La chaleur qui règne me plonge dans une langueur et une douce somnolence. Le vent, humide et chaud, traverse la varangue et lentement tanguer mon hamac. Et alors, dans ce que Abigaël aime appeler mon "lit exotique", je me laisse allez aux bras de Morphée. J'ouvre les yeux. Je suis sur une plage de sable blanc où se chevauchent grains de Filaos et débris de coraux et où les restes d'une ancienne coulée de lave embrassent l'océan. Au large, je peux apercevoir de grands rouleaux se briser sur la barrière de corail pour la traverser en millier de brins d'écumes. Ce qui m'en parvient n'est plus qu'un léger clapotis qui nargue mon pied nu sur le sable chaud et humide. Quelques longs nuages d'Eté parcours le ciel tandis que le soleil, chauffant pourtant encore, se couche. En descendant de son estrade, l'astre baigne le paysage dans une rendue argentée par les nuages. Je dirige mon regard vers l'un des rayons qui transpercent les épaisses masses grises. Et là, je le vois: la couleur blanche de la voile renvoie la lumière avec force, m'éblouissant. Je mets ma main en visière, protégeant ainsi mon oeil gauche de la vive lumière. Le bateau m'apparaît alors comme une aquarelle avec ses brumes de couleurs oscillantes entre les bleus, le gris perle et le blanc. Un vent passe et m'apporte une odeur âcre et poudrée. Je regarde mes mains et il me semble que leur couleur s'est atténuée, comme diluée... Je reporte mon regard sur le paysage de rêve. A présent, tout est comme tiré d'un tableau où je ferais office de figurant. L'odeur se fait de plus en plus forte et le vent de plus en plus chaud. Le voilier me semble s'éloigner, ou plutôt reculer. J'ouvre les yeux. Je me souviens. Je suis sur ma varangue. Mes mains... Ouf! Elles sont normales! Je m'assois. L'odeur âcre de mon songe est toujours présente. Je glisse lentement de mon hamac et dirige mon regard d'un bout à l'autre de la terrasse. J'ai trouvé! L'odeur vient des encres de Abigaël qui peint. Je m'approche pour regarder la toile. Elle est simple, sa toile: un voilier baignant dans la lumière argentée d'une fin de journée en saison des pluies et une plage de sable blanc aux anciennes laves qui rencontrent l'océan. |