Anciennes blessures

Chapitre 2

Il soupira.

La pendule indiquait 4h du matin à peine passée de quelques minutes. Il avait terminé sa nuit.

Ce n’était pas très grave, après tout, dans un peu plus de trois heures se tiendrait la réunion de fin de vacances des professeurs.

Un an déjà qu’il était parmi eux. Respecté par ses collègues. Plus ou moins aimé des élèves. A l’abri des débordements du ministère et des journalistes.

Un an de calme et de stabilité.

A 18 ans, il débarrassait le monde de Voldemort ; à 19, il terminait ses études ; à 20, il se fiançait. Et à 21 il se présentait à ce poste.

« Harry Potter, professeur de Défense Contre les Forces du Mal à Poudlard ! »

Il se souvenait encore de la première page de la gazette du sorcier au lendemain de la rentrée. Sans doute l’une des seules fois où il avait apprécié l’un de leur article depuis la fin de la bataille.

De ses insinuations sur sa santé mentale à 15 ans à peine, en passant par les critiques virulentes sur ses réactions face au monde de la presse, jusqu’aux innombrables articles traitant de sa vie privée – il ne comptait plus les âneries qu’il avait pu y lire – et de ses prétendues amitiés, ce journal avait toujours trouvé l’heure idéale pour intervenir dans son existence.

Au moment où il allait le plus mal, en somme.

Cette année encore, les rumeurs les plus folles sur la fin de sa vie de couple avaient été publiées. Il espérait simplement que Ginny n’en ai pas trop souffert – sa notoriété était, entre autres choses, une des raisons de leur séparation. Ils s’étaient quittés depuis un an, seules quelques lettres échangées, de rares rencontres lors de réunions familiales et les nouvelles occasionnelles de Ron lui assuraient qu’elle s’en remettait finalement assez bien.

Harry se leva et remit en ordre le lit et la bibliothèque d’un simple mouvement de baguette.

De quand datait son précédent cauchemar ?

Deux semaines à peu près. Encore un rêve où ce foutu mage noir avait le rôle principal. En option, il avait même eu droit à une mort très imagée de ses amis. Au moins, cette nuit, ce songe tenait plus de la bizarrerie que du drame. Mais il ne fallait pas penser pour autant qu’à chaque fois qu’il fermait les yeux il avait droit à une nouvelle scène apocalyptique. Non, même ce genre d’expérience pouvait être effacée par le temps – et la potion de sommeil, bien que déconseillée pour une consommation régulière, était également une invention fort pratique…

Le sorcier se dirigea d’un pas lent vers sa salle de bain appelant au passage sa tenue de la journée d’un simple accio.

Il avait encore dix-sept ans et errait dans les couloirs de Poudlard. Puis ce fameux maître des potions était apparu.

A cette époque, avant sa disculpation, il ressentait encore une haine féroce envers lui – ce que ce cauchemar n’avait pas omis de lui rappeler – et sa réaction avait été le parfait reflet de celle-ci. Cependant, comme dans tout bon rêve du survivant, Harry s’était retrouvé en position de faiblesse. Et puis, le malaise, des gestes ambigus et impensables, écoeurants dans cette illusion mais simplement étranges au réveil.

Bien sûr, il faisait l’impasse sur la fin du cauchemar – on essayait toujours de se débarrasser de lui à la fin.

Il entra sous la douche l’esprit tourné vers ce songe.

Il ne cherchait pas souvent à les analyser mais celui-ci lui laissait une vague impression de malaise. Aussi loin qu’il pouvait s’en souvenir, il n’avait jamais prêté pareilles intentions à son ancien professeur. Traître, mangemort, lâche, bâtard, certes mais pervers ?

Il soupira une nouvelle fois.

Quelle signification s’imaginait-il trouver ?

Il n’y en avait aucune vraisemblable.

Harry n’avait jamais trouvé aucun attrait aux hommes – et encore moins à cet homme. Peut-être était-ce simplement pour lui rappeler qu’il n’avait plus eu de relation amoureuse depuis Ginny. Oui, sans doute.

Ce qui en somme n’avait que très peu d’importance.

Après tout, la vie à Poudlard lui apportait suffisamment de distraction et d’attention de la part de ses amis et collègues – Hermione, professeur de métamorphose depuis quelques années n’était pas la dernière à le lui rappeler – pour qu’il ne songe plus vraiment, pour l’heure, à la vie de couple.

Fin prêt pour affronter cette nouvelle journée, il quitta ses appartements – à cinq heures seulement – et se dirigea vers la grande salle.

Ron devait sans soute dormir sur ses deux oreilles à cette heure, durant cette période ô combien appréciée des joueurs professionnels de quidditch qu’était l’entre deux saisons. Au moins, le sorcier était certain que son meilleur ami leur rendrait visite durant la journée – à la plus grande joie de sa fiancée, Hermione Granger.

Un sourire se dessina sur ses lèvres en songeant à la jeune femme. Ce jour lui rappelait à quel point elle s’acharnait au travail durant leur scolarité.

Serait-elle encore penchée avec fébrilité sur ses plans de cours cette année lorsqu’il pénètrerait dans la grande salle ?

Chaque fois, le reste des professeurs, qui comme lui avaient l’habitude de la voir sereine durant toute l’année scolaire, ne pouvaient s’empêcher d’afficher ce petit air amusé quant ils l’observaient. Enfin, c’était ce que lui avait rapporté Filius pour les années précédant son arrivée mais Harry n’avait eu besoin de voir cet évènement qu’une fois pour croire sur parole le petit professeur.

C’était lors de sa première année d’enseignement, également, que Slughorn – peut-être décidé à flagorner les amis du « Sauveur » en sa présence - avait bien été le seul à essayer de la raisonner sur l’inutilité d’un tel travail car, selon ses propres dires, comme tout le monde le savait, elle était un professeur exceptionnel. A tenter pitoyablement de flatter la si-connue-pour-son-intelligence Hermione Granger, le professeur de potions avait récolté une belle colère de la dite personne.

Harry en avait ri sous cape.

Cet homme lui était réellement désagréable dans sa manière d’être au petit soin pour les célébrités et ignorer tous les autres. Et il lui avait clairement fait comprendre lorsqu’il avait tenté durant les premiers mois de le réinviter à des soirées de son cru. A présent, Slughorn ne lui portait plus qu’indifférence – enfin, quand cela lui était possible, vu sa place dans la société sorcière, il se devait de montrer une certaine entente avec leur héros. Il ne se privait toutefois jamais pour le critiquer méchamment dans son dos.

Le sorcier en aurait presque regretté Rogue.

L’homme au moins s’investissait dans son travail – à l’inverse de Slughorn qui vous livrait les potions dont vous aviez besoin en urgence des jours, voire des semaines, plus tard. En dehors de sa haine pour les Potter et les gryffondors, l’homme en noir devait sans doute être vivable.

A dire vrai, Harry espérait même pouvoir un jour s’excuser auprès de lui pour son comportement passé.

Rogue avait fait beaucoup de sacrifices et avait été le déclencheur de la victoire. S’il n’avait pas détruit le dernier horcruxe de ses propres mains quelques heures avant l’affrontement final, Voldemort vivrait encore. Trop concentrés dans leur tâche, et un peu naïf aussi, ils avaient cru détruire le dernier horcruxe en Nagini. Le serpent n’avait jamais été un réceptacle et ils s’étaient fait duper sans le savoir.

Minerva les en avait informés après coup : Rogue s’était joué de son prétendu maître sans qu’il ne le sache jamais.

Puis, il avait disparu.

Toutes les preuves pour son acquittement des crimes dont on le jugeait coupable – son meurtre forcé de Dumbledore, son véritable rôle d’espion, sa place auprès de Voldemort, tout avait été révélé – avaient été apportées par les lettres de Dumbledore et le témoignage de Minerva.

Et il ne s’était pourtant plus manifesté.

Avec les années, il avait compris et pardonné. Harry se demandait même parfois si cet ex-mangemort le haïssait encore. Les années à venir lui donneraient peut-être l’occasion de mettre les choses au clair – du moins, s’il se décidait à réapparaître.

Le sorcier pénétra enfin dans la grande salle.

Un doux sourire s’afficha sur ses traits lorsqu’il vit la tête brune plongée dans ses parchemins.

- Bonjour, Hermione.

Elle releva un instant les yeux vers lui puis se replongea dans ses plans de cours.

Il aurait pu affirmer sans craintes que tout était parfait dans ses notes depuis des semaines mais il se garda de faire la moindre remarque.

- Ah. Salut Harry.

Il ne se vexa pas de la réponse sommaire – dans quelques heures son amie aurait retrouvé sa gaieté et sa gentillesse habituelle. Le professeur de DCFM s’installa simplement et entama son déjeuner.

Ils n’étaient encore que tous les deux et il faudrait encore une ou deux heures avant que leurs collègues ne se lèvent. Puis la réunion aurait lieu lançant ainsi les préparatifs d’une nouvelle année scolaire.

Après quelques années loin du château, il savait aujourd’hui que Poudlard serait toujours sa maison et qu’il ne serait jamais plus heureux ailleurs. Parfois, il songeait avec nostalgie aux instants de bonheur qu’il avait partagés avec Ginny, se sentant douloureusement seul, mais il savait qu’ici il était aimé pour ce qu’il était – simplement Harry – et il n’aspirait, en réalité, que rarement à se trouver une compagne.

Il l’avait enfin compris, il ne serait jamais seul à Poudlard.

A suivre…

Bon, ce chapitre sert surtout de remise en situation mais j'espère qu'il vous a plu ;')
J'attends vos avis !