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au 31 Mai 21 :
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k
Par Ongi
Akira  -  Action/Aventure  -  kr
1 chapitre - Rating : K (Tout public) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     1 Review    
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ThunderBird

A prendre en compte que si vous n'avez pas lu le roman Lost Souls de Poppy Z Brite, ce texte peut vous paraître très malsain ou d'un charabia incompréhensible. Il peut aussi carrément vous spoiler toute l'intrigue... Donc c'est à vous de voir si vous décidez de lire ou non.

A ceux qui lisent, bonne lecture, et à ce qui renoncent devant mon mot décourageant bonne continuation à vous quand même! :)

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La T-Bird soulevait un nuage de poussière chaude et granuleuse, les phares luttant contre la nuit et l'obscurité. Le visage de Ghost gisait sur l'appui-tête, le regard tourné vers le néant du dehors, ses cheveux d'un blanc habituellement nacré éparpillés sur le cuir rapiécé, emmêlés et ternes.

Steve ne pouvait voir – malgré les incessants coups d'œil qu'il lui jetait – que le reflet flou et peu fidèle de la vitre. Cependant, il imaginait sans peine le visage de Ghost lorsque celui-ci consentirait enfin à le lui montrer. La pâleur lunaire de son teint serait sans doute davantage renforcée par les cernes noirs et les veines bleues qui maculeraient le contour de ses yeux, juste au-dessus de ses pommettes. Pommettes saillantes, joues creuses, lèvres abimées. Le tourment personnifié.

Et si Steve pouvait prédire l'apparence de son ami avant même que celui-ci ne consente à lui exposer son visage, ce n'était pas grâce un don magique. Seul Ghost en était capable. Mais Ghost était trop occupé. Occupé à s'accabler de remords et de honte, ou bien à rêver (ou plutôt cauchemarder). Non, si Steve était capable de prévoir cela, il le devait essentiellement au rétroviseur intérieur de la T-Bird qui lui renvoyait son propre regard usé et vide.

La route était cahoteuse, et pour tout dire, Steve n'avait aucune idée où elle les conduirait. En fait, peu lui importait, tant qu'elle les amenait loin, très loin de la Nouvelle-Orléans. Tant qu'elle leur permettrait de tenir en respect tout ce foutu merdier qu'était devenue leur vie. Malheureusement, ils pouvaient fuir, ils pouvaient nier le jour et biaiser au crépuscule, la nuit les retrouvait toujours, parvenant même parfois à les surprendre malgré la vigilance constante que s'efforçait d'appliquer Steve. Et lorsque que venait la nuit, ses larges mains se faisaient blafardes et rudes sur le volant, tâchées de ses crimes et ses erreurs passés.

Tous mes rêves se meurent à quatre heures du matin. (*)

Ces mains qui avaient empoigné le poignard rutilant, qui l'avaient plongé sans aucune hésitation dans un cœur palpitant et mort à la fois. Ces mains qui pouvaient autant s'acharner des heures durant sur une guitare que sur les bouchons des bouteilles. Ces mains qui avaient projeté Ann sur le lit, qui l'avaient contrainte, forcée, qui avaient défait avec précipitation la boucle de sa ceinture et qui s'étaient ensuite empressées de la violer.

Mais elle l'avait mérité. Elle l'avait mérité autant qu'il en mourrait honte.

Ann était une salope, une pute qui s'était hâtée de le tromper lorsque les choses avaient commencé à mal tourner entre eux. Ann était – non, avait été – à la fois sa petite amie et la seule personne au monde à révéler le pire en lui. Il l'avait violée lorsqu'elle l'avait trompé. Il avait failli cogner Ghost lorsque celui-ci avait rendu visite à Ann. Et il avait tué pour elle, pour venger cette morte, arrachée à la vie par la semence féconde de ce démon, de ce Zillah. Par ce monstre qui grandissait dans son ventre et que Ghost et lui avaient tenté de tuer avant qu'il ne l'éventre pour sortir. Mais le poison d'Arkady avait tué les deux : Ann et ce fœtus répugnant. Alors Steve avait pris le poignard et Ghost avait suivi, bien malgré lui. Steve avait voulu tuer Zillah, et tous les autres, mais Zillah plus encore. Christian était allongé sur son chemin lui barrait l'entrée et le désir de sang, de vengeance avait balayé tout le reste. Les tuer, tous. En finir avec ces monstres, ces suceurs de vie. Car le sang c'est la vie… (*)

Mais le pire, le pire de tout ce putain de désastre avait été sans nul doute Ghost.

Gost qui avait été obligé de poignarder la tempe de Zillah pour le sauver. Parce que lui, Steve, avait été assez bête pour ne pas récupérer son arme, plantée dans le cœur de Christian.

Que Steve soit un assassin, passe encore. Mais que Ghost en devienne un – par sa putain de faute, en plus ! – lui semblait être l'élément le plus atroce de toute cette sordide histoire.

Survivre à la nuit. Survivre à la Nuit. (*)

Parfois, Ghost s'agitait quelque peu. Rien de très visible, qui ne pouvait être perçu que par un observateur attentif ou inquiet. Et Steve était inquiet. Le tapotement d'un doigt sur la vitre, la cage thoracique qui se soulevait un peu plus sous l'impulsion d'un soupir, les pieds qui glissaient sur le cuir du siège, les genoux remontés contre la poitrine qui semblaient prêts à lui transpercer le torse.

Steve ne savait plus combien de temps cela faisait. Combien de temps roulaient-ils ainsi, fuyant la Nouvelle-Orléans, abandonnant Missing Miles derrière eux ? Trois, quatre jours ? Peut-être plus. Ils ne s'étaient arrêtés que pour nourrir le tas de ferraille qu'était la T-Bird, et si Steve avait lorgné en direction des stations-services dont les étals débordaient de sucreries ou des distributeurs automatiques, Ghost n'avait pas bougé de son siège. Ghost n'avait pas bougé et Steve n'osait pas le déranger, ni même lui parler. Ils n'avaient pas mangé, pas bu – et même quasiment pas dormi en ce qui concernait Steve – pas chanté. La voix de son compagnon lui manquait. Ghost marmonnait bien dans son sommeil, mais les mots et les sons étaient pour la plupart incompréhensibles, inaudibles et ne suffisaient pas à son désir d'entendre Ghost lui parler de nouveau, comme avant. En revanche, il pouvait entendre le roulis des bouteilles pleines sur le plancher de la T-Bird. Il avait été tenté d'en attraper une et de recommencer à boire. Mais un coup d'œil vers le corps recroquevillé à la place du mort le dissuadait. Lors de cette nuit maudite où Ghost avait dû tuer pour le protéger, il était saoul. Steve Finn était un assassin et un ivrogne, soit. Mais Ghost n'aurait jamais dû entrer un jour dans l'une ou l'autre de ces catégories. Ghost était bon, pur et généreux. Et Steve l'avait obligé à piétiner ce qui faisait de lui un être extraordinaire. Plus il y réfléchissait, plus il aurait préféré mourir sous les dents de Zillah que de forcer Ghost à se parjurer ainsi. Il avait franchi les limites. Il avait écrasé la seule chose grâce à laquelle son monde tournait encore rond.

La mort est si facile. (*)

Il avait envie de vomir. Ghost avait passé la majeure partie de sa vie à rester avec lui, à être l'ami, le frère fidèle qu'on puisse connaître. Et Steve ne le remerciait en lui faisant accomplir l'acte le plus difficile de toute son existence. Il se regardait par moment dans le rétroviseur de la T-Bird et se forçait à penser : tu es un être haïssable, Steve Finn.

Et la carcasse rouillée roulait sans plus finir, ses passagers muets et à demi conscients. Les kilomètres engloutissaient le compteur, la route et la nuit avalaient le paysage et les grandes mains de Steve se fermaient spasmodiquement sur le volant ou le levier de vitesses, gardant en mémoire la sensation du manche du poignard contre sa peau. Et il priait, priait pour que le matin se lève, efface la nuit. Peut-être qu'au matin Ghost lui parlerait. Peut-être qu'au matin Ghost lui dirait de faire demi-tour, qu'ils rentraient chez eux, à Missing Mile. Qu'ils n'avaient plus rien à craindre du monde de la nuit, puisque Nothing ne leur voulait pas de mal. Qu'ils allaient rentrer, enterrer Ann, se saouler, oublier…

Peut-être qu'il se remettrait à chanter ? Ou bien qu'il recommencerait à lui raconter ses rêves magiques, malsains et fascinants ? Peut-être qu'ils pourraient tous les deux redevenir Steve et Ghost.

Steve priait pour ça.

Mais surtout il priait pour que le matin vienne et le fasse se sentir moins seul, malgré la présence toute proche de Ghost.

Oui, pourvu que le matin vienne.

.......................................................................................

Les phrases suivies d'une astérisque entre parenthèses sont toutes tirées du livre lui-même.

Voilà... en espérant qu'à vos yeux je n'ai pas trop massacré l'oeuvre de P. ...

Bonne continuation à vous! :)

 
     
     
 
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