Ginny Potter se réveilla le sourire aux lèvres, en cette belle matinée de juin, alors que seuls les premiers rayons de soleil commençaient à apparaître. Elle avait une montagne de choses à faire et cette simple pensée suffisait à la faire frissonner de plaisir alors qu’elle enfilait sa robe de chambre et qu’elle mettait ses chaussons en forme de canards. Ginny Potter était devenue en quelques mois une parfaite petite femme au foyer, épouse et mère comblée. Son mari, Harry Potter, ronflait gentiment à côté d’elle ; elle eut un sourire attendrissant lorsqu’elle le regarda quelques instants, comme elle en avait l’habitude tous les matins. Dans très exactement vingt minutes, elle devrait le réveiller pour qu’il se prépare à aller au travail et dans très précisément vingt-cinq minutes, elle lui servirait son thé au citron bien chaud.
Ginny sortit silencieusement de sa chambre et se dirigea vers celle de sa fille. Le couple Potter possédait en effet une adorable fillette âgée de 19 mois - sourire malicieux comme sa mère, yeux naïfs comme son père. Ginny passa la tête dans l’embrasure de la chambre plongée dans l’obscurité, admira plus longuement la disposition parfaitement rangée de la pièce que sa fille elle-même, et s’enfuit d’un pas pressant vers la cuisine. En quelques mouvements de mains impeccables, Ginny dressa la table, prépara le café et le thé, beurra les toasts qu’elle avait fait grillé et donna à manger à leur chien Pumpkin, un adorable carlin qu’ils avaient recueilli quelques mois plus tôt alors que Ginny l’avait trouvé, mourrant de faim, en train de fouiller leurs poubelles.
Ginny observa avec suspicion son horloge puis sa montre. Elle constata avec horreur que celle-ci retardait par rapport à l’horloge murale de plus de trente secondes. Encore. Il fallait qu’elle arrange ça au plus vite. Ginny s’empressa d’attraper son agenda et ajouta à sa liste du jour, déjà considérablement longue, « Passer à la bijouterie <3 ». Satisfaite, elle servit le thé de son mari, y ajouta deux sucre un quart et courut le réveiller. Elle avait bien pris quinze secondes pour noter sa nouvelle tache et elle ne souffrirait pas le moindre retard. Ginny s’amusa de la mauvaise volonté habituelle de son mari à se lever et le poussa avec décision vers la cuisine. Avant que celui-ci ne puisse dire un mot, deux cachés rouge vif apparurent comme par magie entre lui et son bol de thé.
« Pour ton foie », crut bon de préciser Ginny alors que c’était le même rituel depuis maintenant deux ans.
Harry sourit, et avala avec plaisir ses gélules au goût agréablement sucré. Il suspectait Ginny de leur changer le goût magiquement, mais il ne s’en souciait guère. Après tout, Ginny était une brillante sorcière et il avait entièrement confiance en elle. Il termina son petit déjeuner, se leva, alla embrasser sa femme qui nettoyait avec violence une tache invisible sur la vitre de leur four, et déposa son bol vide dans l’évier. Ginny en rosit de plaisir. Que son mari était prévenant ! Toujours à vouloir l’aider dans ses taches ménagères alors que ce n’était pas son rôle. Ginny s’empressa de nettoyer la vaisselle qui retourna à sa place dans les placards en moins de temps qu’il ne fallut à Harry pour arriver aux escaliers.
Ginny s’arrêta quelques instants, l’oreille attentive et fit un bref mouvement de tête lorsqu’elle entendit le bruit de l’eau qui coule au premier étage. Ginny profita de ce moment pour déjeuner léger -deux pruneaux et ses pilules contre la cellulite, on est jamais trop prudente - avant de commencer son nettoyage quotidien et complet de la cuisine. Ce n’est que quand son mari descendit, fraîchement lavé, rasé et habillé, que Ginny mit un point final à son œuvre en assaisonnant la pièce de quelques touches parfaitement dosées du parfum spécial cuisine à la cerise qu’elle préparait le dimanche pendant son temps libre. Ginny sautilla vers son mari, lui déposa un chaste baiser sur les lèvres et se précipita dans le salon pour regarder son feuilleton favori de onze minutes, « Les raisins de l’Amour ». Son petit moment de plaisir de la journée.
Les onze minutes et trente-deux seconde passées, Ginny se leva et fit craquer ses doigts avec détermination, un sourire conquérant aux lèvres. Elle se précipita dans la salle de bain et prit une douche rapide, avant de mettre une légère robe dénudant ses épaules mais cachant ses chevilles. Elle avait entendu à la radio la veille, alors qu’elle reprisait des chaussettes, qu’il ferait très chaud aujourd’hui. Heureusement qu’elle avait un court d’aérobic dans la piscine municipale de Londres à quinze heures ! Cela lui fera du bien. Et elle pourra discuter du divorce prématuré du Docteur Christow avec sa sixième femme dans « Les raisins de l’Amour ». Vraiment, il n’y avait que des feuilletons pour montrer de telles absurdités.
Alors que Ginny terminait de faire son lit, elle se rappela soudainement - et avec effarement - qu’elle devait appeler son excellente, mais irrémédiablement mal organisée, amie Luna pour la réveiller. Celle-ci n’avait plus de réveil à cause d’une histoire très louche concernant son mari (que Ginny comptait bien tirer au clair durant sa séance d’aérobic) et n’avait pas la moindre notion du temps. Aussi avait-elle demandé à Ginny de l’appeler pour la réveiller, ce que Ginny s’empressa de faire, se demandant si elle était en retard, bien que cela lui paraisse peu probable. Ginny se plaisait à penser qu’elle avait un don pour être à l’heure et se souvenir des choses lorsqu’il le fallait.
Ginny échangea quelques banalités avec son amie avant de retourner dans sa cuisine où elle alluma la radio pour écouter les Bizzar’Sisters, aujourd’hui démodées. Tout en se déhanchant sur la musique, Ginny commença à préparer le déjeuner. Celui-ci devait toujours être parfait, original et exquis. Ginny ne vit pas le temps passer et se souvint à temps (« encore ! ») qu’elle avait un rendez-vous chez le dentiste durant la matinée. Fort heureusement, celui-ci n’était qu’à quelques centaines de mètres de sa demeure et était, par miracle, toujours à l’heure. Ginny se précipita dans la chambre de sa fille et la réveilla avec douceur et efficacité. Vingt minutes plus tard, Lily Georgia Potter était lavée, habillée et avait ingurgité sa bouillie. Ginny émit un petit cri aigue de ravissement lorsque sa fille laissa échapper son rot, preuve de son appétit comblé.
Avec précision, et malgré la température qui ne faisait que grimper, Ginny habilla parfaitement sa fille d’un manteau, de petits gants ainsi qu’un bonnet. Elle lui avait fait un rhume il y a deux semaines - un échec pour Ginny Potter qui avait frôlé la dépression -, il était impensable qu’une telle chose se reproduise. Aussi s’évertuait-elle à habiller sa fille plus que de raisonnable et glisser sournoisement dans sa soupe du soir deux bonnes cuillérées d’huile de foie de morue. Dans quelques années, Lily Georgia Potter chercherait à savoir avec son psychanalyste pourquoi elle ne pouvait avaler une goutte de potage sans la régurgiter immédiatement. Mais revenons au présent. Notre chère mère de famille est désormais occuper à chercher ses clefs de voiture.
C’est la panique chez les Potter ! Les fameuses clefs ne sont plus où elles devraient être, c’est-à-dire accrochées près de la porte du hall d’entrée. Il y a à la place un espace vide, irrémédiablement vide, que Ginny regardait régulièrement d’un air courroucé à chaque fois qu’elle soulevait un coussin du canapé pour vérifier. Était-ce un coup des jumeaux qui étaient passés hier soir ? Elle l’aurait parié ! Mais ils avaient oublié l’intégrité de notre chère Ginny Weasley qui avait su prévoir une telle disparition avant qu’elle ne se produise. Deux minutes plus tard, elle revenait de sa chambre où elle avait récupéré le double de ses clefs.
Quinze secondes plus tard, après avoir constaté avec horreur qu’elle allait vraiment être en retard, Ginny boucla sa fille sur le siège avant - le dos face à la route en cas de freinage trop brusque ! - , s’installa dans la voiture et démarra en n’omettant pas de mettre son clignotant en sortant - les gens peuvent être si tête en l’air parfois ! Le voyage fut fort rapide et Ginny fut ravie de trouver une place très rapidement, devant la demeure de Mr Hunter, un brave septuagénaire qu’elle salua avec empressement avant de constater que le pauvre homme n’arrivait pas à se baisser pour ramasser son journal. En bonne citoyenne, Ginny s’empressa de lui rendre ce service et le gratifia d’un sourire chaleureux. Elle ne supportait pas les personnes âgées, mais il fallait bien paraître agréable avec tout un chacun.
Ginny entra d’un air conquérant dans le cabinet du Docteur Restarick. Ginny s’était toujours demandée si cet homme, fort agréable au demeurant, n’avait pas du sang noble avec un nom pareil ! Elle n’avait jamais osé lui demandé, mais se promit de le faire un jour. C’était sur sa liste, après tout. Ginny s’assit dans la salle d’attente, bloqua les roues de la poussette où trônait sa fille - on est jamais trop prudent ! - et constata que la salle était vide. Ginny n’en fut pas du tout surprise. Le Docteur Restarick était d’une telle ponctualité ! Ginny laissa échapper un soupir bienheureux alors que l’homme venait la chercher. Et dire qu’elle n’était là que depuis 18 secondes !
Ginny échangea quelques mots avec son dentiste avant de s’installer gracieusement pour son examen buccal, qui, bien entendu, ne dura que fort peu longtemps. De la routine. Ginny avait en effet, et elle s‘évertuait de ne pas trop s‘en vanter, une dentition incroyablement belle. Oh, certes, pas parfait ! La perfection n’existe pas, affirmait toujours Ginny. Phrase qu’elle ressortait à chaque fois que quelqu’un avait l’audace de la critiquer sur n’importe quel sujet, alors qu’en réalité, elle se considérait comme très proche de la perfection. Les gens ne sont pas obligés de tout savoir de vous.
Ginny sortit du cabinet alors que le Docteur Restarick la saluait d’un air joyeux avant de fermer la porte. Ginny soupira de dépit. Le pauvre homme ! Il ne se doutait pas une seconde que sa femme le trompait avec le gynécologue de Harley Street, cet odieux personnage dont elle avait oublié le nom. Elle avait surpris les deux amants, par hasard bien entendu, alors que Ginny venait acheter du fil dentaire à l’autre bout de la ville. Ginny avait été choqué de les trouver dans une posture aussi indécente ! Elle se demandait toujours si elle devait en parler au docteur. Ginny secoua la tête alors qu’elle montait dans sa voiture après avoir installé sa fille. Le dire au Docteur Restarick n’avancerai à rien. Et puis, au moins, Mrs Restarick ne pourra pas lui refuser le service que comptait lui demander Ginny la semaine suivante.
Ginny consulta sa montre à un feu rouge, confiante. C’est bien ce qu’elle pensait. Elle avait le temps d’aller s’acheter de nouveaux collants au centre commercial ainsi que de l’estragon - nécessaire pour le plat du midi qu’elle comptait préparer - avant de rentrer chez elle. Le chemin jusqu’au magasin se fit sans encombre, en excluant la crise de larmes de sa fille qui mourrait d’envie de lui hurler « j’ai trop chaud ! ». Ginny consentit par la suite, sous la température scandaleusement haute du magasin à cause du chauffage inutile, à déshabiller sa fille. Celle-ci émit un gazouillement bienheureux alors que sa mère entrait avec elle dans un magasin de sous-vêtements typiquement féminins. Quelques minutes plus tard, ses achats terminés, elles étaient en route pour la maison.
Un désastre l’attendait alors que Ginny entrait dans sa cuisine après avoir déposé Lily Georgia dans son parc. Ce maudit chien avait fait pipi sur ce magnifique tapis qu’elle avait ramené du Bengladesh ! Ginny laissa échapper un flots d’injures envers l’animal, accentués par des gestes équivoques, après avoir bien vérifié que personne ne l’observait à la fenêtre, bien entendu. Elle le chassa à grands coups de balais - un vieux fantasme de jeune fille aujourd’hui réalisé - et réfléchit au produit adéquat qu’elle devait utiliser pour anéantir la tache. Elle allait se décider quand…
« Mon saumon ! »
Effarée, Ginny se précipita vers son four et sauva à temps le poisson qu’elle avait laissé cuir alors qu’elle allait à ses rendez-vous. Ginny ouvrit le four avec application et prudence et découvrit l’ampleur de la catastrophe. C’est bien ce qu’elle craignait : l’aluminium dans lequel elle avait emballé le saumon avait noirci ! Le poisson, bien entendu, n’avait rien. Ah ! Mais quelle abomination pour la présentation ! Ginny se précipita à l’étage après avoir jeté un sort sur le saumon pour le garder chaud jusqu’à l’arrivée de son mari, et alla consulter ses livres. Elle trouva au bout d’une dizaine de minutes les sorts adéquats, pour enlever le noirci et nettoyer le tapis du liquide infect.
Trois coups de baguettes plus tard - un autre fut lancé pour tuer une guêpe qui tournait dangereusement autour de la cloche à fromages - , Ginny s’autorisa à souffler en s‘avachissant sur une chaise -toujours en vérifiant les fenêtres -. Les huis petites secondes passées, elle bondit sur ses pieds et commença à préparer l’entrée. Quinze minutes plus tard et une salade étonnante à la recette secrète inventée par ses soins fut propulsée dans le frigo. Vingt minutes de plus et une tarte à la mélasse commença à cuir dans le four, propageant quelques douces odeurs dans la cuisine.
« Juste ciel ! » s’exclama Ginny.
Ces huis secondes avaient été de trop, se réprimanda-t-elle en constatant qu’il était beaucoup plus tard qu’elle ne l’avait imaginé - onze heures trente quatre au lieu d’onze heures trente deux, prouvant une nouvelle fois à quel point son don pour les mathématiques était développé. Ginny se précipita dans le salon, attrapa sa fille qui venait juste de mettre un point final à sa construction de trois cubes de bois (crées par Ginny lors d’une journée d’hiver ennuyeuse) et la déposa sur sa chaise adaptée dans la cuisine. Quelques cuillérées et un rot plus tard, et Lily Georgia dormait comme un ange dans son petit lit.
Harry Potter transplana dans le hall alors que Ginny Potter venait juste de terminer de dresser la table. Il ôta ses chaussures, enfila ses chaussons pour préserver le parquet que Ginny cirait chaque mardi soir et alla déposé prudemment un baiser sur le front de sa chère et tendre, occupée à dépoussiérer un bibelot quelconque sur l’imposante cheminée du salon. Ginny lui fit les politesses adéquates en les soulignant d’un surnom aussi ridicule que superflu avant de le servir de salade. Harry entreprit de lui raconter sa matinée de long en large durant tout le repas, sans se rendre compte que Ginny se fichait royalement de ce qu’il racontait, n’ayant d’yeux que pour la tache de vin qu’il avait fait sur la nappe après sa troisième bouchée de salade.
Elle évacua son mari avec subtilité vers l’étage où il s’accordait lui aussi toujours une petite sieste d’une demi-heure avant de retourner travailler. Ginny en profita pour mener à bien toute sorte de tâches très importantes : débarrasser la table, la nettoyer, faire la vaisselle, lancer une machine et inspecter avec attention le pardessus de son mari, ses chaussures et sa mallette. D’une part pour annihiler toute saleté qui aurait pu s’y trouver mais aussi pour vérifier qu’aucune marque intrusive ne s’y trouvait. Avec ce qu’elle savait entre la femme du Docteur Restarick et l’autre oiseau, pensait-elle, on était jamais trop prudent !
Après avoir constaté qu’aucune trace de rouge à lèvres et qu’aucun cheveu trop blond ne se trouvait sur les habits de son mari, Ginny s’autorisa un petit verre de cognac en écoutant la météo à la radio. Son sex-appeal avait toujours de l’effet sur son mari ! Cette simple pensée suffit à la ravir et elle alla réveiller son mari en l’embrassant délicatement au coin des lèvres. Celui-ci, légèrement surpris au début, voulut approfondir le baiser pour aller plus loin, mais sa femme le gourmanda gentiment, en arguant qu’il allait être en retard. Harry grogna, descendit de mauvaise grâce s’habiller et transplana.
Ginny comptait partir à quatorze heures précises pour aller faire des courses, rentrer ranger tout ça, puis aller à la piscine pour son cours d’aérobic à quinze heures - Ginny était en effet rapide et efficace dans bien des domaines. Elle avait donc une demi-heure de libre devant elle ! Ginny songea à ce qu’elle pourrait faire. Nettoyer les gouttières dehors ? Non, il faisait beaucoup trop chaud. Tricoter une écharpe rouge pour son mari ? Non, cela pouvait attendre. Soudain, Ginny eut une idée. Elle allait finir le roman à l’eau de rose qu’elle avait commencé jadis ! Ginny se précipita dans sa chambre pour le chercher et alla s’installer dans le salon. Vingt-cinq minutes plus tard, elle pleurait à chaudes larmes après la mort de Gertrude, qui venait dans l’histoire de jeter sous les roues d’un chasse-neige après sa séparation avec Gontran. Tragique.
Ginny alla remettre le livre à sa place, se promit de le finir prochainement, voulant à tous prix savoir si Christine allait enfin retrouver son premier amour. Elle habilla sa fille en reniflant et pour la deuxième fois de la matinée, retourna en voiture au centre commercial. Il y avait tant de monde ! Ginny se complaisait dans son exaspération et prenait un soin tout particulier à pousser un soupir prononcé de personne se sentant particulièrement supérieure à chaque fois qu’une femme un peu trop séduisante osait poser les yeux sur elle. Ginny se battit avec une mégère au détour des rayons « Légumes » et « Épices » pour avoir le dernier avocat pas trop mur, avant de sortir du magasin, vainqueur, mais néanmoins légèrement décoiffée.
Ginny fit un rapide aller-retour chez elle pour déposer ses courses. Elle s’exaspéra alors que sa fille se mit à pleurer. Elle avait besoin d’être changée ! C’était l’une des rares tâches que Ginny faisait de mauvaise grâce. Quelques minutes plus tard, les fesses toutes propres, Lily Georgia se retrouvait encore une fois sur son siège alors que Ginny conduisait plus vite qu’elle en avait le droit vers la piscine municipale. Elle se gara à sa place habituelle et alla déposer sa fille à la garderie, comme de coutume. Elle enfila rapidement son maillot de bain une pièce dans son vestiaire et alla s’asseoir devant la piscine. Elle était arrivée trois minutes en avance. Elle entama une discussion avec une autre femme presque immédiatement. Par chance, elle aussi suivait « Les raisins de l’Amour » !
Alors que Ginny sautillait joyeusement dans la piscine sous les directives du maître nageur qui leur faisait faire le cours, elle réfléchit au repas de ce soir. Elle voulait faire quelque chose de léger, mais elle n’arrivait pas à se souvenir si il lui restait des poireaux… Diantre ! Et dire qu’elle revenait du centre commercial ! Elle était vraiment idiote parfois, mais jamais elle ne l’aurait avoué. Après avoir fait quelques calculs mentaux très approximatifs dans sa tête, Ginny en conclut qu’elle n’aurait pas le temps de retourner prendre des poireaux sans tomber dans les bouchons. Tant pis ! Harry se contenterait d’un ragoût bien anglais.
Le cours se termina à seize heures, et Ginny constata qu’il faisait encore affreusement chaud alors qu’elle installait sa fille dans la voiture. C’est alors qu’elle fut interpellée au loin. Luna ! Celle-ci lui demanda d’une voix enjouée si cela ne la dérangeait pas de la ramener chez elle - sa voiture était tombée mystérieusement en panne. Ravie d’aider une amie, et de se faire bien voir par la même occasion, Ginny s’empressa d’accepter. Elle déplaça sa fille à l’arrière, Luna étant malade en voiture si elle n’était pas devant. Ginny se demanda si Luna avait remarqué ce détail attentionné.
Par chance, Luna n’habitait pas très loin de chez Ginny. Après dix minutes de route où les deux femmes parlaient avec emphase de sujets divers, Ginny souhaita le bonsoir à Luna. Ginny arriva chez elle quelques minutes plus tard, se gara, et laissa échapper un soupir venant du coeur alors qu’elle se laissait aller dans le canapé. Oui, une journée bien remplie. Et elle devait encore préparer le dîner. Elle se précipita dans la cuisine et commença à découper avec aisance ses carottes quand le téléphone sonna. C’était l’une de ses plus proches amies, Hermione Granger, qui avait divorcé de Ronald Weasley un an plus tôt.
« Comment ? » s’exclama Ginny, un sourire béat aux lèvres. « Tu te remaries ? Mais c’est merveilleux ! »
Les deux amies parlèrent pendant quelques minutes avant de raccrocher. Cette nouvelle emplie de joie Ginny qui continua de cuisiner avec encore plus d’entrain. Ginny adorait Hermione ! Et la voir amoureuse, elle qui était si difficile, était fantastique ! Elle ne connaissait pas le futur marié… elle espérait que ce soit un homme bien ! Hermione était peut-être intelligente, très brillante même, mais elle restait avant tout une femme… Ginny soupira, le regard perdu dans le vague et mit son ragoût sur le feu avant d’aller continuer son roman. Elle s’y replongea totalement pendant quelques deux heures.
Ginny consulta sa montre. Elle était rentrée maintenant depuis plus de quatre heures et il faisait toujours aussi chaud. Dans quel monde vivons-nous ! se dit-elle. Elle se rappela en soupirant que son mari avait une réunion et qu’il ne rentrerait pas avant vingt heures. Elle avait donc encore une bonne heure à tuer. Ginny décida d’aller vérifier ses rendez-vous de la semaine dans son agenda. Elle avait tant de choses à penser ! Tout en vérifiant que sa casserole sur le feu ne débordait pas, elle ajouta quelques notes dans son agenda.
Elle avait un bridge à trois heures le lendemain, ça elle s’en souvenait. Par contre elle avait oublié son rendez-vous pour changer la tapisserie de la buanderie. Et ah ! Zut ! Elle avait complètement ignoré d’aller chercher sa robe blanche au pressing. Elle comptait la mettre pour sa soirée de samedi, au Ministère… Et la bijouterie ! Sa montre ! Elle était vraiment tête en l’air parfois. Ginny réfléchit, et se dit qu’elle pourrait probablement trouver cinq minutes pour aller chercher sa robe demain, ainsi que déposer sa montre. Il fallait aussi qu’elle prenne rendez-vous chez le coiffeur vendredi. Et qu’elle se décide enfin à faire réparer la fuite du lavabo dans les toilettes au premier étage. Mais le plus urgent était tout de même de nettoyer à fond le hall et le salon. D’anciens amis venait les visiter jeudi soir et la moindre poussière…
Ginny se laissa perdre de plus en plus profondément dans ses pensées, s’interrogeant une fois sur comment déplacer untel rendez-vous pour faire une autre chose… Elle finit par réorganiser complètement son emploi du temps de la semaine et, au bout de trois quarts d’heures, releva fièrement la tête de son carnet, couverte de sueur, un sourire ravi aux lèvres. Là ! Maintenant, cela avait de la cohérence. Elle entendit au loin son mari transplaner dans le hall.
Ginny laissa échapper un petit cri de plaisir, alors que son mari se déshabillait tranquillement dans le hall. Elle allait pouvoir lui annoncer le mariage prochain de son amie Hermione ! Elle avait hâte de voir sa réaction. Ginny, qui commençait à sentir la fatigue, se laissa aller sur son siège. Ah, le mariage ! Elle se souvenait du sien avec Harry. Un moment merveilleux. Ginny avait vraiment hâte d’assister au mariage de sa fille, Lily… et d’avoir des petits-enfants…
Le stylo qu’elle avait entre ses mains tomba au sol. Harry entra dans la cuisine où Ginny s’était installée. Il sourit à sa femme, ne remarquant pas son trouble. Quelques secondes plus tard, Ginny Weasley se précipitait dehors en hurlant, devant son mari ahuri.
« Mais enfin… ? »
Harry ne se doutait pas à ce moment-là qu’il venait d’épouser une femme digne d’un personnage de Pierre Bellemare.
*
Quelques jours plus tard, l’histoire de la ménagère parfaite qui avait gagné un prix pour ses talents de cuisine en 2001 fit la une des journaux. L’histoire de la femme qui, plongée dans ses pensées mondaines, avait laissé sa fille de déshydrater sur la banquette arrière de sa voiture jusqu’à ce qu’elle sombre dans l’inconscience et qu’il soit impossible de la réanimer.