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Les trois plumes
Par Mokoshna
Pèle-Mèle  -  Romance/Fantaisie  -  fr
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    Chapitre 1     1 Review    
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Les trois plumes

Auteur : Mokoshna
Fandom : Contes de fées 
Crédits : Les contes de fées sont tombés dans le domaine public depuis... houlà... trèèès longtemps, alors je ne pense pas que cette section soit très utile mais bon...
Notes de l'auteur : Cette histoire est inspirée du conte Les trois plumes de Jacob et Wilhelm Grimm. Mais comme les grenouilles c'est pas sexy et que j'avais envie de mettre en scène une autre créature en particulier, j'ai pris quelques euh... libertés... (déjà que le conte gay hein...)
J'ai essayé de garder une structure et un type de narration propre au conte, alors ça peut paraître un peu... simplet au début, mais en fait ça part un peu n'importe comment... désolée.
Cadeau pour shinrin_namida

o-o-o

Il était une fois un roi qui avait trois fils. Les deux premiers étaient de fiers gaillards qui passaient leur temps à chasser et à conter fleurette aux bergères du royaume, tandis que le troisième était plus réservé et préférait s'enfermer dans la bibliothèque pour lire. À cause de sa faible exposition au soleil, il avait un teint pâle qui le faisait ressembler à un fantôme. Sa nourrice, par bonté d'âme, l'avait appelé Albe.
Un jour, le roi devint vieux et sentit ses forces décliner ; c'est pourquoi il voulut choisir un héritier. Il convoqua ses trois fils devant lui et leur dit :
« Mes fils, je me fais vieux et le royaume aura besoin d'un roi après ma mort. À qui confier cette lourde tâche ? Parlez, mes fils. »
Le premier fils s'avança vers lui, vêtu d'une armure d'or.
« Je suis le plus vieux et le plus fort, dit-il. C'est moi qui dois être roi. »
Le second fils s'avança à son tour. Il portait une armure d'argent.
« Je suis le plus agile et le plus dégourdi, dit-il. Je serai roi. »
Le troisième fils resta sur place jusqu'à ce que son père l'appelle. Il était habillé comme d'ordinaire.
« Et toi, mon fils, qu'as-tu à me dire ? »
Albe s'avança d'un pas hésitant, les yeux baissés.
« Je suis le plus jeune, dit-il. Je ne suis ni très fort ni très agile, et je ne sais pas me débrouiller dans le vaste monde. Mais j'ai la connaissance et l'amour des belles lettres. »
Les deux frères d'Albe se moquèrent de lui ainsi que la cour royale. Le roi les fit taire d'un geste.
« Le choix est difficile, dit-il d'un air solennel. Afin qu'il n'y ait pas de dispute entre vous, voici ma décision : partez, et celui qui me rapportera la plus belle épouse sera mon héritier. »
Sans que personne ne le voie, Albe fit la grimace. Il n'avait pas envie de prendre épouse si tôt, mais la décision du roi était sans appel.
Le roi fit un geste en direction de son Grand Chambellan. Celui-ci apporta une boîte en ébène qu'il ouvrit devant les yeux de tous. Trois plumes de différentes couleurs s'y trouvaient.
« Choisissez, dit-il. »
Le premier fils s'empara de la plume d'or.
Le second fils prit la plume d'argent.
Enfin, avec un temps de retard, Albe attrapa la plume blanche, la moins chatoyante des trois.
Le roi les emmena ensuite jusqu'à la plus haute tour du château. Il souffla les plumes qui s'envolèrent chacune dans des directions différentes.
« Que chacun suive sa plume, dit-il, et épouse la femme qui la rattrapera. Celui qui me ramènera la plus belle épouse, celui-là sera roi. »
Et tout fut dit.
La première plume s'envola vers l'est. Une fille de roi aux cheveux d'or la trouva et accepta de devenir l'épouse du premier fils.
La seconde plume s'envola vers l'ouest. Une fille d'empereur aux cheveux d'argent la trouva et elle se maria en grandes pompes au second fils.
La troisième plume s'envola en décrivant des cercles compliqués pour finalement tomber dans la forêt qui s'étendait devant le château. En voyant cela, Albe trembla de tous ses membres : cette forêt était réputée pour abriter des monstres terrifiants. Même ses frères ne s'y aventuraient jamais.
« Garde courage, mon enfant, dit la nourrice d'Albe qui était bien un peu sorcière selon certains. Je vais t'aider. »
Elle le vêtit alors comme un berger, lui donna une besace remplie de pain blanc et de vin blanc, un pipeau tout blanc ainsi qu'un bâton blanc comme neige.
« Ne dois-je point porter d'arme, ma mère, pour me défendre contre les bêtes et les brigands ?
— Garde-t'en, surtout ! s'écria sa nourrice. Entre dans la forêt en paix et tu en ressortiras en paix. Si on te le demande, tu es un berger dont la plume de son chapeau s'est envolée au loin et tu veux la récupérer. Pars maintenant, et ne reviens pas tant que tu n'auras pas trouvé cette plume. »
— Et pour mon épouse, ma mère ?
— Laisse le vent te guider : tu la trouveras bien assez tôt. »
Et elle le mit à la porte du château avant qu'il ait pu protester.

*

Albe partit donc en quête de sa plume. Qu'elle était sombre, cette forêt, et qu'elle était froide et triste ! Il avait emporté un livre dans sa besace pour ne pas s'ennuyer, mais en voyant les ombres de la forêt, il regretta de ne pas avoir pris plutôt une torche, ou mieux, une armée capable de le protéger ! Il s'avança néanmoins sous les arbres en râlant le plus fort possible pour essayer de se donner une contenance.
Comment allait-il trouver une unique petite plume blanche dans cette obscurité et cette immensité ? La forêt de son père s'étendait loin, très loin ! Des cris d'animaux partout, il serra contre lui son pauvre bâton blanc. Des craquements en nombre, il tenta de jouer un air de pipeau mais la mélodie mourut sur ses lèvres. Le pain blanc et le vin pesaient bien lourd dans sa besace ; le livre lui paraissait de pierre. Jamais il ne s'était senti aussi misérable, même lorsque ses frères l'avaient pendu en haut du plafond de la bibliothèque pour qu'il puisse avoir une vue d'ensemble de ses chers livres (personne n'avait jamais su comment ils s'y étaient pris ; Albe avait admis que c'était du bon travail).
Soudain, il entendit qu'on l'appelait. Une pauvre vieille dame se mit sur son chemin. Elle était si laide qu'Albe fit un pas en arrière en la voyant, mais il ne s'enfuit pas. Quel mal pouvait lui faire cette pauvre créature ? Au besoin, si elle se montrait dangereuse, il pourrait toujours s'enfuir à toutes jambes ou la frapper avec son bâton.
— Bien le bonjour, grand-mère, dit-il plaisamment. Que faites-vous dans cette sombre forêt ?
— Je pourrais te retourner la question, petit berger. Ne sais-tu pas que cet endroit est maudit ?
— Je viens chercher la plume de mon chapeau que j'ai perdu par le caprice du vent, dit Albe en montrant son chapeau dégarni.
La vieille fit une grimace horrible qui devait être un sourire. Albe se dit qu'il était temps d'aller chercher sa plume ailleurs.
— Il m'a semblé voir une plume blanche, blanche comme la neige, blanche comme ton bâton, dit alors la vieille.
Le coeur d'Albe bondit de joie dans sa poitrine.
— Pourriez-vous me montrer l'endroit où vous l'avez trouvé ?
— Mais certainement, beau berger. Prends ma main, je t'y conduirai.
Albe était un peu dégoûté mais il tendit néanmoins la main pour saisir celle de la vieille dame. À ce moment, un bruit de galop se fit entendre. Surpris, Albe arrêta son geste ; la vieille poussa un grognement de rage.
— Donne-moi la main, berger !
— J'ai entendu comme un bruit...
Des fourrés noirs situés au bord du chemin, surgit alors un immense cheval à la robe blanche qui bondit entre Albe et la vieille dame. Albe écarquilla les yeux : le haut du cheval était composé d'un torse d'homme. Il en avait déjà vu dans des livres sans savoir s'ils étaient réels : c'était un centaure, un être mi-homme mi-cheval. Il avait une longue chevelure du même blanc que sa robe et il était si majestueux qu'Albe en resta pantois. La vieille dame hurla de colère.
— Tu pourras hurler tant que tu voudras, vieille sorcière, dit le centaure, tu ne l'auras pas ! Arrière !
— Tu n'as pas le droit ! vociféra la sorcière. Cet humain est à moi, je vais le manger !
Les yeux de la sorcière projetaient des éclairs que le centaure avait bien du mal à retenir. Albe se réveilla enfin de la torpeur et fit la première chose à laquelle il pensa : il leva son bâton et l'abattit sur la sorcière. Il la manqua mais le bâton continua à frapper, même lorsqu'il le lâcha après avoir perdu l'équilibre. La sorcière poussa un grand cri, de douleur cette fois : le bâton de la nourrice avait pris vie et frappait, frappait, et elle hurlait, hurlait... Elle s'enfuit à travers la forêt et disparut bientôt de leur vue, le bâton toujours à sa poursuite. Le centaure aida Albe à se relever.
— Excellente arme, dit-il en souriant, et le coeur d'Albe se mit à battre plus vite. Qu'est-ce qu'un rusé berger comme toi fait dans cette forêt maudite ?
Albe le fixa sans comprendre.
— Berger ? ft le centaure. Ça va ? La sorcière t'a touché ?
— Oui, réussit à dire Albe. Je veux dire non. Euh...
Il baissa vivement les yeux.
— Je vais bien, dit-il.
— Tu ferais mieux de sortir d'ici, dit le centaure. La forêt n'est pas sûre pour les bergers, même ceux armés d'un bâton magique.
Albe se souvint tout d'un coup de la raison de sa présence en ces lieux.
— Je ne peux pas, dit-il tout penaud. Je dois récupérer la plume de mon chapeau qui s'est envolée avec le vent.
— Ta plume est tombée ici ?
— Oui.
Le centaure l'observa longtemps, ce qui fit rougir Albe.
— Je m'appelle Orion, dit enfin le centaure.
— Albe.
— Eh bien, Albe le berger, retrouve ta plume et va-t'en de cette forêt. Elle n'est pas faite pour toi.
— Qu'en sais-tu ? demanda Albe.
Il était étonné de sa propre audace. Depuis quand était-il aussi courageux ? Albe avait toujours vécu à l'intérieur et tremblait dès qu'il voyait une délégation étrangère arriver au palais. Même les serviteurs du château ne le respectaient pas, tant il était effacé et pleutre. Pourtant, devant cet être merveilleux au port de roi, il voulait paraître sous son meilleur jour. Il regretta de ne pas pouvoir révéler son statut de prince.
— Je le sais parce que tu n'es pas le premier humain à venir ici, dit gentiment Orion. Rentre chez toi, garde tes troupeaux, épouse une gentille fille et fais-lui de beaux enfants. C'est la meilleure chose à faire pour toi.
— Et si je ne veux pas ? fit Albe d'une voix féroce. Si je ne veux pas me marier et avoir d'enfant ?
Orion éclata de rire.
— Impossible, dit-il. Tous les bergers veulent se marier. Quelquefois, ils finissent même par épouser une princesse et deviennent rois. À moins que ce ne soit là ton ambition, Albe le berger ? Trouver une belle princesse à sauver ?
Albe dit d'un air boudeur :
— Et si c'était le cas ?
Pour le coup, Orion cessa de rire.
— Es-tu sérieux ?
— Pourquoi je ne le serais pas ?
Orion lui fit alors un grand sourire... et le saisit à bout de bras pour le mettre sur son dos, avant de partir à toute vitesse à travers la forêt. Albe n'avait rien vu venir ; il s'agrippa de son mieux au torse d'Orion pour éviter de tomber. Le vent lui fouettait les joues, les branches des arbres écorchaient sa peau, il menaçait de se casser le cou à chaque foulée ; pourtant, jamais il ne fut aussi euphorique depuis son arrivée dans ces lieux. Le dos d'Orion était large et dur, ses cheveux étonnamment doux. En collant son visage contre la peau du centaure, Albe sentit une odeur de bois et de fougère qui l'enivra.
La cavalcade cessa un peu trop vite à son goût. Orion le posa devant un lac à la surface toute brillante malgré l'obscurité.
— Reste ici et attends, dit-il, et tu verras quelque chose qui pourra t'intéresser.
Surpris, Albe attendit donc. Orion s'installa sans bruit à côté de lui, les yeux rivés sur le lac.
Une heure, deux heures passèrent. La lune se leva, mais il n'y avait toujours rien. Les yeux d'Albe se fermaient d'eux-mêmes.
— Ne dors pas, Albe, dit Orion.
— Je n'y peux rien, je suis si fatigué...
Albe repensa alors au contenu de sa besace.
— As-tu faim, Orion ? J'ai du pain et du vin.
Orion lui jeta un regard étrange.
— Tu es sûr que tu veux partager ta nourriture avec moi, Albe ?
— Bien sûr ! Tiens...
Albe sortit son pain qu'il rompit en deux, puis en tendit une moitié à Orion. Le centaure l'accepta en hésitant. Puis Albe but une gorgée à sa bouteille de vin et la donna aussi à Orion après avoir fini. Orion fixait sa part d'un air troublé.
— Mange, dit Albe. C'est délicieux, c'est ma nourrice qui a fait le pain et qui a mis le vin en bouteille.
Orion sursauta.
— Ta nourrice ?
— Oui, c'est aussi elle qui m'a donné mon bâton. J'espère qu'elle ne sera pas fâchée d'apprendre que je l'ai perdu...
Orion éclata de nouveau de rire. Albe adorait l'entendre rire. Il avait une voix riche et chaude et des lèvres parfaitement bien dessinées, comme une grenade gorgée de soleil. L'espace d'un instant, il se demanda si Orion avait le même goût.
— On dirait que ça commence, dit Orion qui n'avait toujours pas touché à sa nourriture.
Albe réussit à détourner les yeux d'Orion pour regarder le milieu du lac. La lune brillait très fort, à présent ; un rayon illumina la surface de l'eau. À ce moment, une douce musique se fit entendre, un choeur de voix divines fit vibrer l'air. Albe vit une colonie de cygnes blancs sortir du lac comme s'ils ne s'y étaient plongés qu'un instant. Au centre du cercle ainsi formé, un autre cygne, plus grand, plus beau et plus majestueux que les autres surgit à son tour, ses larges ailes étendues autour de lui comme une cape. La lumière de la lune illumina l'espace, donnant une couleur blanche à chaque chose : les êtres, les plantes, les objets inanimés. Albe se sentit trembler au rythme des battements d'ailes des cygnes.
Tout d'un coup, dans une explosion de lumière, les cygnes se levèrent et commencèrent à se transformer. Leurs ailes devinrent des bras, leurs pattes des jambes, leur long cou se raccourcit pour prendre une taille normale. Bientôt, un groupe de jeunes filles habillées de robes blanches éthérées firent place aux cygnes ; et au milieu d'elles, joyau parmi les joyaux, une belle princesse aux grands yeux d'or se mit à danser sur le lac. Elle était si légère qu'elle frôlait à peine la surface de l'eau avec ses pieds ; sur sa tête, était posée une couronne d'or.
— Elle s'appelle Félicie, dit Orion. C'est une princesse qui a été ensorcelée. Elle ne peut reprendre forme humain que les soirs de pleine lune, à une certaine heure. Les autres cygnes forment sa suite.
Albe ne bougea pas. Il venait de remarquer les petites perles blanches qui attachaient les mèches de cheveux d'Orion. Quelque part, c'était... charmant.
— Albe ?
— Oui ?
— La princesse Félicie.
— Quoi donc ?
— Tu comptes la délivrer de sa malédiction ?
— Quelle malédiction ?
— Celle qui la transforme en cygne et qui la force à rester sur ce lac pour l'éternité avec ses suivantes ?
— Pourquoi je ferais ça ?
— Euh... pour l'épouser ?
Albe resta muet durant une minute ; il essayait de remettre ses idées en place. Puis :
— Ah, oui c'est vrai.
— Heureux de voir que la longue tradition des princes sauveurs de princesses a rajouté un champion à sa liste.
Albe regarda la princesse Félicie. Il est vrai qu'elle était assez jolie... Il écarquilla les yeux en voyant une longue plume blanche dépasser de sa couronne dorée.
— Eh, mais c'est ma plume, ça !
Orion fut pris d'un rire nerveux.
— Raison de plus pour que tu tentes ta chance... Je suis sûr que c'est le destin qui vous a liés de cette manière.
— Ah... je... suppose ?
Orion soupira, ce qui donna à son beau visage une tristesse singulière. Albe en était bouleversé.
— Il faut que je délivre cette princesse, donc ? dit-il pour essayer de lui rendre le sourire.
— Oui, avant que le sorcier ne revienne.
— Quel sorcier ?
— Celui qui l'a ensorcelée, pardi ! Que pensais-tu ? Qu'elle s'était changée en cygne toute seule ?
— Euh...
— Si tu arrives à atteindre cette belle princesse et à lui donner un baiser avant le retour du sorcier, elle sera à toi à tout jamais.
— Ah ?
— Vas-y ! Elle n'attend que toi !
— Mais...
Il était trop tard pour reculer : Orion le poussait déjà en direction du lac. Albe aurait préféré rester sur la berge, bien au sec. Quelle idée d'aller se mêler à cette histoire pour un trône dont il ne voulait même pas !
— Je ne peux pas aller vers elle, dit-il d'une voix geignarde. Je vais me noyer avec toute cette eau.
— Trouve une solution, dans ce cas ! Tu es un prince, oui ou non ?
— Oui, mais...Attends une seconde, tu étais au courant ?
— Évidemment, tu en connais beaucoup des bergers qui ont une nourrice qui leur fait cuire du pain aussi blanc et qui leur donne un bâton magique ?
— Ça aurait pu être une nourrice fée qui a pris un berger sous son aile...
— Tu n'as pas ce qu'il faut pour être berger.
Albe faillit s'étouffer d'indignation.
— Comment ça, je n'ai pas ce qu'il faut pour être berger ?
— La princesse !
Et ni une ni deux, Orion le prit dans ses bras (qu'il avait très forts et bien proportionnés, pensa Albe), banda ses muscles et le projeta de toutes ses forces vers le lac. Albe fit alors une chose très embarrassante qu'il s'efforça de nier de toutes ses forces par la suite.
Il glapit.
De mémoire de prince, on n'avait jamais entendu ça. Albe en fut si gêné qu'il en oublia de refaire surface ; il se serait noyé s'il n'avait pas entendu à ce moment le cri puissant d'Orion qui lui disait :
— Les cygnes !
Albe sortit la tête de l'eau et se mit à surnager, aussi misérable qu'un chien qui viendrait de tomber dans les oubliettes du château. Les jeunes filles qui formaient la suite de la princesse Félicie se précipitaient vers lui à toute vitesse. Albe vit qu'elles avaient retrouvé leurs ailes et leurs longs cous ainsi que leur tête de cygne. Elles étaient aussi folles de colère.
Pris de panique, Albe cria et tenta de nager jusqu'à un groupe de roseaux qui se trouvait dans un coin du lac, pas trop loin de l'endroit où il était tombé. En se rapprochant, il vit qu'il y avait aussi une butte de terre qui dépassait de l'eau. C'était mieux que rien. La princesse Félicie continuait de danser toute seule sur le lac.
— Évidemment, ça serait trop demander un peu d'aide ! grogna-t-il entre deux brasses.
Fichu livre qui pesait aussi lourd ! Il n'avait même pas le temps de s'en débarrasser avec ces furies à ses trousses !
Il toucha la rive au moment où un cygne fonçait sur lui pour lui mordre les mollets. Albe le repoussa d'un coup de pied. Les autres cygnes firent cercle autour de sa butte, leurs ailes battant frénétiquement l'air.
— Albe, ça va ? cria Orion. Il faut que tu leur joues un morceau de musique pour les calmer !
— Et c'est que maintenant que tu le dis ?
Albe sortit le pipeau de sa nourrice et se mit à jouer un morceau... ou du moins, il essaya. Il avait les doigts gelés, le pipeau était gorgé d'eau et en plus, il était si nerveux qu'il faillit lâcher l'instrument dans le lac.
— Rhâââ !!!
N'en pouvant plus, il siffla aussi fort qu'il le put dans le pipeau. Le son qu'il produisit était si horrible que les cygnes se bouchèrent les oreilles avec leurs ailes et s'en furent en hurlant de rage.
— Bravo, Albe ! cria Orion.
— C'est tout ? fit Albe, interloqué.
Il avait à peine prononcé ces mots qu'il y eut une explosion de fumée verte devant lui. Un homme apparut au milieu de la déflagration : il portait une grande cape noire, des vêtements noirs, il avait posé sur ses cheveux noirs un chapeau pointu noir et il fixait Albe de ses grands yeux noirs. Albe ne put réprimer un hoquet. L'homme était transporté de fureur.
— Laissez-moi deviner, vous êtes le sorcier...
— Ah, vil scélérat, je te prends à vouloir m'enlever la princesse Félicie ! Tu le paieras de ta vie, impie !
Il s'apprêta à lancer un sort. L'air se réchauffa, grésilla comme durant les soirs d'orage... Albe était cloué sur place. Que n'aurait-il donné pour ne jamais être venu dans cette forêt ! Même si en y repensant, il n'aurait jamais rencontré Orion...
Un long cri de douleur attira leur attention avant que le sorcier n'ait pu finir son incantation. La forêt s'ouvrit et Orion s'écarta de justesse : la sorcière qu'ils avaient rencontrée plus tôt surgit des arbres en courant. Le bâton d'Albe continuait de la frapper ; son corps était si meurtri qu'il en était devenu noir. Dans un ultime cri, elle plongea dans les eaux du lac et n'en sortit plus.
Albe et le sorcier restèrent silencieux.
— C'était quoi, ça ? dit enfin le sorcier.
— Le bâton de ma nourrice.
Sitôt qu'Albe eut dit ces mots, le bâton survola le lac pour se mettre dans sa main. Il resta immobile comme s'il n'avait jamais été qu'un simple morceau de bois mort.
— Non, je parlais de l'autre, dit le sorcier.
— Une sorcière qui avait voulu me manger.
— Oh.
— Albe, tu vas bien ? l'appela Orion.
Albe fixa la berge où se trouvait son compagnon d'un air vide.
— Euh... oui, j'ai mon bâton.
Il brandit son bâton magique devant lui. Le sorcier recula.
— Vous pourriez éviter de brandir ça sous mon nez ? Ça me rend nerveux. Vous ne comptez pas vous en servir contre moi, j'espère ?
— Quelle importance, vous êtes un sorcier très puissant qui... ah oui, oui, je n'hésiterais pas à m'en servir ! se récria Albe en se souvenant devant qui il se trouvait.
Et pour paraître plus redoutable encore, il prit une pose menaçante avec son bâton... ou qui l'aurait été s'il avait su comment le tenir. Le sorcier hocha la tête en faisant un sourire nerveux.
— Oh, vous savez ce que c'est, un peu de jeu par-ci et une image à respecter par-là... Rien de grave, n'est-ce pas ? Nous sommes entre personnes civilisées, après tout...
Albe baissa son bâton.
— Alors vous voulez bien délivrer la princesse Félicie de sa malédiction ?
— Mais bien entendu ! Je me disais justement ce matin en me regardant dans la glace : « Mon ami, ce n'est pas bien de mener cette vie de dépravation, enlever des princesses et leur suite, les transformer en cygnes et les garder au milieu d'un lac, ce n'est pas sérieux »... Pas besoin d'en venir aux mains ou aux bâtons, n'est-ce pas ?
— Je suppose...
Albe y réfléchit : s'il pouvait rentrer avec la princesse, sa plume et en plus remettre un sorcier sur le droit chemin des sorciers, quel qu'il soit, ce n'était peut-être pas une mauvaise chose... Si concentré qu'il était sur cette idée, il ne vit pas le sorcier se rapprocher de lui et saisir brusquement son bâton qu'il jeta au sol de toutes ses forces. Le bâton se brisa en plusieurs morceaux.
— Aha ! s'écria le sorcier d'un ton triomphal. Tu ne peux plus te défendre par des moyens détournés, maraud !
Et il se remit à murmurer de sombres formules sous sa barbe.
Sur le coup, Albe en fut grandement irrité.
— Je venais de récupérer le bâton de ma nourrice ! Pastiflore !
Il n'avait aucune idée de ce que pouvait être un pastiflore mais les princes ne juraient pas ; sa nourrice lui avait donc appris ce mot qu'il avait le droit de crier quand il était particulièrement énervé. N'écoutant que sa colère, il s'empara du lourd livre qui se trouvait dans sa besace, le brandit devant lui tel une épée pendant que le sorcier finissait de lancer sa formule... et l'abattit avec une violence inouïe sur la tête de son adversaire. Le crâne du sorcier fit un bruit assez inquiétant ; Albe renouvela son geste encore deux fois. Jamais deux sans trois, disait le vieil adage. C'était à cause de ça que sa mère avait eu un troisième fils avec que deux étaient largement suffisants au royaume ; le nombre trois avait toujours réussi à Albe. Le sorcier s'écroula à terre, vaincu. Albe le traita de pastiflore une dernière fois, pour la peine.
Il se passa alors une chose très étrange : la surface du lac brilla encore et l'eau se vida brusquement, comme d'un coup de baguette magique. Quand il regarda autour de lui, Albe vit qu'il se trouvait sur la rive en compagnie de sa nourrice qui était apparue de nulle part, de la princesse Félicie avec sa suite de jeunes filles et d'Orion. Le sorcier avait disparu. Sa nourrice s'avança vers lui, un sourire sur les lèvres. Elle avait délaissé ses habits de cour pour une robe couleur d'étoiles ; dans ses longs cheveux roux, un diadème de lys blancs déversait un parfum exquis.
— Qu'est-ce que...
— Bravo, mon fils, je savais que tu en étais capable ! s'écria sa nourrice qui le prit dans ses bras. Tu as délivré la princesse Félicie qui était prisonnière du sorcier !
— Tu étais au courant ? fit Albe, abasourdi.
— Bien sûr. Je suis la bonne fée protectrice de la princesse Félicie. Le méchant sorcier l'avait transformée en cygne et seul un véritable prince pouvait la délivrer de cet enchantement. Je me suis donc déguisée en nourrice et j'ai traversé le pays jusqu'à ce que je trouve ce prince ; et c'est toi.
Albe avait du mal à respirer, tellement il était étonné.
— Attends une seconde, ça fait longtemps que tu traverses le pays à la recherche d'un véritable prince ?
— Presque cent ans ; la durée de la malédiction.
— La princesse Félicie a cent ans ? s'exclama-t-il avec horreur.
— Son supplice a pris fin, continua sa nourrice-fée sans se soucier de ses derniers mots, tu peux donc la réclamer en tant qu'épouse comme le veut la coutume.
Orion apparut dans le champ de vision d'Albe à ce moment ; le centaure lui fit un sourire teinté de tristesse.
— Félicitations, dit-il d'une voix éteinte.
Albe le regarda sans comprendre.
— Orion ?
— Orion le centaure est mon serviteur, dit la fée. Il devait t'aider dans cette quête difficile et te guider jusqu'à la princesse. Je lui ai aussi demandé de tester ta détermination, et tu as passé toutes les épreuves avec brio.
— Oh.
Albe ne put s'empêcher d'être horriblement déçu. Orion évitait son regard ; pourtant, il aurait voulu être seul avec lui pour discuter, de préférence dans un lieu tranquille et douillet... La princesse Félicie s'approcha d'eux et fit la révérence. Son maintien était parfait ; sa beauté faisait resplendir la nuit. Albe lui adressa à peine un regard.
— Je dois vous remercier pour votre aide, mon prince, dit-elle d'une voix aussi claire que le cristal.
— Euh... je vous en prie.
— Il nous faut maintenant rentrer, dit la fée, afin que tu puisses présenter ton épouse au roi et réclamer ta couronne et celle de la princesse Félicie.
Albe ne répondit même pas. Il se sentait soudain très, très las... La fée les pressa de s'en aller. Orion les prit sur son dos, la princesse devant et Albe derrière elle, et ensemble ils prirent le chemin du château.

*

Guidé par sa plume, le troisième fils avait trouvé une belle princesse ensorcelée et l'avait délivrée de sa malédiction avec l'aide de sa nourrice qui était une fée. La princesse était la fille du plus grand roi de la terre et s'appelait Félicie ; ils arrivèrent au château du prince dans un cortège qui dépassait de loin en splendeur ceux des premiers fils. Lors du grand bal que le roi organisa pour fêter le retour de ses fils, les toilettes de Félicie étaient si somptueuses, sa beauté si grande et si parfaite qu'elle éclipsa celle des prétendantes des premiers fils. À côté d'elle, même une reine avait l'air d'une souillon.
À la fin de la soirée, le roi déclara :
« C'est au cadet que le royaume reviendra après ma mort. »
Les deux princes lésés protestèrent, mais la fée les fit taire d'un mouvement de sa baguette magique, et le calme revint.
On s'aperçut alors que le prince Albe avait disparu, laissant sa fiancée derrière lui.
Cela fit grand bruit. On chercha partout le prince, mais on ne le trouva pas. Il semblait s'être volatilisé de la surface de la terre.
La fée en fut si mortifiée qu'elle ne remarqua même pas que son serviteur n'était plus là lui non plus...

*

Albe sourit en s'accrochant à Orion. Leur fuite durant le bal avait été d'une facilité déconcertante, avec ses deux frères qui faisaient tout le bruit possible dans leurs belles armures d'or et d'argent. La princesse était si occupée à être belle et la fée à être une fée qu'elles n'avaient même pas remarqué qu'il s'était esquivé avec Orion, son bel Orion aux cheveux blancs et aux sabots sûrs. Il serra un peu plus fort les épaules de son ami. Le vent fouettait ses joues, et il était heureux, heureux...
Celui qui fut moins heureux de les voir fut le sorcier qui avait enfermé la princesse Félicie. C'était Orion qui avait eu l'idée ; avec une fée aussi puissante qui les cherchait, il valait mieux prendre ses précautions. Et quelle meilleure cachette que chez l'ennemi qu'ils venaient de vaincre, le seul sorcier qui pouvait se targuer d'avoir combattu et vaincu la fée ? Tant qu'il n'y avait pas de « véritable prince » dans les parages, son pouvoir était sans égal (personne ne savait pourquoi seuls les véritables princes pouvaient le vaincre, pas même lui. C'était encore un mystère de ce monde).
— Ah non, dit-il, plus de ça ! J'en ai assez de me faire attaquer par des bergers ou des princes en mal de gloire et d'épouse !
— Je ne suis pas une princesse, dit Albe sur un ton raisonnable, et puis d'abord si vous détestez tant votre travail, pourquoi continuer à le faire ?
— Parce que contrairement à un certain prince que je ne nommerai pas, fit le sorcier avec une grimace méprisante, j'aime assez ma condition. J'aime être un sorcier maléfique, même si cela demande quelques sacrifices. Une réputation, par exemple.
— Justement, intervint Orion, quelle meilleure réputation que celle d'avoir vaincu le vaillant prince Albe ?
— Vaincu le vaillant prince Albe ?
— Et de l'avoir enfermé pour l'éternité avec le serviteur le plus puissant de la fée, ajouta Albe. À coup sûr, vous seriez le sorcier le plus respecté du royaume. Peut-être même du monde.
Le sorcier parut y réfléchir.
— Et quelles sont vos conditions ?
— On reste sous votre protection dans la forêt jusqu'à ce que la fée change de prince à protéger ou trouve un époux pour la princesse Félicie. Et je vous promets de ne plus vous assommer avec un livre ou un bâton ou n'importe quoi d'autre.
— Tout le monde y gagne, dit Orion.
Le sorcier fronça ses épais sourcils noirs.
— Sérieux ?
— Toujours.
Il y eut un long silence contemplatif.
— D'accord, dit le sorcier, mais une fois que la fée vous oublie je ne veux plus vous avoir dans mes pattes.
— Aucun problème, dit Orion en fouettant l'air avec sa queue. On se volatilisera si vite que vous ne nous verrez même pas partir.
— Et pas de choses subversives quand je suis dans les parages, grommela le sorcier avec une moue dégoûtée.
— On sera sages comme des images.
— Sauf les premiers jours, peut-être, dit Albe. Jeunes mariés et tout ce qui s'ensuit. Ce qui me fait penser, cette histoire de partage de nourriture dont tu m'as parlé, Orion...
— Seuls les mariés se partagent la nourriture dans la forêt, dit Orion. C'est la règle. J'ai toujours un bout de ton pain, si tu veux que je le mange maintenant...
Ils se sourirent tendrement. Le sorcier fit un pas de recul.
— D'accord, d'accord, je ne veux pas en savoir plus, filez !
Orion éclata de rire, prit Albe dans ses bras... et l'embrassa.

*

Une fois il était, cette fois ce sera.
Car tout homme sur terre, s'il veut bien chercher,
Arrive à trouver chaussure à son pied.
Et s'ils ne sont pas morts,
Ils vivent encore.

FIN


 
     
     
 
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