« -Mes parents sont morts, beugla Harry.

-Et il pourrai arriver la même chose aux miens, hurla Ron.

-Alors, VA-T'EN! rugit Harry. Va les retrouver, fait semblant d'avoir guéri de ton éclabouille comme ça, maman pourra te préparer à manger et... »

Ron fit un mouvement brusque. Harry réagit mais, avant que l'un d'eux ait le temps de tirer sa baguette de sa poche, Hermione brandissait déjà la sienne.

« -Protego! s'écria-t-elle, et un bouclier invisible se déploya, Harry et elle d'un coté, Ron de l'autre. »

Sous la force du sortilège, tous les trois furent projetés en arrière de quelques pas et Harry et Ron se regardèrent d'un air féroce, comme si c'était la première fois qu'ils se voyaient distinctement.

« -Laisse l'Horcruxe, dit Harry. »

Ron enleva la chaine de son cou en la passant par-dessus sa tête d'un geste brusque et jeta le médaillon sur un fauteuil proche. Puis il se tourna vers Hermione.

« -Qu'est-ce que tu fais?

-Que veux-tu dire?

-Tu restes ou quoi?

-Je... »

Elle parut angoissée.

« -Oui... Oui, je reste. Ron, nous avions dit que nous partirions avec Harry, nous avions dit que nous l'aiderions...

-Compris. C'est lui que tu choisis.

-Ron, non... S'il te plait... Reviens, reviens! »

Mais Ron était déjà loin dans la nuit noire, une fureur peu habituelle au cœur.

Ron se réveilla en sursaut. Il avait encore fait ce rêve. Normalement, cela paraissait moins vrai, moins réel, mais le fait d'avoir revu Hermione et Harry, ainsi que les autres, avait ravivé les souvenirs et son cauchemar avait été plus que réaliste. Il se souvenait de chaque détail, la haine de Harry et les larmes d'Hermione, ainsi que sa colère, toujours plus forte, comme si le médaillon l'avait décuplée. Fébrile, il regarda le radio-réveil posé près de son lit et s'aperçut qu'il était six heures. Trop tard pour se recoucher, trop tôt pour se lever. Comme pour se rassurer, Ron alluma la lumière et laissa son regard vagabonder dans sa chambre.

Lui qui depuis deux ans ne connaissait que la misère et la poussière trouvait que ce studio, même s'il n'était pas très grand, était exactement ce qu'il lui fallait. La blancheur des murs contrastait agréablement avec l'ameublement, très coloré. La chambre ressemblait à celle qu'il avait au Terrier, mise à part que le lit était plus grand. Il possédait une baignoire dans sa salle de bain et les petits poissons qui parsemaient le mur bleu bougeaient et nageaient, ce qui donnait à cette pièce un aspect très vivant. La cuisine était ouverte sur une sorte de salle de séjour très agréable, le genre d'endroit où on avait envie de s'assoir pour lire, écouter de la musique, parler entre amis avec des tasses fumantes entre les main ou juste réfléchir. Dans l'ensemble, cet appartement était juste ce dont avait besoin Ron, un lieu où il pourrait se poser et attendre.

La veille, Harry lui avait tout expliqué, la mission n'était pas très dure. Il leur fallait se rendre dans un lieu situé à des kilomètres de tout, pour apparaitre durant la réunion des Vengeurs, comme se faisait appeler ce groupe, et capturer les gens présents. Tous les dirigeant y serait, d'après leur espion dont Harry n'avait pas voulu révéler l'identité. Ron devait, pendant le jour suivant, se remettre en forme niveau magie, mais d'après Hermione cela irait plus que vite, un sort ne s'oublie pas.

La jeune femme lui en voulait plus que quiconque, cela se lisait sur son visage. Il savait très bien pourquoi, de plus. Elle l'aimait. Plus maintenant, bien sûr, mais quand il était partit. Lui aussi était amoureux d'elle. S'il avait réussit, à cette époque, à lui dire ce qu'il éprouvait, tout aurait été si différent... Elle avait du l'attendre un peu, au début, puis, après la victoire, arrêter de penser à lui, faire en sorte d'oublier. Lui n'avait jamais pu.

Tout les matins ne se levant, il avait tellement mal, rien qu'a la vue de cette photo... Ron possédait un énorme album de photos offert par sa mère et ses amis durant le mariage de Bill et Fleur. Harry et Hermione avait eu le même. Dedans, il y avait plein de photos de sa famille, ainsi que celles de l'école. Et puis, il y avait celles prises par Fred et George, celles de la Coupe de Quidditch, celles de L'AD, quelques unes de l'Ordre, le Bal de Noël lors du Tournoi des Trois Sorciers, les différentes rencontre inter-collège de Quidditch, le Club de Slug... Plein de photos qu'on avait prises à l'insu du trio et sur lesquelles ils riaient. Chacune était animées et Ron en aimait une tout particulièrement.

C'était un portrait d'Hermione, prit de face, sur lequel la jeune femme levait la tête d'un livre, surprise, et souriait au photographe, qui était Colin. Elle avait ce sourire... Tellement indescriptible. Ron avait mit cette photo près de son lit et la contemplait, certain que plus jamais Hermione de lui sourirait comme cela.

Enfin, il se leva et se prépara du café ainsi qu'un petit déjeuné comme il n'en avait pas eu depuis deux ans. Après s'être lavé et habillé, il se dirigea vers sa cheminée et jeta une pincée de poudre de Cheminette dans l'âtre. Il s'apprêtait à partir quand on frappa à sa porte. Surpris, il alla ouvrir et nez retrouva nez à nez avec Hermione.

« -Euh... Je... Bonjour, dit-il d'un voix mal assurée.

-Bonjour. »

Elle avait retrouvée sa vraie teinte de cheveux, ce qui, pour une raison inconnu, soulagea Ron. Elle était plus jolie en brune.

« -Euh... Je me disais, commença-t-elle d'un air gêné, comme ça fait deux ans... Enfin, je ne savais pas si tu avais toujours autant de mal à te lever. Je veux... Je ne voulais pas que tu sois en retard, alors j'ai pensé...

-C'est gentil. Tu veux du café, quelque chose?

-Hein? Ah, non, merci, j'en ai eu. Mais on pourrait... Partir ensemble, non?

-Oui, d'accord, souffla Ron, le oreilles écarlates. »

Ils n'avaient pas eu une telle proximité en deux ans.

Sans un mot, ils se placèrent dans la cheminée et Ron prononça bien fort "Ministère de la Magie" en lâchant une poignée de poudre verte.

*

Cela faisait maintenant plus de trois heures qu'Hermione et lui s'entrainait, et Ron était heureux de voir qu'il se souvenait assez bien de tous les sorts d'attaque et de défense qu'il avait apprit à Poudlard. Bien sûr, si on totalisait ses victoire et celle de la jeune femme, elle gagnait haut la main, mais il avait quant même réussi deux ou trois coups qui l'avaient surprise.

Ron s'étira, la matinée avait été longue. Il regarda du coin de l'œil Hermione qui nettoyait sa baguette. Elle leva la tête et il détourna les yeux vers le reste de la salle. Elle était spacieuse et pleine d'objets de défense, un peu comme l'aspect qu'avait la Salle sur Demande lors des réunions de l'AD. Le jeune homme bailla et se demanda quelle heure il était.

« -Que fait-on maintenant?

-Généralement, répondit la jeune femme sans lever les yeux, à cette heure-ci, on se retrouve pour manger un peu et on revoit la stratégie pour demain.

-Hermione... »

C'était, depuis leurs retrouvailles à la bibliothèque de Londres, la première fois qu'il l'appelait Hermione, et cela la fit presque sursauter.

« -Oui?

-Tu... Tu ne voulais pas être Auror, au début. Comment...

-Comment suis-je arrivée ici? Je ne sais plus. Tout est allé si vite, après ton départ. Harry a tué Voldemort, et je me suis sentit inutile, d'un coup. Il n'avait plus besoin de moi, alors... Je ne voulais pas être seule. Je l'ai suivit et me suis enrôlée. J'ai eu du mal, au début, je détestais ce que je faisais. C'est l'univers d'Harry, ça, pas le mien. Mais personne ne m'attendait le soir, personne ne savait, personne ne pouvait m'aider. Alors, j'ai... Continué. Je... Seule... Enfin, je... »

Hermione pleurait, et Ron s'en sentait plus que responsable. S'il avait été là, il aurait empêché tout ça, c'était évident. Enfin, il l'aurait protégée. Il croyait. Oui, il aurait été là pour elle, c'était normal, il l'aimait.

Doucement, Ron s'approcha d'Hermione et tendit la main vers elle. Depuis combien de temps ne l'avait-il pas touchée, prise dans ses bras? A l'enterrement de Dumbledore, bien sûr, et puis en d'autres occasions, comme lorsqu'ils avaient dansés ensemble au mariage de Bill, ou lors de sieste dans les bois avec elle. Mais cela faisait si longtemps... Ron s'avança encore un peu et prit Hermione dans ses bras. Il s'attendait à ce qu'elle se dégage mais elle ne bougea pas. Il la laissa pleurer tout son saoul, conscient de ne pas être étranger à son malaise.

La journée avait été épuisante. Après l'entrainement et les pleurs d'Hermione, elle et Ron s'étaient rendu au bureau de Aurors pour manger, puis Harry avait refait un brifing sur la mission. Tout l'après-midi avait été consacré aux différentes parades en cas de fausses information ou de piège et Ron ne voulait plus jamais revoir un plan de cave de toute sa vie. Puis, sur les coups de cinq heures, Harry et lui étaient retournés à la salle d'entrainement pour être sûrs d'être au point et surtout pour se battre ensemble, ce qu'ils n'avaient pas fait depuis trop longtemps.

Ron était fourbu. Chaque muscle de son corps lui faisait mal et il avait l'impression qu'un feu d'artifice avait explosé quelque part dans sa tête. Harry et Ginny partirent tôt, tout comme Zacharia et Susan, et Ron se retrouva seul avec Hermione. Il n'était pas loin de vingt heure et le jeune homme avait faim. Il passa la tête par-dessus la cloison de son boxe et interpella Hermione.

« -Tu n'as pas faim?

-Un peu... J'ai peur pour demain.

-Je t'emmène manger et tu me racontes ça, d'accord? »

Indécise, la jeune femme accepta. Ils fermèrent les bureaux et sortirent dans la brume londonienne.

*

« -Tu vois, c'était ça, ma vie, depuis que je vous ai quitté. Je n'ai jamais osé revenir à Poudlard, je n'ai jamais pu vous revoir. J'ai tellement honte de moi...

-Tu ne devrais pas, Ron. Tu es parti à cause du médaillon, il est néfaste. De plus, même si tu étais revenu, tu ne nous aurais pas trouvé. Et puis... Moi aussi, je voulais partir. Harry est devenu insupportable après ton départ, et de jour en jour on avait l'impression de sombrer. Si tu savais comme j'ai pleuré... Je ne pouvais pas quitter Harry, tout seul il était vulnérable, mais... Je voulais revoir mes parents, mes amis... C'est à ce moment que j'ai compris que si je n'aidais pas Harry, ça ne serait jamais plus pareil. Voldemort... Chaque soir, je pense à ce qui aurait pu arriver si Harry ne l'avait pas vaincu.

-Tu ne penses pas qu'à toi, au moins. Tu ne traine pas la même bêtise depuis deux ans, tu ne pleures pas en voyant une photo, tu ne te réveilles pas à deux heures du matin chaque nuit parce que tu rêves du jour funeste où tu as tout cassé. »

Hermione garda le silence. Depuis une heure, ils parlaient de leurs vies respectives, attablés dans un restaurant du Chemin de Traverse. L'endroit rappelait étrangement à Ron la salle commune de Gryffondor, avec d'énormes fauteuils de cuir rouge et une cheminée immense dans laquelle le feu crépitait, apaisant Ron. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu de feu, et il se réjouissait d'être avec Hermione. Si elle avait eu un livre dans les bras et une robe de sorcière noire, il aurait pu s'imaginer à Poudlard.

« -Au fait, Hermione, la S.A.L.E existe toujours? »

La jeune femme le regarda dans les yeux, surprise de la question.

« -Tu te souviens de ça?

-Bien sûr, je me souviens de tout ce qu'on... Que tu faisais à Poudlard, répondit-il, un peu vexé.

-Harry a oublié, lui... C'est sûrement normal, parce qu'il est très occupé, mais... »

Les mots moururent dans la gorge d'Hermione. Elle releva la tête, inspira et continua comme si de rien n'était.

« -A vrai dire, je ne sais pas trop. Je crois qu'il y a des membres mais je ne peux pas m'en occuper. Il y a un an, j'ai présenté la S.A.L.E au Département des Créatures Magiques. Ils ont parut intéressés et j'ai une place là-bas quand je veux, mais avec les Aurors, je n'ai pas le temps... Je crois que c'est ma dernière mission avec Harry et les autres. Je ne sais pas comment leur dire... Ils ont tellement de problèmes pour recruter. Tu sais, maintenant que Voldemort est mort, les gens ne veulent plus entendre parler de crime ou autre, ils préfèrent profiter d'une période de calme total. Mais il y a toujours des fauteurs de trouble, bien sûr pas du gabarit de Voldemort, mais important quant même. La population n'aime pas qu'on lui rappelle cela, et les volontaires sont de plus en plus rare. Les gens de l'AD viennent souvent donner un coup de main, mais ils ont un travail, une famille, enfin ils en fondent une, ils n'ont vraiment pas que ça a faire. C'est pour ça que je reste chez les Aurors. Harry accepterait ma démission, mais je n'ai pas envie que lui ou les autres meurent parce que je n'étais pas là. Alors, tant pis.

-Et si, commença Ron, hésitant, et si je te remplaçai?

-Tu... Tu ferais ça? Mais alors... Après cette mission, tu ne vas pas partir, rentrer chez toi? »

Cette question fit à Ron l'effet d'un boulet de canon dans le ventre. Elle ne voulait donc pas qu'il reste?

« -Non... Enfin, je ne crois pas. Tu préfèrerais?

-Évidement que non! s'écria la jeune femme. Pardonne-moi, mais... J'ai toujours pensé qu'il y avait quelque chose... Quelqu'un, pour parler franchement, qui faisait que tu restais loin de nous. J'ai toujours crus qu'une... Raison justifiait le fait que tu ne reviennes pas. Harry me disait qu'il n'y avait rien, que tu avais juste... Peur. Mais chaque jour qui passait, cette hypothèse me paraissait de moins en moins vraie, et finalement...

-Tu as raison, dit Ron en pesant ses mots. »

Il vit Hermione se raidir. Elle ne voulait pas qu'il y ai quelqu'un dans la vie de Ron, elle était presque... Jalouse. Ron se rappela en souriant le jour où il était sortit avec Lavande. Hermione avait été imbuvable pendant des semaines après cela.

« -Il y a bien quelque chose qui me retenait, et c'était la honte, termina-t-il. »

Ron put voir le soulagement qui apparut aussitôt sur le visage d'Hermione et il sourit.

« -Donc, reprit-il, si tu veux, je peux proposer à Harry de reprendre ta place...

-Ce serait... Extra, souffla Hermione. »

Le diner se termina sans un mot, et Ron et Hermione partirent vers vingt-trois heures, pour être en forme le lendemain. En passant devant la Grande Bibliothèque de Londres, Ron repensa aux trois jours écoulés... Il ne se souvenait pas qu'autant de choses pouvaient arriver dans un laps de temps si court.

Ils marchèrent en silence, chacun perdu dans ses pensées. Ron n'avait qu'une envie, prendre Hermione dans se bras. Il savait, enfin croyait qu'elle l'aimait encore, qu'il pourrait être avec elle, malgré ce retard de deux ans. Ils arrivèrent trop rapidement au gout du rouquin devant la porte de leur immeuble. Il regarda Hermione fouiller dans son sac, puis elle se tourna vers lui.

« -J'ai oublié ma clef, dit-elle.

-Oh, heu... Mais alors, tu ne peux pas rentrer chez toi. Tu veux dormir à la maison? »

Hermione sembla hésité un peu, mais elle accepta finalement. En montant les escaliers jusqu'au troisième étages, Ron se rendit compte qu'Hermione n'aurait jamais oublié sa clef quelque part, elle était bien trop attentive pour cela. Il sourit intérieurement.

« -Au fait, demanda Hermione, tu sais que demain nous allons manger chez tes parents?

-Ah bon?

-Oui, c'est une tradition depuis la victoire. Avant chaque mission, on y va, on voit le plus de monde possible pour ne pas trop... Penser. Et puis si jamais il y a un problèmes, on a vu ses proches. Enfin...

-Et ils savent que je viens?

-C'est une surprise, Ron. »

Ron ouvrit la porte de son appartement. Il s'effaça pour laisser enter Hermione et un silence pesant s'installa. Le jeune homme ne savait plus quoi faire. Ce fut Hermione qui rompit le silence.

« -Euh... Où sont... Les toilettes, s'il te plait? »

Sans un mot, Ron emmena Hermione dans la chambre, car la seule porte d'accès à la salle de bain se trouvait dans cette pièce. Il lui désigna la porte et elle dut passer entre lui et l'armoire, Ron ne pouvant pas bouger à cause du lit qui était juste derrière lui.

« -Désolé... »

Hermione le regarda dans les yeux puis, tout doucement, mit sa main dans la sienne et l'embrassa. Ron eu l'impression que la pièce s'était mise à tourner. Il fixa une instant la jeune femme, incrédule, puis l'embrassa avec toute la passion qu'il avait nourrit pour elle durant les deux dernières années. Il n'y eu plus qu'un bref bruit de ressort quand ils basculèrent sur le lit, puis plus rien.