Auteur : Ashura Titre : Gegenschein Rating : T Disclaimer : tout m'appartient (les conneries, surtout) Note : pas vraiment une histoire d'amour (mais on peut s'imaginer des sous entendus), pas entièrement de la prose (enfin un peu quand même), et pas franchement de scénario non plus. J'avoue avoir du mal à classer ce texte. v_v Le titre fait référence à un phénomène visible la nuit provoqué par la réflexion de la lumière du soleil sur des particules de poussière (c'est passionnant l'astronomie, je sais xD). ++++++++ « - Et si demain, le soleil ne se levait pas ? » C'est comme ça que tout a commencé. Ses mots résonnent encore dans ma tête. Et si demain le soleil ne se levait pas ? Je suis quelqu'un de rationnel. À ce moment-là, je lui avais répondu : « Pourquoi ne se lèverait-il pas ? ». Le soleil n'a aucune raison de ne pas se lever demain. Ce n'est que maintenant que je comprends la stupidité de ma question. Le mot ''pourquoi'' est vide de sens. L'enjeu de cette interrogation réside uniquement dans le ''si''. Ce si, c'est une porte ouverte à l'impossible. Le mot le plus dangereux de la langue française. Des mots peuvent tuer. N'importe quoi peut tuer, d'ailleurs. Ce si, c'était une faille, une brèche. J'aurais dû m'en rendre compte. « - Une autre tournée pour moi ! » Des exclamations de joie. Le problème avec les tournées, c'est que quand on vous en a payée une, vous devez retourner la politesse. Ça n'en finit pas. Les visages qui m'entourent puent le bonheur. C'est beau le bonheur. Une chope de bière atterrit devant moi. L'ivresse. L'ivresse n'est rien de plus qu'un concept. La vraie ivresse n'existe pas. La conscience, on peut bien la museler autant qu'on veut, et ce ne sont pas les moyens qui manquent, elle n'en reste pas moins présente. L'oubli n'existe pas. D'ailleurs s'il existait il n'y aurait aucune forme de conscience pour le constater. Changement de décor. D'un bar glauque on passe à un club miteux. Les basses m'écorchent les tympans. Je m'affale sur une banquette, une fille atterrit presque sur mes genoux. De l'alcool, encore. Commandé au litre cette fois. Je saisis au vol des bribes de conversation. Dialogue de sourds. Ici l'égocentrisme est roi. Le je-m'en-foutisme aussi. Les murs suintent d'excitation. Les pantins qui gesticulent sur la piste me donnent envie de vomir. Soudain, un frisson d'anticipation autour de la table. De mains en mains des trésors s'échangent. Dans la mienne se glisse un cachet rose bonbon. C'est sans doute de là que vient l'expression voir la vie en rose. Peu à peu, une douce euphorie gagne l'assemblée. Gloussements intempestifs et tremblements nerveux. J'ai l'impression que mon crâne va exploser. La fille qui m'est tombée dessus tout à l'heure jette ses bras autour de mon cou et glisse sa langue entre mes lèvres. Son odeur me donne la nausée. J'ai trop chaud. Plusieurs minutes s'écoulent, je nage dans un brouillard poisseux. Plusieurs minutes ou plusieurs heures. Je ne sais pas et ça n'a aucune importance. La musique me vrille les tympans, les stroboscopes s'impriment sur ma rétine. Je n'arrive pas à savoir si j'ai les yeux ouverts ou fermés. Les deux, sans doute. Des rires, encore et toujours les mêmes rires. Je suis sans doute en train de rire moi aussi, mais pas pour les mêmes raisons. La différence primordiale entre la rancœur et le mépris, c'est qu'on ne peut rire que du second. La fille qui m'a roulé une pelle est en train de se faire peloter par un type dont je n'arrive pas à me souvenir du nom. J'ai soif. Je vide le premier verre à ma portée. Ce n'est pas suffisant, alors j'en saisis un autre. Mes vêtements sont trempés de sueur. J'ai l'impression que mon cœur bat au rythme de la musique. Tout mon être vibre au son des décibels. Ou alors peut-être que je tremble, tout simplement. Un mur me sépare de la rumeur confuse des cris et des rires qui résonne autour de moi. Je me demande de quel côté du mur je me trouve. La réponse à cette question me semble importante, mais impossible de me rappeler pourquoi. L'angoisse. L'angoisse est le premier échelon sur l'échelle de la peur. Mais ce n'est pas une échelle comme les autres, parce que sur celle là on se sent plus à l'aise en haut qu'en bas. Tout en haut c'est la terreur primaire, celle qui vous fait vous pisser dessus. L'avantage c'est que dans ces moments là la pensée s'embourbe, on ne se rend pas compte de son propre état. Et tout en bas c'est l'angoisse passagère, celle qui vous serre le ventre sans que arriviez jamais à vraiment savoir pourquoi. Celle qui vous fait perdre vos moyens, incapable que vous êtes à diagnostiquer les causes de votre propre malaise. Dehors il fait nuit. Mais ici, tout est violemment éclairé. La lumière attire les hommes comme les insectes nocturnes. Cette lumière artificielle me met mal à l'aise. Je me sens coupable, mais de quoi je ne sais pas. Je ne devrais pas être ici. Les rires me dérangent. Il faut que je sorte. Je me lève, je bouscule. Quelqu'un essaye de me retenir. Je titube, je crois que je vais tomber. Non. Ça va. Je me fraye un chemin à travers la foule, les corps qui se plaquent contre moi me soulèvent l'estomac. Je sors, l'air est glacial. La musique résonne encore vaguement derrière moi. Je marche, il faut que je m'éloigne. Les lampadaires projettent des ombres immenses sur le macadam. Elles doivent souffrir, les ombres, à force de se faire projeter comme ça. C'est peut-être pour ça qu'elles se tordent. Je marche, lentement. Je ne croise plus personne. Les gens marchent toujours trop vite la journée et trop lentement la nuit. Ceux qui marchent la nuit ont rarement un but. Ils cherchent, ils tâtonnent. Je lève la tête. Le ciel a pris une teinte oscillant entre le mauve et l'orangé. À mesure que mes pas m'éloignent du centre-ville, les lumières se font plus rare. Quartier résidentiel. Je marche, encore et toujours. Les pavillons se succèdent, se serrent les uns contre les autres. Les lampadaires s'espacent de plus en plus. La nuit reprend ses droits, le ciel s'assombrit. Par une nuit d'automne venteuse, je marche. Des arbres le long de la route, autant de sentinelles qui guident mes pas. Des marronniers, sans doute. Les ormes ont déserté dès le début de la guerre. Le vent fait bruisser les feuilles mortes. À nouveau, je lève les yeux au ciel. Seules les ténèbres m'entourent. La lumière glaciale des étoiles peine à les percer. La lune elle-même se dérobe, j'ai du mal à l'apercevoir. Et puis soudain, une lueur. Une lueur diffuse, qui s'étend en longueur. Une brèche. Une brèche dans le ciel nocturne. Je m'arrête, le souffle court. Mes doigts sont glacés, j'ai du mal à les bouger. Alors c'était ça. C'était ça que tu voulais dire. Je cours. Je cours à en perdre haleine. Le goût du sang dans ma bouche me force à m'arrêter. Les dernières maisons sont loin derrière moi. Je marche, mes jambes ont du mal à me soutenir. Mes oreilles bourdonnent, je perçois vaguement la rumeur de la végétation autour de moi. Gegenschein. La lumière de l'autre côté. Qu'est-ce qu'une certitude ? Demain, le soleil se lèvera. C'est une certitude. Mais il est possible qu'il ne se lève pas. C'est aussi une certitude. Le doute est la seule certitude que l'on puisse avoir. Et ce doute qui se transforme en certitude, c'est ce que tu as ressenti. C'est aussi ce que doivent ressentir les nourrissons qui se mettent à pleurer au crépuscule. Le soleil ne se lèvera peut-être plus jamais. Ce n'est pas le doute qui provoque l'angoisse, mais la certitude. J'entends de l'eau qui ruisselle. À quelques mètres de moi, la rivière. Je m'arrête, puis m'assieds sur la rive. Il fait tellement sombre que j'ai du mal à distinguer ce qui m'entoure. L'eau n'est sans doute qu'à quelques pas. Seuls de vagues miroitements argentés viennent en troubler la surface. La complainte du vent et des roseaux m'apaise. J'ignore quelle heure il est. Le jour aurait peut-être déjà dû se lever. Je pourrais rester assis ici pour l'éternité, avec le velours de la nuit pour seul réconfort. On peut mourir pour presque rien. Une seule certitude suffit. Demain, le soleil ne se lèvera pas. Et puis soudain, les larmes. Les larmes silencieuses qui accompagnent les soubresauts de mon corps. Et c'est pour toi que je pleure, pour l'ami que j'ai perdu. ++++++++ Note de fin : je sais, c'est glauque et y a pas d'histoire... mais c'est la première fois que je fais dans l'original alors soyez cléments... m(_ _)m Et pour ce qui est de savoir si le soleil se lèvera ou pas... les votes sont ouverts :p |