Note : sans doute une de mes nouvelles préférées, écrite suite à la lecture du manga Néji, de Kaori Yuki.

 La fuite

_ « Ils sont là ! »

Je le savais, ils étaient juste derrière la porte. Je faisais comme si je ne les avais pas sentis, comme si je ne savais pas qu’ils étaient là. Mais c’était inutile, ils étaient ici et il faudrait bientôt les affronter. Rien ne sert de fuir, nous le savions tous, autant eux que nous.

Tout ça pour une histoire d’expérience de modifications génétiques commencée au siècle dernier. Les puissants de ce monde avaient décidé d’approfondir les connaissances sur L’Être Humain et de voir quelles modifications du génome étaient possibles. Pour cela, il fallait des cobayes. Les personnes les plus pauvres de la planète furent enlevées et parquées. Cela formait une réserve humaine assez conséquente. Dès la deuxième génération, les cobayes ont été nommés « les modifiés », car leur capital génétique était changé et se modifierait un peu plus à chaque génération. Ma mère faisait partie de la quatrième génération.

Le but des modifiés n’est pas de vivre, mais de fuir, peut importe le prix. Les fuites ont commencé dès la première génération : ils voulaient voir, ou revoir, le monde extérieur. Oui, les modifiés sont isolés du reste du monde et ne voient jamais l’extérieur, sauf en de très rares exceptions pour des analyses et des examens dehors. La description du monde se transmet de générations en générations, s’en est même devenue une légende, un mythe, un but à atteindre. Beaucoup y ont laissé la vie, certains ont réussi à sortir et à atteindre des habitations. Tous ont été repris, ramenés au camp de détention des modifiés et immédiatement éliminés.

Les modifiés fuient également pour échapper à une mort programmée et extrêmement douloureuse, ils le savent, ils entendent les cris près des salles d’opérations. Les modifiés sont disséqués vifs et conscients pour observer les transformations qu’impliquent les modifications du génome. La mort n’est qu’un détail, seule compte l’avancée scientifique.

Ma mère s’est enfuie du camp à l’âge de 17 ans. Elle a réussi à atteindre une ferme à une centaine de kilomètres du camp. Celui qui allait devenir mon père y vivait. Je suis né 10 mois plus tard. Je suis à moitié humain, à moitié modifié. Personne ne le sait, heureusement. J’ai déjà vu des enfants comme moi mourir sur les tables d’opérations, torturés, disséqués. Nous sommes considérés comme des abominations n’ayant pas le droit de vivre, même si certains sont gardés plus longtemps pour des raisons scientifiques. Ma mère détient le recors du temps passé dehors : un an et deux semaines. Le précédent recors était de 3 mois et 5 jours. Malgré la torture lorsqu’ils l’ont retrouvée, elle n’a jamais avoué qui l’avait protégée. Quiconque en dehors du programme sachant pour les modifiés est automatiquement tué.

J’ai lentement ouvert la porte et les ai regardés.

_ « Attrapez-les ! »

Je n’aime pas les affronter et voir leurs regards terrifiés.

Mes subordonnés me demandent souvent pourquoi je me réserve la mise à mort alors que les autres gradés du programme évitent de se salir les mains. Ils pensent que j’aime tuer. C’est faux, je m’octroie la mise à mort des fuyards modifiés car je les tue sans douleurs, sans souffrances. Les modifiés sont condamnés à court terme et à partir dans la torture. Je n’aime pas tuer ceux que je considère comme les miens, mais tel est mon métier, et c’est le seul que j’ai trouvé pour les aider.