- Salut !
- 'Lut !
Je me retourne et m'éloigne. Fin des cours, fin tout court.
Je songe déjà à demain.
Car demain, je pourrai la revoir, car demain, demain, demain...

Il pleut.
J'ai toujours aimé la pluie.
Quand j'étais petite, ma mère me disait que c'était le ciel qui pleurait. Puis elle riait. Et je riais aussi.
Je le sais, maintenant, que ce n'est pas vrai.
Mais je préfère continuer à penser que le ciel pleure.
Je lève la tête pour profiter de ses larmes.
C'est froid. C'est doux et désagréable à la fois.
Comme les larmes.

Il fait de plus en plus noir.
Et j'ai encore du chemin à faire... J'habite décidément trop loin à mon goût.
Mais au moins, j'ai un peu de temps, rien que pour moi, pour penser à elle...

J'ai pris conscience de mes sentiments pour elle il y a seulement quelque mois.
Quelque mois... C'est peu.
J'ai l'impression de l'aimer depuis toujours.
Et je sais, je sais que je l'aimerai toujours. A jamais.

Mais je sais aussi, que jamais elle ne m'aimera...

Et à présent, je sens des larmes couvrir mon visage.
Des vraies, cette fois...

Et je l'entends.

Je l'entends, qui hurle mon prénom.

Je me retourne brusquement.

Je n'ai que le temps de voir ses yeux.

Puis je me sens brisée de l'intérieur. De l'extérieur.

J'ai l'impression d'être coupée en deux.

Puis... C'est le noir.

- Salut !
- 'Lut !

Et merde.

Il pleut.

J'aime pas la pluie.
J'aime pas le froid.
J'aime pas le noir.

Vivement l'été...

Je me retourne, et risque un regard vers elle.

Petite silhouette tout en noir, pourtant pleine d'espoir.

Ça me va vraiment pas la poésie... Vraiment pas...

Pourtant... Pourtant j'ai raison.

Elle est vraiment pleine d'espoir ! Mais pas pour elle... Pour les autres...

Elle ne parle presque jamais, pourtant, pourtant... Pourtant, elle apporte l'espoir, rien que par sa présence.

J'ai fait une tentative de suicide, avant d'atterrir ici.

Et voilà qu'à cause d'elle, ou peut-être... Peut-être grâce à elle... Je souris... Parfois...

Je n'aurais jamais cru tomber amoureuse de cette fille.

Bizarre, renfermée, lointaine... La parfaite hétéro, de surcroît !

Et pourtant...

Pourtant je l'aime...

Je me maudis (sur plusieurs générations).

Je m'étais juré de lui avouer mes sentiments aujourd'hui, mais... Là... Je suis mal barrée...

Quoi que...

Je sais où elle habite... Et je sais aussi quel chemin elle prend...

Je n'attends pas une seconde, et me mets à courir.

~

Je ne mets pas bien longtemps à la rattraper.

Elle n'est pas difficile à reconnaître, avec ses cheveux teints en rouge.

Elle est en train de traverser.

Je crie son prénom.

Elle se retourne.

Et au même instant... Je vois la voiture...

Merde.

Je voudrais hurler, me jeter devant, mais je n'en ai pas le temps...

Au ralenti, je vois la vois être projetée comme une vulgaire poupée de chiffons.

Non ! Non !!!

Et je cours, je cours vers elle, au mépris du danger, au mépris de ma vie, au mépris de ce putain de chauffard qui n'est déjà plus là...

Je m'accroche à un espoir, un espoir fou, insensé...

Même si je sais déjà qu'elle ne se réveillera pas.

Jamais.

Ça fait cinq ans. Déjà.

Cinq ans que je vois son visage partout.

Cinq ans que je ne pense qu'à elle du matin au soir.

Cinq ans que je me maudis, cinq ans que je me hais, cinq ans que je veux mourir moi aussi...

Parce que même si l'on m'a dit que c'est sa faute, qu'elle avait traversé au mauvais moment, que je n'y pouvais rien, qu'elle serait morte de toutes façons...

Je sais que c'est ma faute.