Claimer : les personnages et les idées sont à moi…j’en suis pas spécialement fière, cela dit
Rating : K+ ou T, à la rigueur, pour mention d’abus de boisson (c’est pas bon pour la santé les enfants, tout ça tout ça).
Note : bonjour. Un petit défi que j’ai beaucoup aimé écrire, pour la simple raison que le thème et les mots ont tout de suite éveillé quelques réminiscences chez moi…Ca ne casse pas trois pattes à un canard, mais enfin, au moins je me suis amusée ^^ Bonne lecture.
Thème : Chercher le garçon
Mots :
Psychédélique
Harmonica
Skinhead
Leurre
Bec
Rose
Ridicule
Chercher le garçon
Il y a des jours comme ça où il vaudrait mieux rester couché.
Et il y a des soirées foireuses, de celles dont on sait qu’on aurait dû ne jamais sortir de chez soi, voire de son lit. Ce soir en faisait précisément partie.
Damien n’était pas un garçon compliqué. Il aimait les choses simples, claires, évidentes. Taper sur les skinheads à la sortie des concerts, boire de la bière avec ses potes, répéter pendant des heures dans son garage avec la vieille guitare à moitié désaccordée que son grand frère lui avait donné – complètement déglinguée serait un mot plus juste pour qualifier cette antiquité, mais il l’aimait bien quand même, et malgré tout, elle avait encore un son assez bon pour ce qu’il en faisait. A savoir pas grand-chose, mais enfin, c’était le genre de trucs qui l’amusaient, et de toute façon il n’avait pas assez de fric pour s’en payer une neuve.
Des choses simples, donc, aussi simples finalement que la vie qu’il menait. Ou du moins, qu’il essayait de mener, parce qu’évidemment, si tout se passait toujours comme on le souhaite, ça se saurait. Et Damien avait la double particularité de s’attirer les ennuis avec une facilité déconcertante, en plus d’avoir un meilleur ami complètement taré. Stéphane, une espèce de grand rouquin efflanqué au visage halluciné, affublé d’un bec-de-lièvre qui ne semblait pas le complexer plus que ça, de yeux plus noirs que l’enfer et d’un sens de l’humour particulièrement opaque – du moins pour les gens qui ne le connaissaient pas, c’est à dire la grande majorité de l’espèce humaine. Son meilleur pote, la source de ses plus grosses emmerdes et à la fois de ses plus gros fous-rires.
Stéphane, qu’il cherchait des yeux au milieu de la foule depuis près d’une heure que Damien était arrivé au Rose Bonbon(1) pour le concert de ce soir. Il avait pourtant tout de suite su que ça allait être un plan foireux – les plans de Stéphane étaient toujours foireux. Ca ne l’avait pas empêché d’accepter la proposition de son meilleur ami lorsqu’il l’avait croisé aux Halles plus tôt dans l’après-midi. « Tu vas voir, un groupe génial ! ». Ouais, merci Stéphane. Non seulement la première partie était à chier, mais en plus il s’enfilait bière tiédasse sur bière tiédasse depuis son arrivée pour ne plus entendre le babillage incessant de Marine – son ex, qui ne manquait jamais de lui tenir la jambe à chaque fois qu’il avait le malheur de la rencontrer quelque part. La pauvre fille ne se rendait même pas compte qu’elle était ridicule à s’humilier de la sorte – mais peut-être que c’était parce que Damien était trop gentil pour lui faire remarquer. Trop gentil ou pas assez courageux, peu importait en réalité, son problème principal actuellement étant surtout de s’échapper loin de cette sangsue. Et évidemment, pas un seul pote en vue pour lui sauver la mise.
Et surtout pas Stéphane, alors qu’il aurait été précisément celui qui aurait pu le tirer de ce mauvais pas. Marine le détestait cordialement, et le jeune homme lui rendait la politesse au centuple – et il n’hésitait jamais, lui, à la remettre à sa place, plus ou moins gentiment. Plutôt moins que plus, d’ailleurs, et Damien était loin de s’en plaindre, vu qu’il n’avait pas la force de caractère nécessaire pour s’en charger lui-même. Stéphane lui répétait souvent qu’il était probablement le seul punk au monde avec une mentalité de hippie ; peace and love, enfin, sauf avec les skins, quand même. Fallait pas abuser non plus. « Tu devrais écouter du rock psychédélique plutôt que les Bérus », lui disait-il régulièrement, avant de partir dans un grand éclat de rire, le plus souvent alcoolisé.
Hippie ou pas, en attendant, Stéphane n’était toujours pas là, et Damien commençait sérieusement à hésiter entre le suicide à la bière chaude et le massacre à la tronçonneuse – du moins si Marine ne le lâchait pas d’ici cinq minutes. Se connaissant, il choisirait sûrement l’option coma éthylique avant de songer à prononcer la moindre parole désobligeante vis-à-vis de son ex, mais son portefeuille n’était pas extensible et finir bourré avant même le début du « vrai » concert était indéniablement le signe que la journée se terminait très mal. Il fallait trouver une solution, vite, avant que la soirée ne soit définitivement plombée. Et peut-être bien que Damien avait un peu de chance dans son malheur, parce qu’il venait d’apercevoir une potentielle porte de sortie – un leurre grossier en réalité, mais il n’était plus vraiment en état de faire dans la subtilité.
Laurent, son deuxième meilleur ami, qui venait justement d’entrer dans son champ de vision, et dont Damien bénit l’arrivée opportune par un grand soupir de soulagement – il était sauvé ! Non seulement il pourrait enfin se libérer de l’emprise pieuvresque de Marine en allant lui taxer des clopes – oui, parce qu’en plus, il venait de finir son paquet et n’avait pas pensé à en prendre un second – mais en outre, Laurent avait la remarquable qualité d’être un mort de faim fini, et allait fort aimablement se charger de Marine, qu’il rêvait de sauter depuis que Damien et elle étaient séparés. Peut-être même avant, pour ce qu’il en savait. Pour l’heure, il s’en fichait comme de sa première épingle à nourrice dans l’oreille, tout ce qui comptait était de s’éloigner le plus vite possible.
Ouais. Saluer Laurent, ça va mon pote, ouais et toi, super, t’aurais pas une ou deux tiges à me lâcher ? Prendre les cigarettes, pour le principe. Laisser Laurent payer un verre à Marine. Et se casser vite fait. Genre, pour aller gerber sa bière dans les chiottes, par exemple. Ou pour écouter les histoires à la con de Stéphane, qui avait enfin fini par débarquer et qui lui retenait les cheveux pendant qu’il était en train de vomir, tout en lui sortant l’excuse la plus débile qu’il ait jamais entendue. « S’cuse moi, vieux, je devais voir un mec avant pour lui vendre mon harmonica. Alors, c’était bien la première partie ? ».
Et merde. Il le savait bien qu’il aurait dû rester chez lui ce soir.
(1)Pour info, le Rose Bonbon était une célèbre salle de concert parisienne au début des années 80, qui a accueilli nombre de groupes plus ou moins connus à leurs débuts, comme Indochine, Taxi Girl ou les Rita Mitsouko pour ne parler que des groupes français. Une salle presque mythique pour les nostalgiques de l’époque, et dont quelqu’un, qui la fréquenta beaucoup, m’a dit que les sorties de concerts se terminaient régulièrement en bastons mémorables entre skinheads, punks, mods et autres…