Tu ne pouvais pas deviner ce qui allait arriver. Tu n'es pas devin : tu ne l'as jamais étais et tu ne le seras jamais. Tu ne pouvais pas savoir … Tout simplement. A cette époque la, beaucoup de choses ne te traversaient pas l'esprit. Par exemple, te marier, fonder une famille … Ou encore mieux : aimer. La notion même de « tomber amoureux » te rendait malade. Tu ne comprenais pas qu'une personne puisse avoir besoin d'une autre. Tu te disais que quelque chose de louche se tramait sous ce semblant d'amour. Une des deux personnes profitait de l'autre. C'est ce que tu pensais, en ce temps la. Aimer, homme ou femme, t'étais impossible : un personne comme toi n'aime pas. Tu enchainais les relations d'une nuit et personne ne s'en souciait. Sur ton tableau de chasse siégeait bon nombre de noms. Tu n'imaginais pas qu'un jour, le sien y serait graver à jamais. Tu n'imaginais pas qu'un jour, tu l'aimerais et que tu passerais le reste de ta vie à ses cotés. Mais aujourd'hui, tu t'en rends compte. Aujourd'hui, tu pleurs, tu pleures toutes les larmes de ton corps. Toutes celles que ta fierté t'a obligé à retenir. Même après tant d'années. Aujourd'hui, il est mort. Aujourd'hui, tu as la confirmation de ce qu'il t'a toujours, humblement, dit : personne n'est immortel, tout le monde finit, un jour ou l'autre, par partir. Tu détestais parler de ça avec lui. Cela te rappelais trop de mauvais souvenirs. Aujourd'hui, tu regrettes, tu regrettes de ne jamais lui avoir dit le principal : tu l'aimais. Il comptait plus que n'importe qui. Mais, tu ne lui as jamais dit. Il te le disait, lui, même avec tout le poids du monde sorcier sur les épaules. Il se foutait pas mal d'être le « Sauveur du mode », il t'aimait et c'est tout ce qui comptait. Il était essentiel à ta vie et tu t'en rends de plus en plus compte : ta douleur est presque palpable. Il te manque déjà, alors que ça ne fait que quelques heures que tout est entièrement finit. Tu as du mal à respirer … Tu suffoques … Tu rentrais lourdement chez toi, mais tes pensées t'obligent à t'arrêter : tu dois reprendre ton souffle. Tu n'es plus tout jeune. Tu ne t'en étais pas vraiment rendu compte. Avec lui. Aujourd'hui, tu sens ; tu sens tes reins douloureux ; tu vois tes cheveux blancs … Tu vois : la mort. Tu te sens soudainement âgé et hideux. Tu as tellement aimé vivre avec lui que tu en as oublié ton age, ton nom et ton rang. Sans lui, tu n'existes pas. Tu te sens seul, affreusement seul. Il t'a comblé toute sa vie, tu n'avais plus ressentit ça depuis … depuis … ta mémoire te fait défaut : tu es si vieux. Tu t'assois sur le premier banc que tu trouves. Les gens te dévisagent, une lueur de pitié dans les yeux. Si seulement ils savaient. Les gens jugent trop vite, tu le sais. La couleur de tes cheveux les a toujours dérangé. Vous ne passiez pas inaperçu tous les deux. Un balafré et un Blond. Mais tu as fini par t'y habituer. Maintenant, maintenant tu ressembles à n'importe quel vieillard du coin. A cette pensée, ta gorge se noue. Ton nom ne te sert plus à rien. Il était les fondations de la tour que tu étais, sans lui, tu t'écroules. Le poids du chagrin te submerges de nouveau et une fois de plus, un flot de larmes se déverse sur tes joues. Empruntant les mêmes sillons que les précédentes. Tu n'en peux plus, tu veux en finir. Tu te décides enfin à rentrer chez toi. Tu mets un temps fou à y parvenir. Tu ne l'avais jamais remarqué : ta démarche. Les gens ont l'impression que tu marches sur de la glace, vérifiant, tâtant à chaque pas celle-ci ne va pas se briser sous ton poids. Tes gestes ne sont plus aussi surs qu'avant. Tu hésites. Enfin tu arrives chez toi, ou plutôt, ce qu'il en reste. Cette maison que tu as partagé avec lui, durant tant de temps, te sembles vide. Tu es fatigué, tu n'en peux plus. Ta journée t'a épuisé. Les obsèques de l'homme qui à partagé ta vie t'ont vidé. Tu te diriges vers ta chambre, dans le seul but dans finir. Tu ne prends même pas la peine d'enlever tes vêtements, tu te glisses directement dans ton lit. Comme d'habitude, tu n'arrives pas à dormir. Dans un dernier effort, tu te relèves et te diriges vers la cuisine. Tu y prends, comme d'habitude, un verre d'eau. Tu y verses les quelques goutes qui te servent de somnifère. Tu reposes le flacon. Tu vas pour boire le contenu, mais te ravises au dernier moment. Tu remets, alors, le verre à sa place. Dans un accès de folie, tu attrapes et verses la totalité du flacon. La main tremblante, te reprends le récipient et le bois cul-sec. Le sommeil te prend rapidement. Tu as juste le temps de retourner te coucher. Tes yeux se ferment. Tu repenses à ta vie, aux bons moments passé avec lui. Tu souris sentant le sommeil t'envahir. Tu te réjouis, tu vas pouvoir le revoir. Ton éducation te permet de croire que vous vous retrouverez au Paradis. Vous étiez très croyant, dans votre famille. Tu t'endors. Une dernière pensée te vient avant de partir le rejoindre : l'éternité. Vous allez pouvoir vivre ensemble, heureux, loin de tous les soucis … Enfin, c'est ce que tu crois ... |