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au 31 Mai 21 :
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Adventice
Par Mokoshna
Final fantasy VII  -  Romance/Action/Aventure  -  fr
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Chapitre 4

Auteur : Mokoshna
Crédits : Final Fantasy 7 est la propriété de Square-Enix, je ne reçois pas un sou en écrivant cette fic.
Avertissements : Spoilers du jeu et du film Advent Children, Yaoi Reno x Cloud.

***

 

Chapitre 4



Reno se réveilla petit à petit, au son d'une voix doucereuse qui l'appelait sans cesse, suivi d'un grattement insistant qui lui tapait sur les nerfs. Une odeur facilement reconnaissable lui assaillit aussitôt les narines et la bouche : celle du Mako, âpre et acide à la fois, entêtante, désagréable. Sa vision était devenue verte ; il voulut hurler mais ne put qu'avaler une énorme quantité de liquide. Il s'aperçut avec horreur qu'il avait été dépouillé de ses vêtements et qu'on l'avait placé dans une cuve remplie à ras bord de Mako. Seuls quelques capteurs placés à des endroits stratégiques du corps couvraient çà et là sa peau.
— Bien dormi ? fit la voix nasillarde de son oncle, Carson Nevada.
Il l'aurait reconnue entre mille, même avec la présence du Mako qui déformait et étouffait les sons. Son corps s'agita, en vain ; il n'avait plus aucune force. Il vit son oncle sourire à travers la paroi de verre. Le décor était tristement familier : un laboratoire dans lequel on avait placé quantités d'appareils étranges et menaçants ainsi que plusieurs cuves semblables à celle qu'il occupait à l'instant, du Mako en grande quantité, Carson qui s'agitait devant les spécimens, extatique. Reno remarqua qu'il était le seul autre être vivant présent.
— Si tu veux savoir où sont tes amis, continua Carson, je les garde en réserve jusqu'à ce que j'en aie fini avec toi. On ne voudrait pas que tu partes trop tôt, n'est-ce pas ?
Reno hocha faiblement la tête, signalant par là qu'il acceptait de coopérer... pour l'instant. Il savait son oncle capable de tout pour arriver à ses fins. Autant jouer le jeu jusqu'à ce qu'il ait une chance de partir.
Derrière Carson, une porte coulissa et un homme habillé de noir apparut. L'eût-il pu, Reno aurait sursauté et se serait précipité sur lui pour le prendre dans ses bras. Le nouveau venu lui fit un salut guindé et se dirigea vers Carson en tenant à bout de bras un objet que Reno reconnut comme étant l'arme de prédilection de Cloud Strife. Il s'agita, troublé : d'après ce qu'il savait, Cloud ne se séparait jamais de son épée. Carson avait-il réussi à le capturer ?
— Bien. Je suppose que tu reconnais Tommy, notre vieil ami commun, dit Carson en désignant le nouveau venu. Il m'a gentiment aidé à appréhender ton nouvel ami... quel est son nom, déjà ? Oui, c'est ça. Cloud. Cloud Strife.
Ses lèvres se tordirent en un rictus pervers. Reno lui jeta un regard furibond.
— Ne t'inquiète pas pour lui, cher neveu, ricana Carson. Je ne lui ferai aucun mal. Ce serait dommage de jeter tout de suite un tel spécimen.
Son rire résonna dans le laboratoire. Tommy n'avait pas bougé ni même cillé ; il semblait insensible à tout ce qui se passait autour de lui. Silhouette trapue, cheveux bruns courts légèrement en broussaille, bouille d'ours agrémentée du caractère qui allait avec en temps normal : le physique de Tommy, ex-Turk, n'avait pas changé d'un iota. Il portait même le costume traditionnel de la maison. Pourtant, son regard vide prouva à Reno à quel point il avait changé : le Tommy qu'il connaissait avait tendance à afficher chaque sentiment qui l'animait sur son visage, c'est pourquoi on évitait de l'envoyer en mission d'infiltration ou de reconnaissance. Pas comme ce zombie endimanché en Turk, qui obéissait à Carson comme une marionnette docile.
Et Carson ? Toujours le même attifement de laboratoire, toujours le même visage maigre aux joues creusés par des nuits de travail intensif, penché sur une éprouvette ou sur l'écran d'un ordinateur. Ses cheveux étaient gras et brillants à force d'être laissés sans hygiène ; Reno ne voulait même pas penser au reste de son corps. Carson remit ses lunettes en place d'un geste vif du majeur, les yeux rivés sur la silhouette nue de son neveu, admiratif, lubrique même. Une vague de dégoût assaillit le Turk.
— Il te rejoindra bientôt, dit Carson, les yeux pétillants. Nous avons de grands projets pour lui.
Nous ? Carson n'était donc pas seul dans cette affaire ? Reno réfléchit à toute vitesse. Qui avait intérêt à s'allier à Carson pour créer des clones d'êtres morts et l'enlever ? C'était absurde. Reno n'était pas si important.
— Ce sera merveilleux, dit-il. Toi et moi, une famille comme avant, tu te souviens ? Ton petit ami pourra rester si tu veux. C'est bien ton petit ami, n'est-ce pas ? Gina me l'a dit. Elle te surveille depuis des mois, mon Reno, mon neveu chéri. Ce sera parfait. Nous serons très heureux, tu verras. Tous les deux. Ou tous les trois ?
Il éclata de rire encore une fois. Reno ne supportait plus ses crises hystériques. Il orienta son esprit ailleurs, ne serait-ce que pour se couper du tumulte que Carson causait à lui seul. Comment faire pour se sortir de cette situation ? Dans son état, il était particulièrement impuissant. Connaissant son oncle, il avait dû le droguer pour qu'il ne puisse plus bouger pendant un moment. Cela durerait tant qu'il tiendrait le corps de Reno en son pouvoir ; il lui fallait donc compter sur une aide extérieure s'il voulait échapper au contrôle de ce fou. Carson avait mentionné des otages ; des « amis ». Par « amis », Reno supposa qu'il parlait de Tseng, Rude et Éléna, qu'il lui semblait avoir aperçu avant de s'évanouir. Gina était-elle restée pour les appréhender ? C'était peu probable. Elle avait beau être très forte, il doutait qu'elle fût de taille contre trois Turks du niveau de ses amis. En rajoutant Cloud, il lui était impossible de s'en sortir vivante, même avec l'aide de Tommy. Leur avait-elle tendu un piège, dans ce cas ? Et quelle sorte de piège pouvait immobiliser ainsi le héros de la planète ?
Tout était de sa faute. Reno s'en voulut d'avoir été si irrationnel : la faim avait annihilé ses capacités de jugement et il avait avalé le contenu de la fiole de Carson sans réfléchir. Ce n'était sûrement pas la substance habituelle ; il ne savait pas ce qu'elle contenait, mais cela avait été assez douloureux pour le rendre inconscient. Et que devait-il penser de l'apparition de Géostigma ? Il savait par Tseng que la Géostigma n'était qu'une réaction allergique du corps contre les cellules de Jenova contenues dans la Rivière de la Vie ; une sorte de rejet écoeurant et souvent mortel. Pourtant, aux dernières nouvelles, son organisme supportait très bien le mélange Mako/cellules de Jenova qui composait le reno, la drogue que son oncle avait créé pour lui et qui portait ironiquement son nom. Ou son corps avait-il appris d'une manière ou d'une autre à expulser les résidus de Jenova ?
Si tel était le cas, ses chances de survie se trouvaient réduites à zéro. Il avait eu un sursaut d'espoir pour rien.
Furieux, Reno se jura de tuer Carson de ses mains une fois qu'il en aurait la possibilité. Ce ne serait pas la première fois et, tant qu'il n'éliminait pas le mal à sa source, cela risquait de ne pas être la dernière non plus. Tant pis. Il l'avait fait une fois, il le ferait une deuxième et autant de fois qu'il le faudrait, jusqu'à ce que ce mauvais souvenir soit définitivement éradiqué de la surface de la planète. Il ne lui devait plus rien, après tout.
Mais pour l'instant, il devait attendre et endurer ce que Carson lui préparait. Rien de nouveau sous le soleil ; c'était ce qu'il faisait le mieux. Pendant longtemps, cela avait été la seule chose dont il avait été capable. Maintenant qu'il avait le choix, il ne laisserait pas ce satané savant fou l'emporter.
Reno pensa à Rufus, à Rude et aux autres ; sa volonté se raffermit. La partie n'était pas encore finie.

*

Tseng tourna en rond, déplaçant la poussière, raclant les murs du bout des doigts pour en tester la solidité. Il avait déjà essayé sur la lourde porte en fer et l'avait trouvée complètement hermétique à ses assauts : pas de trace de gond, pas de verrou, rien qu'il puisse trafiquer. De frustration, il jura à voix haute, ce qui ne lui arrivait que dans les pires moments.
Il avait été si stupide ! Comment avait-il pu baisser sa garde à ce point ?
— Rufus doit être fou d'inquiétude, chuchota-t-il.
Il se demanda où se trouvaient Rude et Éléna, s'ils allaient bien. Tseng eut l'impression d'avoir échoué en tant que chef. Il les avait laissés se faire capturer, il ne savait pas où se trouvaient ses hommes. Tout s'était déroulé si vite ! La découverte de la Géostigma sur le corps de Reno. L'apparition de Cloud, son insistance à vouloir s'occuper du cas de son subordonné. Tseng avait été si bouleversé qu'il l'avait laissé les entraîner à l'extérieur du bâtiment jusqu'à l'église d'Aerith, pour que Reno puisse se faire soigner par l'eau miraculeuse qui s'y trouvait. Il se croyait en sécurité, sûr de sa force et de celle ses hommes.
Grossière erreur. Ils avaient été pris dans un traquenard alors que leur attention avait été toute occupée à regarder Cloud plonger le corps noir de Reno dans l'eau. Il ne se souvenait pas bien des derniers instants ; Cloud avait été là, les yeux hagards, tenant Reno fermement entre ses bras, Tseng se souvenait de lui avoir demandé ce qui se passait pas la suite, s'il allait invoquer Aerith... Son vis-à-vis lui avait alors souri d'une manière étrange, il avait entendu le cri d'Éléna et de Rude dans son dos avant qu'une douleur électrique sur sa nuque ne lui fasse perdre connaissance. Dans ces conditions, il n'avait guère été étonné de se réveiller seul dans un cachot glacé, sans arme et sans nouvelle de ses amis.
Un autre fiasco se rajoutait à la mission de Corel. Une autre de ses erreurs en tant que chef des Turks.
Veld aurait été bien déçu s'il avait été encore en vie.
Dépité, Tseng s'assit dans un coin et se mit à réfléchir. On lui avait confisqué ses armes et ses objets, la cellule était d'une solidité déconcertante et il ne savait pas où il se trouvait ni même qui étaient ses ennemis. C'était très mal parti pour une tentative d'évasion. Il espérait seulement que Rufus vienne les chercher au plus tôt ; il était leur seul espoir.
Sur ces pensées, Tseng soupira et se mit à attendre, l'oreille aux aguets.

*

Éléna frappa la porte de ses poings et de ses pieds, encore et encore jusqu'à ce que ses muscles protestent et que les jointures de ses mains soient en sang. Elle était folle de rage. Comment un tel désastre avait-il pu arriver ? Ceux qu'elle aimait avaient été enlevés à sa vue et elle était là, dans cette cellule, sans nouvelle depuis son réveil ! Les larmes lui embrouillaient la vue, le goût de la bile lui montait à la gorge. Reno en particulier avait été au plus mal la dernière fois qu'elle l'avait vu ; peut-être même était-il mort à cette heure. Et Rude, et Tseng ? Que leur était-il arrivé ? Elle ne savait rien, si ce n'est qu'elle avait été assommée et dépouillée de ses affaires. C'était si frustrant ! Et bien sûr, pas la moindre trace d'un garde, juste cette stupide porte fermée !
Son pied cogna une dernière fois sur la plaque d'acier en émettant un bruit sourd, très désagréable. Elle s'arrêta pour reprendre son souffle. Son corps était couvert de sueur ; ses cheveux étaient collés sur sa nuque et son visage et elle pouvait sentir son organisme se déshydrater peu à peu.
— Fichue... porte, dit-elle, pantelante. Sale... té de... cellule...
Ce fut alors que la porte bougea et s'ouvrit en grinçant. Éléna cligna des yeux, surprise. Elle se prépara à attaquer la personne, quelle qu'elle fût, pour pouvoir sortir et aller chercher ses amis. Elle était moins douée que Rude pour le corps à corps mais elle savait se défendre quand il le fallait. Elle était une Turk, que diable !
Son coup de poing fut stoppé net par une main fine aux ongles manucurés. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, un bras apparut, on lui asséna un coup au niveau du plexus qui la fit se tordre en deux, et elle fut projetée à terre d'un mouvement souple et puissant. Éléna fixa bêtement le plafond, aussi abasourdie que le jour où Tseng était venu lui annoncer qu'elle prendrait la place de Reno au sein des Turks après que celui-ci eut été trop abîmé par Cloud et ses amis en combat.
— Eh bien, quelle fougue, ma chérie, fit une voix sournoise qu'elle reconnut avec peine.
La silhouette d'une femme apparut dans son champ de vision. Fraîche et rayonnante, Gina lui fit un clin d'oeil avant de la relever d'un geste en la tirant par le col de son costume. Éléna s'était immobilisée, les yeux ronds et les mains tremblantes. Son esprit se refusait à reconnaître sa soeur en la personne de cette femme superbe au regard de chienne ; à peine osait-elle détacher ses yeux de son visage pour regarder derrière son dos. Un couloir vide ; c'était sa chance de partir. Ses jambes la guidèrent d'elles-mêmes.
Elle sauta au cou de Gina, le visage baigné de larmes.

*

Rude errait déjà depuis un certain temps, les sens en alerte. Il s'était réveillé un peu plus tôt dans une cellule sécurisée, seul et sans arme. Précautions inutiles de la part de ses geôliers ; auraient-ils eus une once de bon sens ou de connaissance de sa personne, ils ne l'auraient pas laissé seul. Et surtout, ils auraient pensé à le fouiller un peu mieux. Rude n'avait eu aucun mal à ouvrir la porte et à défaire le système de sécurité rudimentaire qu'on avait installé là, à l'aide des minuscules instruments qu'il avait dissimulés sur son corps en prévision de ce genre de situation. Tout était une question d'expérience ; et dans le domaine de la sécurité, Rude était le meilleur.
Jusque-là, il avait eu de la chance : les seuls gardes qu'il avait croisés avaient été des monstres de faible niveau dont il avait pu se défaire sans problème, même sans arme et objet. Il espérait seulement que cela reste le cas jusqu'à ce qu'il trouve ses amis ou son équipement. Le sort de Reno surtout l'inquiétait : aux dernières nouvelles, son ami avait été sur le point de mourir, le corps recouvert de Géostigma. Cloud avait-il agi à temps en le plongeant dans la source de l'église d'Aerith ? Rude n'avait pas eu le temps de vérifier s'il y avait eu la moindre amélioration ; à peine Cloud avait-il lâché le corps de Reno au-dessus de l'eau qu'il avait été assommé par derrière.
Il pressa le pas. Reno avait beau être un sacré enquiquineur doublé d'un play-boy notoire aux goûts douteux, il n'en restait pas moins son meilleur ami. Rude le connaissait depuis longtemps, très longtemps même. Il avait dix-sept ans, Reno seize ; ils venaient d'entrer dans la réserve des Turks et n'avaient pas encore perdu leur nom de famille. Rude s'était présenté par défaut, parce qu'il ne voulait pas reprendre le flambeau de ses parents (il était dans sa période « adolescent rebelle ») et le SOLDAT ne l'attirait guère. Le chef des Turks de l'époque, un certain Veld, connaissait ses parents et leur avait proposé de le prendre à l'essai ; le jeune Rude y avait vu une solution pour échapper à l'emprise de sa famille. Tout ça pour tomber dans celle d'une autre, plus dangereuse et contraignante encore.
Pourtant, il était plutôt satisfait de sa vie. On l'avait mis avec Reno parce que personne d'autre n'en voulait ; il avait appris à supporter ce drôle de garçon à force de patience et de persévérance, à tel point qu'ils en étaient devenus les meilleurs amis du monde. La fougue de Reno était un complément efficace à son flegme caractérisé ; pour reprendre une image banale, ils étaient comme l'eau et le feu, sans le sursaut de vapeur qui suivait le choc entre les deux éléments. Ils se complétaient parfaitement. Les Turks étaient exigeants mais justes dans leur manière de le traiter les leurs ; sans cela, Rude n'aurait pu rester plus longtemps au sein de la section la plus crainte et la plus méprisée de la Shinra. L'un dans l'autre, il avait trouvé sa place et comptait y rester.
Neuf ans avaient ainsi passé en un éclair ; Rude avait vu le monde changer de manière drastique. Mais pas lui. Pas la loyauté qu'il devait à la Shinra et aux Turks. Son allégeance était intacte ; et maintenant, sa petite famille était en danger, son frère d'armes Reno risquait sa vie, s'il ne l'avait pas déjà perdue. Il était temps pour lui de passer à la vitesse supérieure s'il voulait sauver les siens.

*

Reno aspira de grandes bouffées d'air, les yeux larmoyants. Carson avait enfin daigné le sortir de sa cuve pour l'examiner d'un peu plus près et lui faire subir une série de tests plus poussés ; pour cela, il avait besoin d'un spécimen libre de ses mouvements et pouvant lui communiquer les évolutions de son organisme sans délai. Reno s'estima bien loti ; au moins, il n'avait plus à ingurgiter de Mako, que ce soit par la bouche ou les narines.
— Allons, mon neveu, un peu de vitalité, susurra son oncle en le regardant reprendre son souffle. N'est-ce pas merveilleux de respirer l'air pur ?
— Quel air pur ? grogna-t-il. L'atmosphère de ce labo est vicié comme l'intérieur d'une putain atteinte de syphilis !
— Tsk tsk tsk, quel langage, Reno.
— Oh, la ferme. Si tu me disais plutôt ce que tu veux de moi ?
Le carrelage était froid, mais Reno n'avait rien pour se couvrir ou même s'essuyer. Tommy lui tendit une serviette propre qu'il accepta sans un mot. Le regard de l'autre homme était voilé et fixe. Reno doutait qu'il y puisse y avoir une quelconque intelligence derrière ce masque grotesque ressemblant à son vieil ami.
— Rien de plus que ce que j'avais commencé il y a dix ans, tu te souviens ? répondit Carson, le sourire facile.
Reno grogna. Ce type poussait l'assimilation un peu loin à son goût.
— Rufus va très bien. Il ne s'est jamais mieux porté. Tu l'as examiné toi-même, tu te souviens ?
— Qui te parle de Rufus ? dit Carson, méprisant. Tu peux le garder, celui-là. Ce n'est pas une grande perte.
— À la bonne heure ! s'écria Reno. Si ce n'est pas à propos de Rufus, qu'est-ce que tu mijotes, dans ce cas ?
Le regard de Carson se fit plus doux ; il se rapprocha de Reno et le regarda droit dans les yeux.
— La domination du monde !
Son corps fut pris d'un spasme de joie ; Reno lui lança un regard de pitié.
— Qu'est-ce que tu racontes, vieux fou ? Que veux-tu dominer ?
— Tout ! L'humanité !
— L'humanité se relève à peine d'une catastrophe planétaire.
— Raison de plus pour l'attaquer maintenant, alors qu'elle est faible et désemparée !
Reno secoua la tête, à la fois amusé et atterré.
— Bon plan. Mais tu oublies qu'il y a une tripotée de gens pour t'arrêter. Des gens qui ne feront qu'une bouchée de toi et de ta pathétique armée.
Et ce disant, Reno désigna du menton la forme immobile de Tommy. Carson lui accorda à peine un regard.
— Tu n'aurais pas pu attendre que les héros qui défendent la planète soient morts ? continua Reno. Ce n'est qu'une question de décennies ; quasiment rien pour toi.
Carson secoua vivement la tête et saisit le visage de Reno entre ses mains. Curieux, le Turk le laissa faire. Sa force commençait à revenir petit à petit et il n'avait plus faim du tout. En fait, à part son manque de vêtements, il allait parfaitement bien : son souffle était de nouveau régulier, son corps réagissait au quart de tour et son esprit était on ne peut plus clair.
— Je ne peux pas, dit Carson très calmement, les yeux plongés dans les siens. Tu seras mort d'ici cinq ans au plus, non ?
— Et alors ?
— J'ai besoin de toi pour mener à bien mes projets !
— Tiens donc ?
Reno se dégagea de l'étreinte de son oncle et se leva. Il se servit de sa serviette humide pour se bricoler un pagne qu'il attacha d'un air distrait ; Carson suivait chacun de ses gestes avec avidité.
— Désolé pour toi mais je refuse, dit-il. Tu pourras menacer mes amis tant que tu voudras, je ne changerais pas d'avis.
— Tu en est sûr ?
— Certain, fit-il sur un ton sec.
— Trop tard.
Reno ouvrit des yeux ronds.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
Carson sourit. Reno trouva qu'il ressemblait à un furet au pelage moisi.
— Ne remarques-tu rien depuis ta sortie de la cuve ? Tu dois respirer un peu mieux, non ? Et ta faim ? Est-elle encore là ?
Reno ne répondit pas. Carson lui jeta un regard fou.
— Je t'ai guéri de ta dépendance au reno, dit-il sur un ton triomphal.
— Et je peux savoir comment tu as accompli ce petit miracle ? fit Reno, la voix blanche. Carson... L'original m'a dit que ça ne serait jamais le cas. Que la structure de mes cellules était imparfaite, ou un truc du genre.
— Plus maintenant, dit Carson, les yeux écarquillés et le sourire fou. Je t'ai rendu parfait !
Reno ouvrit des yeux ronds.
— Comment ?
Carson ricana.

*

La porte de la cellule de Tseng grinça. Il s'en éloigna, prêt à bondir sur celui ou celle qui lui ferait face. Le visage rayonnant d'Éléna apparut. Il en fut tellement surpris qu'il ne réagit pas quand celle-ci se précipita dans ses bras.
— Dieu merci, tu vas bien Tseng !
— Éléna ? Comment as-tu fait pour t'enfuir ?
La jeune femme parut gênée et détourna le regard ; Tseng savait d'expérience qu'elle était sur le point de mentir. Ses lèvres tremblèrent.
— J'avais caché de quoi crocheter la serrure de ma cellule, dit-elle dans un souffle.
Il la toisa d'un air sévère.
— C'est un mensonge.
— Quoi ? Bien sûr que non !
— Éléna, je te connais depuis l'âge de treize ans, dit Tseng avec une grimace. Je sais quand tu mens et quand tu dis la vérité.
— C'est... compliqué, siffla-t-elle entre les dents. Je ne peux rien te dire pour l'instant. Question de vie ou de mort.
Tseng l'observa longuement. Puis, voyant qu'elle n'était pas sur le point de craquer, il poussa un soupir et hocha la tête.
— Bon, je te fais confiance. Nous n'avons pas le temps d'en discuter, de toute manière. Tu sais où sont les autres ?
— Rude n'était plus là quand je suis passée le chercher, dit-elle, visiblement soulagée qu'il soit passé à autre chose. Quant à Reno, j'ai préféré venir te libérer d'abord. Il est avec Carson, on dirait.
Tseng préféra ne pas lui demander d'où elle tenait ces informations. Si elle ne l'avait pas déjà révélé, c'est qu'elle était tenue par le secret. Il n'avait d'autre choix pour l'instant que de lui faire confiance. C'était là la politique habituelle des Turks.
— Allons-y, dit-il. Mais d'abord, je suppose que tu sais où sont nos armes ?
Elle fit un signe positif et lui emboîta le pas à l'extérieur, le front traversé d'une ride fine que Tseng connaissait bien. La dernière fois qu'il l'avait vue sur le visage d'Éléna, c'était à l'annonce de la mort de sa soeur. Cela ne servit pas à le rassurer ; c'est pourquoi il passa le seuil avec prudence.
Le couloir était désert ; pas un bruit, pas âme qui vive. Quelque chose n'allait pas. Tseng savait que cela cachait autre chose. On ne vous faisait pas prisonnier au prix d'efforts calculés pour ensuite vous laisser vous enfuir comme une fleur. Quelque chose se préparait sûrement à son insu, quelque chose de gros. Il pouvait presque le humer dans l'air.
Il était peut-être temps de mettre de côté ses principes pour engueuler un bon coup Éléna et la forcer à lui révéler ce qu'elle s'obstinait à garder secret. Leur sécurité était en jeu. Tseng attrapa le bras de la jeune femme alors qu'elle était sur le point de partir en courant. Elle le regarda d'un air curieux, ses mèches blondes s'agitant à chaque mouvement de sa tête. Ses cheveux étaient soyeux et sentaient bons, comme si elle venait de sortir d'un bain parfumé. Tseng remarqua à quel point son visage était lisse.
Trop lisse.
Il tira sur le bras de la jeune fille et le tordit dans son dos en la jetant tête la première contre un mur. Éléna poussa un cri de surprise ; sa joue racla la surface de béton tandis qu'il l'immobilisait.
— Qu'est-ce qui te prend, Tseng ? protesta-t-elle. Tu es fou ?
Tseng ne l'écouta pas ; à la place, il regarda les mains de la jeune femme, qu'il avait mises dans son dos pour mieux la maîtriser. Les doigts étaient fins et délicats ; pas comme ceux d'Éléna, la véritable Éléna, qui étaient rugueux et couverts de taches à force de manipuler des armes à feu et de se battre. Cette femme n'avait pas non plus la fine cicatrice sur la joue gauche que son amie avait récolté dans le combat contre la colonne-monstre de Corel ; il avait lui-même soigné le visage d'Éléna, il savait de quoi il parlait.
— Qui êtes-vous et où est Éléna ? dit-il durement.
La jeune femme parut surprise.
— Mais c'est moi, Éléna !
— Sûrement pas.
Tseng saisit soudain un mouvement dans le coin de l'oeil, une ombre hostile. Son instinct de survie réagit sans qu'il s'en rende compte ; il lâcha sa prisonnière et sauta aussi loin qu'il le put. Bien lui en prit. L'air parut onduler sous ses yeux ; la silhouette du sosie d'Éléna vibra d'un coup. Surprise, elle tourna ses yeux vers lui ; Tseng vit avec horreur qu'ils étaient rouges, gorgés de sang. Elle croassa son nom et s'affala à terre, terrassée.
— Quelle imbécile, fit une voix féminine à l'autre bout du couloir. Je lui avais pourtant dit de ne pas éveiller les soupçons !
Tseng sursauta.
Il connaissait cette voix. Il la connaissait même très bien.
— Bonjour, Tseng, dit Gina en sortant de l'ombre. Je t'ai manqué ?

*

Rude ne jurait pas souvent, c'était le moins qu'on puisse dire. Pourquoi perdre son souffle à proférer des mots mal dégrossis alors qu'un seul regard pouvait porter ce que vous ressentiez ? Il ne comprenait pas ces gens qui s'évertuaient à maudire leur environnement alors qu'ils étaient seuls, sans personne pour les écouter. Il savait que cela existait ; il avait assez surpris Reno en train de s'énerver sur une chose ou une autre alors qu'il l'attendait à la fin de la journée de travail. Rude avait toujours un rapport à finir ou un objet à ranger soigneusement ; Reno patientait en pestant sur tout ce qui le dérangeait, de la machine à café défectueuse à l'ascenseur qui refusait d'arriver. Reno était un râleur-né, pas comme Rude qui prenait les choses comme elles étaient, calmement et sans hâte.
C'était sur le point de changer. Rude avait foncé un peu au hasard à sa sortie de sa cellule, misant sur sa chance pour retrouver ses amis. Il passa en revue toutes les pièces sur lesquelles il tombait, sans qu'il vît le moindre signe de ses compagnons d'armes. L'endroit paraissait inhabité ; comme un ancien laboratoire à l'abandon. Il connaissait assez ce genre d'installation pour en reconnaître un quand il y était enfermé. Chaque pièce visitée était remplie de poussière et de toiles d'araignées, arrivées là Dieu seul savait comment. Sans doute des rescapées des expériences qui s'étaient faites là.
La dernière porte du couloir menant à sa cellule ne différait en rien des autres. Grise, lourde, impersonnelle ; il avait peu d'espoir. Il l'ouvrit néanmoins, parce qu'il était consciencieux et que la procédure exigeait de ne rien laisser dans le doute.
Dès que le panneau commença à glisser pour laisser le passage, il sut qu'il avait trouvé quelque chose. L'intérieur de la pièce puait le Mako à fortes doses ; il se boucha précipitamment le nez pour ne pas inspirer trop d'effluves. Il n'était pas assez entraîné pour le supporter directement comme le faisait Reno, par exemple ; contrairement à son ami, il n'avait jamais reçu d'injection, son organisme s'étant révélé allergique au produit.
La pièce était plongée dans le noir. Rude chercha à tâtons un interrupteur. Un bouton sur le mur, juste à côté de l'entrée ; il l'actionna et l'endroit fut illuminé par un éclairage au néon. Il ouvrit de gros yeux effarés.
Ce n'était en apparence qu'une chambre tapissée entièrement vide, exceptée en son centre où se trouvait une cuve cylindrique gigantesque pouvant facilement contenir plusieurs hommes. Quelqu'un ou quelque chose avait brisé l'épaisse paroi de verre ; le Mako qui emplissait auparavant la cuve s'était répandu sur le sol en une mare verte immonde. Et au milieu de la flaque ainsi formée, nu et grelottant, un homme aux longs cheveux noirs effilés geignait, les yeux rivés sur ses mains en sang. De nombreux éclats de verre l'entouraient ; il avait dû se blesser en les recevant sur lui.
Rude le reconnut et poussa un juron.

*

Cloud se réveilla au son d'une voix qui l'appelait par son nom. Il grogna ; son crâne lui faisait horriblement mal et il avait l'impression que ses mains étaient piquetées d'aiguilles fines et aiguisées. Il ouvrit les yeux et vit Reno penché sur lui, un sourire nerveux aux lèvres.
— Alors, on se réveille, yo ? dit le Turk.
Il avait donc récupéré son horrible accent ? Cloud tenta de se relever mais son corps était tout engourdi. Il remarqua qu'il était allongé sur les genoux de Reno, dans un lit sommaire situé dans une petite pièce sans fenêtre. Un homme à l'aspect répugnant les regardait sans rien dire. Il portait l'attirail classique du savant fou ; Cloud avait la nausée rien qu'en le regardant.
— Qu'est-ce que... protesta Cloud en essayant de garder son déjeuner en place. Qui est cet homme ? Où sommes-nous ?
— Pas de lézard, dit calmement Reno. Je peux tout t'expliquer, Cloud.
— J'espère bien !
— Je crois que nous n'avons pas été présentés, dit le troisième homme d'une voix que Cloud jugea extrêmement désagréable. Je suis Carson Nevada, l'oncle de Reno ici-présent.
Les yeux de Cloud s'agrandirent en reconnaissance. Carson Nevada ? N'était-il pas leur ennemi ?
— Reno, tu te rends compte que ce type est recherché ? À moins que... ne me dis pas que tu es de son côté ?
— Du calme, laisse-moi te raconter.
— Raconter quoi ? Mais qu'est-ce qui s'est passé, bon sang ?
Reno et Carson s'échangèrent un regard qui parut suspect à Cloud. Il voulut attraper sa fidèle épée mais elle n'était plus là. Cela le rendit encore plus nerveux et il se mit à surveiller Carson d'un oeil suspicieux.
— De quoi tu te souviens, Cloud ? demanda Reno.
Cloud se creusa la tête. Il avait été dans le bureau de Rufus, à lui conter ce qui s'était passé à Corel, et puis il y avait eu ce coup de fil annonçant une attaque... N'avait-il pas entendu la voix d'Aerith ? Que s'était-il passé par la suite ? Tout était flou.
— La Shinra a été attaquée... Tseng a appelé Rufus pour lui dire que tu étais introuvable.
— C'est ça, dit Reno dans un soupir.
— Et ?
— Je suis désolé, dit Carson. Il semblerait que ce soit de ma faute.
— Non, vraiment ? railla Cloud.
— C'est... compliqué, fit Reno.
Cloud se sentit soudain très, très fatigué. Combien de secrets encore ? Combien de révélations ? Reno le soutenait de son mieux, les yeux suppliants. Cloud sentit son coeur s'apaiser, sans qu'il sache vraiment pourquoi. Le Turk lui sourit et toute la rage qu'il avait pu avoir en apprenant l'identité de Carson s'évanouit.
— Je vous écoute, dit-il en s'appuyant sur Reno, les yeux à moitié fermés.
Carson hocha la tête et attrapa une chaise située à proximité. Il s'installa bien en face des deux hommes, jambes écartées et rictus de dédain sur le visage.
— Bien, je vais faire bref. Vous savez sans doute que le bruit court que je serais mort alors que je travaillais pour le président Shinra.
— On m'a effectivement parlé de cela, dit Cloud d'une voix sèche.
— Saviez-vous quel était le sujet de mes recherches ?
— Pas le moins du monde.
Carson sourit. Il avait les dents jaunes. Cloud se demanda s'il était bien l'oncle de Reno ; ils n'avaient vraiment pas grand-chose en commun.
— L'immortalité, dit fièrement le savant.
— Pardon ?
— Oh, bien sûr, il y a eu quelques problèmes... le principe était de créer pour Shinra une potion d'immortalité. J'ai d'abord testé le produit sur moi, sans que les résultats aient été très probants. Il y a alors eu cet incendie et l'incident fâcheux qui m'est arrivé.
— Vous êtes mort.
— Effectivement. Ça a bien duré quelques années ; une expérience très... intéressante, si je puis dire. Fort heureusement, cela m'est passé.
Il ricana.
— Mon sérum qui paraissait un échec à l'époque fut en fin de compte un succès total. Il lui fallait juste un peu de temps pour agir. Je me suis réveillé il y a de cela deux ans, frais comme un gardon bien que recouvert de terre. Savez-vous que l'odeur de la terre pourrie met six mois pour s'en aller ?
— Ah, répondit Cloud, trop abasourdi pour penser à autre chose.
— Donc me voici, frais et bel et bien vivant. N'est-ce pas merveilleux ?
Cloud secoua la tête.
— Quel est le rôle de Reno dans tout cela ?
— Reno est mon cher neveu, c'est pourquoi je lui ai informé de mon retour, en lui conseillant de tenir le secret. Beaucoup de gens croient que je suis mort. En outre, mon ancien employeur a disparu, et je doute que son fils soit aussi magnanime à mon sujet que l'a été son cher papa... Saviez-vous que c'est lui qui m'a tué ?
— Pardon ?
— Oh, c'était un accident, bien entendu, continua Carson sans faire attention au regard de mépris que lui lança Cloud. Il était venu visiter mon laboratoire et a mis le feu par accident. Il s'en est tiré indemne mais pas moi. Je ne lui en veux nullement, bien sûr.
Cloud fronça les sourcils. Il avait un peu de mal à croire les propos de cet homme. Reno lui caressa les cheveux et tous ses doutes s'évaporèrent.
— Cela fait donc deux ans que vous êtes parmi nous ? Et Reno vous a couvert jusque-là ?
— C'est mon oncle malgré tout, intervint Reno. La famille. C'est normal que je veuille le protéger, non ?
— Et le clone de Corel ?
Reno soupira.
— C'est le résultat d'une légère erreur, dit Carson. À mon réveil, j'ai voulu continuer mes recherches sur l'immortalité. Vous comprenez, il serait dommage de ne pas exploiter une telle découverte. J'ai donc voulu tester un peu la formule de base, mais je n'avais aucun cobaye sous la main et franchement, l'idée de me servir de personnes vivantes m'est en horreur.
Ce disant, il fit une grimace contrite. Cloud n'en croyait pas ses oreilles. Le disciple de Hojo aurait de tels soucis d'éthique ? C'était peu probable. Pourtant, quelque chose en lui lui inspirait de la confiance... de l'apaisement... Reno le serra un peu plus contre lui et fit un signe de tête en direction de Carson.
— J'ai donc eu l'idée d'utiliser des clones humains, reprit ce dernier. Les miens, pour être précis. Et avant que vous ne protestiez, il faut que vous sachiez que cela est absolument dans les règles de l'éthique scientifique. Un clone n'est pas une véritable personne, il n'a pas d'âme et pas de personnalité. Tout allait pour le mieux, du moins c'est ce que je croyais. Seulement, l'un d'entre eux, un clone raté, s'est mis en tête de s'enfuir et de s'installer à Corel, allez savoir pourquoi. Et il avait cette drôle de lubie de vouloir porter une cape noire.
Cloud leva les yeux vers Reno.
— La lettre que tu as reçue, c'était pour l'arrêter ?
— Ouais, fit le Turk d'un air gêné. Comme personne n'était censé savoir pour le retour de mon oncle, je me suis dit que je devais faire ça dans le secret, histoire de pas inquiéter les potes, tu vois ?
Cloud sentit comme un choc électrique lui traverser le cerveau ; il lança à Reno un regard furieux.
— Non, je ne vois pas ! C'était stupide, même pour toi, Reno !
— Je sais, ok ? cria le Turk. Je suis désolé !
— Et qu'est-ce que nous faisons ici ? Où sommes-nous ?
— Dans mon laboratoire, dit Carson. Laissez-moi vous expliquer. Voyez-vous, mon cher neveu avait eu la très mauvaise idée de me subtiliser en cachette une fiole de mon sérum d'immortalité. Une fiole non testée. Il a voulu l'avaler et cela a eu des effets... déplaisants.
— Comment ça ?
— La Géostigma, dit Reno avec une grimace. Le sérum contient une part non négligeable de cellules de Jenova et mon corps n'a pas supporté. Il s'est brusquement recouvert de Géostigma. Les vapeurs se sont répandues dans l'étage et ça a été mortel pour les pauvres gens qui s'y trouvaient. Moi, j'ai résisté plus longtemps parce que mon corps a développé une espèce de résistance avec les injections de Mako, mais j'étais quand même sur le point de crever quand les autres m'ont trouvé.
Cloud l'examina rapidement.
— Tu m'as l'air d'aller bien.
— Parce que t'as eu le bon réflexe, dit Reno. Tu m'as emmené à la source d'Aerith. Tu ne te souviens pas ?
Cloud secoua la tête.
— Je crois avoir entendu sa voix, mais c'est tout.
— Elle a dû te guider jusque-là, dit Reno dans un souffle. C'est donc elle que je dois remercier pour m'avoir sauvé la vie...
— Oui. Je crois.
Cela ressemblait effectivement à Aerith de chercher à aider tout le monde, même si certains étaient des ennemis. Malgré le nombre de fois où Reno était venu l'enlever, elle avait eu assez de bonté pour le sauver alors que sa vie était en danger.
— Le truc, continua Reno, c'est que Tommy et Gina le savaient pas, et du coup ils ont cru que vous vouliez me tuer. Ils ont assommé tout le monde et nous ont emmené ici.
— Tommy et Gina ?
— Deux anciens Turks à mon service, dit Carson. Comme je n'avais plus de nouvelles de Reno depuis mon message, je leur avais demandé de voir ce qui lui était arrivé. Ils m'ont dit avoir cru au pire en voyant mon neveu recouvert de Géostigma et ont agi sans réfléchir. C'est regrettable.
— Et les autres Turks ?
— En sécurité, fit Carson. Je les ai mis dans des cellules séparées par sécurité mais comme cela est inutile à présent, j'ai demandé à mes hommes d'aller les chercher. Ils devraient être là d'une minute à l'autre. Je vous fournirai également de quoi rentrer chez vous. Veuillez encore m'excuser pour cette affaire. Je ne voulais nuire à personne.
Avait-il dit la vérité ? En apparence, son explication se tenait, de la raison de son silence jusqu'à l'élimination du clone. Même l'acte de stupidité de Reno ne l'étonnait pas.
— Qu'est-ce qui t'as pris de prendre cette fiole et d'en avaler le contenu, Reno ?
— Désolé, s'excusa le Turk, mais je pensais que le sérum était prêt. Je pensais prouver à Rufus à quel point les recherches de Carson étaient importantes et en plus, je pensais qu'il allait me tuer...
— Et je ne lui en voudrais pas, soupira Cloud.
— Eh !
— Sérieux, à chaque fois que je crois avoir tout vu avec ta stupidité, tu fais un truc encore plus idiot que les fois précédentes.
— Oh la ferme, bouda le Turk. Y'a pas mort d'homme, ok ?
— Encore heureux !
Cloud se tourna vers Carson tandis que Reno boudait dans son coin.
— Je ne sais pas si je dois vous faire confiance, dit-il d'une voix dure, mais que comptez-vous faire à présent ?
— Remettre mon sort et celui de mes hommes entre les mains de Shinra fils, je suppose, grogna le savant. Même si cette perspective ne me réjouit guère. Le jeune Rufus Shinra et moi n'avons jamais été très proches.
— J'imagine.
Cloud regarda en direction de Reno, l'air pensif. Ses forces étaient tout à fait revenues. Il ne savait pas encore où se situer par rapport aux deux hommes ; disaient-ils la vérité et tout cela n'avait-il été qu'un problème de communication ? Carson était-il réellement aussi inoffensif qu'il voulait le faire croire et avait-il trouvé ce sérum d'immortalité comme il l'affirmait ? Que ce fût là le projet dans lequel l'ancien président Shinra avait investi une partie de ses fonds ne l'étonnait guère : l'immortalité était un désir légitime, surtout pour cette crapule de Shinra. À la mort de Carson, il avait dû revoir ses plans et c'est ainsi qu'il s'était tourné vers les recherches de Hojo. Tous les morceaux s'imbriquaient d'eux-mêmes, c'en était déconcertant.
— Je suppose que tu vas plaider la cause de ton oncle, Reno ? dit-il.
— Bien sûr. La famille avant tout.
— Pourtant, je crois que vous devriez laisser tomber, pour cette histoire d'immortalité, soupira Cloud. L'humanité n'est pas prête pour ça.
— Qu'en savez-vous ? protesta Carson. Ne suis-je pas la preuve vivante que cela est possible ?
— Je ne dis pas le contraire, fit Cloud, mais de là à ce que le reste de l'humanité en dispose ? Je ne sais pas. Il n'y a pas si longtemps, ses actions ont failli l'anéantir.
— Nous verrons ce que Rufus Shinra a à dire à ce sujet, dit Carson d'une voix sèche.
— C'est...
Trois coups secs furent alors frappés à la porte. Carson cria d'entrer, ses petits yeux furibonds rivés sur Cloud. Tseng pénétra dans la pièce, accompagné d'Éléna ainsi que d'une jeune femme ressemblant étonnamment à cette dernière. Éléna se précipita sur Reno et s'assura qu'il allait bien. Puis, elle lui asséna une claque retentissante.
— Aïe ! cria-t-il. T'es folle, Élie ?
— Tu l'as bien mérité ! fit son amie. Gina m'a raconté ton coup d'éclat. T'aurais pu mourir, gros con ! Crétin de zouave sans cervelle !
— Maieuh, j'ai assez payé...
— Éléna a raison, dit Tseng en s'approchant de lui. Tu es bon pour être retenu de deux mois de salaire. Et toutes les sales corvées seront pour toi.
— Quoi ? Mais non !
— Pas de discussion, le gronda Tseng. Et estime-toi heureux de ne pas être congédié.
— Et merde...
Carson les regardait faire d'un air amusé. Cloud soupira. C'était donc tout ? Pas de représailles, pas d'interrogatoire serré ?
— Où est Rude ? dit-il en remarquant l'absence de celui-ci.
— Il s'est enfui un peu plus tôt, dit Éléna. Il doit être en train de nous chercher. On ne sait pas où il est, cet endroit est tellement grand !
— Je suppose que nous aurons bientôt de ses nouvelles, dit Tseng. Bien qu'il ne sache pas que nous sommes en terrain ami.
Cloud acquiesça, résigné. Si même Tseng semblait vouloir croire Carson et le traiter en allié, il n'allait pas protester. Il garderait néanmoins un oeil sur lui et cette Gina. Il n'avait pas confiance en un homme qui ressemblait à ce point à un savant fou de la trempe de Hojo.
— Nous pourrions nous séparer pour le chercher, proposa Éléna.
— Même Gina et Carson ? fit Reno.
— Gina n'a qu'à venir avec moi, et toi tu prendrais Carson, non ?
— Désolé de briser ce bel enthousiasme, dit Carson, mais déambuler dans la base à la recherche d'un Turk perdu ne m'intéresse guère. Surtout que les couloirs n'ont pas vraiment été tous nettoyés comme il le faudrait. Je me contenterai d'attendre le résultat de vos recherches, bien à l'abri dans mon laboratoire avec système de sécurité dernier cri.
— Dans ce cas, je pars avec Tseng, dit Cloud. J'aimerais discuter de deux-trois choses avec lui. Reno, Éléna et Gina peuvent aller de leur côté si ça leur chante.
Tseng lui lança un regard curieux et opina de la tête.
— Bien, fit-il calmement. Éléna et Reno, nous gardons le contact radio.
Ils partirent en hâte, Cloud précédant le Turk à grandes enjambées. Ils furent bientôt hors de vue des autres. Cela convenait parfaitement au bretteur.
Leurs pas les menèrent dans un couloir sombre qui ressemblait à s'y méprendre à un autre couloir qui le coupait.
— Cet endroit est un véritable labyrinthe, dit Tseng. Heureusement, Gina m'a donné une carte.
— Cette Gina, qui est-ce ? Éléna semble la connaître.
— Et pour cause. C'est sa soeur aînée.
— Éléna a une soeur aînée ? demanda Cloud, surpris. Je croyais que vous abandonniez votre famille en entrant chez les Turks.
— Gina faisait partie des nôtres, dit Tseng sans le regarder. À l'époque, Éléna était encore une civile. Elle était contre l'engagement de sa soeur et ne s'entendait pas très bien avec, d'ailleurs.
— On ne dirait pas, en les voyant comme ça.
— C'est... compliqué.
— Tiens donc, grogna Cloud. C'est exactement ce que m'a dit Reno à propos de son oncle.
— C'est un peu la même chose. Pour faire bref, Gina est morte il y a cinq ans.
Cloud s'arrêta net.
— Morte ?
— Oui. Une triste histoire d'enlèvement à laquelle Éléna fut mêlée sans le vouloir. Elles a été tuée en défendant sa soeur. Éléna s'en est toujours voulu et c'est à cause de ça qu'elle a intégré les Turks.
— Mais si elle est morte...
— Elle faisait auparavant partie de la garde personnelle de Carson avec un autre collègue du nom de Tommy. Il semblerait que Carson leur ait donné de son sérum d'immortalité à tous les deux. Et ça a eu le même résultat.
Cloud déglutit.
— Donc, tout ce qu'il a raconté à propos de ce sérum d'immortalité, sa mort et son retour, l'aide que Reno lui a apporté...
— Oui, souffla Tseng. À vrai dire, je peux assez comprendre ses actions. C'est dur de croire qu'un homme est revenu à la vie des années après sa mort.
— Il veut continuer ses recherches !
— Il paraît.
— Et tu vas le laisser faire ?
— Cela dépendra de ce que Rufus aura à dire. Pour l'instant, l'essentiel est de ramener mes hommes sains et saufs au bercail.
Cloud se sentait de plus en plus abasourdi à mesure que le temps passait et qu'il avait d'autres révélations qui se rajoutaient à ce qu'il savait déjà. C'était trop pour lui. Il ne savait pas quelle décision prendre : aider ces hommes ou les combattre ? Il regretta l'absence de Tifa et de ses amis. À plusieurs, ils auraient pu en discuter et décider plus objectivement de la marche à suivre. Pour l'instant, il était surtout dépassé.
Il entendit soudain un bruit venant du bout du couloir. Tseng l'avait déjà remarqué et avait sorti ses éventails. Il avait donc pu récupérer ses armes ? Cloud fut énervé ; il avait oublié de réclamer son épée et le reste de son équipement, confisqués à son insu alors qu'il était inconscient. Il prit néanmoins une pose appropriée, déterminé à ne pas rester en retrait en cas d'attaque. Tifa lui avait donné quelques cours de combat à mains nues et il ne se débrouillait pas trop mal, selon elle. Précaution inutile si ça se trouvait : cela aurait très bien pu être Rude et non pas un monstre.
— Tseng ? fit en effet la voix étonnée de Rude.
Tseng se dirigea vers son subordonné, l'air soulagé. Cloud vit que Rude n'était pas seul : il soutenait à grand-peine un homme entièrement nu aux mains ensanglantées. Son coeur battit plus fort en reconnaissant la coiffure dont il était affublé ; les cheveux étaient peut-être un peu plus longs... Rude leva les yeux vers lui et lui fit signe de s'approcher. Cloud n'hésita pas. Un seul coup d'oeil sur le visage de l'endormi, et il poussa un cri, ses yeux s'écarquillèrent presque douloureusement, il se saisit du corps de cet homme et l'amena à lui. Serrant fébrilement son buste pour s'assurer qu'il était bien là, tâtant son pouls et vérifiant son souffle sur sa peau. Un gémissement ; Cloud en pleura presque.
— Zack, murmura-t-il cérémonieusement. C'est pas vrai...
— Je l'ai trouvé dans une pièce plus loin, dit Rude. Il sortait d'une cuve de Mako.
— C'est impossible ! Zack est mort ! Je l'ai vu !
— Je peux t'assurer que j'ai vu Gina et Carson Nevada morts eux aussi, et pourtant ils sont là, intervint Tseng.
Rude parut décontenancé. Cloud pouvait comprendre ce qu'il ressentait.
— Gina ? dit-il. Comme la soeur d'Éléna ?
— C'est bien elle, fit Tseng en soupirant. Elle est en vie et bosse pour Carson. Je t'expliquerai plus tard. Nous devons rejoindre les autres.
Il sortit un appareil radio et se mit à appeler Reno et Éléna. Cloud ne l'écoutait plus ; il ne pouvait plus rien entendre, d'ailleurs, si ce n'est le souffle régulier de Zack et les battements de son coeur, si réels, si rassurants... Comment cela était-ce même possible ? Zack avait été aux côtés d'Aerith, ils étaient partis dans la Rivière de la Vie ! Et pourtant... le corps dans ses bras bougea et Zack grogna, doucement, pour signaler qu'il était sur le point de se réveiller. Ses yeux s'ouvrirent et se posèrent sur Cloud.
— Cloud ? croassa-t-il avec peine. Tu es... réveillé ?
Cloud le serra dans ses bras, les larmes aux yeux.
 
 
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