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au 31 Mai 21 :
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Ezéchiel [Sous contrat d'édition]
Par Natalea
Originales  -  Fantastique  -  fr
16 chapitres - Complète - Rating : K+ (10ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 11     Les chapitres     7 Reviews    
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11. Théories

En se réveillant ce matin-là, Cal avait les idées claires sur un certain nombre de choses. Premièrement, il ne fut pas surpris de retrouver la trace brune sur le miroir, qu'il tenta d'essuyer avec un mouchoir sans recueillir quoi que ce soit.

« Après le délire que tu t'es déjà fait sur le tatouage, ça n'a rien d'étonnant... »

Deuxièmement, son rêve lui était revenu comme les autres fois, mais il était moins... clair. Il se rappelait tout parfaitement, jusqu'au moment où il avait quitté le lycée avec Ryu. Ensuite, il s'enfonçait dans un flou confus de lieux et d'heures mélangés. Certaines images sortaient du lot, très nettes, tels de brefs repères chronologiques, mais c'était tout. Il avait une vague idée de ce qu'il avait fait, mais les gens autour de lui, les conversations, les sons, les odeurs, plus rien ne parvenait à son esprit. Comme s'il s'était isolé dans une bulle de verre, déformant sa vision, sans rien ressentir d'autre qu'une profonde sérénité intérieure. Les images se fondaient ensemble dans l'oubli, comme sont censés le faire, justement, les véritables rêves.

Ceci l'amenait à sa dernière conclusion : il était temps qu'il parle à quelqu'un, et vite. Car même au bout de son troisième réveil, il se sentait toujours aussi troublé, décalé. Angoissé jusqu'au plus profond de lui-même, ce qui devait être l'émotion la plus perturbante qu'il avait jamais éprouvée.

Il avait su à qui se confier avant même de se lever, c'est pourquoi, après les cours, Cal alla sonner chez les Lépervier.

Anna lui ouvrit la porte, à peine étonnée :

— Tu aurais dû me dire que tu passais : on serait rentrés ensemble, sourit-elle.

— J'avais des trucs à faire avant, éluda Cal du mieux qu'il put. En fait, je voudrais parler à ton père, pour la dissertation de la semaine prochaine.

— Bien sûr, viens.

Anna suspendit sa veste à un crochet dans le couloir, puis lui bloqua la route avant qu'il puisse faire un pas de plus :

— Tu te décides enfin à profiter de ta position privilégiée ? lança-t-elle en le prenant par la taille.

— Quelle position ?

— Celle de sortir avec la fille du prof.

— Dis donc, le privilège est cher payé.

Elle prit son air faussement indigné, mais Cal l'embrassa sur la joue pour qu'elle le laisse passer :

— Il est dans son bureau, lui indiqua la jeune fille.

— Merci.

La maison des Lépervier avait tout d'une belle demeure à l'ancienne : sombre, lambrissée, plancher au sol et tapisseries aux murs, mais elle restait malgré tout modeste et donc : chaleureuse. Elle échappait à l'atmosphère lourde des vieilles résidences familiales, celles où les chambres se succèdent par dizaines sans personne pour les remplir, si ce n'était la poussière. Elle donnait l'impression de vivre perpétuellement : les craquements, l'odeur des vieux parquets cirés, le souvenir des feux de cheminée dans les fibres des tissus, et même le bruissement inévitable des souris d'un bout à l'autre de la maison ; tout cela en faisait une demeure tellement plus humble que celle de Cal et, en même temps, beaucoup plus respectable. Il y avait une histoire dans ces lieux. Celle de gens qui avaient vécu et aimé ensemble pendant des générations. Cal appréciait cette atmosphère.

Le bureau de Charlie se trouvait tout au bout d'un couloir étriqué, un peu inquiétant, tapissé de voliges noires. Cal ne se laissa pas impressionner par l'esprit des lieux et frappa à la porte :

— Cal, se réjouit Charlie dès qu'il l'aperçut. Tu restes dîner ce soir ?

— Je ne crois pas, non, on a trop de travail.

Charlie lui fit un clin d'œil :

— J'ai bien peur d'en être responsable.

— Entre autres...

— Allons donc. « La notion d'inconscient introduit-elle la fatalité dans la vie de l'homme ? » C'est passionnant comme sujet de dissertation.

— Je ne dis pas le contraire. Mais, Charlie... Ce n'est pas vraiment de ça que je voulais te parler, en fait.

Charlie dut lire l'inquiétude sur son visage, car ses traits prirent aussitôt un air attentif. Cal s'était toujours senti transparent en sa présence. La seule personne capable d'anticiper ses émotions avec autant de justesse, c'était Ariane.

— Assieds-toi, lui intima Charlie d'une voix douce, mais ferme. Raconte-moi tout. Tu as des problèmes au lycée ? Anna m'a dit que tu avais l'air fatigué hier matin.

Cal tritura ses doigts quelques secondes, le temps de préparer ses mots. Une fois lancé, il ne s'arrêterait plus.

— Je n'en ai pas parlé à Maman ni à Anna, prévint-il.

— D'accord.

— Voilà, depuis trois ou quatre jours, je fais des rêves bizarres.

Charlie haussa un sourcil, et Cal se dépêcha de préciser :

— Des cauchemars, en fait.

— Et ça te perturbe ?

— Il y a quelque chose qui ne va pas. Tu sais, je ne me souviens jamais de mes rêves d'habitude, c'est la première fois que ça m'arrive. Mais le pire, c'est qu'ils ont l'air d'être reliés entre eux. Ils se suivent les uns les autres, comme s'ils racontaient une histoire, tu comprends ?

— Bon, et qu'est-ce qui se passe dans ces rêves ?

Charlie parlait d'un ton apaisant. Il avait cette qualité si rare chez un adulte de ne pas mettre sa parole en doute, de l'écouter jusqu'au bout avant de porter sur lui un jugement.

— C'est traumatisant, avoua Cal. Je t'assure, quand je me réveille... je suis soulagé ! J'incarne une espèce de tueur à gages. Je travaille pour un gang, dans une grande ville que je ne reconnais pas. Et dans chaque rêve, je massacre des gens. J'ai tué un ado de mes propres mains en le tabassant ! Ensuite, j'ai abattu une femme et son petit garçon, chez eux, avec un pistolet. La nuit dernière, c'était des lycéens.

— Des gens que tu connais ?

— Non, je ne reconnais personne. Sauf moi-même.

— Tu veux dire que c'est vraiment toi qui agis, tu ne joues pas le rôle d'une autre personne ?

— Non. J'ai vu mon reflet dans un miroir : c'était bien moi. Je vois à travers mes propres yeux. Et si ce n'était que cela ! C'est moi qui agis, qui pense, qui ressens ! Tout est si précis ! Je t'assure, au moment où je me réveille, j'ai encore les sensations de ces visions en moi. Je peux me rappeler de tout dans les moindres détails, jusqu'aux objets que j'ai touchés. Je ne sais pas à quoi sont censés ressembler les véritables rêves, mais ceux-là m'ont l'air trop réels.

— Explique-moi pourquoi cela t'angoisse autant.

— Tu ne te poserais pas des questions, toi ? Je fantasme que je tue des gens ! Pourquoi ? Je veux dire : je n'ai pas de violence en moi. Je ne suis pas en colère, je n'ai envie de frapper personne. Mais j'imagine que je suis un parfait salopard qui boit, qui fume, qui se drogue, l'exact opposé de ce que je suis ! Ça doit bien venir de quelque part, mais je ne comprends pas le message !

— Les rêves ne sont pas toujours là pour nous transmettre un message, tu sais, rétorqua Charlie posément. Techniquement parlant, pendant ton sommeil, le cerveau classe toutes les informations qu'il a reçues pendant la journée. Les images, les odeurs, les sons. Il crée des souvenirs ; il tisse des liens entre toutes ces données. C'est de là que viennent les rêves. L'afflux de stimuli archivés se mélange et se combine pour former des scénarios. C'est pour cela que les rêves renvoient souvent à la vie quotidienne, à la journée que tu viens d'avoir, et qu'ils n'ont ni queue ni tête. Ce n'est qu'un fatras d'informations en désordre. D'accord, ça peut parfois vouloir dire plus que cela, mais... Il ne faut pas chercher à y lire trop de choses non plus.

— Qu'est-ce que je suis censé faire alors, selon toi ?

— Déjà, ne pas paniquer pour rien. Faire de mauvais rêves, ça n'a jamais été synonyme de mauvaise santé.

— Il y a d'autres choses.

Cal baissa les yeux, le temps de décider s'il pouvait en dire plus ou non. S'il devait prendre le risque de passer pour un cinglé devant Charlie. Le visage ouvert de ce dernier le convainquit de parler :

— Quand je me réveille, je sais des choses que je ne suis pas censé savoir. J'absorbe une quantité d'informations qui ne sont pas apparues dans mon rêve. L'homme que j'incarne par exemple. Sans l'avoir vu, j'ai su qu'il lui manquait un doigt à la main gauche, et qu'il avait six ans de plus que moi. Et puis, il porte un tatouage sur l'avant-bras droit. 

Cal fouilla dans son sac pour en ressortir son esquisse :

— Regarde. J'ai réussi à le reproduire alors que j'ai toujours été nul en art. Comment tu expliques ça ? J'ai posé mon crayon sur la feuille, et le motif est venu tout seul !

Charlie ne jeta pas un coup d'œil au dessin. Au lieu de cela, il examina son visage, ce qui n'augurait rien de bon :

— Avec tous ces cauchemars, tu dois manquer de sommeil, non ? supposa-t-il.

— Non ! Maman m'a envoyé au lit hier soir alors qu'il ne faisait même pas encore nuit. Je me réveille un peu tôt, mais je ne me sens pas fatigué. Au contraire : j'ai les idées claires. Mais j'ai la certitude maintenant que dès que je retournerai me coucher, je rendosserai la peau de ce type. Qui n'est pas moi.

— Et qu'est-ce que tu en penses, toi, personnellement ? Quelles explications te viennent à l'esprit ?

Cal haussa les épaules :

— Ça me fait peur. Hier, j'étais à la boutique de tatouage et... ne le répète pas à Maman, s'il te plaît, mais j'aurais pu me faire tatouer ce même dessin si je l'avais voulu. J'aurais pu réaliser un des éléments de mon rêve, avancer d'un pas de plus vers lui. J'ai peur que...

Cal trébucha sur les mots, mais il n'y avait pas d'autres façons de le formuler :

— J'ai peur que ce soit mon futur que je vois. Aussi débile que cela puisse paraître, j'en étais si proche hier... C'est ce qui m'a dissuadé de le faire. Je ne veux pas devenir comme lui, à aucun prix.

— Comment est-il ? Comment es-tu, dans ton rêve ?

— Il s'appelle Ézéchiel.

Sorti du contexte, cela ne signifiait pas grand-chose, mais Charlie comprit instantanément ce que cela impliquait :

— Je vois... Tu es sûr que tu ne devrais pas en parler à ta mère ?

— C'est si grave que ça ?

— Non, je ne dis pas que c'est grave, Cal. Mais c'est le genre de chose dont elle devrait être au courant. Si tu te sens inquiet, il vaut mieux qu'elle te soutienne.

— Et qu'est-ce que je devrais faire alors ?

— Pour l'instant, je te conseille d'aller voir un psychiatre. Ne t'affole pas, ça ne veut pas dire que tu es fou ou qu'il y a quelque chose qui cloche. C'est juste qu'il en saura beaucoup plus que moi sur le sujet, et que lui pourra t'apporter de vraies réponses. Je dois avoir un numéro quelque part...

Charlie extirpa de l'un de ses tiroirs une carte de visite un peu froissée :

— Voilà : le docteur Véies. On s'est connus à la fac, il est très bien, tu verras. Je te prends rendez-vous pour samedi prochain ?

— Oui, aussi vite que tu peux, ça me va.

Charlie griffonna une note sur un post-it et reporta son attention sur Cal quand il vit qu'il ne bougeait toujours pas :

— Ne te stresse pas trop, Cal, le rassura-t-il en lui pressant le bras. Ça arrive à tout le monde d'avoir des soucis, ou une petite perte de confiance en soi. Et puis, ce ne sont que des rêves. Tu ne dois pas les laisser prendre le dessus sur ta vie.

Cal poussa un long soupir, expirant tout l'air de ses poumons :

— Tu as raison, reconnut-il. J'en parlerai à Maman demain, si cela m'arrive encore ce soir.

— Tu me tiendras au courant.

— Oui. Merci, Charlie.

Cal sortit du bureau sans dire un mot de plus, rouge de honte. Il se sentait affreusement gêné par ce qu'il venait d'avouer, et ce fut seulement à cet instant qu'il réalisa à quel point ces rêves l'atteignaient. L'impression d'avoir été violé dans son identité la plus intime. Il prit le temps de saluer Anna et Caroline, mais il s'enfuit avant que leur instinct redoutable ne détecte son trouble. Le conseil de Charlie tournait en boucle dans son esprit. Même pendant le dîner, il eut du mal à décourager Ariane de lui poser des questions. Au moins, la dissertation de philosophie lui servit-elle à quelque chose : il la prit comme excuse pour sortir de table aussi vite que possible.

De retour dans la sécurité de sa chambre, il alluma son ordinateur et chercha sur Internet : « Ézéchiel Calbot ». Dire qu'il n'écrivait jamais son prénom complet d'habitude, pas même sur ses copies de classe...

Il ne trouva aucune mention intéressante, si ce n'était le nom de son père, qui revenait plusieurs fois. Le cabinet Calbot était un véritable monstre sacré, après tout, le Saint Graal pour tout avocat aspirant à travailler un jour dans le secteur privé.

Cal se refusait à entendre la pensée qui germait en lui ; c'était trop stupide, trop surnaturel, et pourtant ses doigts bougèrent d'eux-mêmes sur le clavier, en attente d'une réponse. Il tapa : « Ryu Hinata ».

Cette fois, il n'avait pas trop d'espoir. De ce qu'il en avait vu, Ryu n'était pas le genre de personne à laisser des traces. Le Web lui donna d'ailleurs immédiatement raison : il n'obtint pour seules réponses que des sites de mangas et autres produits asiatiques.

« Est-ce que tu t'entends penser, Cal ? », intervint sa conscience.

« Tu commences à parler de lui comme s'il était une vraie personne. »

Et c'était bien ce qu'il s'efforçait de refouler. Mais parmi toutes les explications qu'il envisageait, une seule lui sautait aux yeux, de par son extrême simplicité. Si ses rêves lui paraissaient aussi réalistes, n'était-ce pas parce qu'ils étaient justement... réels ? Il refusait d'y penser, il refusait de l'accepter, mais... c'était la seule hypothèse qui l'emportait sur l'autre théorie, infiniment plus terrifiante : une vision de son propre futur, inéluctable.

La notion d'inconscient introduit-elle la fatalité dans la vie de l'homme ? Cal espérait bien que la réponse à cette question était non.

En inscrivant « Anthony Mariaquer » dans la barre de recherche, le seul autre nom qu'il avait entendu dans son rêve, Cal tomba sur tout sauf sur l'histoire d'un chef de gang. Il essaya même le Coxbomb, mais... même s'il y avait bien une société qui portait ce nom, à l'autre bout du pays, c'était une entreprise spécialisée dans la sécurité informatique et rien de plus.

Cal se recula sur son siège et contempla l'écran vide. Il ne savait plus quoi chercher. Un monde de connaissances s'ouvrait à lui, et il ignorait où trouver des réponses.

Ryu pouvait être réel quelque part. Ézéchiel pouvait être réel quelque part. Cela signifierait que des gens étaient morts... Et, même si c'était peut-être lâche de sa part, Cal préférait largement cette explication à la possibilité d'un avenir aussi funeste. Il ne le laisserait pas arriver. Définitivement, il refusait de devenir ce monstre.

Il pensait ne jamais réussir à s'endormir ce soir-là, mais ce fut une erreur : le sommeil le happa soudain et l'entraîna loin, très loin dans la gorge de Charybde et Scylla.

Ariane se rendit chez les Lépervier tard cette nuit-là. Pendant qu'il dormait, la trame de la vie de Cal continuait à se tisser sans qu'il en ait conscience. Elle entra dans la maison sans avoir à frapper, sans avoir de clé, et retrouva Charlie, Caroline et Anna qui l'attendaient, debout devant la cheminée éteinte. Tous se tenaient très droits, les mains dans le dos, comme statufiés.

Ariane ferma le cercle qu'ils avaient formé :

— J'aurais dû me douter qu'il se confierait à toi, Charlie, commença-t-elle.

— Il te parlera demain.

— Comment a-t-il pris tes conseils ?

— Il les écoutera. Véies interviendra d'ici quelques jours, et je suis sûr qu'il acceptera la situation.

— Il est en train de chercher des preuves de leur existence.

— Il ne trouvera rien.

C'était Anna qui avait parlé, froide et professionnelle, même à l'égard de Charlie.

— Évidemment qu'il ne trouvera rien, renchérit son père. Après quelques séances chez le psy, les choses seront bien en place, et nous pourrons reprendre notre... petite vie tranquille.

Ariane sourit de cette allusion :

— À présent, Cal va s'en remettre à Véies, compléta-t-elle. Faisons en sorte qu'il soit suffisamment convaincant.

— Cela va de soi. Que fait Cal en ce moment ? Il dort ?

Anna les corrigea, avec pour la première fois sur le visage une once d'inquiétude :

— Il rêve.

 

 
 
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