persistez à manquer chaque matinée de travail ? reprend mon patron.

Personnellement, l'idée ne m'enchante pas trop... De nuit, je joue, moi. Non mais.

- Mais je vous donne une dernière chance, Flowright. L'article sur lequel vous êtes censé travailler en ce moment - si tant est que vous l'ayez déjà commencé, du moins- cet article, je le veux sur mon bureau ce soir à dix-neuf heures précises.

- C'est trop tôt ! je m'exclame aussitôt. Je n'aurai jamais le temps de le finir !

- Mais vous n'avez pas le choix, répond Kurogane avec une simplicité écœurante. Sinon, je vous promets bien pire qu'un simple licenciement... et vous pouvez me faire confiance pour vous pourrir la vie.

Oui, ça, je m'en doutais déjà, merci... Il s'éloigne sans ajouter un mot, et je m'assois à mon bureau, commençant à réunir frénétiquement mes notes sur mon dernier article, pendant que des collègues s'approchent de moi pour me parler à voix basse.

- T'as encore bénéficié d'un sursis, dis donc !

- Tu parles d'un sursis, je maugrée. Quatre heures pour rédiger un putain d'article.

- Si c'était moi qui serais arrivé en retard, je me serais fait virer sur le champ, réplique amèrement un autre de mes collègues. Le chef t'aime bien, je crois.

- C'est évident, renchérit un autre.

- AU BOULOT ! rugit une voix au fond de la salle, et là, on se rend compte que Kurogane n'avait pas encore quitté la pièce.

Je me mets donc au travers, les joues en feu. Le chef, bien m'aimer ? Impossible...

Quatre heures et quart plus tard, je dépose l'article sur le bureau de Kurogane.

- Fini ? demande-t-il.

- Bien obligé, je réponds d'un ton acide.

Un éclair amusé passe dans ses yeux, et il prend le dossier, le feuillette à peine, et le repose de l'autre côté, sur une autre pile d'articles.

- Il a intérêt à ne pas être bâclé, dit-il en se levant.

Ça, je ne le garantirais pas, mais je n'ai pas trop le temps d'y penser, car mon chef me prend le bras, et me dit de le suivre. J'ai pas trop le choix évidemment, puisqu'il me serre le poignet avec force. Il me fait passer dans la pièce à côté de son bureau, une sorte de salon où je n'ai jamais eu l'honneur de mettre les pieds, et me précipite dans une autre pièce encore voisine... une salle de bain. Je le regarde avec un air de stupeur polie.

- Prenez une douche, vous puez le phoque. Et dépêchez-vous, dans dix minutes, vous devez être sorti.

Sur ces bonnes paroles, il ferme la porte, me laissant seul dans la salle de bain. Je cligne des yeux d'un air abasourdi, puis il tambourine sur la porte et crie :

- Plus que neuf minutes !

Et là je réalise que tout ça m'a l'air d'être bien réel et que j'ai plutôt intérêt à obéir à ses ordres.

Neuf minutes plus tard, je sors de la salle de bain, les cheveux mouillés, l'odeur envoûtante de son gel douche sur ma peau, et il me regarde de la tête aux pieds, l'air scrutateur.

- Très bien, venez avec moi, maintenant.

J'ai arrêté de chercher à savoir ce qu'il avait en tête ; je le suis, tout en me demandant où ça va bien pouvoir me mener...

En l'occurrence, dans une boutique de vêtements chics, on dirait. J'écarquille les yeux.

- Je peux savoir ce que je fous ici ?

- Non, pas encore, répond Kurogane, imperturbable.

Il jauge les habits, prend un costume, et me le tend.

- Allez essayer ça, et plus vite que ça !

J'ai envie de lui répliquer que je ne prends d'ordre de personnes, mais c'est mon patron après tout, et je n'ai pas envie de me faire virer. Donc je m'en vais essayer ce costume, avec une singulière mauvaise impression, et lorsque je ressors, il s'est changé, lui aussi (dieu que le costard lui va bien...) et il m'observe d'un air appréciateur, tout comme les filles de la boutique qui me fixent, un filet de bave aux lèvres. J'ai jamais compris pourquoi je faisais tellement d'effet aux nanas, d'ailleurs, mais c'est toujours pareil ; peu importe où je passe, si je suis bien habillé, elles me donnent l'impression qu'elles vont me sauter dessus. Dommage pour elles, je suis gay comme on n'en fait plus – et n'importe qui en me voyant reluquer les fesses de mon patron l'aurait compris...

- Très bien, laisse finalement tomber Kurogane. On peut y aller.

- Pardon ? Aller où ?

- Vous le saurez bien assez tôt, répond-il pendant qu'il sort son chéquier et paye le costume, qui a l'air d'ailleurs extrêmement coûteux...

- Nous vous remercions de votre visite, messieurs, nous vous souhaitons une bonne soirée, scandent en chœur les vendeuses.

- C'est ça, grogne Kurogane tout bas. Venez, Flowright.

Je le suis, et il m'entraîne à nouveau vers sa superbe voiture noire de luxe, vitres teintées, et tout et tout, celle qu'il a utilisée pour m'emmener dans cette boutique, et il s'installe au volant tout en regardant sa montre.

- Juste à temps, murmure-t-il.

- Juste à temps pour quoi ? Dites le moi, à la fin ! je m'énerve.

- Mon rendez-vous de ce soir a été décommandé, alors c'est vous qui allez venir avec moi au restaurant.

C'est sur un ton totalement banal qu'il me sort cette nouvelle inattendue, et je le fixe, les yeux ronds comme des soucoupes.

- P-P-Pardon ?

- Vous m'avez bien entendu, il répond sèchement – oui, costard ou pas, il reste ce cynique de patron.

- Et pour quelle raison ?

- Parce que c'est comme ça, tranche-t-il.

- J'ai pas de sous !

- Aucun problème.

- Pourquoi vous m'y emmenez moi, et pas quelqu'un d'autre ?

Il arrête brutalement la voiture sur une place de stationnement, et je remarque l'enseigne devant laquelle il s'est arrêté – un restaurant cinq étoiles. Le grand luxe. Je le regarde, d'un air ébahi, et j'ai l'impression de fondre devant l'intensité de son regard de feu quand il me dit :

- Parce que c'est avec vous que j'ai envie de dîner.

.oOo.

Je crois que de ma vie, je n'ai jamais vécu une situation aussi étrange. Mais pas de doute ; la table est réelle, les menus sur la carte sont réels (même s'il y en a certains dont je lis les noms pour la première fois), les bougies entre nous sont réelles, et le patron, surtout, le patron est réel. Il me regarde avec ses yeux de braise, sourit avec son cynisme habituel et il est assis en face de moi. Un dîner en tête à tête avec mon patron.

Incroyable.

- Vous croyez que ça se fait, pour un patron, de dîner avec quelqu'un que vous parlez toujours de virer ? je demande sur un ton innocent.

- Et vous, vous croyez que ça se fait, d'accepter l'invitation du patron en question ?

Suffoqué par l'indignation, je m'exclame :

- Vous m'y avez forcé !

- Vous ne vous êtes pas encore enfui, à ce que je vois.

De mauvaise humeur, je grommelle dans ma barbe que c'est parce que la nourriture est trop bonne et qu'en plus elle m'est offerte. Mais soyons réalistes : dîner en tête à tête avec le canon de vos rêves, ce n'est pas ce qu'il y a de plus détestable au monde.

- C'est bon ? demande-t-il d'une voix étonnamment attentionnée.

- Oui...

C'est vrai qu'avec mon salaire de journaliste, j'ai rarement l'occasion de manger des plats de luxe.

- Vous voulez des huîtres ? demande-t-il en regardant la carte.

- Non merci, je n'aime pas les fruits de mer...

- Ah oui, c'est vrai.

Il continue tranquillement à lire sa carte, comme s'il ne venait pas de dire la chose la plus incroyable que j'aie jamais entendue de sa part.

- Q-quoi ?

Il relève la tête, un peu étonné.

- Un problème ?

- Comment ça, "ah oui, c'est vrai" ? Comment vous le saviez ?

Il fronce les sourcils, l'air de ne pas comprendre pourquoi je me prends la tête pour ça.

- Vous avez sans doute déjà du me le dire un jour...

- Alors là, je ne crois pas non ! Vous ne m'avez jamais rien demandé de personnel à mon sujet, je le sais parfaitement !

- Si je suis courant, c'est pourtant que vous avez du me le dire, remarque-t-il non sans un certain bon sens.

- Oui mais...

- Ou alors je l'ai entendu de quelqu'un d'autre.

- Personne du bureau ne m'a déjà demandé si j'aimais les fruits de mer...

- Eh bien n'en mangez pas alors, et arrêtez de m'emmerder avec ça ! finit-il par trancher, agacé.

Bon. Je suis peut-être paranoïaque. Ou alors c'est le fait que je ne me suis pas connecté à Internet depuis – oui, déjà six longues heures. Je dois être en état de stress aggravé. Ça, ou mon patron est un stalker.

Non non, pas possible... Pas avec moi, du moins.

- Vous voulez du vin ?

- Je veux bien, merci...

Tout de même, il est trop attentionné. C'est pas naturel.

- Pourquoi vous me regardez comme ça ? demande-t-il en fronçant à nouveau les sourcils. Je ne vais pas vous manger.

- Me voilà rassuré...

- Écoutez, Flowright, c'est quoi votre problème ? Je vous emmène dans un bon resto, vous pourriez au moins être poli et faire semblant d'apprécier le repas !

- Et pourquoi vous m'avez emmené ici, d'abord ?

- Je vous ai dit que mon rendez-vous avait été subitement décommandé...

- Vous n'aviez qu'à annuler la réservation ! Ou emmener quelqu'un d'autre à ma place ! Vous m'avez même payé un costume...

Il doit voir que je suis déstabilisé, parce qu'il se radoucit un peu.

- Il ne vous plaît pas, ce costume ?

- Si ! Si... il me plaît, mais... je ne comprends juste pas pourquoi vous faites ça.

Il hausse les épaules, regarde ailleurs.

- J'avais envie de dîner avec vous. Vous n'auriez pas pu entrer en jean et en chemise, dit-il d'un air sérieux.

Décidément, mon patron est quelqu'un d'insaisissable...

.oOo.

23h08 : Bib is online.

Bib says : Pio ! Tu me croiras jamais !

Pio says : quoi ?

Bib says : mon patron... Il m'a invité au resto avec lui !

Pio says : O_o ton patron, celui qui parle tout le temps de te virer ?

Bib says : ouiii ! Ce patron là, précisément !

Pio says : eh beh. Et c'était comment ?

Bib says : euh... j'étais bien mal à l'aise au début. Et il m'a même payé un costard, tu te rends compte ?

Pio says : sérieux ? O_o C'est qu'il est amoureux de toi xD

Bib says : ouh la, certainement pas...

Pio says : qu'est-ce que t'en sais ?

Bib says : j'en sais qu'on ne menace pas de virer dix fois par jour quelqu'un dont on est amoureux...

Pio says : oui enfin, pour l'instant il a jamais mis sa menace à exécution, en même temps...

Bib says : très juste... Ah la la, j'étais sur les rotules, tu peux pas imaginer ! Lui et moi au resto, quoi! Et pas n'importe lequel en plus, un resto de luxe et tout, avec chandelles sur la table et tout le reste ! Y'avait que des couples à côté de nous, je te dis pas le malaise...

Pio says : ah bon, il est vieux et moche ? XD

Bib says : non, pas du tout... x3

Pio says : bah alors pourquoi le malaise ?

Bib says : ben... c'est quand même mon patron ^^'

Pio says : bah, c'est un mec comme tous les autres...

Bib says : oui mais qui possède le pouvoir de te virer. Ça fait une nette différence ^^' et il avait même l'air de savoir que j'aimais pas les fruits de mer o_O

Pio says : et alors ?

Bib says : bah... je sais pas, mais... pourquoi il saurait un truc comme ça ? ^^'

Pio says : t'as une touche, je te dis XD

Bib says : arrête avec ça, t'es bête

Pio says : je vois pas pourquoi...

Bib says : just no way...

Pio says : tu crois ? on parie ? D'ailleurs j'te rappelle que tu me dois un verre, hein =P

Bib says : j'avais pas oublié -_-'''' et sinon j'veux bien parier, mais on parie sur quoi ?

Pio says : eh bien...

Bib says : moi je parie que demain, il me demandera de lui rendre le costard. Je me demande s'il était pas bourré toute la soirée, en fait... je vois pas pourquoi il aurait fait tout ça sinon...

Pio says : *sifflote* eh bien moi, je parie que demain, il te fera un sourire.

Bib says : oh, les sourires cyniques, c'est pas ça qui manque chez lui...

Pio says : non non, un vrai sourire, pas cynique, un sourire du genre "j'ai apprécié notre soirée hier, ça serait sympa qu'on recommence".

Bib says : mais laaawl Pio, tu vis dans un rêve toi. On est pas dans un conte de fée hein...

Pio says : 'kay then, celui qui gagne paye le resto à l'autre quand on se verra.

Bib says : tenu ! Je te dirai quoi demain !

Pio says : okay. =3 J'attends avec impatience.

Bib says : see ya !

23h47 : Bib is offline.

.oOo.

J'avoue que le pari que m'a lancé Pio m'intrigue. Je n'ai jamais vu mon patron sourire à quelqu'un sans cette touche de cynisme si caractéristique, alors pour qu'il m'adresse un tel sourire à moi... si c'est le cas, les anges vont tomber du ciel. Mais enfin je suis content, ça me fait un restaurant gratuit de la part de Pio. Enfin, même si sourire il y a, il n'est pas exclu qu'il me demande de lui rendre le costard, auquel cas je devrais aussi payer un resto à Pio.

Je regarde ma montre. Sept heures cinquante-sept... c'est bien la première fois que j'arrive au boulot en avance. Quelques collègues qui ne vivent que pour leur travail sont déjà là, en train de bosser – d'ailleurs je vous raconte pas la tête qu'ils ont faite en me voyant débarquer comme une fleur à cette heure-ci – mais la grande pièce où sont réunis nos bureaux est aux trois quarts vide. La porte du bureau de mon patron est fermée, impossible de savoir s'il est là ou pas.

Comme je n'ai rien d'autre à faire, je me connecte à Internet. Tiens, Pio est là.

Bib says : tu t'es levé tôt, Pio...

Pio says : comme toujours. Toi tu te lèves toujours tard, alors tu ne t'en es jamais rendu compte.

Tiens, c'est pas faux, maintenant que j'y pense... J'ai l'impression que de toute façon, Pio est toujours connecté quand je me connecte... Comme s'il m'attendait. J'adore Pio. C'est agréable d'avoir un ami à qui on peut tout confier, tout en sachant qu'on va être accepté et soutenu – c'est pas les collègues qui me donneraient cette impression-là. Ils ont déjà eu assez de mal à s'habituer à ma blondeur – si en plus, ils apprenaient que je suis gay, je crois que ça provoquerait un scandale. Pio, lui, n'a eu aucun mal à accepter tout ça.

Bib says : Pio, quand on sera IRL, je t'épouserai.

Pio says : XDD la version geek de "quand je serai grand, je t'épouserai" ?

Bib says : précisément. Enfin, si ça ne te dérange pas d'épouser un mec.

Pio says : pas de souci de ce côté là... tu n'es pas le seul gay sur terre.

Ha ha ! Je m'en doutais. Bon, jusque là, il ne me l'avait jamais dit ouvertement, et je n'avais jamais vraiment cherché à en savoir plus, mais je le sentais. Content de voir que mon radar à gays marche toujours aussi bien.

Bib says : mais c'est parfait ! Dis-moi vite quand est-ce qu'on se rencontre, je ne veux pas repousser la cérémonie plus longtemps.

Pio says : plop =P tu dis ça, mais je suis sûr que tu finiras par t'enfuir avec un autre.

Bib says : tu sais bien que je n'aime que toi, voyons.

Pio says : et ton patron ? xD

Bib says : ah... hé tu sais que j'ai un peu la trouille, en fait ? C'est la première fois qu'il m'arrive un truc du genre, me faire inviter au resto par mon patron, alors je me demande comment ça va se passer quand je le verrai. D'ailleurs je me suis même pointé en avance au taf.

Pio says : Noooon, sérieux ? O_O

Bib says : incroyable hein ? Mais la porte de son bureau est fermée, je sais pas où il est.

Pio says : t'as qu'à aller voir. Tu vas le voir et tu lui dis "patron, merci pour la soirée d'hier !"

Bib says : c'est un pari ?

Pio says : précisément =3

Bib says : j'y gagne quoi ?

Pio says : si tu le fais... je sais pas moi, y'a déjà en course le verre et le resto, t'as une autre idée ?

Bib says : ouaip ! Si je le fais, quand on se verra IRL, tu m'embrasseras :3

Pio says : ... t'es sérieux ? O_O

Bib says : oui =3

Pio says : et si j'étais vieux, moche et pervers ?

Tiens, j'avais pas pensé à ça, moi...

Bib says : eh bien tu m'embrasserais, et je m'enfuirais aussitôt après.

Pio says : ptit malin xD bon, c'est d'accord. Mais t'y vas maintenant, et tu me dis quoi, histoire que je puisse me préparer mentalement si c'est toi qui es vieux, moche et pervers XD

Bib says : wow, moi aussi j'ai besoin de me préparer mentalement à lui dire un truc pareil!

Pio says : Tutut. Je t'attends ici.

Rah, la ptite saleté... Je sais que je vais le faire en plus, il a un tel ascendant sur moi que je ne peux pas ne pas le faire. Je réduis la fenêtre de conversation et je me lève. C'est bizarre, j'ai les mains tremblantes... Ah la la, on a pas idée de me faire dire des phrases comme ça ! Tout ça pour un stupide pari...

Bon bah mon Fye, quand faut y aller, faut y aller. D'un pas décidé, je me dirige vers le bureau du patron, suivi d'un œil intéressé par les gens qui sont présents... et ma résolution flanche dès que je lève la main pour frapper à la porte. Ça va pas, je pourrai jamais dire un truc aussi aimable à mon patron. Je vais aller dire à Pio que je peux pas faire ça.

La porte s'ouvre, et moi, j'ai toujours la main levée. Et en face de moi, se trouve le patron. Dieu qu'il est canon avec sa chemise noire et ses cheveux humides. Et les effluves de son gel douche me parviennent, et me donnent envie de le plaquer contre le mur et de l'embrasser sauvagement... Ah... il doit embrasser de façon divine, en plus...

Mais là pour l'instant, il me contemple juste d'un air interloqué pendant que je fantasme sur ses lèvres, la main toujours levée.

- Flowright ?

- Pa-patron !

- Qu'y a-t-il ?

- Rien ! Rien du tout !

J'ai l'air paniqué, là ? Oh. Si peu. Non, si, j'avoue, j'ai l'air paniqué. Les autres dans la salle se marrent sous cape.

- Mais vous vous apprêtiez à frapper, non ?

Je baisse la main à la vitesse de la lumière.

- Mmmoui peut-être.

- Bon alors dites-moi ce que vous me vouliez, et plus vite que ça, répond-il de son ton agacé.

- Hum patron... Euh... M... Merci pour hier soir.

Kurogane me fixe d'un air encore plus interloqué, tandis que dans la salle, mes collègues se tournent les uns vers les autres pour savoir de quoi je parle.

Et là, sans transition ! Sous mes yeux ahuris, Kurogane me sourit. Oui absolument ! Un sourire, un vrai de vrai ! Celui qui n'a jamais été attribué à personne jusque là, ce sourire, précisément ! Il se teinte aussitôt de cynisme, c'est un fait, mais j'en reste bouche bée. Il m'a fait un vrai sourire.

- Pas de quoi, répond-il calmement. Si vous voulez, on remettra ça...

J'en suis encore plus sur le cul, mais il ne me laisse pas le temps de reprendre mes esprits et referme sa porte sur lui, avec un petit sourire amusé. Je reste immobile devant la porte close, et quand je me détourne, tous ceux qui ont assisté à l'échange me fixent d'un air ahuri.

- F... Fye... Il t'a souri, là ?

- Je crois, je réponds d'un ton incertain. Je... je crois qu'il m'a souri...

- Incroyable ! Qu'est-ce que vous avez fait, hier ?

Ah non, ça, il ne le saura pas. Je n'ai pas envie que tout le monde sache que je suis allé dîner au resto avec mon patron, pas question. Ça ne sera qu'entre lui et moi... et Pio.

.oOo.

Bib says : Piooooo ! Il m'a souri !

Pio says : xD ça a l'air de te faire un de ces effets !

Bib says : c'est juste que j'avais jamais vu ça avant. O_O c'est incroyable.

Pio says : j'ai gagné le pari. =P

Bib says : argh oui ! Je te dois un resto, alors ?

Pio says : et un verre. Et tu lui as dit alors, ou pas ? "Merci pour hier soir" ?

Bib says : ben, c'est justement parce que je l'ai dit qu'il m'a souri.

Pio says : waaaaah mais il est amoureux de toi, obligé XD

Bib says : arrête avec tes suppositions débiles tu veux...

Pio says : okay, okay xD donc si on résume, je te dois un baiser, et toi un verre et un resto. Je crois que notre soirée IRL va être intéressante. XD

Bib says : qui a dit que ça serait une soirée ?

Pio says : c'est plus fun le soir... huhu. Alors, quel sera notre prochain pari ? =P

Bib says : quoi, encore ?

Pio says : ben oui. Pour rendre la soirée ENCORE plus intéressante.

Bib says : bon alors... encore avec mon patron ?

Pio says : je sais pas toi, mais moi je trouve ça marrant. XD

Bib says : c'est pas faux... Très bien...

Pio says : va lui dire qu'il a de belles fesses.

Bib says : KOUWAAAAA ?

Pio says : c'est pas le cas ?

Bib says : si, malheureusement... j'arrive jamais à en détacher mon regard. Mais laisse tomber, c'est juste pas possible, je pourrai jamais sortir un truc pareil.

Pio says : ok ok ... on va prendre un truc plus soft. Quand tu le verras, tu lui souriras gentiment.

Bib says : ouh la...

Pio says : quoi ! C'est fastoche ! C'est même tellement facile, d'ailleurs, que tu vas non seulement lui sourire gentiment, mais en plus, lui dire un truc embarrassant, du genre "vous avez de beaux yeux", ou bien "ne vous énervez pas tant, c'est mauvais pour la constipation."

Bib says : mdr ! t'es vraiment grave, Pio. xD

Pio says : huhu =P bon, je te le laisse le choix de la phrase, mais n'oublie pas le sourire.

Bib says : marché conclu. Je t'informerai du déroulement de l'action.

Pio says : roger. =3 Et pour le gage ?

Bib says : une idée ?

Pio says : eh bien, une idée pour rendre la soirée encore plus intéressante... Si tu gagnes, tu as le droit de m'embrasser où tu veux sur le corps quand on se verra. Si c'est moi qui gagne, inversement.

Bib says : O_O t'es sérieux ?

Pio says : oui.

Bib says : O_o

Pio says : ça sera marrant =D

Bib says : pervers, va...

Pio says : c'est toi le pervers, tu t'imagines déjà des trucs !

Bib says : mouais ouais... Très bien, je suis d'accord. ^^

Pio says : huhuhu, j'ai hâte d'être à notre soirée, moi =D

Bib says : xD p'tit malin...

.oOo.

Il se trouve que l'action en question s'est vue repoussée à la saint Glinglin, puisque le jour où j'ai décidé de ce stupide pari avec Pio, le boss est parti en déplacement à Kyoto pour une durée inconnue - enfin, inconnnue pour moi, en tout cas. Donc, depuis, j'attends son retour.

Sérieux. Les choses ont bien changé depuis quelques temps. J'attends son retour. Moi ! Moi, alors qu'il y a à peine deux semaines de ça, on ne pouvait pas se blairer, tous les deux. Décidément, un dîner aux chandelles, ça vous change les gens. Ainsi qu'un sourire. Je ne m'en suis toujours pas remis, d'ailleurs...

Du coup, je papote avec Pio sur msn de mon plan de bataille pour lui sourire. On est tellement occupés par ça qu'on n'assiste même plus aux Lan-party de nos potes rôlistes. Et, je n'aurais jamais cru dire ça un jour, mais le boss me manque. C'est trop calme, quand il n'est pas là. Personne pour m'engueuler, personne pour me booster, personne pour m'envoyer ces petites phrases vicieuses qui vous coupent le souffle... (je dois être un peu maso quand même). Et surtout, aucun canon aux alentours, c'est désespérant.

C'est pourquoi, quand j'entre dans la salle des bureaux aujourd'hui, et que je vois au fond que la porte du patron est ouverte, j'ai presque envie de m'y précipiter pour le voir. Mais bon – il ne s'agissait que d'un resto, ne l'oublions pas, et on n'est certainement pas devenus copains comme cochons après ça. Donc, je m'assois sagement à ma place habituelle, et je commence sagement mon article, tout en essayant d'ignorer l'adrénaline qui court dans mes veines à la simple pensée qu'aujourd'hui, je vais le voir, et lui sourire – et lui adresser une phrase de mon choix.

Je planche sur mon travail pendant cinq longues heures avant d'avoir l'occasion de lui adresser la parole. Je ne l'avais pas vu arriver, et il dépose soudainement un dossier sur mon bureau, me faisant sursauter.

- Patron! je tente de m'exclamer, mais ça ressemble plus à un gargouillis.

Il hausse un sourcil d'un air délicieusement snob. Hé minute ! Depuis quand je trouve ça délicieux, moi ? Ah la la, tout va mal...

- C'est votre article de la fois dernière, corrigé. Je vous le redis encore une fois, Flowright, même si je sais qu'il ne sert à rien d'essayer de vous faire entrer quelque chose dans la tête, mais le travail bâclé, j'ai horreur de ça. Si vous voulez bosser pour moi, faites-le sérieusement, sinon, je me ferai un plaisir de vous virer.

- Mais c'est vous qui m'avez obligé à l'écrire en moins de quatre heures ! je m'exclame indigné. Venez pas vous plaindre après !

Ses yeux brillent d'un éclair sanglant, et si je m'en sors entier, je pourrai estimer avoir eu de la chance. Impossible de lui sourire dans ces conditions, par contre...

- Ce n'est pas une excuse, rétorque-t-il d'un ton glacial, j'ai bien passé quatre heures à corriger vos fadaises pour en faire quelque chose de potable, moi. Et encore, vu tout ce qu'il y avait à corriger, c'est presque comme si je l'avais entièrement réécrit, alors ne venez pas vous plaindre de n'avoir eu que quatre heures. Après tout, si vous n'aviez pas séché le travail toute la matinée, vous n'en seriez pas là. La prochaine fois que vous me rendez un torchon comme celui-là, je vous garantis que vous allez le sentir passer.

Il me fixe d'un air mauvais, apparemment inconscient qu'on est la cible de tous les regards, comme toujours, et moi, je ne sais pas – je dois l'oublier aussi pendant un instant, peut-être parce que ses yeux sont trop rouges, en tout cas, la phrase sort de ma bouche avant même que la pensée ne se soit formulée dans ma tête.

- Vous voulez venir boire un verre avec moi, ce soir ?

Un silence de mort tombe sur la salle, et je sens mes joues flamber de honte. Mais qu'est-ce qui m'a priiiis ! Bon enfin, ça servira pour le pari que j'ai fait avec Pio, tiens... M'enfin, quitte à me prendre un vent, j'aurai préféré que ça ne soit pas devant tous mes collègues, qui me regardent comme si j'étais un martien.

- D'accord, répond Kurogane. Huit heures devant mon bureau, si vous êtes en retard, vous êtes mort.

Et sans un mot de plus, il retourne vers son bureau et ferme la porte derrière lui, et je reste comme frappé par la foudre. Il a accepté ! Dire que je regrettais d'avoir dit la phrase parce que j'avais peur de me prendre un vent... C'est là que je me rends compte que ce n'était pas le vent, le pire des deux. Maintenant, je ne vais pas pouvoir penser à autre chose de la journée. Il faut que j'en parle à Pio.

.oOo.

14h29. Bib is online.

Bib says : Pio, mon ami ...

Pio says : XDDDD ne dis rien. Tu lui as souri ?

Bib says : mais même pas. J'ai fait pire. Je l'ai invité à venir boire un verre avec moi.

Pio says : O_O sérieux ?

Bib says : pendant qu'il était en train de m'engueuler.

Pio says : amagad, terrible XDDDD il a refusé ?

Bib says : non c'est ça le pire du pire, il a accepté !

Pio says : LAWL xD

Bib says : bah au moins, je l'ai dite, ta phrase embarrassante...

Pio says : j'avoue que c'est fort. =3 Mais t'as pas souri ?

Bib says : la journée n'est pas encore finie...

Pio says : c'est vrai :D alors, on fait un nouveau pari ?

Bib says : et le sourire ?

Pio says : toujours en cours. T'en auras deux à faire... t'es cap ?

Bib says : ça dépend du défi ...

Pio says : si tu gagnes, on se fait notre IRL samedi prochain. Si tu perds... on ne se fait pas d'IRL.

Bib says : quoi ? C'est dégoûtant ! Et si je perdais ?

Pio says : arrange-toi pour ne pas perdre, alors =D

Bib says : c'est quoi ton défi ?

Pio says : je réfléchis ... Dis-moi, c'est quoi ton cocktail préféré ?

Bib says : hum ? Le mojito.

Pio says : d'acc... bon alors j'ai une idée. Tu vas demander à ton boss de deviner quel est ton cocktail préféré. S'il devine juste, on se fait l'IRL samedi, et s'il ne devine pas, je te laisse le choix de la date.

Bib says : hum... ça change quoi alors ? Je pourrai très bien programmer notre IRL à samedi.

Pio says : on peut changer le gage, si tu veux. S'il gagne, tu l'embrasses. S'il perd, à notre IRL de samedi, c'est moi que tu embrasses.

Bib says : le retour du pervers xD de toute façon, j'oserai certainement pas l'embrasser... et il devinera pas non plus...

Pio says : bon ben si t'es sûr qu'il devinera pas, ça te coûte rien d'accepter pas vrai ?

Bib says : mmh... c'est vrai...

Pio says : on résume : tu me dois un verre, un resto, je te dois un baiser, si tu souris, tu pourras m'embrasser où tu veux sur le corps, et s'il devine, tu l'embrasses, et s'il ne devine pas, tu m'embrasses moi.

Bib says : ça fait beaucoup de baisers tout ça.

Pio says : on peut changer, si tu veux quelque chose de plus fort...

Bib says : une idée en tête ? =P

Pio says : des tas, que la bonne morale réprouve...

Bib says : intéressant ! Bon, s'il ne devine pas... je t'offre mon corps pour samedi. *sifflote*

Pio says : oh mon dieu, je vais prier pour qu'il ne devine pas... Du coup, s'il devine, un baiser, et s'il ne devine pas, tu m'offres ton corps ? Pas très équitable pour ton patron...

Bib says : on s'en fout, il le saura pas, muhuhu.

Pio says : c'est vrai, mais...

Bib says : je ne vais quand même pas lui offrir mon corps, à lui ! Même s'il est canon... même s'il doit embrasser comme un dieu... Même si...

Pio says : ...

Bib says : bon tu sais quoi, s'il devine, je lui offrirai mon corps, mais seulement si c'est lui qui fait le premier pas.

Pio says : donc il pourrait très bien deviner ton cocktail préféré et continuer la soirée sans savoir que s'il te le demandait, tu coucherais avec lui ?

Bib says : en gros, oui... C'est plus marrant comme ça.

Pio says : c'est toi le pervers XD

Bib says : j'avoue... xD ça doit être parce que ça fait longtemps que je suis célibataire, je suis en manque. ^_^

Pio says : dit-il de son air innocent XD bon eh bien... que le meilleur gagne, fufufu !

Bib says : je te dirai quoi !

Pio says : encore heureux ! à plus ^^

Bib says : =P see you !

15h37. Bib is offline.

.oOo.

Je sais pas pourquoi j'ai fait un tel pari. Offrir mon corps soit à Kurogane – s'il s'en rend compte – soit à Pio, que je n'ai jamais vu de ma vie... J'ai connu plus prudent, dans le genre. M'enfin c'est vrai que ça fait longtemps que je suis célibataire, après tout, et bon... c'est une aventure comme une autre...

Oh mon dieu, j'ai la trouille. Ce soir, le verre avec Kurogane. Samedi, l'IRL avec Pio. Je ferais bien un petit jeu de rôle pour me détendre, avec mon prêtre guérisseur, mais je suis au boulot là, et je suis censé travailler... Et j'y pense, je ne peux décemment pas sortir avec Kurogane ce soir en gardant ces vieilles frusques, et avec cette odeur de poney après une journée de travail dans une ambiance étouffante... C'est pas possible, il aura envie de s'enfuir dès qu'il s'assiéra près de moi. Il faut que j'y remédie.

A 18 heures 30, je quitte discrètement mon bureau et je m'enfuis à toutes jambes vers mon chez moi, qui heureusement n'est pas loin de là. En premier lieu, une douche, et une fameuse, je vous prie de me croire... je brille comme un sou neuf quand j'en sors, et si Kurogane n'est pas enivré par l'odeur de mon nouveau shampooing, ben... je sais pas ce qu'il lui faut. Ensuite, les fringues, très important, les fringues. Un jean noir, une chemise blanche... la cravate serait peut-être un peu too much. Les converses toutes noires, la classe, et je pense qu'on tient le bon bout.

... Pas que j'aie siiii envie de le séduire, non non, du tout...

Je ne sais pas, en fait. D'un côté, il y a Kurogane, mon si sexy patron, avec ses yeux flamboyants, ses lèvres qui vous donnent envie de le violer, son corps ferme et musclé... et que je connais à peine. Et de l'autre côté, il y a Pio, que je n'ai jamais vu, mais qui est mon âme sœur d'Internet, mon ami, mon amour secret, celui à qui je peux tout confier, une des personnes que j'aime le plus au monde. Je me sens comme balancé entre les deux.

Enfin, quand j'y repense, tout ça n'est qu'une vaste blague. Un pari, rien d'autre. Un moyen de s'amuser. Est-ce que ça vaut bien la peine de se prendre la tête dessus ?

Bon, ça ne m'apportera rien d'autre qu'une nouvelle crise de stress de trop réfléchir au problème, donc je décide de le mettre de côté, et à 20 heures tapantes, je me présente à la porte du bureau de mon patron.

- Entrez...

Et j'entre, et il lève les yeux vers moi, et je lis la surprise dans son regard, un bref instant, puis un sourire naît sur ses lèvres.

- Mais c'est que vous vous êtes fait beau pour moi, Flowright, je suis flatté.

Crétin, je suis toujours beau. Disons que je suis un poil mieux sapé que d'habitude. Mais je ne dis rien, parce que tout ce qui sortira de ma bouche si je décide de l'ouvrir, ça sera un borborygme, et il vaut mieux garder ma crédibilité intacte.

Il se lève, et je remarque qu'il n'est pas mal non plus, habillé tout en noir – mais de toute façon, il est toujours canon, donc... Il s'approche de moi et me murmure d'une voix si sensuelle qu'elle me donne des frissons dans le corps :

- On peut y aller...

Vu que c'est moi qui ai proposé le verre, c'est moi qui dois choisir l'endroit. Sauf que les bars gays où je traîne quelquefois ne seront sans doute pas du meilleur effet, donc je choisis un bar neutre, au cadre agréable, avec un superbe comptoir en bois verni devant lequel on s'assoit, sur les hauts tabourets.

- Pourquoi vous m'avez invité, au juste ? demande mon patron.

Ah, la question qu'il fallait pas poser...

- C'était pas prémédité, en fait, je lui avoue. Les mots sont sortis de ma bouche comme ça.

- Ah bon, réplique-t-il avec un sourire. Ça vous arrive souvent ?

Juste avec les canons, j'ai envie de lui répondre, mais je ne suis pas encore assez saoul pour ça – donc je me contente de lui sourire (et hop, mon pari à Pio !) et je dis doucement :

- Ça dépend.

Il a l'air de vouloir savoir de quoi ça dépend, mais le barman arrive et nous demande ce qu'on veut boire.

- Un Cuba Libre pour moi, dit Kurogane.

- Ok, et pour vous ?

C'est le moment ou jamais.

- Devinez, je dis à Kurogane.

- Devinez quoi ?

- Mon cocktail préféré.

Il me regarde d'un air franchement interloqué.

- Pourquoi faire ?

- Parce que je me demande si vous seriez capable...

- Evidemment que non, dit-il d'un air agacé, il n'y a pas qu'un seul cocktail au monde.

- Tenez, il est sur cette carte, devinez.

Je lui tends la carte, tandis que le barman, lassé d'attendre, est déjà parti préparer son Cuba Libre, et Kurogane scrute la carte, les sourcils froncés.

- C'est débile, dit-il, je ne vois pas comment je...

- Essayez tout de même, patron, ça ne coûte rien.

Enfin si, mais vous n'en saurez rien.

- Je ne sais pas, finit-il par dire en reposant la carte et en haussant les épaules. Un mojito.

Aussitôt, j'écarquille les yeux, l'air ahuri, et il grogne :

- Voilà, c'était pas ça, ça servait à rien que je devine.

- Un mojito ? Sérieusement ? Mais oui, c'est ça ! C'est ça ! Un mojito !

Je dois dans un état d'excitation palpable, parce qu'il me regarde d'un air déconcerté.

- Qui vous l'avait dit ? Vous le saviez ?

- C'était vraiment ça ? dit-il, les sourcils froncés. J'ai dit ça au hasard...

- Menteur ! Vous le saviez. Vous n'auriez pas pu tomber juste sur tous ces cocktails. Vous le saviez forcément. Vous êtes de mèche avec quelqu'un ! Avec Pio, si ça se trouve !

Je ne sais pas pourquoi, mais ça me paraît soudain une évidence. Il est de mèche avec Pio. Pio, qui m'a poussé à faire tous ces défis avec lui, encore et encore. Pio, à qui j'avais dit que je n'aimais pas les fruits de mer. Pio, qui sait pour quelle boîte je travaille. Pio, qui a deviné que Kurogane allait me sourire, qui a deviné qu'il allait m'appeler. Il se connaissent, c'est obligé. J'en suis sûr !

Et au moment où je me dis que je devrais arrêter ma paranoïa, et que ça serait vraiment un pur hasard si c'était le cas, Kurogane s'approche, et capture mes lèvres avec les siennes. Et d'un coup, j'arrête de penser, comme les télés quand il y a soudainement une panne de courant. Mon cerveau ne suit plus. Il ne fait que ressentir les lèvres de Kurogane contre les miennes, sa langue se frayant un passage dans ma bouche, et il ressent aussi le bond que fait mon cœur au moment du contact, et le reste, tout ce qui nous entoure, le bar, le barman, les clients, tout a disparu.

Et au bout d'un très long, ou d'un trop court moment, Kurogane se recule.

- P.. Patron, je balbutie.

Heureusement que je suis assis, sinon je serais tombé. Il embrasse encore mieux que tout ce que j'ai pu imaginer, mieux que tout ce que j'ai déjà connu.

- J'ai deviné ton cocktail préféré, murmure-t-il, tu m'offres ton corps.

Mon cœur, qui s'était envolé quelque part, revient brutalement s'ancrer dans ma poitrine. Je ne peux pas y croire. J'ai été trahi par Pio. Il a donné tous les détails de nos paris à Kurogane.

Le traître...

- Je le savais... Vous étiez de mèche avec Pio...

- Je ne dirais pas ça comme ça, répond-il, les lèvres toujours dangereusement près des miennes. Je suis Pio.

Et là, je fais une syncope. Enfin, j'en ai l'impression du moins. C'est ça quand votre cœur s'arrête de battre, non ? C'est ce qui m'arrive.

- P... Pardon ?

- Je suis Pio, répète-t-il sur le même ton si calme. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé de te le faire comprendre, imbécile.

Je le fixe, hébété.

- Pio ...? Vous êtes Pio ? Patron ... ?

Il sourit, amusé, et il n'y aucune moquerie dans son sourire, aucune ironie.

- Je peux pas y croire, je murmure. C'est pas possible, y'a une couille quelque part. Vous n'êtes pas Pio. Quel est mon pseudo internet ?

- Bib, répond-il automatiquement.

- Le niveau de mon prêtre guérisseur ?

- Trente-sept la dernière fois qu'on a joué...

La dernière fois qu'on a joué. On.

- Oh mon dieu...

Mon âme sœur, mon camarade de combat, mon partenaire de jeu de rôle, mon confident... c'est Kurogane. Mon patron.

Et j'ai dit qu'il avait des belles fesses et qu'il devait embrasser trop bien. (Ce qui était vrai d'ailleurs... mais bon ! C'est pas le moment d'y penser !)

Et j'ai dit qu'il était un boulet.

Et il a dit qu'il était amoureux de moi.

Il a dit...

Oh.

Mon.

Dieu.

- C... C'est une blague ?

Pourtant, il n'y a pas la moindre ironie dans son regard.

- C'est toi, Pio... ? Tu es Pio ?

- Oui.

- C'était toi à chaque fois ?

Il rit. Il rit, ce con !

- Oui, c'était moi à chaque fois.

- ... Et quand j'étais au boulot, comment tu faisais pour me parler ?

- J'ai un ordi dans mon bureau.

- Et quand t'étais en déplacement ?

- J'ai un ordi portable...

- J'y crois pas...

- Et moi alors, tu crois que j'ai pas été surpris quand j'ai découvert que mon Bib était ce crétin de blond de ma boîte ? Hein ?

- Je suis pas un crétin !

- Je sais. C'était pour t'énerver.

- Pio a dit que le patron était amoureux de moi...

- Il avait raison.

C'est dingue, c'est dingue, c'est dingue, c'est dingue, c'est dingue, c'est dingue, c'est dingue, c'est dingue c'est dingue, c'est...

- Depuis quand ?

- Depuis longtemps. Depuis avant même qu'il découvre que son ami d'Internet Bib et le blond en question étaient la même personne. Tu parles d'un coup du sort !

Il me regarde, et ses yeux rouges me brûlent. Mais ça ne fait pas mal.

- Tu es vraiment Pio, alors ?

- Puisque je te dis que oui, imbécile ! Dans le genre bouché, t'es champion.

Je le fixe, vexé, mais mon indignation ne tarde pas à disparaître. Kurogane is Pio. Même si je l'ai mauvaise de voir que Pio m'a trahi, voici qui règle mon problème de façon instantanée. Plus de raison d'hésiter entre les deux.

- Et notre IRL de samedi ?

- On peut tout remettre à ce soir, si tu veux, répond-il sans me lâcher du regard. Tu me dois un verre et un resto.

- Tu me dois un baiser, et je peux t'embrasser où je veux sur le corps.

- Et j'ai deviné, alors tu me donnes ton corps.

- T'as triché, tout de même... Je n'appelle pas ça gagner.

Il se penche et m'embrasse de nouveau, et mon cerveau se liquéfie aussitôt.

- J'ai gagné? demande-t-il doucement.

- Oui oui...

Il sourit. Le traître ! Profiter d'un instant de faiblesse !

- Parfait, dit-il. Alors viens, maintenant, il faut qu'on mette à jour tous nos gages.

Il règle sa consommation – puisqu'avec tout ça, je n'ai même pas commandé la mienne – et m'entraîne hors du bar en me tenant le poignet.

- Pio ? je murmure d'une petite voix, tandis qu'il m'emmène vers un endroit inconnu.

- Oui ?

Kurogane se retourne vers moi et me regarde, intrigué.

- On est IRL... je peux t'épouser ?

Il me regarde un long moment, et m'attire contre lui, avant de m'embrasser passionnément, sans se soucier le moins du monde des passants dans la rue.

- Evidemment ...

.oOo. The End .oOo.

 

 
     
     
 
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