Suite et fin. Enjoy :D ___________________________________________________________________________________ Deux jours plus tard - Et là, elle me sort « oh mais tu sais, le seul jeu auquel j’ai joué sur PlayStation c’était super Mario, ce genre de machin, c’est pas trop mon truc… » François-Xavier, qui était précisément en train de jouer à la PlayStation, ne bougea même pas les yeux de son écran. - Et alors ? demanda-t-il d’une voix à demi-intéressée. - Et alors ? Mais tu réalises ce qu’elle a dit ? Un jeu Mario sur PlayStation ! C’est de Nintendo, bon sang, pas de Sony, même le plus crétin des casuals gamers le sait ! Méthodiquement, François activa un sort de soin sur toute son équipe, prépara une invocation en riposte et s’empressa d’affecter un personnage du groupe à restaurer les mp du membre soignant. On ne plaisantait pas, face à un boss ; il fallait agir vite et bien, selon la technique ancestrale du joueur de rpg « deux qui frappent, un qui soigne, et le dernier personnage en réserve ». Il avait d’ailleurs élaboré toute une réflexion à ce sujet, sur laquelle il avait plusieurs fois disserté sur de nombreux forums spécialisés. - Fanboy, répliqua-t-il simplement une minute plus tard, dans la langue des initiés. Vautré sur le lit, une console portable entre les mains, Ludovic haussa les épaules. - Je ne suis pas un fanboy, c’est juste que Link est mon idéal masculin. Alors forcément, je suis fidèle à ma religion. Il leur arrivait fréquemment d’avoir ce genre de discussions très particulières, quel que soit le moment de la journée, au moindre prétexte –et quand ce n’était pas de jeux vidéos qu’ils parlaient, c’était de littérature classique japonaise dessinée, ou de fanfictions. Ils ne comptaient plus les fois où leurs petits camarades les avaient dévisagés d’un air effaré, avant de les traiter de geek, no-life, et autre surnoms affectueux qui les portaient à chaque fois au comble du ravissement. - Au fait, reprit le blond après quelques minutes de silence, l’un étant concentré sur son boss, lors sur son enquête policière virtuelle, j’ai réfléchis à ce que tu m’as dit l’autre jour. Tu sais, sur la débilité que tu veux écrire… - Oui, et ?répondit François d’une voix légèrement stressée, sur fond de touches que l’on pressait à toute vitesse. Ludovic referma le clapet de sa console portable pour la mettre en veille, et roula sur le dos pour être plus à l’aise. - Je crois que ce qu’il te manque, c’est l’aspect schoolfic. Pour faire deux en un, tu vois, développa-t-il un instant plus tard. François réussit in-extremis à soigner ses personnages avant que le boss ne lance une attaque dévastatrice. Il poussa un soupir de soulagement qui venait du fond de son âme, et exhorta ensuite son ami à continuer. - Tu vois, ton personnage, c’est un lycéen qui sort avec son prof, mais tu m’as dit qu’il allait arrêter les cours dès le début de la fic pour trouver du boulot, et qu’on entendrait jamais parler de son bahut. Je pense que tu devrais plutôt jouer là-dessus pour créer un mélo drame, genre, son plus grand rêve c’était de faire médecine, mais en vivant dans la rue c’était plus possible, quelque chose comme ça… Et puis tu devrais aussi faire intervenir un rival, son meilleur ami par exemple, qui serait… ouais, qui serait le mec le plus populaire du lycée –genre, comme si ça existait, des lycées où tout le monde se connaît et où y a des classements de popularité… bref. Et là, le meilleur ami, il pourrait essayer de violer le héros, et comme par hasard le prof le sauverait au dernier moment. Tu vois ce que je veux dire ? Après, le meilleur ami, tu pourrais essayer de racheter son image en le casant avec le jumeau, là, dont tu m’as parlé… D’ailleurs, ce qui serait bien, ça serait qu’il soit amnésique, en plus de drogué, le frère. Ou non, mieux ! Qu’il soit obligé de se prostituer ! Et le meilleur ami, qui culpabilisera à mort pour ce qu’il aura fait au héros, le « tirera de son enfer par la force et la pureté de son amour »… Ludo s’interrompit alors et leva les yeux vers son camarade, alerté par le silence qui les entourait depuis le milieu de sa tirade. François-Xavier avait mis son jeu sur pause et s’était retourné vers lui, le regardant avec des yeux aussi larges et ronds que des assiettes, assorti d’un très joli air terrifié. - Wow, Ludo… bégaya enfin le jeune homme, en le dévisageant. Je pensais pas que ce truc pourrait te passionner à ce point… Le blond réalisa alors qu’il venait de parler pendant presque cinq minutes, sans interruptions, avec une passion qu’il réservait d’habitude à ses commentaires de version latine. Il devint très pâle, et resta aussi muet qu’une tombe jusqu’à la fin de l’après midi. Une semaine plus tard - Monsieur c’est pris un rateauuuuu, claironna Ludovic en ouvrant brutalement la porte. Il jeta son sac à dos sous le bureau de François et d’un pas enjoué, alla ouvrir en grand les rideaux tirés. Dans le lit, une masse informe se terrait sous les couvertures, comme roulée en boule. Un grognement sortit de l’amas de tissu, quelque chose qui ressemblait vaguement à une insulte en langue humaine. - Oh, allez, ça arrive, c’est pas comme si t’avais raté l’amour de ta vie. En plus, t’es bi, ça veut dire que pour une de perdue, t’en trouvera vingt au lieu de dix. François-Xavier ne répondit pas, se morfondant au fond de son lit depuis déjà plusieurs heures. Il avait conscience d’être pathétique et d’avoir une réaction hautement ridicule. Mais zut, à la fin. Il était un adolescent dans la fleur de l’âge, il avait bien le droit de déprimer après un chagrin d’amour. Sans aucune gêne, Ludovic s’installa au bureau de son ami et alluma son ordinateur, acte de profanation suprême pour tout geek qui se respectait. En d’autres circonstances, François se serait jeté sur lui comme une furie pour protéger son appareil chéri des regards indiscrets du blond ( il suffisait à Ludo de fermer les yeux pour l’entendre hurler « un ordi, c’est comme un slip ou une brosse à dent, ça se prête pas ! » ). François ne bougea pas d’un orteil, pas même quand la musique de victoire de Final Fantasy se lança à plein volume en guise de son d’ouverture de session. Absolument dépourvu de scrupules et d’éthique personnelle, Ludo en profita honteusement pour espionner les fichiers de son ami. Dont un, en particulier. - Tiens, je vais corriger les fautes de ton horreur, chantonna-t-il à voix haute. Comme François-Xavier ne réagissait pas, il se lança dans l’aventure avec un plaisir malsain. Pendant une dizaine de minutes, on n’entendit plus que le cliquetis des touches du clavier, le grincement de la molette de souris, et le silence songeur de Ludovic. - Très bien trouvé, le coup du petit chat pour la saint Valentin, mais les petits surnoms débiles que se donnent tes persos font pas assez crédibles. « Mon ange », ça sonnerait mieux que « mon canard »... Un grognement désintéressé émana de la couette, et le blond se mit à sourire, tout en reprenant sa lecture. - Tes crises de jalousies sont pas assez violentes, rajouta-t-il une poignée de minutes plus tard. Ca manque de disputes mélodramatiques. Et de grandes scènes lyriques, avec des larmes, des « ne me quitte pas ! » et des « non, tu ne me mérites pas, je vais partir, oublie moi !». Ce genre là. Mais l’autre ne répondit rien. Loin de s’en vexer, Ludovic reprit son labeur avec une motivation renouvelée. Un bon quart d’heure s’écoula sans un mot. François broyait du noir, le cœur brisé par son chagrin d’amour, oscillant entre envies de meurtre et prose lyrique mentale. Il en était à un point tel que ça lui était complètement égal que Ludo fouille dans son ordinateur chéri. On aurait même pu placarder son plus torride lemon gay sur tous les murs du lycée, avec son véritable nom écrit en rouge en dessous, qu’il serait resté de marbre. Pourtant, quand Ludovic lâcha une simple petite phrase, du bout des lèvres, il bondit sur son lit comme un diable en boite. - Mouais… Elle est pas mal, ta fic, en fait. François adressa à son ami son plus beau regard scotché. - Tu me la refais celle là ? Réalisant ce qu’il venait d’avouer, le blond eut soudain l’air embarrassé. - Non mais je veux dire, on se prend au jeu… se justifia-t-il aussitôt. A deviner les clichés, tout ça… Un sourire goguenard fleurit sur le visage morose de François. Il avait tout à coup oublié tout ce qui le tracassait, et se sentait absolument ravi. - Je suis sûr que c’est le happy end dégoulinant de bonheur et de sucre qui t’as plus. - Absolument pas, ça, c’était gerbant. Mais le reste, c’était tellement nawak qu’en fait, c’était plutôt fun. Ludovic ne le savait pas encore, mais il venait de creuser sa propre tombe : François se moqua de lui pendant trois mois, avant de se décider à le laisser tranquille. -- Epilogue Une semaine plus tard -Ludo… -Hm ? grogna l’intéressé du fond du lit où il feuilletait un vague manga underground. François-Xavier était assis devant son ordinateur, une main encore sur la souris, l’air très choqué. - La fic, Lost Feelings… Ca y est, elle a plus de review que j’en ai jamais eu… Ludovic tint exactement neuf secondes avant d’exploser de rire. ooooo Et voila la fin des aventures de Lost feelings. Ils me manqueront un peu, mais je pense que j'ai fais le tour de la question et que les petites vies de FX et Ludo seraient bien trop banales pour faire l'objet d'une fic (ou en tout cas, pas tout de suite.) Et puis, Lia m'a lancé un défi de fic que je me suis empressée d'accepter, qui pourra presque être la fic que François-Xavier aurait pu écrire s'il avait eu une autre idée de scénario pour son Lost feelings. L'antithèse de cette fic, en gros. (Ou comment se contredire soi-même en deux histoires.) (Et j'ai même pas honte.) J'espère que vous aurez pris plaisir à lire cette fic, autant que j'en ai pris à l'écrire. :3 Je vous remercie d'avoir lu jusqu'ici, n'hésitez pas à laisser un petit mot pour marquer votre passage. o/ A bientôt ! |