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La fureur du fleuve
Par SarahCollins
Originales  -  Mystère  -  fr
24 chapitres - Complète - Rating : T (13ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 15     Les chapitres     2 Reviews     Illustration    
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1992

REM — Everybody hurts

15. 1992

Mon âme a son secret, ma vie a son système. Victor Hugo

Mark Simmons avait été tué d’une seule balle en pleine poitrine, dans son propre bureau. Son corps sans vie avait été découvert par le jeune secrétaire de sa femme, revenu chercher les clés qu’il avait oubliées.

La police de Charlestown fit rapidement son travail (pour une fois, diraient les plus cyniques). Avant même que Peter ait pu proposer son témoignage à propos de ce qu’il avait vu près du motel, Daniel Ariyoshi avait déjà été interpellé. Apparemment, le gérant du motel où il avait passé une partie de la nuit en compagnie de son amant avait de lui-même contacté la police, en apprenant le drame.

Depuis, les journalistes campaient devant le poste de police et le siège de Save Children. La mine grave, ils répétaient que « Monsieur Ariyoshi était la dernière personne à avoir vu Mark Simmons en vie. »

— Alors ? demanda Jenny en éteignant la télévision. Qu’est-ce que tu en penses ? C’est une querelle d’amoureux qui a mal tourné ? Ariyoshi en a peut-être eu marre de se cacher et …

— Et après leur nuit à l’hôtel, il a suivi son amant pour l’abattre au bureau ? Et d’abord, en quoi est-ce que le fait de le tuer aurait amélioré leur situation ? Ce n’est pas en tuant quelqu’un qu’on le fait sortir du placard !

L’esprit tournant à plein régime, Peter s’allongea sur le lit. Il ne le disait pas à son amie mais il avait dU mal à croire que ce nouveau meurtre ne soir pas lié à celui des Quinn. La coïncidence lui paraissait trop grosse.

Mais quid de son hypothèse de départ, à savoir que Sally Quinn avait été tué par l’un des membres de Save Children parce qu’elle en savait trop sur eux ou devenait trop curieuse au sujet des rumeurs de maltraitance ? Comment le meurtre de Mark Simmons s’imbriquait dans ce scénario ?

Au bout d’un moment, Peter dut reconnaître qu’il ne s’imbriquait pas justement. Quelque chose lui échappait.

Ses jambes le démangeaient déjà, il fallait qu’il bouge. Il se releva et dit à Jenny qu’ils feraient bien de se rendre au commissariat.

— Pour quoi faire ?

— Glaner des infos, fouiner. Il y a quelque chose de pas net dans cette histoire et je veux découvrir quoi.

— D’accord. Ça tombe bien justement parce que j’avais une mission pour toi, lui indiqua la jeune femme qui se mit à farfouiller dans son sac.

—Une mission au poste de police ?

— Euh … non, à la prison du comté en fait mais tu pourras y passer après, si tu veux.

— Qu’est-ce que tu veux que j’aille faire là-bas ? s’étonna Peter.

Elle lui tendit un papier sur lequel on pouvait lire Maitre Silkwood, avocat commis d’office et un numéro de téléphone.

— C’est l’avocat de Dwight Williams, lui indiqua Jenny.

— Qui ça ?

— Un membre d’un gang local. Lui et quelques-uns de ses copains ont incendié le Quinn’s le soir de la mort de tante Sally et Ned. Je pense que ce serait intéressant d’aller lui parler mais je ne me sens pas vraiment capable de voir ce type pour le moment.

— Mais Jenny, à quoi ça servirait ? Il est déjà avéré que l’incendie et le double meurtre n’étaient pas liés.

— Ah oui ? Et selon qui ? Cet incapable d’inspecteur Ackles ? Ce n’est pas une garantie à mes yeux. Je préfère que tu ailles interroger ce Dwight Williams et que tu t’assures que le double meurtre et l’incendie du bar n’étaient vraiment pas liés.

— OK. Et comment peux-tu être sûre qu’il acceptera de me parler si je me pointe à la prison, la bouche en cœur ? On ne se connaît ni d’Eve ni d’Adam. Sans parler du fait qu’on ne me laissera sans doute pas entrer. Les prisons ne sont pas des halls de gare, Jenny.

— D’une, Dwight Williams n’a franchement plus rien à perdre. Te parler ou pas ne va pas empirer sa situation. Et de deux, je connais bien son avocat. On est allé au lycée ensemble … Dans une autre vie. Enfin bref, j’ai arrangé ça avec lui.

C’est ainsi que trois quarts d’heure plus tard, Peter se tenait devant les grilles de la prison du comté.

Grand et le crâne surmonté d’un coupe afro que Peter n’aurait jamais pu reproduire même dans ses rêves les plus fous, maître Jerry Silkwood l’attendait à l’intérieur de l’austère bâtiment. Les deux hommes se serrèrent la main.

— Mon client Dwight Williams se trouve déjà au parloir, lui expliqua-t-il.

Ils passèrent au détecteur de métaux, traversèrent l’aile nord de la prison puis encaissèrent sans sourciller une fouille au corps avant d’accéder au parloir. Williams, vêtu de la tenue orange traditionnelle des détenus, les salua d’un signe de la tête.

— Alors c’est vous Peter Westerfield ?

— En effet. J’enquête sur la mort des Quinn.

— Qui ça ?

— Ned et Sally Quinn, précisa Peter sans perdre son calme. Ce sont les gens qui sont morts dans l’incendie du bar auquel vous avez foutu le feu. Vous ne vous en souvenez plus ? Il me semble pourtant que c’est pour cette raison que vous êtes …

Il embrassa d’un geste dédaigneux les murs d’un gris sale, les chaises inconfortables et le reste des détenus.

— …ici, acheva-t-il.

— J’ai rien à voir avec la mort des deux vieux. Même la police et le proc' ont fini par le reconnaître qu’ils ne pouvaient pas me mettre ça sur le dos. Et c’est pas faute d’avoir essayé.

— Je sais que l’incendie n’a pas tué les Quinn mais je me demandais … si tout ça n’était pas un peu lié malgré tout. D’abord un double meurtre et ensuite un incendie, tout ça en l’espace d’une seule soirée. Sacrée coïncidence, n’est-ce pas ?

Dwight Williams se tourna vers son avocat, un sourcil levé, puis de nouveau vers Peter.

— Vous n’êtes pas de la police ? finit-il par demander.

— Non, pas du tout.

—Et vous ne bossez pas non plus pour le bureau du proc' ?

— Non plus. Quoi ? Quel est le problème ? s’enquit le jeune détective en voyant Williams faire la moue.

— Je vois pas trop pourquoi je devrais vous parler. C’est vrai, quel avantage y'a pour moi ? C’est pas comme si vous pouviez m’obtenir une remise de peine ou de meilleures conditions de détention, n’est-ce pas ?

Jerry Silkwood leva les yeux au ciel.

— Non, M. Westerfield ne peut pas vous obtenir de remise de peine ni de quelconque arrangement avec la justice mais ça ne coûte rien de répondre à ses questions.

— Donc, vous ne connaissiez ni Ned ni Sally Quinn ? commença Peter. Mais est-ce quelqu’un vous a payé pour mettre le feu à leur établissement ?

— Oui.

Peter releva brusquement la tête, n’en croyant pas ses oreilles.

Oui ?

— Mec, faudrait écouter un peu. C’est ce que je viens de vous dire, non ?

— Je ... Qui ça ? Qui est-ce qui vous a payé ?

— Un homme blanc, la quarantaine, bien baraqué. Et armé. Il est venu me voir au garage et il m’a proposé un paquet de fric pour foutre le feu au bar.

— Combien ? demanda Pete, toujours stupéfait.

— Cinq mille.

Un simple coup d’œil vers Silkwood lui confirma ce qu’il soupçonnait : l’avocat non plus n’était pas au courant et peinait à croire ce qu’il entendait.

Soudain, Dwight Williams éclata de rire.

— Qu’est-ce qui vous fait rire ? demanda sèchement le jeune détective.

— Que ce mec m’ait filé tout ce blé pour faire quelque chose que j’aurais sans doute fait quoi qu’il arrive.

Cette fois, Peter n’était pas sûr de comprendre. Il demanda au détenu de s’expliquer.

— Mes potes et moi, on s’en serait pris à ce fichu bar à un moment ou à un autre.

— Mais pourquoi le Quinn’s ?

—Écoutez, m’sieur Westerfield … Vous n’êtes pas du coin, hein ?

— Non, en effet, je vis à New York.

— Alors, c’est pas étonnant que vous pigiez pas. Mais sachez que quand on vit à Charlestown, que des mecs de South Side comme moi et mes potes foutent le feu à un resto de Silver Lake, c’est tout à fait logique …

Peter réfléchit, tentant de rassembler ses souvenirs.

— D’après ce qu’on m’a dit, Silver Lake, c’est le quartier huppé de la ville, déclara Peter, qui cherchait l’approbation muette de Silkwood. South Side, c’est la cité, n’est-ce pas ? Mais les Quinn ne roulaient pas sur l’or, vous savez. Loin de là. 

— Et ça change que dalle, mon pote. Les deux vieux tenaient un bar à deux pas du lycée Hudson …

— Attendez, laissez-moi vous expliquer, intervint son avocat alors que Peter était de plus en plus perplexe. Les émeutes ont éclaté à la suite de la mort d’une jeune fille noire de South Side.

— Elle s’appelait Michelle Duncan et c’était la meilleure amie de mon frangin.

— Michelle se trouvait en compagnie de deux jeunes étudiants issus de ces quartiers huppés justement quand elle est morte, reprit Silkwood. L’un d’entre eux est le fils d’un puissant industriel local. Son corps a été retrouvé le lendemain de sa mort dans le fleuve et au premier abord, il semblait qu’elle était tombée du pont à cause de l’alcool et du manque de visibilité puis qu’elle s’était noyée. C'est en tout cas ce que tout le monde croyait.

—Mais ce n’était pas le cas ?

— Non, il s’est avéré que noyade il y avait bien eu, mais dans une baignoire. C’est à ce moment-là que les versions divergent. Les deux étudiants soutiennent qu’ils ont pris de l’alcool et du LSD et que la noyade est survenue après, par accident tandis que les proches de Michelle et quelques autres pensent …

— Que ce sont des conneries ! Une fille se noie dans leur salle de bain et ils décident de balancer le corps dans le fleuve ! Ensuite, ils retournent dans leur fac de fils à papa comme si de rien n’était. Vous trouvez ça normal monsieur Westerfield ?

Ne pouvant que constater qu’ils s’éloignaient de leur sujet de départ, Peter secoua brièvement la tête.

— C’est étrange, vous avez raison. Et donc, votre bande et vous avez incendié le Quinn’s par vengeance envers les habitants de Silver Lake en général ? Pour venger la mort de cette jeune fille ?

— Ouais, en signe de protestation, mon pote.

— Quand vous avez mis le feu, vous n’avez rien remarqué de suspect autour du bar ? Personne ne rôdait dans le coin ?

— Non, sinon, on se serait tiré aussi sec.

— Comment puis-je savoir que ce n’est pas vous qui avez tiré sur les Quinn en fin de compte? Puisque vous avez mis le feu à leur établissement ?

Williams haussa les épaules d’un air indifférent tandis que maître Silkwood fusillait Peter du regard. Il savait qu’il outrepassait les limites mais il fallait qu’il pose la question. Il croyait le jeune détenu quand il affirmait que la police et le procureur avaient fait leur possible pour l’inculper pour le double meurtre mais jusqu’à présent, les autorités de Charlestown avaient commis gaffe sur gaffe. Il ne leur faisait pas confiance

— Désolé, monsieur le détective privé mais vous allez devoir me croire sur parole, finit par déclarer Dwight Williams.

— Je n’arrive pas à croire qu’il ne l’ait pas dit plus tôt, lui confia plus tard Jerry Silkwood alors qu’ils quittaient le parloir. Si j’avais su qu’on l’avait payé pour cet incendie, ...

— Qu’allez-vous faire maintenant, avec cette nouvelle information ?

— Essayez de trouver celui qui l’a payé pour commencer. Je suis désolé mais je vais devoir vous laisser. Je dois me rendre au tribunal. Vous passerez le bonjour … enfin, vous direz à Jenny que toutes mes pensées l’accompagnent.

— Pourquoi ne pas l’appelez vous-même ? s’étonna Peter. Ou bien vous pouvez passer à l’hôtel.

— Oh … Oui. Je ferais ça, enfin si … Bon, au revoir.

Et il s’en alla.

OooOo

Peter parti pour la prison du comté, Jenny cessa de jouer les malades et quitta le lit.

Elle espérait qu’il avait avalé son histoire de maux de tête et n’allait pas trop s’interroger. Il ne fallait surtout pas qu’il comprenne les raisons pour lesquelles elle n’avait aucune envie de l’accompagner et surtout de revoir Jerry Silkwood.

A part elle, personne n’était au courant, en tout cas personne de vivant et même si Peter était son meilleur ami depuis plus de dix ans, elle tenait à garder cette partie de sa vie « passée » sous scellé. Les souvenirs de cette époque étaient encore trop douloureux pour être remués.

Se rappelant le documentaire en préparation sur Save Children, elle contacta la réalisatrice de celui-ci, une certaine Raquel Payton. Ancienne prostituée, elle avait elle-même fait adopter son bébé par l’intermédiaire de l’organisation « caritative ».

Comme elle ignorait si la réalisatrice avait déjà entendu parler de sa tante, elle choisit après réflexions d’envoyer un e-mail sans mentionner Sally et quémanda simplement des renseignements sur le documentaire et de possibles cas de maltraitances au sein de SC.

Lorsqu’elle eut fini, elle ralluma la télévision. Les chaînes locales parlaient toujours du meurtre de Mark Simmons bien entendu.

— Nous pouvons désormais confirmer, déclarait le présentateur, que Daniel Ariyoshi, l’associé et amant de la victime, avec qui il avait passé une partie de la soirée dans un motel, a été relâché il y a moins d’une heure. D’après nos informations, son avocat a pu fournir la preuve de son innocence sous la forme d’un solide alibi. Il aurait en effet été photographié à un péage à l’heure supposée de la mort, et ce, à plusieurs dizaines de kilomètres du siège de l’association Save Children.

Jenny baissa le son, peu surprise. Peter avait raison depuis le début, la version de la querelle amoureuse ne tenait pas la route. Bien trop commode.

S’il y avait bien une chose qu’elle avait apprise au cours des deux semaines, c’est qu’elle ne devait surtout pas demeurer inactive. Sinon, elle se mettait à ruminer et à déprimer. Ce qui était inutile et contre-productif. Elle n’était restée à Charlestown – et avait demandé à Peter de faire de même – que pour une seule raison : retrouver le meurtrier de sa tante et Ned. Ce n’était pas le moment de se laisser distraire et de prendre le risque de se détourner de son but.

De son regard bleu, la jeune femme balaya la pièce jusqu’à ce que ses yeux tombent sur ce qu’elle cherchait : sous l’armoire, le carton contenant tout ce que Peter et elle avaient trouvé dans le box de sa tante. Elle ouvrit la boîte et relut une énième fois l’article sur la mort de Uliana Golovkina.

Que leur avaient dit les Simmons déjà ? Ah oui, que tante Sally avait quitté leur association de malheur pour l’hôpital de Charlestown afin de mieux s’occuper de Jenny. Sauf que …

La jeune femme fronça les sourcils, troublée. Elle le réalisait seulement maintenant mais cette explication ne tenait pas du tout la route et ce, pour une raison très simple. Elle aurait dû le comprendre avant.

Soudain saisie d’un regain d’énergie, elle rangea l’article de presse dans son sac, griffonna à la hâte un mot à l’intention de Peter et quitta l’hôtel.

— Que faites-vous ici ? lui demanda d’un ton peu amène une Barbara Simmons aux traits tirés et aux yeux rougis par le chagrin.

— Il faut que je vous parle de ma tante.

— Ecoutez, mademoiselle Brian, mon mari est mort dans d’horribles circonstances il y a moins de vingt-quatre heures, j’ai des invités qui m’attendent et je n’ai pas …

— Et ça m’est parfaitement égal.

— Oui, eh bien, pas …

— C’est au sujet de Uliana Golovkina, ajouta sèchement Jenny.

Comme elle s’y attendait, la vielle femme, nouvellement veuve, blêmit. Elle recula d’un pas et ferma un bref instant les yeux, comme pour ne pas affronter les horreurs de son passé. Puis elle hocha la tête et s’effaça pour laisser entrer Jenny.

La résidence des Simmons dénotait la position sociale prépondérante du couple. Plusieurs portraits d’enfants souriants posant avec des parents qui les couvaient du regard courraient le long des murs du hall d’entrée. Et ceux dont l’enfance – quand ce n’était pas la vie entière – avait été brisée par la légèreté et l’appât du gain des Simmons, où étaient-ils ? se demanda amèrement Jenny.

— Montons, lui intima Barbara Simmons revenue dans la vaste entrée.

Les deux femmes gravirent le majestueux escalier et entrèrent dans la première pièce à l’étage, un bureau.

Une fois assise, Jenny ne perdit pas de temps.

— Je veux savoir pourquoi est-ce que ma tante a quitté Save Children.

— Je vous l’ai déjà expliqué. Il était beaucoup plus pratique pour elle de travailler à l’hôpital de Charlestown maintenant qu’elle vous avait à charge.

— Plus pratique comment ? s’exclama Jenny. Cet hôpital était plus éloigné de la maison que le siège de SC et je suis certaine qu’elle gagnait bien plus en travaillant pour vous que pour un hôpital public. Alors quel avantage pouvait-elle bien en tirer, expliquez-moi ?

— Eh bien, je ne sais pas … C’est ce qu’elle nous avait dit à l’époque, à Mark et à moi.

— Vraiment ? Elle vous a dit qu’elle quittait SC parce que j’étais venue vivre avec elle après la mort de mes parents ? Vous êtes vraiment sûre de cela, madame Simmons ? insista Jenny en voyant son interlocutrice hocher la tête.

— Oui.

— C’est étrange, voyez-vous, parce que mes parents sont morts en 88 et que je suis directement venue m’installer à Charlestown chez ma tante, rappela-t-elle d’un ton douloureux. Donc bien avant qu’elle ne quitte Save Children. Vous mentez, madame Simmons. Je crois que son départ est davantage lié à …

Elle sortit de la poche de son pantalon la page de journal froissé et la posa sur la table. 

— … cet événement.

Une nouvelle fois, Mme Simmons ferma les yeux mais Jenny était décidée à ne pas la laisser se dérober. Elle lui ferait avouer la vérité, quoi qu’il lui en coûte, peu importait le temps que ça lui prendrait, l’énergie que cela nécessiterait.

— Dites-moi la vérité, madame Simmons. Ça ne peut que vous faire du bien, vous libérer. Votre mari est mort et vous n’avez plus de compte à rendre personne désormais. Plus de secret à garder. Il n’y a que vous et votre conscience.

Etait-il vraiment judicieux de parler conscience avec une femme qui n’avait pas hésité, et ce des années durant, à se livrer à un trafic de bébés ?

Mais contre toute attente, les paroles de Jenny semblèrent toucher la vieille dame. Avec une infinie lassitude, elle se leva et se posta près de la fenêtre, lui tournant le dos. Enfin, elle se mit à parler.

— Uliana Golovkina est morte dans l’une de nos résidences, à cause de nous. Quand je dis « nous », je parle de Mark et moi. Votre tante a essayé de la sauver mais nous l'en avons … empêchée.

— Que s’est-il passé ?

— Uliana était l’une de nos filles. C’est votre tante qui s’est occupée d’elle durant sa grossesse. Tout se déroulait normalement mais au moment de l’accouchement, il y a eu des problèmes. Beaucoup.

— De quel genre ?

— Je ne sais plus exactement mais votre tante était inquiète. Elle disait que Uliana perdait beaucoup trop de sang, qu’elle avait besoin d’une césarienne en urgence et peut-être même d’une hystérectomie, se souvint Barbara.

— Et je suppose qu’elle n’avait pas à disposition le matériel nécessaire pour ce genre d’intervention ? Votre mari et vous, trop occupés à vous remplir les poches, n’avez jamais songé à ce qui se passerait en cas de complications lors d’un accouchement ?

Mme Simmons lui adressa un regard suppliant.

— Sally était une sage-femme plus que capable et nous n’avions jamais rencontré de problèmes auparavant. Si nous avions su à quel point la situation était critique pour Uliana, …

Si vous aviez su ? s’écria Jenny, incapable de se retenir plus longtemps. Mais vous le saviez ! Ma tante vous avait dit qu’elle avait besoin d’aller à l’hôpital mais vous avez refusé !

Mark a refusé. Il craignait que ça fasse échouer l’adoption.

— Oui, en gros du moment que le bébé allait bien et qu’il pouvait toucher son paquet de fric, il se fichait du reste ! Y compris de cette pauvre Uliana. Et c’est ce qui l’a tuée.

— Votre tante a réussi à sauver le petit garçon et je l’ai amené à ses parents. Le temps était glacial cette nuit-là et il neigeait. Je me rappelle que je le tenais tout contre moi, pour le réchauffer. J’avais l’impression qu’il s’accrochait à moi, se rappela-t-elle. Ensuite, sa mère l’a pris dans ses bras et son mari et elle ont quitté la ville peu après.

— Et savaient-ils que pendant ce temps-là, votre mari était en train de se débarrasser du corps d’une innocente jeune fille, la mère de cet enfant, dans un squat ?

Barbara Simmons secoua la tête.

— Quand elle l’a su, Sally a menacé de nous dénoncer à la police mais Mark lui a répliqué qu’elle était au moins autant impliquée que nous, si ce n’est plus puisque c’était elle qui l’avait fait accoucher. Elle risquait de ne plus jamais pouvoir exercer son métier ou pire, d’aller en prison.

— Alors elle a accepté de se taire, murmura Jenny.

Elle secoua la tête, consternée, se demandant qui était donc cette femme qui l’avait presque élevée et qu’elle ne reconnaissait plus à présent.

Mme Simmons hocha la tête et se retourna, les yeux débordant de larmes à peine contenues.

— Mais, en fin de compte, elle a fini par partir non ? dit Jenny qui peinait à se reprendre.

— Oui. Elle s’est rendu compte que ce secret devenait trop lourd à garder pour elle et elle a quitté l’association en début d’année suivante. Voilà toute l’histoire.

 
 
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