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au 31 Mai 21 :
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Idole
Par Ficelle
Originales  -  Drame  -  fr
1 chapitre - Rating : K (Tout public) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     0 Review    
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Un ange passe
 

C'était le premier jour de beau temps depuis mon arrivée à l'hôtel. Déjà, les corps pâles impudiques s'exhibaient au soleil. Les regards avides de beautés dénudées s'épanouissaient derrière leurs lunettes de soleil. Puis les chairs brûlantes venaient se rafraîchir de cocktails glacés, de l'ombre prisée des parasols et de l'eau chlorée de la piscine. Dans l'insouciance la plus totale.

 

Sous cette chaleur, le surpeuplement de la piscine était plus que prévisible, j'aurais du y penser, mais j'étais vide de toutes pensées, la logique m'échappait. Je me suis sentie exaspérée par autant de monde. A quoi je m'attendais? Qu'est ce que je cherche à la fin? J'aurais voulu être seule, être loin de la connerie du monde, tous ces gens me rendaient malades, ils étaient tout ce que je détestais mais en même temps... j'aurais aimé être comme eux, oublier le reste et faire semblant, j'aurais aimé faire partie de leur club de produits de la société et tout ignorer et je les détestais de me tenir à l'écart de leurs « joies ». J'étais mal à l'aise, je ne me sentais pas à ma place. Qu'est ce que je fous ici? J'aurais aimé disparaître...

 

Alors que je marchais parmi les chaises longues, j'observais les gens et je me disais qu'ils étaient très différents de moi. J'avais envie de les secouer et de leur crier qu'ils étaient stupides. Mais finalement j'étais là comme eux. Moi avec ma passivité amorphe et eux avec leur bonheur illusoire, nous étions tous morts. Nos différences revenaient au même.

 

Qu'est ce que je fous ici? Je ne savais plus exactement pourquoi j'étais là bas. On m'avait dit qu'il fallait que je me repose, que je prenne l'air. Il fallait que je me sorte de mon quotidien, j'en suis sortie et j'ai trouvé le néant. Mon quotidien avait au moins l'avantage d'être quelque peu réconfortant. J'avais sûrement espéré trouver un peu de liberté, mais j'étais incapable de prendre mon envol. Et cela n'a pas changé, n'est ce pas?

 

Qu'importe la raison, j'étais là-bas. Les premiers jours de pluie avaient eu l'air de me rafraîchir, j'avais dévalisé l'office de tourisme, visité tous les environs, mais sans grand enthousiasme, comme une visite obligatoire: suivez les flèches, suivez le guide, prenez des photos, achetez vos souvenirs, et bon retour. Pour moi, tous ces dépliants, ces sites historiques et commerciaux, ces photos de monuments, c'était comme un semblant de vie. Et alors que le soleil réapparaissait, guidée par un automatisme, un instinct de mort ou par un ridicule espoir ou tout ça à la fois, je me retrouvais à la piscine. Le soleil m'étouffait. L'absence de vie est plus flagrante à la lumière de ses rayons, plus horrible dans sa chaleur. L'air chaud s'infiltrait dans ma gorge et dans mes poumons glacés et il m'étranglait. La bas ou ailleurs c'était pareil, mais la bas, à cette piscine, c'était pire, car la bas j'y étais. J'aurais aimé m'enfuir... Mais j'en étais incapable. Mes envies n'étaient plus que de simples idées fugitives, effacées et sans volonté.

 

Alors je suis restée, je me suis installée par terre, en plein soleil, le plus loin possible de l'eau et des gens. J'observais ces étrangers qui tournaient autour de moi, sans penser à quoi que ce soit. Comme si j'étais endormie et que je subissais un cauchemar vaporeux. C'était ma réalité. Les gens étaient des zombies, qui faisaient semblant d'être pour me faire souffrir. Mais je ne suis pas la victime de ce monde, je ne suis rien. Rien.

 

Et puis un détail a attiré mon regard: toi. Déjà ce détail n'en était plus un, tu devenais tout en l'espace de quelques secondes, tu devenais la prunelle de mes yeux sur lesquels ton image s'impressionnait. Assis sur le bord d'une chaise longue, habillé d'un tee-shirt et d'un jean sombres, ton regard se perdait devant toi, caché sous une mèche de cheveux dissimulant ton front et tes pensées. Au milieu de l'agitation générale, sans y regarder de trop près, tu semblais dans un état proche du mien. C'était juste une impression car, toi, tu étais vivant. Ton calme était reposant, le mien était angoissant. Tu fumais d'une façon qu'on aurait pu croire négligente et machinale mais c'était tout le contraire. Cette cigarette entre tes doigts jouissaient de toute ton attention. Tu la portais délicatement à tes lèvres, aspiraient doucement la fumée et doucement tu la recrachais. Merveilleux. Dans ton ballet de gestes, pas de traces d'addiction, de stress, simplement un plaisir rare et précieux à mes yeux. Je guettais ton regard, le battement de tes cils, le mouvement de tes lèvres, le bout incandescent de ta cigarette, les cendres qui en tombaient. Tes pieds marquaient le rythme d'une musique que je n'entendais pas. Beaucoup de choses en toi m'échappait, mais cela ne faisait que renforcer mon adoration. Tout en toi était si différent des autres, de moi. Tout en toi était fascinant et envoûtant. Avais je déjà vu quelque chose d'aussi beau? Je ne pouvais détacher mon regard de ta personne. J'essayais de retenir le plus d'image de toi comme si ma vie en dépendait, graver dans ma mémoire chaque détail. Mes pensées étaient tapissées d'images de toi. Et le sont encore.

 

Le temps me semblait s'être arrêté, mais les secondes, infernales, s'écoulaient tranquillement et ne cessaient de réduire ta cigarette en cendres. Et moi, je ne cessais de te contempler. Tout mon être se nourrissait de ton image. Sans y arriver, j'essayais de capter cette aura qui te rendait si différent des autres, ce magnétisme que tu exerçais et cette force qui te permettait de te détacher du monde. Je me demandais à quoi ressemblaient tes sourires et je sentais mon coeur imploser en imaginant la joie sur ton visage, en imaginant la beauté absolue.

 

J'avais déjà vu ta silhouette, ton ombre quelque part, sur les pages immatérielles des magazines où les beaux garçons s'affichent en gravure de mode, mais ce ne sont que des pales copies, de simples mannequins plastiques sans vie, des esquisses ratées de toi. J'avais déjà vu cet air, cette grâce, peut-être sur certaines sculptures de dieux grecs, sur les idoles religieuses intouchables aux pouvoirs fascinants, ou sur ces peintures qui au-delà de la ressemblance ou du réalisme semblent être vivantes. J'avais peut-être un peu ressenti ce sentiment en lisant des textes, des poèmes qui cessaient d'être des paroles pour ne plus être que sensations. Ces mots là, ces images semblent tenter de te décrire.

 

Que faisais tu parmi nous? Un ange... Tu n'avais pas l'air de t'être perdu mais cet enfer, ce n'était pas ton milieu. Pourtant tout en contrastant avec ce qui t'entourait, tu n'étais pas de trop. Comment peut on embellir d'une telle façon des bâtiments de béton? D'où viens tu? Mes questions demeuraient sans réponse... Je formulais le voeu que tu restes à jamais ici près de moi, le voeu que tu m'emmènes dans ton monde, loin d'ici, le voeu de t'appartenir corps et âme. Je voulais que tu me regardes. Je voulais que tu m'apprennes. Je te voulais et j'avais la sensation que c'était la première fois que je voulais quelque chose aussi fort. Cette envie me brûlait le corps.

 

Et soudain, tu as écrasé ton mégot dans un cendrier, tu t'es levé, et marchant d'un pas tranquille tu as disparu tandis que le bruit d'un immense fracas de verre résonnait en moi et m'anéantissait. Ton départ m'a brusquement réveillé d'un rêve dans lequel ton apparition m'avait plongé. Le charme s'est rompu d'un seul coup et la réalité a repris son cours autour de moi. Qu'est ce que je fous ici? J'ai eu si peur de te perdre. Je n'avais qu'une idée en tête: te suivre. Tandis que je me dépêchais de ramasser mes affaires, l'angoisse de ne pas te retrouver montait en moi. J'ai couru jusqu'au hall de l'hôtel, mais tu n'y étais pas. Alors j'ai fait le tour de l'hôtel inspectant chaque couloir, chaque escalier, mon coeur se resserrant un peu plus à chaque minute qui passait sans te retrouver. Tu n'étais nulle part.

 

Les jours suivants, je suis restée à l'hôtel, à la piscine dans l'espoir que tu réapparaisses. Toute la journée, je patientais, attendant le miracle et je ne me résignais que lorsque l'heure tardive anéantissait mes dernières espérances. Je dus me rendre à l'évidence: tu ne séjournais pas à l'hôtel, y étais tu seulement resté plus d'une heure? Mais je continuais à t'espérer, jusqu'au dernier jour, jusqu'à la dernière heure.

 

Mes vacances se sont terminées. Mon quotidien a recommencé et le temps m'éloigne de toi. Je suis distraite, je suis ailleurs, je ne pense plus à rien sauf à toi. Ma principale activité est de me souvenir. Le bonheur c'est de t'imaginer, là avec moi, me brûlant de ton regard. Je chéris les images que j'ai gardé de ce jour là. J'ai tellement peur qu'elles s'effacent, qu'elles s'envolent, qu'elles disparaissent comme tu l'as fait. J'ai tellement peur de t'oublier car si cela arrivait, j'oublierais ce qu'est la beauté. Ce serait la pire chose qui pourrait m'arriver.

 

 

 

 

 

 
     
     
 
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