Il avait fait en sorte de revoir ses amis une dernière fois avant de les laisser derrière lui. Il avait voulu les revoir car ils étaient la chose la plus importante à ses yeux et à son cœur. Il avait voulu passer du temps parce qu’il voulait se rappeler les souvenirs mémorables qu’il s’était fait en leur compagnie. C’était sa dernière volonté… Il les avait revu, et ils ne savaient absolument rien. Ils ne savaient pas ce qu’il avait l’intention de faire par la suite. Pour eux, ce n’était qu’un après-midi de plus en sa compagnie, avec le bonheur qui va avec. Il aurait tellement voulu leur dire tout ce qu’il ressentait pour eux à ce moment là… Et en particulier ce qu’il ressentait pour la fille qu’il aimait. Mais il ne pouvait pas, il n’en avait pas le droit. Il ne devait rien laisser passer… Ce n’est pas grave, s’était-il dit. Ce ne sera pas long ce sera juste un mauvais moment à passer. Mais il savait que ce qu’il disait n’avait absolument aucun sens. Il savait qu’il mentait, à ses amis mais aussi à lui-même. Il savait qu’après cela il ne les reverra plus mais il ne pouvait se résoudre à leur dire. Il n’arrivait pas à leur dire combien il les aimait, combien il l’aimait elle. C’était bien au dessus de ses forces. L’après-midi passa lentement. Il le voulait, il voulait passer ces derniers moments avec ses amis le plus longtemps possible. Les jeux, les rigolades, tout cela paraissait si loin. Jamais tant de tendresse et d’amitié n’avait existé sur la terre. Il aurait voulu que ca dure éternellement, mais il savait que tout ceci aurait une fin… A la fin de l’après-midi, ce qui était un au-revoir pour les autres était un adieu pour lui. Il voulait les serrer contre lui jusqu’à étouffer, mais il ne fallait rien laisser passer. Il le fallait absolument, un seul faux-pas et c’en était fini, ce qu’il avait prévu de faire serait trop prévisible. Il avait déjà eu des ennuis par le passé à cause de cela… Il leur dit donc au-revoir, les serrant contre lui en riant, afin de paraitre plus décontracté. Lorsque vint le moment de dire adieu à son aimée, il sentit les larmes arriver, mais il se ravisa. Il ne fallait pas pleurer, il ne fallait rien laisser paraitre. Il la serra contre lui, et il sentit qu’il n’arriverait jamais à se défaire de cette étreinte, mais c’était nécessaire. A contrecœur, il la lâcha donc. S’éloignant d’eux, leur adressant de grands signes de la main, il voyait ses amis lui sourire, les uns lui renvoyer ses signes de la main, les autres lui criant qu’il le reverrait une prochaine fois. Il se retourna et laissa couler ses larmes. Il s’en moquait, il était désormais hors de vue. Il pleura donc pendant tout le trajet. Arrivant chez lui, il essaya de se calmer mais il n’y parvint pas. Tombant à genoux, il éclata en sanglots, déversant toute sa peine, toute sa tristesse, mais aussi toute sa colère, tout ses ressentiments… Parvenant enfin à maitriser ses pleurs, il se releva péniblement. S’asseyant à son bureau, il prit une feuille de papier, un stylo et se mit à écrire, le plus lisiblement possible : « Mes chers amis Je vous écris cette lettre afin de vous dire que je m’en vais. Je n’arrive plus à supporter cette vie, j’ai eu trop de déceptions et pas suffisamment de bonheur. Mais ne vous inquiétez pas, les rares bonheurs que j’ai eu dans ma vie sont arrivés grâce à vous. Il n’y a personne d’autre qui m’a accepté tel que j’étais, et je tiens à vous en remercier. Je me rappellerai même après la mort tout les bons moments que j’ai passé avec vous. Je me rappellerai vos visages, vos qualités… Je me rappellerai de vous, tout simplement. Je n’oublierai pas non plus ce que vous avez fait pour moi, toute l’aide que vous avez su m’apporter lorsque je n’allais pas bien. Vos paroles et vos gestes m’ont pour la plupart rassuré à des moments où j’étais assailli par le doute. Mais je tiens à vous demander une dernière faveur : je ne veux pas que vous pleuriez après ma mort, ni que vous vous en teniez pour responsables. Ce n’est pas de votre faute! Je suis parti pour une bonne raison, vous les connaissez, elles n’ont pas changé. J’aurais aimé rester encore un peu plus avec vous, mais je ne supporte plus ma vie, même si vous l’avez transformé. Car c’est vrai, vous avez transformé ma vie. Même si je n’ai jamais osé vous le dire, vous avez changé mon être. Vous m’avez prouvé que je pouvais être aimé, que j’avais le droit d’avoir des amis. Je n’oublierai jamais cela, soyez en surs. Je t’écris maintenant à toi, la fille que j’aime. Je sais que tu te reconnaitras dans cette métaphore. Je crois que jamais un homme n’aurait pu aimer une fille aussi fort que moi, car ce que j’ai ressenti pour toi était plus que de l’amour. J’ai souffert lorsque tu m’as dit non, mais je voulais malgré rester à tes cotés. Je voulais te voir, je voulais te serrer contre moi, je l’aurais fait éternellement, je crois. Je ne me serai jamais lassé de toi, je pense. Mais ne t’inquiète pas, ce n’est pas non plus de ta faute. Je ne veux pas que vous souffriez à cause de ma mort. Ne me laissez pas partir en sachant que j’aurais à le regretter plus tard. Continuez à profiter de la vie comme vous l’avez si bien fait jusqu’à maintenant. Je ne vous en demande pas plus. Ou alors si, une dernière chose : ne m’oubliez pas, car je ne vous oublierai jamais dans l’éternité. Je vais vous laisser cette lettre. Ce ne sera pas la seule chose que vous aurez de moi. Après tout, nous avons connu des moments inoubliables ensembles. Ca reste gravé à jamais… J’affronte la mort dans l’espoir de mettre un terme à ma souffrance, mais je sais que nous nous reverrons un jour ou l’autre. Je vous aime. » Reposant son stylo, il relut sa lettre. Elle était très bien, cette lettre, il n’y avait rien à ajouter. Se levant de son fauteuil, il descendit dans sa cuisine. Il aurait bien voulu se préparer un dernier plat, mais il se disait que ca ne servait à rien car il ne le savourerait pas. Il chercha donc dans un tiroir, et en retira un couteau. Il l’aiguisa avec soin, car c’était de cette façon qu’il voulait mourir. Vérifiant que la lame était bien aiguisée, il décida que le moment était venu. Il alla devant son miroir et appuya la lame contre sa gorge. Il faisait face à sa mort, il la voyait presque mais il ne devait pas se défiler, il devait aller jusqu’au bout… De longues secondes passèrent… Puis il fit glisser la lame sur sa gorge, et sentit le sang couler sur son torse. Beaucoup de sang. Il savait que le sang était sous haute pression à cet endroit-là, il avait donc choisi la gorge pour se vider de son sang. Il ne fallut pas longtemps avant que le manque d’oxygène n’atrophie ses muscles, le faisant tomber à terre. Il ne porta même pas les mains à sa gorge. C’était sa volonté, et ca ne changerait absolument rien. Il attendit donc que la mort vienne le prendre. Heureusement, il n’eut pas à attendre longtemps… Une minute plus tard, son corps était devenu totalement immobile. Le sol était totalement taché de sang, et il gisait dedans, totalement immobile… Deux mois plus tard, le corps avait été découvert, les amis tenus au courant. Aucun n’avait pleuré, trop ébahis pour réagir comme il fallait. La lettre leur avait été remise, et la dernière volonté de leur ami avait été honorée d’une certaine manière. Chacun faisait désormais sa vie comme il l’avait désiré. Aucun n’avait perdu contact, car tous se rappelait de l’homme qui deux mois plus tôt avait été leur ami, et qu’ils avaient perdu un jour où il était heureux. Ils n’en étaient pas très fiers, mais ils se réjouissaient qu’il soit parti en ayant un sourire aux lèvres, même s’ils comprenaient à moitié sa décision. Mais la mort n’est pas un châtiment, c’est une délivrance. Personne ne meurt pour une raison stupide, il y a toujours un élément déclencheur. Et pour certain, la mort peut-être un moyen de se libérer de ses problèmes… « Si tu veux pouvoir affronter la vie, sois prêt à accepter la mort. » Sigmund Freud |