manyfics
     
 
Introduction Les news
Les règles Flux RSS
La Faq Concours
Résultats ManyChat
Plume & Crayon BetaLecture
Nous aider Les crédits
 
     

     
 
Par date
 
Par auteurs
 
Par catégories
Animés/Manga Comics
Crossover Dessins-Animés
Films Jeux
Livres Musiques
Originales Pèle-Mèle
Série ~ Concours ~
~Défis~ ~Manyfics~
 
Par genres
Action/Aventure Amitié
Angoisse Bisounours
Conte Drame
Erotique Fantaisie
Fantastique Général
Horreur Humour
Mystère Parodie
Poésie Romance
S-F Surnaturel
Suspense Tragédie
 
Au hasard
 
     

     
 
au 31 Mai 21 :
23295 comptes dont 1309 auteurs
pour 4075 fics écrites
contenant 15226 chapitres
qui ont générés 24443 reviews
 
     

     
 
Haricots!
Par Zechiel
Originales  -  Humour/Général  -  fr
One Shot - Rating : K (Tout public) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     1 Review    
Partager sur : Facebook | Twitter | Reddit | Tumblr | Blogger

Haricots !

                                                           

            Un jardin. Quoi de plus simple à se figurer me direz-vous ? Rien évidemment. Les rangées propres, les bouts de bois pour aider la croissance des tomates, le bout de pelouse, la cabane, évidemment verte comme beaucoup de ses semblables, la table et les chaises où l’on boit l’apéritif au frais le soir, entre amis, dans notre coin de verdure. Quoi que ma petite ville campagnarde ne soit guère plombée par les immeubles. Les deux seuls qui ont poussé sont à l’autre bout de la colline qui sert de base à la cité, assez bas avec leurs quatre étages. D’autres près du centre ville sont un peu mieux intégrés au paysage, entre les maisons cossues qui toisent parfois presque aussi haut.

 

            Jardiner est ma passion, mon hobby. Quand les aléas du train ne me font pas trop rentrer tard, j’aime aller bêcher un peu, arroser ou faire n’importe quoi qui me donne l’impression de m’occuper de mon bout de terrain derrière ma petite maison. Une bonne mousse et je peux me sentir satisfait du travail accompli. Mon épouse, qui a fêté ses quarante ans peu avant l’histoire qui va suivre, aime bien aussi ce lopin de terre qui lui rapporte de quoi cuisiner sans devoir passer par le marché. Une économie qu’elle qualifie de non négligeable. Mais plus de haricots pour nous, non, plus jamais.

 

*********

 

            C’était un samedi matin. Insomniaque, je me mettais souvent à gratouiller, à me promener dans les légumes dès sept heures du matin. Non, je ne suis pas un mufle, je n’arrose pas, je ne tonds pas, je n’utilise pas de machines à moteur si tôt le matin. Si je ne peux dormir, ce n’est pas une raison suffisante, loin de là, pour que j’aille assassiner les rêves de mes voisins, de certains de mes amis. Je n’ai jamais été jaloux de leur sommeil. Je ne sais plus ce que veut dire rêver, réellement rêver, donc je ne peux pas envier ce que je ne connais pas non ? Bref, comme à chaque matin, j’allais patauger dans une terre humide, mes grosses bottes en caoutchouc vertes (j’ai toujours trouvé cette couleur immonde, mais personne ne semble partager mon avis vu le diktat qui l’impose dans les rayons des magasins… visiblement, vert c’est le jardin. Sans doute un commercial qui n’a jamais contemplé une tomate ou un poivron de sa vie encore.) aux pieds, mon panier à la main. Ma femme avait été hospitalisée cette semaine-là, pour une hernie discale si vous voulez tout savoir, et j’avais été fortement pris en cette première semaine de juillet par le travail. Certes, travailler dans un bureau est moins exténuant que mon grand-père paternel qui avait goûté aux « joies » de la mine, mais le patron avait la sale manie de vous coller des tonnes de bilan à faire avant votre départ en vacances. Je savourais donc dans mon jardin mon premier matin de congé estival. J’avais des craintes concernant mes légumes. Personne n’avait pu les entretenir et je craignais de découvrir des dégâts, sans doute pas CA, mais des problèmes, comme mes tomates abîmées ou mes haricots inconsommables.

 

            Deux tomates seulement avaient souffert de l’averse de l’avant-veille. Les autres affichaient une couleur et une taille prometteuse. Les haricots par contre avaient trop grossis. Tout le monde raconte qu’il faut les récolter à la moitié de leur taille maximale. Là, ils étaient trop gros. N’étant plus à un jour près, je me disais que j’aviserais le lendemain. Quelques acouphènes m’avaient saisi quand je m’étais approché des légumes, mais sans plus. A côté des haricots, ce fut comme si j’entendais la moitié de la Création hurler dans mes oreilles, comme si les cris étaient directement dans mes oreilles ou dans mon crâne, pas comme s’ils me parvenaient de dehors. Lâchant le panier, je me bouchais les oreilles, en vain même quand j’enfonçais mes index dans les conduits auditifs. J’allais reculer quand j’entendis une voix que j’aurais assimilée à un vieil homme couvrir le bruit, avec autorité et, je dois le reconnaître, un certain charisme.

 

-         Doucement, doucement les enfants, sinon il va avoir mal à la tête et ne pas nous écouter. Monsieur le Grand, nous entendez vous ?

-         Oui, c’est assez désagréable quand vous hurlez en effet. Vous êtes qui ?

-         En bas, à vos pieds. Non, pas les chenilles. Non, pas dans la terre non plus, soupira la voix âgée. Vous voyez la tige, remontez, encore, prenez la partie à droite, après la feuille, descendez le lien, voila.

-         Vous vous foutez de moi là ?

-         Non, pourquoi ?

-         Vous ne pouvez pas être un haricot. Les haricots ça ne parle pas. Qui êtes vous pour me faire une aussi sale blague ? Vous comptez pourrir mes vacances ?

-         Si je savais ce que sont les vacances, je vous répondrais. Sinon, nous parlons, depuis longtemps. Je crois plutôt que ce sont vous les Grands qui ne savez pas écouter. D’ailleurs, vous n’entendez rien dans la Nature à part les autres Grands.

-         Nous n’entendons pas que les humains, nous entendons les animaux aussi…

-         Oui, oui, coupa la voix, c’est ce que je disais vous n’entendez que les Grands, pas la Nature en entier.

-         Attendez, vous êtes en train de me dire que vous ne faites pas la différence entre les humains et le reste des animaux ? demandais-je en souriant.

-         Bah oui, comme peu d’entre vous sont capables de faire la distinction entre les espèces de haricots, de tomates, de patates ou autre… Et puis, vous n’êtes pas assez intelligents pour mériter une telle distinction.

-         Quoi ?, m’étonnais-je. Les haricots qui ont besoin de nous pour vivre se sentent plus intelligents que nous qui avons tant d’inventions ?, me mis-je à rire.

-         Inventions, c’est le mot pour tous vos trucs qui puent et polluent ? Je n’appelle pas cela une preuve d’intelligence, répliqua sèchement la voix. Quel est votre nom d’ailleurs ?

-         Paul, et vous ? demandais-je en retour avant de me rendre compte de la stupidité de la question.

-         Et bien, appelez-moi Spartacus… Vous étiez en train de penser à celui qui a soulevé des humains contre des humains qui les prenaient pour des légumes.

-         Parce que pour vous, l’esclavage c’est la même chose que d’être cultivé comme des légumes ?

-         Je vais me le faire, je vais me le faire ce type, répliqua une voix juvénile, agressive au possible.

-         Calme-toi, répondit avec fermeté Spartacus. Ce monsieur ne connaît pas notre civilisation brillante.

-         Il rigole, il rigole, sentez ses pensées ! Aussi vrai que je m’appelle Joe, je vais le trucider s’il continue.

-         Joe ?, répondis-je dans un sourire. Je voyais plutôt cela pour une frite… Au fait, les frites parlent ?

-         Et bien, comme vous dans leur état, répondit froidement Spartacus. Je vous propose de vous faire couper en lamelle à vif, qu’on sale vos plaies et qu’on vous plonge dans l’huile bouillante. Vous aurez votre réponse.

-         Ca me va, bien joué chef, il va arrêter de nous prendre pour des Grands cet imbécile, approuva vivement Joe.

-         On dit des poires, corrigeai-je distraitement.

-         Les poires parlent et sont foutrement plus avancées que vous. Trop avancées pour que vous les entendiez parler de leurs exégèse sur les œuvres de Taluipi.

-         Connaît pas, répondis-je piteusement.

-         Un grand philosophe qui vécut sur un poirier du Michigan. Sa vie fut tragique, le fermier le fit tomber au sol et ne le récupéra pas, il avait récolté assez de poires. Taluipi passa quelques jours à prophétiser et ergoter sur le devenir du légume, l’essence même qui forme le légume et la possibilité que le destin ne soit pas déterminant, sur les preuves d’intelligence et de vie des Grands, notamment par l’existence de leur cruauté, avant qu’un corbeau n’aille l’achever. Un destin tragique, les poires sont en train de composer un opéra à sa mémoire.

-         Ah d’accord…

-         Bref, revenons à nos affaires. Nous vous proposons un marché simple et honnête où nous serons tous gagnants.

-         Je vous écoute, affirmais-je sans en être convaincu.

-         Ne récoltez aucun d’entre nous, ne nous touchez pas, continuez à nous arroser et nous entretenir et vous n’aurez jamais d’ennuis. Sinon…

-         Qu’est ce que je gagne là-dedans ?

-         Et bien, vous avez le droit de toucher aux autres légumes, et aux fruits. Vous êtes incapables de les entendre alors bon, on peut les sacrifier, affirma Spartacus.

 

J’ai respecté le pacte. Je ne tiens pas trop aux haricots de toute façon. Les poires, je n’en ai pas et je n’en désirais plus. Pas envie de se voir désigné comme responsable d’un génocide, ou du massacre d’une intelligentsia. Ma femme par contre, ce fut autre chose. Elle rentra deux jours plus tard, fraîche comme un gardon. Pendant que j’étais allé faire les courses, elle avait promis de récolter les légumes. Distrait, j’avais oublié de lui faire passer le message au sujet de la révolte verte… Mal m’en prit, puisqu’à mon retour, je la trouvais effondrée sur la table de cuisine, en larmes. Quelques légumes dans le panier, et un haricot devant elle. Je m’approchais d’elle et elle se jeta dans mes bras, contente d’avoir quelqu’un à qui raconter la tragédie. Elle commença à m’expliquer simplement qu’elle avait entendu des murmures pendant qu’elle cueillait les patates et les tomates, sans y faire plus attention puisqu’elle pensait qu’il s’agissait d’un de nos voisins. Vint le drame, elle se pencha sur les haricots et en cueillit un. Elle entendit un hurlement d’agonie et des lazzis en cascade. Apeurée, elle repartit aussitôt. Il m’a fallu quelques dizaines de minutes pour la convaincre que je ne disais pas n’importe quoi. Au début, elle souriait, prenant mes propos pour une tentative de réconfort de ma part. Après, elle me prit pour un fou, effrayée et sur le point d’appeler les secours. Il fallut que je la traînasse dans le jardin pour la convaincre. Elle entendit les lamentations des haricots, les insultes, plutôt grossières d’ailleurs, à son égard pour comprendre que je disais la stricte vérité. Elle en fut effrayée, mais ne put obtenir le pardon des haricots. Au contraire même. On sonna à la porte et j’ouvris sur un homme vêtu d’un costume cravate impeccable, noir sur une chemise blanche, l’air à la fois sérieux et un peu intimidé. L’homme semblait surpris de faire la démarche. Il me tendit une carte alors que mon épouse me rejoignait. Un avocat… Les fourbes l’avaient hélé dans la rue alors que nous tentions de nous faire pardonner. J’entendis même leurs rires grêles alors que je comprenais ce que venait faire l’avocat chez nous avant qu’il ne le dise.

 

-         Je suis maître T… . Je cherche madame Julie B…. .

-         C’est moi-même, répondit mon épouse.

-         Et bien madame, je viens pour une affaire un peu douteuse. Je dois vous annoncer que vous allez être poursuivie, et bien, comment dire… Pour un homicide de légume ? demanda l’homme d’une voix incertaine comme s’il était persuadé de finir à l’asile sous peu.

-         Entrez, répondit ma femme d’une voix blanche. Voila la victime, annonça-t-elle après l’avoir guidé devant le haricot récolté. Je plaiderais coupable évidemment, mais je ne veux pas de sanctions monsieur l’avocat.

-         Malheureusement, ce ne sera pas moi qui décide. Je suis avocat de la partie civile. Je connais un juge un peu progressiste, mais je ne doute pas que le cas sera intéressant à juger je crois.

 

*****************

 

            Quelques jours plus tard, le juge V…. pénétra dans ma demeure. Il avait consulté l’avocat et ma femme et voulait vérifier si les deux disaient réellement la vérité avant de procéder à leur envoi en asile psychiatrique. Il avait choisi la discrétion, ne tenant pas à passer pour le juge qui protège les haricots, imaginant déjà le déchaînement du lobby des boîtes de conserves, des légumes surgelés et autres. Il nous l’avait avoué après coup. Mais le jour de sa venue, il semblait sérieux comme la Mort, avec un sourire figé et l’air de vouloir partir le plus vite possible. Il passa dans mon jardin et s’entretint longtemps avec les haricots, jetant toujours des regards suspicieux vers les alentours. Il revint finalement, le visage fermé et nous convoqua.

 

-         Madame, je crois que votre culpabilité ne fait aucun doute n’est-ce pas ?

-         Non en effet, répondit ma femme. Je ne savais pas sinon je ne l’aurais pas fait.

-         Je m’en doute. Et vous monsieur, avez-vous conscience de votre négligence ? Du fait que nous en sommes là par votre faute ?

-         Oui, monsieur le juge. J’en suis désolé, si j’avais su ce qui allait se passer, j’aurais été moins négligent.

-         C’est en effet de la négligence. Voici ma sentence. Madame, vous êtes coupable d’homicide par imprudence. Monsieur, de non assistance à un être intelligent en danger et de négligence grave.

-         Intelligent monsieur le juge ?, demandais-je surpris.

-         Ils parlent, monsieur B…, c’est la meilleure preuve d’intelligence possible je crois.

-         Bien  bien. Nous sommes donc condamnés à quoi donc ?

-         A rien, soupira le juge. Je vous ferais bien payer une amende, mais les défenseurs de la nature, qui n’entendent pourtant pas ces voix, l’utiliseraient comme jurisprudence contre l’agriculture. Et ma carrière serait donc fichue. Vous êtes simplement mis à l’épreuve, interdiction de toucher à un haricot pendant dix ans. Compris ?

-         Oui, monsieur le juge. Merci.

 

******************

 

            Depuis ce jour, nos haricots ont sans doute été les plus heureux du monde. Je sais que j’ai l’air crétin à les arroser sans les récolter, surtout quand j’entends leurs sarcasmes sur le culte que je suis en train de leur rendre. Je ne réponds rien, je reste simplement amusé. Le soir, utilisant mon ordinateur, je prône la massification de la consommation des haricots, même dans l’alimentation animale, et je rappelle ardemment qu’il faut bien récolter les dits légumes dans les dates prévues. Il ne faudrait pas qu’ils créent une vraie civilisation rivale. La guerre des tribunaux serait perdue d’avance, même si nous les massacrerions. Surtout que maintenant, le poirier du voisin semble résonner d’une mélopée triste… Demain, il faudra que je le convainc de récolter ces poires, sinon celui-là va se retrouver dans la pire des panades…

 
     
     
 
Pseudo :
Mot de Passe :
Se souvenir de moi?
Se connecter >>
S'enregistrer >>