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Forteresse
Par rachoulicious
Originales  -  Drame/Mystère  -  fr
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    Chapitre 2     Les chapitres     0 Review     Illustration    
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Dimanche 18 Décembre 1977 - 7:45

 

Éléonore lisait le journal. Encore des morts sur Paris: de jeunes hommes ivres avaient cru bon de se jeter dans un fleuve. Sottises, se disait-elle, comment peut-on être aussi stupide ? Elle feuilletait les pages, buvant une gorgée de thé à la fraise de temps en temps. Son père semblait la contempler.

-Arrête de me regarder. Dit-elle à son père en levant les yeux.

Il s'exécuta, de peur de la froisser. Le dialogue n'était jamais vraiment passé entre le père et sa fille. Lui était chétif et timide alors qu'elle était fière et forte. Il baissa donc la tête et fit mine de retourner dans la cuisine.

-Promets-moi, papa, que tu n'iras jamais près d'un cours d'eau après avoir pris quelques verres. Je ne voudrais pas que tu finisses dans la rubrique des faits-divers.

-Tu vas à l'école, aujourd'hui ? Répondit-il, visiblement désintéressé.

-On est Dimanche aujourd'hui ! Et puis, c'est bientôt les vacances, tu te souviens ?

Éléonore attrapa un crayon et un bout de papier. Elle se leva et vida le reste de son thé dans l'évier de la cuisine. Son père l'observait, attentif au moindre geste de sa fille. Elle écrivit quelque chose sur le bout de papier, puis enfila son gilet et prit sa sacoche.

-Tiens Papa, si tu veux sortir un peu aujourd'hui, voici ce qu'il faudra acheter pour les repas de ce soir et de demain. J'ai envie de cuisiner de nouvelles choses en ce moment.

Mr. Spark avait quitté son poste de cadre dans une grande entreprise quand la santé de sa femme avait commencé à décliner. Il avait ensuite décidé de travailler dans la traduction de petits livres, notices et autres textes étrangers nécessitant ses talents de traducteurs. Cet emploi lui avait permis de rester toute la journée chez lui pour s'occuper de sa femme. Et après le décès de celle-ci, l'homme n'eut plus le cœur à retourner voir le monde. Il garda donc ce travail même si le salaire, peu élevé, lui permettait à peine de joindre les deux bouts. Éléonore avait appris à s'occuper de la maison et du repas. Elle faisait souvent les courses, s'occupait elle-même des papiers administratifs et remplaçait très bien père et mère. Elle continuait, jour après jour, à sacrifier l'innocence de sa jeunesse. Cinq ans que cela durait.

Elle avait songé à tout laisser tomber maintes et maintes fois. Elle avait imaginé qu'elle s'en allait, en autobus. Elle aurait pris un ticket pour la chaleur du Sud. Elle déambulerait dans les rues ensoleillées et s'achèterait des glaces à la mangue. Et puis, l'air de la plage et du sable. Enfin elle pourrait dorer sa peau un peu trop claire. Ah, la liberté... Trêves de rêveries.

Éléonore n'aurait jamais laissé son père seule dans la petite maison familiale. Elle n'était pas très sympathique mais, au moins, elle était loyale. Jamais elle ne trahirait ses promesses. Cependant, la jeune fille n'avait jamais été aussi près d'abandonner ses responsabilités, pour toujours.

-Tu as entendu, papa?

-Oui... Répondit-il, hésitant. Mais, tu es sûre que je vais avoir assez d'argent ?

Éléonore fouilla les poches de son gilet, sans rien y trouver. C'était le dernier tier du mois, autrement dit le moment où chaque centime était compté. Il y avait toujours cinquante francs dans la commode du salon, tiroir en bas à gauche, sous clé. C'était, d'après Éléonore, une sorte d'assurance si jamais il devait y avoir un problème de faible importance. Il y avait aussi une centaine de francs sous une latte de parquet: ça c'était si le problème devenait onéreux. Et, dans sa chambre, elle avait un coffre dans lequel elle laissait dix francs chaque mois depuis trois ans: de quoi s'acheter tout juste de quoi manger pendant un ou mois. Évidemment, pas question de toucher à cette argent pour effectuer de simples courses. Même pas un franc. Rien. Nada.

-C'est pas grave, papa, tu achèteras seulement pour le repas de ce soir. J'improviserai pour assurer les derniers jours. On se passera de dessert cette semaine, c'est tout.

Cela devenait de plus en plus difficile à gérer pour elle. Elle allait en cours chaque jours pour apprendre ce qu'elle savait déjà, et le soir elle rentrait pour apprendre à son père ce qu'il était censé savoir. Cela convenait à tout le monde: ses professeurs se pensaient pédagogues et son père trouvait sa fille extraordinaire. Et moi dans tout ça, se disait-elle, qui suis-je ? Un objet de convoitise ?

-Il faudra que tu achètes une nouvelle veste, pour toi. Suggéra son père.

Éléonore contempla un instant les traces d'usures qui s'étaient posées il y a des mois sur son gilet épais. Qu'est-ce qu'elle avait froid avec ça sur ses épaules !

-Il n'y a pas de sous pour ça.

-Tu ne vas pas passer l'hiver avec ce... pull ?

-Laisse-moi, papa. Je fais ce que je veux.

Économiser, économiser, toujours rationner, telle était la doctrine de la jeune fille. Son père ne se rendait plus compte des prix. Il devait penser qu'un manteau d'hiver couterait quelques francs. Sottises.

-J'y vais. Je vais me balader un peu.

-Il est tôt, ma chérie.

-Je dois garder des enfants. Ça fera quelques sous. Je mangerais dans une café. Je rentre en fin d'après-midi.

Elle attrapa une écharpe et un bonnet qui trainaient là, enfila ses bottines sombres. Habillée entièrement de noir, elle se dit que sa vie est un deuil sans fin. Depuis la mort de sa mère, impossible de porter des couleurs, impossible de voire la vie en rose. Ce serait trahir Helena Spark. Elle prit sa petite sacoche qui lui servirait de bourse aujourd'hui. Dedans, il y avait une photo en noir et blanc de ses parents quand le monde les unissait encore, une petite clé qui lui permettrait d'ouvrir sa montre à gousset et de la remonter, un petit savon qu'elle emmenait partout car les endroit public n'en sont pas toujours munis, un mouchoir en soie héritée de son grand-père, un briquet dont elle ne se servait pas, un rouge à lèvre qu'elle n'utilisait pas et des bricoles tout aussi inutiles les unes que les autres.

Éléonore fit un sourire fantomatique à son père, puis s'en alla sans prendre la peine de fermer la porte et le portail. Il la regarda pendant quelques secondes par la fenêtre. Son pas était sûr et rapide. La démarche d'une fille confiante et sans peur. Une fille intelligente, mature et que personne ne pourrait jamais détruire. Engagez-vous dans un combat contre-elle et vous mourrez avant qu'elle ne se batte vraiment. Non, il n'y avait rien à craindre pour elle. Il n'y avait pas d'adversaire à sa taille dans ce monde de fou. Mais si un jour elle le trouvait, cet ennemi invincible, alors ce serait la fin.

C'est la dernière fois que l'on vit notre chère Éléonore.

 
 
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