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au 31 Mai 21 :
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Adventice
Par Mokoshna
Final fantasy VII  -  Romance/Action/Aventure  -  fr
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    Chapitre 6     Les chapitres     2 Reviews    
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Chapitre 6
Auteur : Mokoshna
Crédits : Final Fantasy 7 est la propriété de Square-Enix, je ne reçois pas un sou en écrivant cette fic.
Avertissements : Spoilers du jeu et du film Advent Children, Yaoi Reno x Cloud.


***

Chapitre 6


Zack se souvenait de son nom, mais c'était bien la seule chose qu'il arrivait encore à peu près à maîtriser dans son état. Son crâne lui faisait mal, son torse lui faisait mal, ses membres étaient si gourds qu'il n'arrivait même pas à savoir s'il les avait encore tous en entier. Même ses cheveux semblaient vouloir se casser à chaque mouvement ! Une main compatissante souleva sa tête pour qu'il puisse boire au gobelet d'eau qu'on lui tendit ; il aspira le liquide à petites gorgées, en faisant bien attention à ne pas en laisser échapper.
— Là, là, fit la voix qui l'avait accueilli au réveil. Vous connaissez votre nom, c'est déjà ça. Autre chose que vous pouvez me dire ?
— Mal, croassa l'ex-SOLDAT.
— C'est normal. Après un séjour prolongé dans le Mako, le corps humain a tendance à protester un peu.
L'homme lui reposa la tête sur le lit. Zack regarda autour de lui. Il se trouvait manifestement dans une sorte d'hôpital ou de clinique ; rien qui ne soit aussi inquiétant qu'un laboratoire de savant fou. Juste une simple salle de soin comme il en existe des milliers dans le monde, où des millions de gens vont se faire soigner chaque jour. Le médecin qui l'avait pris en charge semblait assez amical et poussait même le luxe jusqu'à être beau gosse.
— Où... suis-je ?
— Dans ma clinique, dans le centre-ville d'Edge. Je suis le docteur Soren Desti. Vous êtes Zack Fair, je crois ?
— Oui.
Les sens de Zack commençaient à revenir à leur état normal, son organisme à sortir de la torpeur dans laquelle il était auparavant plongé. Il rassembla ses derniers souvenirs à toute vitesse : son échappée du laboratoire de Hojo avec un Cloud inconscient, leurs errances à travers tout le continent pour revenir à Midgar. Que s'était-il passé ? Où était Cloud ? Il n'avait jamais entendu parler d'un endroit qui s'appelait Edge, et pourtant il connaissait assez sa géographie pour la réciter par coeur au premier venu ! Ou Edge était-il le nom d'un bâtiment ou d'une organisation ?
— Cloud, grogna-t-il, légèrement paniqué. Où est Cloud ?
— Cloud Strife attend dans la salle d'à côté avec Tifa Lockheart et Vincent Valentine, dit Soren avec un sourire rassurant. Ils seront ravis d'apprendre que vous êtes réveillé.
— Tifa ? La Tifa de Nibelheim ?
— Il me semble qu'elle m'avait dit être née à Nibelheim, effectivement, mais pour l'instant elle est surtout la Tifa d'Edge. Enfin, vous pourrez toujours le lui demander. Depuis le temps que Cloud et elle font les cent pas à côté... Ils ont même insisté pour dormir ici.
— Cloud ? l'interrompit Zack avec un sursaut. Cloud est réveillé ?
— Il n'a jamais été blessé à ma connaissance, fit Soren avec un froncement de sourcil interrogateur.
Il se dirigea vers la porte en gardant un oeil sur son patient. Zack n'arrivait pas à croire ce qu'il venait d'entendre. Cloud allait mieux ? Ou était-ce un autre Cloud Strife ? Un clone, peut-être ?
Il se prit la tête entre les mains et gémit. Quelle histoire ! Il était tenté de se lever pour aller vérifier lui-même ces nouvelles informations, mais il ne savait pas si son organisme était effectivement assez rétabli pour qu'il puisse courir partout à la recherche de la vérité. Sa vision était bien encore un peu floue... Lorsqu'il leva enfin les yeux, ce fut pour les plonger aussitôt dans ceux d'un homme qu'il connaissait bien. Il retint son souffle.
Le visage de Cloud Strife était aussi lisse que dans ses souvenirs, aussi jeune et beau avec une discrète touche féminine qui lui avait valu bien des brimades à l'académie. Toutefois, il avait une expression bien plus grave que le cadet fraîchement promu qu'il connaissait, et l'éclat vert de ses yeux ne lui disait rien qui vaille. Zack tendit la main vers Cloud. Son ami l'attrapa et la serra avec ferveur avant de le prendre dans ses bras, un cri sur les lèvres.
— Zack, par tous les Cetras, c'est bien toi...
Indécis, Zack leva la main pour taper doucement dans le dos de Cloud. Il vit Soren qui les observait du pas de la porte. Il n'était pas seul. Tifa et un homme à l'allure sombre et à la longue cape rouge l'accompagnait. Zack fit un signe amical à Tifa qui leva les mains devant sa bouche, les yeux grand ouverts. L'homme à la cape ne réagit pas.
— Zack, c'est dingue, tu es en vie...
— Tifa. Bonjour. Cloud ?
Cloud le lâcha aussitôt pour se lever, raide comme un piquet. Zack eut ainsi le loisir de l'observer un peu mieux. Il paraissait en pleine forme, quoiqu'un peu maigre. Les drôles de vêtements noirs qu'il portait devaient accentuer cette impression ; Zack admira longuement leur coupe. C'était tout à fait le genre de chose qu'il aurait pu choisir lui-même. Il ne savait pas que Cloud appréciait autant le cuir ; aux dernières nouvelles, le look rebelle n'était pas trop son genre. C'était un trop gentil garçon pour ça.
— Tu vas mieux ? dit-il d'une voix rendue chevrotante par l'émotion. Regarde-toi, t'es tout pomponné !
Zack lui fit son plus beau sourire, mais Cloud ne le lui rendit pas. Il se renfrogna. Pourquoi son vieil ami ne disait-il rien ?
— Tu es mort, fit Cloud d'un air grave.
— Je me sens plutôt bien pour un mort.
— Je ne plaisante pas. Tu étais mort. Je t'ai vu.
— Et toi, tu étais aussi réactif qu'un caillou, et pourtant tu as l'air d'être assez vif là, non ?
Tifa se rapprocha d'eux et lui fit un sourire hésitant.
— Il a raison, dit-elle. Tu... ne devrais pas être là. De quoi te souviens-tu ?
— De toi, dit Zack sans réfléchir. De mon combat contre Sephiroth. Et de... Hojo. On est parti avec Cloud, et on est arrivé à Midgar. Parce qu'on est bien à Midgar, non ? On s'en est sorti... n'est-ce pas ?
Cloud détourna le regard, et Zack sut que quelque chose n'allait pas. Cloud le regardait toujours dans les yeux pour lui parler.
— Midgar n'existe plus, dit-il d'une voix rauque. Elle a été détruite il y a trois ans.
Zack sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine.
— Et le secteur Cinq ?
— Complètement anéanti avec le reste.
— Aerith...
Le visage de Tifa se contracta en une grimace douloureuse, ce qui n'échappa pas à Zack. Soren et l'homme qui devait être ce Vincent dont lui avait parlé le docteur ne disaient mot, pas plus que Cloud.
— Bon sang, il s'est passé combien de temps pendant que j'étais dans les vapes ?
— Presque quatre ans, répondit machinalement Cloud. Et tu es censé être mort. Avec Aerith.
— Cloud ! protesta Tifa. Ce n'est pas...
— Je ne vais pas le lui cacher, la coupa Cloud. Il mérite de savoir. Et j'en ai plus qu'assez des mensonges et des secrets.
Zack déglutit. La tête recommençait à lui tourner, mais ce n'était pas à cause d'une quelconque blessure ou d'un malaise physique. Midgar n'existait plus. Aerith était morte, et apparemment lui aussi. Quatre ans ? C'était trop, même pour lui.
— Où est-ce qu'on est, s'il n'y a plus de Midgar ?
— Edge. La ville-soeur de Midgar.
— Ville-soeur, hein ?
— Ouais. Elle a été construite aux frontière de l'ancienne Midgar à partir des débris de la ville.
— Je vois que les gens se sont cassés la tête pour lui trouver un nom approprié.
Ce n'était pas vraiment le moment de plaisanter, mais Zack se sentait trop abasourdi pour avoir une réaction saine. Ou peut-être était-ce la bonne réaction, en fin de compte, il ne savait pas trop. Aerith était morte. Midgar aussi. Et lui...
— Si je suis mort, pourquoi suis-je ici, à discuter avec vous ? Et comment est-ce que c'est arrivé ?
Cloud s'assit à côté de lui.
— Tu... as été tué en me protégeant. Sur le chemin de Midgar. Aerith est...
Il hésita. Zack vit Tifa lui mettre une main sur l'épaule, l'encourageant à continuer son récit. Ils s'étaient donc trouvés, ces deux-là ? C'était une bonne chose. S'il y avait une certitude que Zack avait en ce bas-monde, c'était que ces deux gosses étaient faits l'un pour l'autre. Ça, et qu'Aerith était la lumière de son existence.
Aerith était morte.
— Sephiroth l'a tué, dit Cloud.

*

Tseng soupira en ramassant les bouts de verre qui jonchaient le bureau de Rufus. Il venait de trouver son patron dans un piteux état, affalé sur son siège, ivre mort. Rufus avait apparemment passé la nuit à boire. Ça ne lui était pas arrivé depuis... depuis son adolescence, en fait, quand il était encore un gamin se rebellant contre l'autorité paternelle. Tseng avait passé bien du temps à nettoyer derrière Rufus, payant les témoins indiscrets pour qu'ils se taisent, faisant en sorte que les endroits qu'il avait démoli redeviennent aussi propres et respectables qu'ils l'étaient avant le passage de Shinra fils. Ce n'était pas toujours évident mais Tseng avait toujours fait de son mieux, tout seul. Mieux valait ne pas mêler trop de gens. Il avait quelquefois l'impression d'être un homme de ménage, à force, mais comme cela faisait aussi partie de son boulot, il essayait de ne pas trop se plaindre.
— Dans quel état vous vous êtes mis cette fois, fit-il en secouant la tête. Tout ça pour ce crétin de Reno...
Il se mit à rire. Tseng avait beau râler, il savait qu'il était lui-même prêt à mettre sa vie en jeu pour ce « crétin de Reno ». Comme pour chacun de ses hommes, en fait. On était Turk ou on ne l'était pas. Rufus grogna dans son sommeil alors que Tseng finissait de jeter les débris ramassés. Il fallait encore qu'il traîne Rufus jusqu'à ses quartiers dissimulés derrière le mur du fond. Une douche ne serait pas de trop, ainsi qu'un repas solide pour compenser tout l'alcool ingéré. Tseng se demanda s'il restait de l'aspirine dans la salle de bain.
Son téléphone sonna alors qu'il finissait de déshabiller Rufus. Tseng décrocha avec un « Allô » très digne, le téléphone d'une main tandis que de l'autre il portait le caleçon de Rufus au sale. La voix paniquée de Frankie se fit entendre.
— On a un problème, patron, siffla son subordonné.
Le coeur de Tseng bondit d'appréhension.
— Reno ? Ou Nevada ?
— Hein ? Non, rien de tel. C'est... c'est Gina.
— Quoi, Gina ?
— Elle est en train de foutre un bordel monstre en ville. Je voulais savoir si j'ai la permission de... l'arrêter, monsieur.
— Où ça ?
— Secteur bleu. C'est facile à trouver, il suffit de suivre le bruit.
— J'arrive. Ne tente rien tant qu'elle n'est pas une menace pour la vie de quelqu'un.
— Oui, monsieur.
Tseng raccrocha d'un coup sec avant d'aller vérifier une dernière fois l'état de Rufus. Son patron ne semblait pas aller plus mal qu'il y a cinq minutes ; il se pressa donc en direction du hangar à véhicules de la Néo-Shinra. Frankie n'avait pas pour habitude de l'appeler « monsieur » sauf quand la situation était potentiellement grave. Il avait mentionné Gina. Tseng avait eu un aperçu de ce qu'elle pouvait faire avec ce pauvre clone d'Éléna qu'elle avait si facilement tué sous ses yeux. Il ne savait pas ce que Carson lui avait injecté pour qu'elle soit si... dangereuse, mais le fait est qu'elle était une menace non négligeable pour la sécurité d'Edge et de ses habitants. Il soupira. C'était vraiment une mauvaise idée de la garder. Il aurait nettement préféré s'en débarrasser avec Carson, et ce le plus tôt possible. Ce n'était qu'une question de temps ; il fallait juste qu'il localise Éléna et qu'il la libère.
Plus facile à dire qu'à faire. Carson était aussi sournois et méfiant qu'une mère chocobo avec ses oeufs. Et qui sait si en se débarrassant de lui, ils n'allaient pas se retrouver avec un autre de ses clones prêt à l'emploi, qui attendait sagement quelque part que le premier meure pour se manifester ?
— Vous êtes en retard, fit-il en croisant Alicia et Rod à la sortie du bureau de Rufus. Je dois aller régler un problème en ville, faites en sorte que personne ne rentre. Si Rufus vous demande, je veux que vous m'appeliez immédiatement.
— Bien, chef ! s'écrièrent les deux Turks en se mettant au garde-à-vue.
Tseng fila vers le hangar. Rude l'attendait déjà avec une camionnette.
— Les détails ? fit-il en s'asseyant à la place du passager.
— Gina a voulu visiter Edge, Frankie s'est proposé. Ils sont partis ce matin à environ sept heures trente. Frankie a appelé à huit heures vingt-trois.
— Le comportement des deux ?
— Frankie était un peu... perturbé, mais il a compris quand je lui ai dit qu'il s'agissait d'une expérience de Carson. Lui et Gina se sont... revus. Cette nuit. Euh...
— Je comprends, dit Tseng. Et ce matin ? Pas de comportement inhabituel ?
— Ils étaient... plutôt heureux, fit Rude d'un air gêné. Surtout Frankie.
— C'est compréhensible, soupira Tseng.
Il avait été tellement obsédé par le cas d'Éléna et de Carson qu'il en avait oublié Gina. Tseng n'ignorait pas qu'elle et Frankie avaient eu une liaison du temps où elle était encore en vie. Cela compliquait considérablement les choses, si ces deux-là avaient repris leur relation d'avant. Il fallait qu'il parle à Frankie et qu'il le mette en garde. Au pire, Tseng se verrait obligé de le congédier pour ne pas mettre sa vie et celle des autres Turks en danger. Cette nouvelle Gina était assez corrosive pour s'attaquer à leur corps de l'intérieur.
— Je n'ai pas eu le temps de contacter Reno, dit-il.
— Il est cloué au lit. Il m'a dit qu'il ne se sentait pas bien.
— J'irai le voir après cette affaire.
Rude hocha la tête. Ils ne s'adressèrent plus la parole du reste du trajet.

*

Cid bailla tout en marchant. Devant lui, cette puce humaine de Yuffie s'échinait à sautiller partout en poussant des cris de bébé chocobo, impatiente qu'elle était de revoir ses amis après un mois passé loin d'eux. Ce n'était pourtant pas si long, que diable ! Sacrée petite peste. Cid ricana en la voyant percuter de plein fouet l'étal d'un marchand de bibelots, et s'excuser profusément en essayant de ramasser ce qu'elle avait fait tomber. Bien entendu, ses mauvaises habitudes aidant, elle empocha au moins la moitié des produits. Cid lui lança un regard sévère.
— Eh, pas de ça, Yuffie ! hurla-t-il de loin. Tu remets tout en place !
La jeune fille lui tira la langue mais obtempéra. Cid la rejoignit en quelques enjambées.
— C'est la dernière fois que je t'offre un jus de légume Pahsana avant midi, grogna-t-il en lui prenant le bras. T'as vu quand t'as bu ?
Yuffie pouffa de rire.
— Mais c'était super-méga wipi délicieux ! cria son amie.
— « Wipi » ?
— Ouais tu sais, « waah » et « youpi », quoi ! « Wipi » !
— Euh...
— Ah, un foulard rouge ! J'adore les foulards rouges !
Et la jeune fille ninja repartit à toute allure en direction d'une boutique de vêtements à la mode qui se trouvait de l'autre côté de la rue, traversant la distance en un seul bond souple qui fit l'émerveillement de plus d'un passant. Cid se prit la tête entre les mains.
— Pourquoi moi...
Il n'eut pas le temps de se lamenter : une explosion puissante fit trembler l'air. Cid était sur le point de disputer une nouvelle fois Yuffie quand il s'aperçut qu'elle n'y était pour rien, pour une fois. Une épaisse colonne de fumée s'éleva de deux rues plus loin. Yuffie était encore en train de se débattre avec les bouts de tissu de la boutique.
— Yuffie, on trace ! hurla-t-il en se précipitant vers le lieu de l'explosion.
Il ne regarda pas si la jeune fille le suivait. Autour de lui, les gens hurlaient et couraient dans tous les sens, comme à chaque fois qu'un désastre leur tombait sur le dos. Ces braves habitants d'Edge ne changeaient pas.
— Qu'est-ce qui se passe ? fit-il en attrapant un homme au hasard.
Pas question de foncer au casse-pipe sans être un minimum préparé. Le passant qu'il avait alpagué se débattit un instant en hurlant de plus belle. Cid lui montra les dents.
— La ferme. Tu réponds à ma question ou je te casse ta jolie petite gueule, compris ?
— Un m... un monstre ! bégaya le pauvre homme. Elle est... son corps ! C'est un monstre !
Ce n'était donc que ça ? Cid lâcha l'homme qui prit les jambes à son cou sans demander son reste. Un monstre dans Edge, c'était pas une nouveauté. La dernière fois, c'était quand ? Avec ces satanés frères argentés au look de motards dégénérés ?
— Y'a quoi, cette fois, Cidy ? s'enquit Yuffie en le rattrapant.
— Un putain de monstre par là. Encore.
— Ouais ! De l'XP !
— La ferme. Je vais lui faire bouffer ses poils, à ce monstre. Y'a pas idée de nous déranger justement le jour où on va rendre visite à nos potes !
— Après toi, ô grand pourfendeur de monstres poilus ! gloussa Yuffie avec de grands gestes.
Cid s'en fut en la traitant de tous les noms.

*

Gina s'amusait comme une petite folle. Fais diversion, avait dit Carson. N'importe quoi, tant que ça les écarte de moi pendant une matinée. Je veux rester seul avec mon gentil neveu. Dieux qu'elle aimait quand son illustre patron complotait et faisait des misères à ses pairs ! Mais ce qu'elle appréciait par-dessus tout, c'était de participer elle aussi. Surtout si elle pouvait s'injecter un peu de reno tout frais à cette fin.
— Regardez-moi, criait-elle aux passants affolés, je suis la reine d'Edge ! Inclinez-vous devant moi !
Et elle levait ses bras pour les abattre sur un immeuble. Comme ils couraient, ceux d'en bas ! Elle les dominait tous, et elle adorait cela. Quelle merveilleuse idée elle avait eue de prendre le triple de la dose habituelle ! Elles couraient, ces fourmis minuscules qui hurlaient et cherchaient à sauver leur misérable existence humaine, si inutile et dérisoire. Mais elle était une reine, ils n'avaient pas à avoir peur ! Elle allait les tuer et ils seraient heureux de mourir pour elle.
— Arrête, Gina ! hurla Frankie, tout en bas, en pointant Yin sur elle.
Sa Yin. Son arme de prédilection à l'époque où elle était encore une Turk docile et serviable, son précieux bébé qu'elle avait mis des années à maîtriser comme il fallait. Il en avait du culot, Frankie, de la lui mettre sous le nez et de la menacer avec ! Gina rit à gorge déployée. Ses pieds étaient lourds, lourds. Ses bras étaient grands, grands. Elle était enracinée au sol, et elle adorait cela. La terre d'Edge était composée de métaux en tous genres, de saletés, de cadavres par milliers. Elle adorait cela.
Une tempête de jurons atteignit ses oreilles, une sensation douloureuse sur le flanc. Une fille si petite, si petite ! Qu'elle ressemblait à une puce, fonçait droit sur elle en récupérant l'étoile en acier qu'elle lui avait lancé. Gina ricana en s'apercevant que la douleur qu'elle avait ressentie était une entaille que cette enfant avait faite avec son arme de pacotille.
— Eh, elle a pas l'air de bouger ! s'écria la fillette. Pouah ! Elle est super moche !
Et Gina rit.

*

Le monstre avait la taille d'un Bahamut et une couleur verdâtre du plus mauvais effet. Cid fit la grimace en voyant sa base qui s'enfonçait très profondément dans le sol, comme un baobab qui aurait poussé brusquement sur le bitume. Pourtant, il avait le buste d'une femme... et des bras d'une longueur colossale qui se finissaient en griffes acérées. Sa tête n'était pas mieux : horrible, enflée, une rangée de crocs brillants qui sortait d'une bouche tordue qui s'ouvrait jusqu'aux oreilles, trois yeux globuleux qui les regardaient d'un air cruel. Une parfaite image de cauchemar.
— Bon sang, c'est quoi ce truc ? hurla Cid en évitant une attaque. C'est gigantesque !
— Et c'est super moche ! ajouta Yuffie.
— Tu l'as déjà dit !
Au milieu des gens qui prenaient la fuite, un homme brun avec une houpe énorme vidait le chargeur de son pistolet sur le monstre. De temps à autre, la créature abattait ses bras sur lui, mais il les évitait en se poussant au dernier moment, les yeux rivés sur son adversaire. Cid reconnut un uniforme des Turks. Il se précipita à ses côtés, sa fidèle lance traînant derrière lui en signe de menace. Yuffie le suivit après avoir lancé une dernière fois son shuriken géant sur le monstre.
— Les Turks, hein ? cria Cid au tireur. C'est à cause de vous, ce bordel ?
— On peut dire ça, dit l'homme en rechargeant. Vous êtes Cid Highwind ?
— On se connaît, gamin ?
— J'ai lu le rapport sur les héros de la planète.
Pas une seule fois, il n'avait détourné les yeux du monstre pour parler à son interlocuteur. Cid ne savait pas s'il devait l'admirer pour tant de professionnalisme ou s'énerver du fait que ce type en savait autant sur lui alors qu'il lui était tout à fait inconnu. Il opta pour la deuxième solution.
— Ah ouais ? Et je peux savoir à qui j'ai affaire ? Je connais aucun Turk avec ta tête.
— Frankie des Turks. Et jusqu'à ce qu'elle se transforme en monstre et s'en prenne aux habitants, cette femme était Gina des Turks. Ou peut-être pas. J'ignore si elle a repris sa fonction ou si elle faisait juste semblant. En tout cas, c'est maintenant notre ennemie commune, monsieur.
Cid laissa échapper une autre flopée de jurons qui n'eut pas l'air de déranger davantage Frankie. Yuffie retomba brusquement à ses côtés.
— Wow, j'ai appris un nouveau mot aujourd'hui ! Merci, Cidy !
— Toujours heureux d'apprendre à parler aux sales mioches dans ton genre, dit Cid en prenant son élan.
Il sauta de toutes ses forces sur la créature, lance en avant, et la planta sur l'un de ses bras. Le monstre hurla et tenta de l'écraser avec son autre bras, mais il reçut une salve de Frankie. La distraction fournie était largement suffisante à Cid pour qu'il reprenne sa place sur le sol près de ses compagnons de combat. Yuffie avait disparu entretemps ; sans doute s'était-elle mise en un lieu propice pour attaquer un tel mastodonte. Frankie jeta un bref coup d'oeil à Cid avant de tirer à nouveau.
— Putain de saleté de bestiole ! Je vais pas me laisser faire par une plante verte, merde !
Quelque chose lui frôla l'oreille au moment où il s'apprêtait à s'élancer sur la bête. Cid se retourna juste à temps pour voir les éventails de Tseng rejoindre les mains de leur propriétaire. Rude mettait ses gants.
— On prend le relais, Highwind ! cria Tseng. Mettez-vous à l'abri avec les autres civils !
— C'est ça, vous me prenez pour qui, bande de bleus en costard ?
— N'allez pas dire que je ne vous ai pas prévenu, fit Tseng en se mettant en position de combat.
— À la bonne heure ! Turkounet sait donc se battre ?
Tseng ne releva pas l'insulte, qui était de toute manière peu élaborée, même pour Cid. Il fit une moue mécontente mais laissa passer. Ce n'était pas vraiment le moment de se chamailler avec ces gars-là, aussi désagréables soient-ils à ses yeux. Il y avait plus urgent. Le shuriken de Yuffie tournoya autour du monstre et disparut. Cid se dit qu'il était grand temps qu'il intervienne s'il ne voulait pas que cette gamine lui pique les lauriers de la victoire.
— C'est parti, ma salope ! dit-il en s'élançant vers sa cible.

*

Toute cette agitation était inhabituelle, même pour la Néo-Shinra. Reno se demanda s'il devait faire un effort pour s'informer de la raison d'un tel chambardement, ou rester dans sa chambre à s'interroger sur l'absurdité de sa vie. Il aimait bien le deuxième choix, mais connaissant Tseng, son chef ne lui en laisserait probablement pas l'occasion. Il enfila ses vêtements en hâte, mit un foulard rouge sur ses cheveux pour couvrir le fait qu'ils avaient changé de couleur (il se demanda brièvement si le subterfuge tiendrait plus de cinq minutes - après tout, c'était gros, même pour lui), et ni une ni deux, Reno sortit travailler.
Les couloirs grouillaient d'activité, des employés qui couraient en s'interpellant, des gardes qui criaient à tous de rester calme alors qu'ils étaient bien les plus paniqués... Ça réchauffait le coeur, de voir que quelle que soit la génération, les employés de la Shinra étaient toujours aussi incompétents quand il y avait une situation de crise. Reno attrapa au passage un garde qui paraissait esseulé et lui ordonna de lui faire un rapport des événements.
— On a un monstre en ville, monsieur ! Il se dirige vers ici, alors on fait évacuer...
— Et où est Tseng ? Et Marshall ? C'est le chef de la sécurité, il devrait être là !
— M. Tseng est parti affronter le monstre avec M. Rude, quant à M. Marshall il est avec Carson Nevada, comme l'a ordonné M. Shinra !
— Ok. Rufus est déjà sorti, je présume ?
— Je l'ignore...
Le pauvre homme tremblait de tous ses membres. Reno le lâcha avec une grimace méprisante pour se précipiter sur une console d'ordinateur qui se trouvait à proximité. Une minute plus tard, il sut que Rufus se trouvait encore dans ses quartiers avec ses gardes du corps.
— Bon sang, mais qu'est-ce que foutent Rod et Alicia ? pesta-t-il en prenant les escaliers.
Pas d'ascenseur, c'était trop risqué si jamais il tombait en panne. Le bureau et les appartements de Rufus se trouvaient au dernier étage. Cela lui prendrait un temps considérable, même en forçant sur ses jambes.
— Allô ? Rod ? fit-il sur son portable.
— Reno ?
— Où est Rufus ? Qu'est-ce que vous foutez encore là-haut alors qu'on a un code rouge ?
— C'est le président, il... il est bizarre ! On a essayé de le chercher et il est tombé en vomissant une substance verte. Alicia croit que c'est du Mako.
Reno faillit rater la marche, mais il se reprit et accéléra l'allure, ignorant les élancements douloureux de ses poumons et de ses muscles inférieurs.
— L'équipe médicale ?
— Elle arrive. Tu es dans les escaliers ?
— Ouais, je dois être derrière les médocs. Ne tentez pas de déplacer Rufus !
— Je connais la procédure, Reno.
Rod avait beau dire, Reno sentait bien à sa voix qu'il était dépassé. Il raccrocha pour se concentrer sur la montée, l'esprit traversé de questions.

*

L'alerte les toucha alors que Cloud tentait de déplacer Zack pour qu'il rentre avec eux. Vincent avait humé l'air, la mine sombre, sans rien dire. Une secousse les toucha en faisant trembler les meubles de la clinique de Soren. Zack n'avait qu'un drap pour couvrir sa pudeur, mais il l'oublia presque en sentant l'adrénaline monter d'un cran dans son corps. Tifa poussa un cri.
— Il y a quelque chose qui se passe, siffla Zack en quittant les bras de Cloud.
— Vous avez un flair de chien, ou quoi ? rit Soren. C'est un tremblement de terre, rien de plus.
— À Midgar ? On a le sol le plus solide du continent. Toute cette agitation industrielle, ça vous forge un paysage.
— N'importe quoi.
Zack fit un sourire taquin à Soren qui l'ignora. Cloud lui tendit un drap, et Zack s'aperçut enfin qu'il était nu. Devant Tifa qui avait détourné les yeux, toute rouge. Il rit de bon coeur.
— Oups ! Désolée, Tifa. Vous auriez des vêtements à ma taille ?
— Pas ici, dit Cloud. À la maison, peut-être. Tu y vas avec Tifa et moi et Vincent, on va voir ce qui se passe.
Vincent acquiesça, muet comme une tombe. Zack commençait à se faire à ce drôle de type à l'allure maussade même s'il le mettait un peu mal à l'aise. Vincent Valentine. Il en avait vaguement entendu parler à l'époque où il était encore SOLDAT, sans plus. Les histoires de succession n'avaient jamais été son truc. Pas plus que les problèmes liés à la génétique, d'ailleurs, même s'il était au centre de tout ça. Il soupira.
— Ça ne me plaît pas, dit-il. Je n'ai pas pour habitude d'aller me planquer comme une femme quand il y a un danger.
— Tu insinues que les femmes sont incapables de se défendre ? intervint Tifa avec une moue désapprobatrice. Mais je suis de ton avis. Pas question que je reste à compter fleurette à Mister Macho Man pendant que vous allez vous payer du bon temps !
Zack fit un sourire d'excuse.
— Désolé, c'est pas ce que je voulais dire...
— On s'en fout, dit Tifa. Je viens aussi.
— Et qui va protéger Zack ? dit Vincent.
— Je n'ai pas besoin d'être protégé !
— En temps normal, peut-être pas, dit Cloud, mais tu viens de sortir d'une cuve de Mako. Et tu n'as pas de vêtements ni d'arme.
— Eh, toi non plus t'as pas d'arme je te rappelle !
— Il n'a pas tort, Cloud, dit Tifa. Techniquement, c'est toi qui est le plus vulnérable après Zack.
— Je ne suis pas...
— Désolé d'interrompre votre gentille réunion de famille, fit Soren avec une pointe d'impatience dans la voix, mais vous pourriez décider ailleurs de qui a le plus de testostérone dans votre groupe ? J'ai besoin de ma clinique, et j'ai comme l'impression que ce sera pas de refus, si ce que vous dites est vrai.
Vincent partit sans demander son reste, sous les regards perplexes de ses amis. Soren hurla en montrant la porte.
— Dehors !
Les trois amis restants se retrouvèrent devant l'immeuble de Soren en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Vincent les attendait devant la camionnette de la Néo-Shinra, aussi impassible que d'ordinaire.
— Je conduis qui ?

*

Ce satané monstre était bien plus résistant qu'il n'y paraissait. Un quart d'heure que Cid courait dans tous les sens pour éviter ses attaques, trouver un bon point d'appui pour lui sauter dessus et tenter de contourner autant que possible ces Turks à la manque qui restaient dans leur coin à canarder leur adversaire. Ce Frankie avait dit que la bestiole était l'une des leurs ; ils n'avaient donc pas de potion magique pour l'arrêter ? Une arme prête à l'emploi ?
Réflexion faite, utiliser une arme, surtout avec un grand A, ce n'était peut-être pas la bonne solution. Cid se souvenait des dernières. Nettoyer Gaïa de ces soit-disant protectrices de la planète avait été d'un pénible ; il ne tenait pas trop à recommencer l'expérience. De toute manière, confier l'avenir de quoi que ce soit entre les mains des Turks et de la Shinra était une mauvaise idée quoi qu'il advienne.
Cid sauta encore et planta sa lance, puis se retira pour se mettre à l'abri. Il ne faisait que ça depuis le début. Pourtant, il fut un peu trop lent cette fois : le drôle de rayon destructeur de cette chose l'atteignit au bras au moment où il s'en allait, et il eut un mal de chien à reprendre son équilibre pour atterrir sur l'une des plates-formes dégagées par ce monstre avec sa manie de détruire les immeubles à tout-va. Il tâta son bras. Quelque chose devait s'y être déréglé, il ne savait pas trop ; en tout cas, il avait du mal à le faire réagir comme il voulait. Et ça lui tirait vachement, en plus. Satané rayon bizarro qui détraquait tout ce qu'il touchait. Cid l'avait vu atteindre de plein fouet de pauvres hères qui n'avaient pas fui à temps et ceux-ci s'étaient aussitôt effondrés en laissant une jolie flaque de sang sous eux.
Le shuriken de Yuffie se faisait voir de temps à autre, mais de son amie nulle trace. Sacrée petite ninja qui savait quand se planquer pour attaquer. Ce n'était pas le moment de tirer au flanc. Cid reprit sa lance.
Il s'en fallut de peu qu'il ne finisse en purée. Le temps qu'il se remette de ses émotions, la bestiole géante avait repéré son état de faiblesse et avait eu la sale idée d'abattre son bras sur lui ; comme Cid était un peu hors d'haleine, il n'y avait pas fait autant attention qu'il l'aurait dû. Il s'aperçut de son erreur quand il sentit un bras puissant le saisir par l'abdomen pour le soulever dans les airs. La seconde suivante, la plate-forme sur laquelle il se trouvait était détruite sous la pression du bras du monstre.
— Fais attention, fit Vincent en le déposant sans ménagement au sol.
Cid grogna mais ne dit rien pour remercier son ami. Du reste, il n'en eut pas le temps puisque Vincent repartit immédiatement dans les airs en tirant comme un forcené sur le monstre. Yuffie apparut un instant pour lui faire signe avant de s'évaporer derrière une poutre.
— Ça va, Cid ? dit Tifa en le soutenant par son bras blessé.
Elle était déjà prête à se battre, la brave petite. Cid fit la grimace.
— Je suis ok, mais la méchante bébête m'a fait bobo au bras.
— Désolée, fit Tifa en retirant sa main. Tu pourras tenir ? Je n'ai pas de potion ou de sort de soin.
— C'est pas ça qui va m'arrêter, trésor. Dépêche-toi de rejoindre les autres, je reprends mon souffle et j'arrive.
La jeune fille hocha la tête avec énergie et se précipita sur le monstre. Cid sourit en la voyant arroser celui-ci de coups de poings bien placés. Son adversaire hurla même un peu pour la peine, ce qui n'était guère étonnant. Tifa avait autrefois affronté une Arme à mains nues, alors ce n'était pas une petite joueuse ! Elle avait le niveau pour tenir tête à n'importe quel grosse bête, qu'elle soit de Gaïa ou d'ailleurs.
— Pas le temps de faire le touriste ! s'écria-t-il en se remettant sur pieds.
Ce ne fut que quand il atteignit sa cible qu'il s'aperçut que Cloud était absent.

*

Le trajet était un peu trop silencieux au goût de Zack malgré les cris d'horreur et d'agonie des gens qui tentaient de fuir la menace. Cloud ne disait rien et semblait si morose qu'il aurait pu concourir pour l'examen du SOLDAT le plus triste (ironiquement, un tel titre existait bien à l'époque où les SOLDATs étaient actifs. Il avait été instauré pour leur éviter d'accumuler les réactions dépressives qui étaient fortement préjudiciables à leur travail). Zack serra un peu plus contre lui le drap qui lui servait de vêtement. Personne ne lui avait encore fait remarquer la nature de ses habits ; sans doute parce que tout le monde était trop occupé à paniquer dans tous les sens.
— Hum, Cloud, c'est encore loin ?
Aucune réponse. Cloud semblait plus fasciné par la marche que par les hurlements de ses pairs.
— C'est pas que je veuille me plaindre ou quoi, après tout je suis encore en vie et avec tous mes membres sur le corps, mais j'aimerais bien pouvoir trouver des fringues et une arme pour aller rejoindre les autres et... tu sais, nous battre avec eux ? Aller botter les fesses du sale monstre qui fait hurler les gentils gens d'Edge ?
Pas de réaction. Les yeux de Cloud étaient comme voilés ; il marchait d'un pas vif que Zack avait du mal à suivre sans défaire son drap sommairement attaché. Étaient-ils seulement sur le chemin du bar de Tifa ? La jeune femme leur avait indiqué une direction générale tout en lui disant que Cloud savait exactement où il se trouvait, mais Tifa était à peine partie avec Vincent dans sa camionnette que Cloud prenait la direction opposée. Pas vers le monstre, mais pas vers la maison non plus. Et il n'avait pas dit un mot pour justifier cela. Un raccourci, un détour, n'importe quoi aurait convenu à Zack tant que Cloud lui parlait, mais rien de tel n'était arrivé depuis leur départ.
— Cloud ! s'écria Zack en lui prenant le bras. Qu'est-ce que tu fais, enfin ? C'est pas par là !
Cloud s'arrêta net, les yeux rivés vers quelque chose devant lui. Zack suivit la direction de son regard. Ils se trouvaient devant un immeuble flambant neuf d'où sortaient encore plusieurs hommes et femmes affolés, habillés en costumes de travail. Le panneau à l'entrée indiquait le siège de la Néo-Shinra.
— Oh bordel... siffla Zack. C'est ici la Néo-Shinra ? Pourquoi tu nous as emmené là ?
Cloud leva les yeux au ciel. Zack l'imita. Il avait un mauvais pressentiment.
Une vitre située à un étage supérieur explosa. Zack vit deux hommes qui semblaient se battre se pencher dangereusement vers le vide ; quelques instants plus tard, ils basculaient tous les deux vers le sol. Zack hurla. À cette hauteur, ils allaient finir en bouillie sanguinolente en atterrissant !
Cloud s'élança, vif comme l'éclair, les bras tendus comme pour tenter de les intercepter. Zack n'eut pas le temps de faire un geste pour l'arrêter.
Le monde explosa en gerbes de plumes blanches et de sang sous ses yeux.

*

Le costume de Tseng était recouvert de fluides de monstre à force de fendre la chair, mais cela n'était pas grave. Il pourrait toujours se changer une fois de retour au quartier général. Le plus important pour l'instant était de se débarrasser de la menace que constituait cette Gina modifiée. Il lança une autre Lune Tranchante et rattrapa ses éventails juste avant qu'ils ne le décapitent. C'était le problème avec cette attaque, la meilleure mais aussi la plus dangereuse de son répertoire : une seule seconde d'inattention, et il finissait avec la tête tranchée net. Mais cela en valait la peine. Il vit le bras droit de la créature se détacher de son corps et tomber en inondant les alentours de sang purulent. Ses efforts et ceux de ses camarades avaient payé.
— Bien joué, Tseng ! cria Tifa en plaçant un Dernier Paradis, sa Limite la plus mortelle.
Le monstre hurla à la mort mais ne bascula pas. Il fallait encore s'acharner sur lui. Derrière Tseng, Rude peinait à rester debout. Il avait reçu plusieurs rayons destructeurs du monstre ; c'était un miracle qu'il soit encore en vie. Frankie utilisait sa magie de soutien et de soin au maximum ; ses réserves ne devaient pas être très remplies à cette heure.
— Chier ! s'écria-t-il en faisant appel à la matéria rouge qui se trouvait sur Yin.
Tseng s'écarta en entraînant Rude avec lui. Bien leur en prit. À l'endroit où ils étaient postés, une dalle de pierre ronde gravée de signes cabalistiques surgit brusquement du sol, suivie par quatre colonnes gigantesques. Un rai de lumière bleue ; Hadès apparut, en habits lugubres, penché sur son chaudron de ténèbres. Il ricana en faisant tournoyer ses bras squelettiques au-dessus de la préparation. Le chaudron laissa échapper une gerbe de poison qui alla se projeter sur le monstre, lui infligeant de multiples dégâts sur tout le corps. Satisfait, Hadès se retira.
— Il a l'air d'avoir mal, fit Rude.
Tseng acquiesça. Les membres du groupe de Tifa repartaient à l'attaque sans faiblir. Frankie était en nage, Rude ne valait pas mieux. Tseng jugea préférable de laisser faire les héros de la planète et alla mettre ses hommes à l'abri. Lui-même n'était pas de première fraîcheur ; il savait qu'il avait sans doute des lésions graves et au moins une côte cassée. Bouger dans ces conditions était très risqué.
Cela dura encore quelques secondes qui parurent des années à Tseng. Frankie tremblait de tous ses membres. Ce fut Vincent, transformé en Chaos, qui porta le coup de grâce. Le monstre qu'était Gina s'affaissa en poussant un cri d'agonie qui se répercuta dans toute la plaine de Midgar. Puis il tomba en cendres qui s'envolèrent au vent, inondant Edge.
Le combat était terminé.

*

Tout ce blanc et rouge aveuglait Zack ; il n'arrivait pas à distinguer les détails de la scène. Où était Cloud, où avaient atterri ces deux hommes ? Il chercha frénétiquement autour de lui sans se soucier du drap qui glissait peu à peu à terre. L'endroit était recouvert de plumes blanches qui voltigeaient dans les airs.
— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? grogna-t-il entre les dents. Des plumes, et puis quoi encore ? Des fleurs, peut-être ?
Zack eut un pincement au coeur en pensant soudain à Aerith au milieu de son jardin de fleurs à l'église. Aerith qui n'était plus là pour lui dire à quel point elle aimait les plantes, Aerith qui était morte de la main de Sephiroth, sans qu'il puisse rien y faire. Il fut pris de panique.
— Cloud ? appela-t-il. Cloud ! Où es-tu ?
Il ne pouvait pas se permettre de le perdre lui aussi ! Les plumes s'écartaient un peu, retombaient sous l'effet de la gravité. Les employés de la Néo-Shinra qui avaient tout vu restaient en retrait ; il les ignora. La place située devant le bâtiment était recouverte de ces plumes, comme un épais tapis doux et irréel. Une immense tache de rouge en colorait une partie : le corps désarticulé d'un homme qui s'était écrasé sur le bitume. Où était l'autre ? Et Cloud ?
— Cloud !
Personne ne lui répondit.

*

Tifa sourit à ses amis, épuisée mais heureuse. Le monstre qui les avait attaqués sans prévenir était vaincu ; ils pouvaient à présent rentrer chez eux et panser leurs plaies. Yuffie soutenait un Cid mal en point, Vincent avait une énorme entaille sur la joue qui s'harmonisait avec le rouge de sa cape. Il lança un regard perçant aux Turks qui se tenaient à l'écart. Tseng était aussi pâle qu'un linge.
— Vous allez bien, vous autres ? Pas de pertes ?
— Rien qu'un peu de soins et une bonne nuit de sommeil ne peut résoudre, répondit Tseng. Merci de nous avoir aidé dans ce combat.
— C'est normal, cette chose allait détruire Edge. Vous savez ce que c'est ?
— Une des leurs, grogna avec peine Cid en arrivant sur place. Ce gars-là l'a dit.
Il désigna Frankie qui était resté assis, la mine sombre. Tifa en fut confuse.
— Comment ça ?
— J'ai bien peur qu'il n'ait raison, soupira Tseng. Apparemment, ce monstre était Gina il y a à peine deux heures.
— Gina ? La femme que vous avez ramenée avec Carson ?
— Elle-même.
Tseng n'eut pas le temps de voir venir l'assaut : Tifa l'avait agrippé par le col et projeté contre le mur le plus proche. Il toussa douloureusement. Du sang apparut au coin de sa bouche ; Tifa n'en avait que faire. Derrière elle, Vincent avait brandi son fusil en direction des deux autres Turks tandis que Yuffie donnait les premiers soins à Cid. Elle dardait sur les hommes de la Shinra des yeux agrandis par la haine.
— Qu'est-ce que vous mijotez encore ? dit durement Tifa. Vous nous aviez affirmés que vous ne fricotiez plus avec ces choses-là.
— Ce n'était pas notre intention, fit Tseng avec peine. Gina s'est transformée sans notre autorisation ou même notre connaissance.
— Ah, vraiment ? railla Tifa.
— Oui. Tu penses vraiment que j'aurais laissé ce monstre près de Rufus si je savais ce qu'elle était capable de faire ?
Tifa fit grise mine, mais elle devait avouer qu'il marquait un point. Tseng était trop dévoué à son cher patron pour le mettre ainsi en danger. Elle le lâcha en voyant qu'il était sur le point de s'étouffer dans son sang. Tseng se ressaisit avec tout l'appoint qu'il lui restait encore.
— Il reste Carson, dit Tifa. Vous n'avez pas peur de le laisser avec votre cher Rufus ?
— Ça va aller. Reno est resté là-bas avec les autres.
— Reno ?
— Il a beau être un peu bizarre ces derniers temps, il ne laisserait rien arriver à Rufus. Même si c'est son oncle qui le lui demande.
— Tu parais sûr de toi.
— Je le suis.
Qu'ajouter d'autre ? Tifa était tellement énervée qu'elle ne savait pas par où commencer. Ses amis attendaient sa décision en silence.
— On va aller chercher Zack et Cloud, et quand tout le monde sera un peu calmé il faudra qu'on discute. Je n'aime pas la direction que prennent les choses. Et je crois que je hais ce Carson Nevada.
— On est deux alors, grogna Tseng.
— Trois, fit un Frankie au regard éteint.
Tifa soupira. Encore des problèmes en perspective.

*

Lorsqu'Éléna était encore une petite fille, elle croyait aux esprits et au fées. Par la suite, elle avait grandi et s'était rendu compte que tout cela n'était que chimères d'enfants, et bien qu'une part de son coeur restât encore émue par le merveilleux, elle ne mettait plus autant de ferveur qu'autrefois à y croire. Les miracles n'arrivaient que si on les déclenchait soi-même ; aucun enfant ne pouvait changer seul le cours du destin.
Puis elle avait rencontré Cloud et sa bande, avait suivi de loin leurs aventures et leurs pérégrinations à travers le monde. La part d'enfant qui était encore présente en elle reconnaissait ces héros qui peuplaient les histoires qu'elle adorait tant étant petite fille, bien que la part Turk, plus importante, la faisait continuellement taire. En fin de compte, tout s'était arrangé pour le mieux malgré les pertes qu'avait subi la planète.
Sa soeur Gina était celle qui lui racontait toutes ces histoires en prenant bien soin de préserver son coeur innocent. Gina avait été le modèle d'Éléna : belle, forte, aimant la vie autant qu'elle aimait le monde. Éléna était sans cesse en admiration devant sa soeur et voulait devenir exactement comme elle. Quand Gina avait renié son identité en devenant Turk, Éléna avait été tellement déçue qu'elle s'était mise à détester cette soeur qui lui était auparavant si chère, au point d'essayer par tous les moyens de l'empêcher de faire son travail.
L'incident avait été le résultat d'un plan idiot desservi par un concours de circonstances. Éléna savait que sa soeur avait été affectée au service d'un homme important de la Shinra ; elle ignorait lequel et cela n'avait pas d'importance à ses yeux. Ce qui comptait, c'était que Gina avait renié sa famille et sa vie pour cette organisation horrible. Elle comptait bien la récupérer.
Pauvre enfant naïve qu'elle était ! Elle avait fait courir le bruit qu'elle était la soeur cachée de Rufus Shinra, afin d'attirer l'attention de Gina qui refusait de la voir. Personne ne sut comment une telle rumeur avait pu être crue par qui que ce soit ; pourtant, des malheureux en mal d'argent l'enlevèrent pratiquement sous les yeux de la Shinra. Gina avait désobéi à toutes les règles en vigueur des Turks en allant chercher seule sa soeur ; quand ses collègues étaient enfin arrivés pour délivrer Éléna, elle était déjà morte depuis près de deux heures. On l'avait abattue sous les yeux de sa soeur. Éléna en était restée meurtrie pendant plus d'un mois.
Néanmoins elle s'en était remise, petit à petit. Les fréquentes visites de Reno y étaient pour beaucoup. Le Turk n'était pas très subtil ou malin (du moins à ses yeux), mais il avait bon coeur et tentait de la consoler malgré tout. Éléna avait appris à connaître un peu mieux les Turks et à les aimer aussi, dans une certaine mesure. Cette organisation était celle que sa soeur avait choisi de rejoindre. Gina était morte en Turk. Éléna voulait à présent suivre son exemple.
Reno l'avait su et l'avait encouragée dans cette voie. Cela lui avait pris des années, mais elle y était finalement arrivé.
Elle était une Turk. Comme Gina.
Quelle naïve elle faisait, même après tout ce temps ! Éléna en avait pleuré de rage. Ses mains étaient liées, ses pieds étaient liés, elle ne pouvait même pas bouger le cou. Un bandeau lui couvrait les yeux en permanence. Elle aurait voulu mourir. Ou tuer quelqu'un, de préférence cet être pervers qui ressemblait tant à sa soeur bien-aimée.
Le simulacre de Gina l'avait prise par surprise à la sortie de sa cellule, se faisant passer pour une alliée alors qu'elle n'était qu'un clone grossier. Perturbée qu'elle était en la revoyant saine et sauve, Éléna l'avait crue sur parole. Mais sa soeur était morte. Le clone de Gina l'avait enfermée ailleurs de telle sorte que ses amis ne la retrouvent pas, en lui disant qu'elle leur servirait d'otage pour que Rufus se plie aux volontés de Carson. Éléna avait hurlé, s'était débattue en vain, avait tenté de se tuer sans y arriver.
À cause de ses erreurs, des êtres qui lui étaient chers allaient peut-être mourir ! Elle ne voulait pas que cela se répète, elle ne pourrait pas se le pardonner cette fois !
— Ne t'en fais pas, avait dit Gina avant de partir, Carson va s'occuper de ton Tseng et de Reno.
Éléna s'était jurée de la tuer de ses propres mains. Elle était restée avec Tony, une autre expérience de Carson, et attendait le résultat des négociations. Les heures avaient passé, monotones, déprimantes. Elle ne voyait toujours rien.
Puis, un bruit d'aile froissée attira son attention.

*

Zack ne savait plus quoi faire. Cloud avait disparu sans laisser de traces, il ignorait totalement où il se trouvait et il commençait à avoir froid dans ses habits de fortune. L'alerte avait cessé et les gens regagnaient leur domicile ou leur lieu de travail, un peu secoués mais vivants. Zack n'avait d'autre choix que de rester devant la Néo-Shinra en espérant que quelqu'un vienne le chercher.
— Zack Fair ? fit une voix qui lui était vaguement familière.
Un homme d'origine wutai l'observait de loin. Son costume de Turk était sale et déchiré à plusieurs endroits, mais cela suffisait pour savoir qu'il était l'un des hommes de main de Shinra. Zack sursauta en reconnaissant Tseng, un vieil ami qu'il avait rencontré lors d'une mission à l'époque où il était encore SOLDAT. D'après ce qu'il savait, c'était aussi un ami d'enfance d'Aerith.
— Tseng ? C'est toi ?
Tseng hocha la tête, trop épuisé pour répondre. Les deux hommes qui le suivaient, Turks eux aussi, ne paraissaient pas en meilleur état. Tseng leur fit signe de rentrer dans le bâtiment sans lui. Celui qui avait un crâne rasé les dépassa en regardant Zack d'un air étrange.
— Heureux de voir que tu t'es rétabli, fit son ami d'une voix faible. Mais je te croyais avec Cloud. Tifa m'avait dit que vous étiez rentrés chez elle et... pourquoi est-ce que tu as un drap sur toi ?
Zack hésita, mais il ne pouvait pas se permettre de refuser une aide bienvenue, même si elle était du fait des Turks.
— On voulait rentrer, mais Cloud est venu ici et maintenant, il a disparu.
— Quoi ?
— Je ne sais pas. Il avait l'air bizarre, comme s'il était possédé. Quand on est arrivé devant cet immeuble, il y avait deux hommes qui se battaient un peu plus haut et ils sont tombés. En tout cas, l'un des deux est tombé, je ne sais pas où est l'autre. Il y a eu comme une tempête de plumes et ce mec est mort, mais Cloud n'est nulle part. Je l'ai perdu de vue seulement une seconde !
Tseng fronça les sourcils, l'air confus, et se précipita en direction de l'endroit que lui montrait Zack, là où le cadavre d'un homme attendait qu'on le dégage. Était-il si fatigué qu'il n'avait pas remarqué toutes les plumes et le sang ? Il fallait que Zack lui demande ce qu'il avait affronté en ville. Plus tard. Pour l'instant, retrouver Cloud était plus important.
— Merde ! brailla Tseng en examinant le corps.
— Un problème ?
— Cet homme, c'est Carson Nevada ! Par Gaïa...
Zack vit Tseng pâlir considérablement. Il se saisit de son téléphone et composa un numéro avec des doigts tremblants.
— Rod, où est Rufus ? cria-t-il au combiné quand on eut décroché à l'autre bout du fil.
Un moment de silence ; Zack retenait son souffle. Tseng s'enquit alors d'un « Reno », et jura de plus belle en raccrochant.
— Zack, tu m'as bien dit qu'il y avait deux hommes qui sont tombés de l'immeuble, non ? À quoi ressemblait le deuxième ?
— Difficile à dire, il était haut... Mais je crois qu'il avait le haut de la tête rouge vif, je n'ai pas bien vu. Ça aurait pu être un chapeau aussi... Attends un peu, tu as bien dit Reno ? Il n'y avait pas un de tes hommes qui était roux ?
Tseng se précipita dans le bâtiment sans lui répondre, le visage aussi blanc que les plumes qui jonchaient la place.

*

Cloud pouvait sentir l'odeur des fleurs et du vent. Il ferma les yeux et s'endormit, rassuré.
 
 
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