Remus soupira, immobile face aux deux corps enlacés.
L’aube était proche. L’heure du Combat Final plus encore.
Et il hésitait à réveiller le Sauveur du Monde, celui de qui dépendait leur avenir à tous…
Harry et Draco s’étaient enfin trouvés.
Enfin.
Et leur amour les protégerait mieux que n’importe quel sortilège.
Voldemort avait si souvent omis le pouvoir de l’Amour… L’oublierait-il une fois de plus ?
Le loup-garou soupira une seconde fois, hésita de nouveau.
Il n’était plus temps de tergiverser, pourtant…
Il se pencha vers les deux jeunes hommes, voulut secouer Harry.
Echoua.
L’amour de Draco pour le jeune homme devait être très puissant, pour qu’on ne puisse même pas le toucher.
Remus se sentait idiot, là, bêtement ému par ce sentiment qui unissait les deux amants.
Des bruits de pas dans le couloir le sortirent de ses pensées.
Il n’avait plus le choix.
- Harry, Draco ! Réveillez-vous…
Le jeune homme blond sursauta violemment, puis se détendit en reconnaissant son ancien professeur. Son regard se porta aussitôt sur Harry, qui dormait encore malgré l’appel de Lupin. Draco sourit doucement, effleura de la main les cheveux fous de son amant puis se tourna vers Lupin.
- Est-Il déjà là ? Questionna-t-il gravement.
- Non, mais l’aube approche, et Il ne devrait plus tarder. J’y retourne… Soyez là dans vingt minutes au plus tard.
Draco hocha la tête. Vingt minutes… Autant en profiter !
Remus sortit de la chambre, un peu mal à l’aise. Il avait eu l’impression de troubler un moment important. Il n’aurait pas dû se trouver là... Pourtant, il n’avait pas eu le choix. La guerre n’attendait pas, même lorsqu’il s’agissait d’Harry Potter. Encore moins quand il s’agissait de lui. Après tout, c'était le Survivant… Mais le malaise persistait et c’est un peu ébranlé que Remus retourna auprès des autres membres de l’Ordre.
*-*-*-*-*-*-*
Avec douceur, Draco caressa le visage d’Harry, collant son corps dénudé au sien. Il sourit dans les cheveux bruns du garçon lorsque celui-ci protesta d’un gémissement.
- Harry… Réveille-toi…
Le sourire de Draco s’accentua. Harry semblait avoir un sommeil très profond… Soit, aux grands mots, les grands remèdes !
La main mutine du jeune homme glissa de la joue de son amant, serpenta sur son ventre et descendit plus bas encore.
La caresse sembla réveiller le brun, qui ouvrit enfin les yeux. Draco sourit, nota au passage que le vert de ce regard semblait plus éclatant encore que d’habitude et embrassa Harry.
C’était presque parfait.
Oui, mais il était temps de revenir à l’instant présent.
Le sourire de Draco vacilla.
Ils allaient probablement mourir, Harry et lui, dans les heures à venir… Et la place du Survivant était sur le futur champ de bataille, pas dans son lit, blotti entre ses bras et contre son corps…
- Harry… Je… Il faut qu’on y aille.
Le regard du brun se figea et il pâlit.
Il avait oublié…
Le combat…
- Je penserai à toi, Draco.
Harry ferma les yeux. Il se sentait tellement idiot. Comme si quelques mots pouvaient changer quoi que ce soit… Comme si cette journée, qui serait la dernière, pouvait ne pas être atroce parce qu’il penserait à lui… Comme si Draco en avait quelque chose à faire, de lui et de ses sentiments ridicules. Il rouvrit les yeux, des excuses au bord des lèvres.
- Merci, Harry.
Le baiser que posa Draco sur ses lèvres fit frémir son amant, qui en oublia toute idée de pardon. Non, à la place, trois mots naquirent dans son esprit, trois mots qu’il ne savait comment dire…
Prenant son courage à deux mains, en digne Gryffondor et en tant que futur « Homme Qui Mourut Pour Sauver Le Monde » –car il ne survivrait pas une fois de plus, il le savait-, Harry les murmura donc, ces trois petits mots :
- Je t’aime…
Et puis, à voix haute, parce qu’en fait ce n’était pas si difficile à dire, il en ajouta un quatrième :
- Je t’aime, Draco…
Ledit Draco songea que l’amour, en fait, ça faisait mal…
Que, même si cette douleur le faisait vivre, plus qu’il n’avait jamais vécu, il aurait préféré revenir à « avant », quand il n’avait pas l’impression qu’on lui lacérait méthodiquement le cœur parce qu’Harry allait peut-être –sûrement- mourir…
Et si Harry mourrait, il mourrait aussi.
Après avoir fait l’amour avec lui, après l’avoir aimé et en avoir été aimé, comment lui survivre ?
Ce n’était pas envisageable.
Mais là n’était pas la question.
- Je t’aime aussi, Harry…
Ce n’était pas si compliqué, finalement, « aimer ». Il suffisait d’être sincère…
A regret, Draco se sépara du jeune homme et se leva.
Harry le suivit des yeux, observant son corps fin et musclé, puis sortit du lit à son tour. Le Combat Final ne pouvait plus l’attendre… Après tout, c’est lui qui allait mourir pour que tous les autres vivent.
Pour que Draco vive.
Et Hermione, et Ron, et Lupin… Et tous les autres, oui, même ceux qui ne le méritaient pas forcément. Même ceux qui ne participeraient pas au Combat, qui se cacheraient en attendant la fin et ceux qui n'avaient jamais pris parti. Lui, il était né pour mourir, ces dix-sept dernières années n’avaient été qu’un sursis. Une chance de vivre, un peu.
Harry se rhabilla rapidement, toute joie ayant déserté son visage. C’était idiot, il mourrait juste après avoir découvert l’amour… Au moins l’aurait-il connu, l’espace d’une nuit. La dernière de sa vie…
Draco, vêtu à la moldue d’un pantalon et d’un pull noir –c’était plus pratique qu’une robe-, l’enlaça par derrière, et parsema sa nuque de baisers papillonnants.
- Harry… Tu es prêt ?
Le Survivant acquiesça, glissa sa baguette dans la poche arrière de son jean puis respira profondément.
Plus que quelques heures… Plus que quelques heures, et tout serait fini. Définitivement.
Il se tourna vers Draco, fixa ce regard gris, inimitable, et murmura gravement :
- Promets-moi que tu feras attention, Draco, et que tu vivras. Vis pour moi, s’il te plait…
Les yeux dudit jeune homme se troublèrent, comme s’il retenait –difficilement- ses larmes. Mais un Malfoy ne pleure pas, bien sûr…
- Je te le promets, Harry, mais toi aussi, fais attention à toi… Tu n’es pas obligé de mourir, tu sais, les prophéties ne sont pas toutes véridiques…
Harry sourit doucement, d’un sourire désabusé et teinté de tristesse, mais promit quand même. Après tout, à quoi bon attrister plus encore Draco ?
Un coup violent fut frappé à la porte, et elle s’ouvrit aussitôt sur un Théodore Nott au teint étrangement pâle.
- Harry… Draco… Lupin m’envoie… Il arrive, il faut que vous veniez…
Puis, sans attendre de réponse, il repartit en courant. Il avait une mère à venger, un père à affronter… A tuer, peut-être. S’il en avait le courage.
Et puis, surtout, il avait Pansy à protéger. Elle voulait participer à la Bataille, et il la comprenait… Mais il ne voulait pas qu’elle meure, pas elle, pas elle aussi… Il l’aimait trop. Alors, s'il ne parvenait à combattre son propre père, il aiderait Pansy à venger ses parents. Et si ils survivaient tous deux, il lui avouerait enfin qu’il l’aimait… S'ils survivaient…
Draco et Harry rattrapèrent Théo et coururent à ses côtés dans les couloirs, croisant professeurs, membres de l’Ordre et élèves au passage. Tous fixaient sur Harry un regard chargé d’espoir, et le jeune homme semblait au bord de la nausée.
Draco, la respiration hachée, lui lança tandis qu’ils arrivaient tous trois dans le hall du Château :
- Harry… Courage !
Il voulut ajouter quelque chose, mais, déjà, un inconnu débitait d’un ton craintif que tout était en place, qu’Harry pouvait rester ici, où sa protection serait assurée par des membres de l’Ordre durant le Combat, et que…
Harry le coupa alors gentiment, et murmura d’une voix nouée :
- Merci, j’ai compris… Dites aux membres de l’Ordre que je les rejoins dans un instant.
L’homme hocha la tête et s’éloigna au pas de course.
Harry se tourna vers Théo et lui souhaita bonne chance, puis saisit la main de Draco.
- Draco… Je vais me répéter, mais fais attention à toi…
Sur ces mots qui sonnaient comme un adieu, Harry déposa un chaste baiser sur les lèvres du jeune homme blond. Il ne fit pas attention aux murmures révoltés qui naissaient autour d’eux.
Oui, il aimait Draco, et alors ?
Merde, il allait mourir, on n’allait pas en plus l’empêcher de faire ses adieux à ceux qui comptaient pour lui, si ?
Il sentit son amant se tendre contre lui, et jura entre ses dents. Puisque Draco, lui, survivrait, il n’avait pas le choix, autant mettre les choses au point dès maintenant.
Harry se détacha du jeune homme et se tourna vers la foule qui gravitait autour d’eux. Ses yeux verts brillaient de colère lorsqu’il murmura un sonorus, puis qu’il commença :
- Notre dernier Combat, du moins je l’espère, arrive. Vous le savez tous, je vais mourir, la prophétie est formelle. Alors, même si c’est idiot, même si c’est inutile, je tiens à vous souhaiter bonne chance, à vous tous, qui allez vous battre une nouvelle fois contre Voldemort… Arrêter de frémir parce que j’ose prononcer son nom ! Ce n’est qu’un humain, peut-être même moins, mais en aucun cas ce n’est un Lord, alors arrêtez !
Harry soupira. Il ne voulait pas s’énerver, ce n’était pas le but… Et il ne pensait pas que son sortilège marcherait si bien, on devait l’entendre partout, même hors du château. Il finit par poursuivre d’une voix plus calme :
- N’oubliez pas, n’oubliez jamais ceux qui sont mort à cause de Voldemort… N’oubliez pas que cette guerre est un moyen de les venger !
Il respira profondément, conscient des regards posés sur lui. La main de Draco dans la sienne lui insuffla le courage nécessaire pour poursuivre sa harangue. Après une longue expiration, il reprit, le regard perdu au milieu de l’océan d’êtres humains qui lui faisait face :
- Et puis je veux remercier celui que vous avez jugé sans preuves, lui reprochant des fautes depuis longtemps expiées… Draco Malfoy. C’est grâce à lui que j’ai pu profiter de mes derniers jours presque heureux. Alors peut-être que vous continuerez, après cette Guerre qu’il aura menée à vos côtés, à le considérer comme un traître. Mais souvenez-vous tous de lui comme de l’homme qu’aima le Survivant.
Harry se tut un instant, baissa les yeux. Il n’avait jamais aimé les discours, encore moins être au centre de l’attention de temps de personnes. Il avait l'impression de ne pas trouver les bons mots, de manquer de pudeur. Il conclut pourtant, d’une voix un peu tremblante :
- Bon courage à tous.
Puis il se tourna vers Draco et le serra contre lui, fort, sans lâcher sa main.
- Draco… Je… Je voulais juste qu’ils te voient comme je te vois…
Draco le fit taire d’un doux baiser, un baiser d’adieu. Ou d’au revoir, peut-être.
- Harry… Je refuse de vivre si tu ne vis pas. Alors vis, s’il te plait. Pour eux, pour moi… Je t’aime.
Puis il s’éloigna et disparut dans la foule, ses derniers mots se gravant doucement dans l’esprit du jeune homme. Des mots comme ceux que se murmurent tous les couples. Des mots réinventés à chaque instant, par chaque personne. Des mots dits tant de fois qu’ils en deviennent communs, presque risibles…
Des mots qui, pourtant, parvinrent à faire renaître une lueur de défi dans les yeux du Survivant…
Immobile, Harry observa le sol d’un regard absent, puis leva les yeux et scruta l’horizon, en direction de la Forêt Interdite.
Et, tandis que le jour se levait, Harry se prit à espérer, enfin…
*-*-*-*-*-*-*
- Jure-le-moi, Harry… Jure-moi que tu lutteras. Jure-moi que tu ne partiras pas vaincu, que tu vivras si tu le peux… S’il te plait…
Harry observa longuement Hermione, plongeant ses yeux verts dans ceux, rougis par le manque de sommeil, de la jeune femme.
- Je te le jure. Mais promets-moi la même chose, alors. Et veille sur Ron. J'ai peur qu'il se mette en danger, qu'il prenne des risques inconsidérés… Fais attention à vous deux.
Et elle promit, un pâle sourire se peignant sur ses lèvres. Harry tenait toujours ses promesses… Elle n’avait plus à s’inquiéter pour lui.
Hermione déposa un baiser léger sur la joue de son meilleur ami, le serra dans ses bras puis lui murmura à l’oreille :
- A tout à l’heure, Harry.
Il vivrait. Elle en était sûre. Il ne pouvait en être autrement…
Le jeune homme ne répondit pas. A quoi bon ? Il se contenta de la serrer dans ses bras, plus fort, comme pour ne plus jamais la lâcher…
- Il arrive !
Le cri résonna dans le hall, devint murmura craintif repris par tous. Voldemort arrivait…
*-*-*-*-*-*-*
Les morts s’enchaînaient.
Les sortilèges pleuvaient.
Voldemort le narguait.
Couvert de boue et de sang, Harry évita un énième « Avada Kedavra » et lança un sortilège d’entrave, plus ou moins au hasard. Il avait perdu ses lunettes dès le début du Combat, de même que toute notion du temps.
Il leva les yeux, essayant de discerner le soleil à travers la pluie. Il n’aperçut qu’un vague rayonnement jaunâtre, juste au-dessus de sa tête.
Il devait être midi.
Et les morts qui s’entassaient autour de lui, sans fin…
Et Voldemort qui se cachait quelque part dans la forêt, envoyant ses Mangemorts se faire tuer à sa place… Et tuer, aussi. Il avait vu une silhouette aux cheveux roux tomber pour ne pas se relever.
Par Ron… Pas un des Weasley… N’importe qui, mais pas eux…
Il n’avait eu le courage d’aller voir. Il espérait mourir sans savoir. Après tout, il devait tuer et périr, le reste n’avait pas d’importance.
Mais pour tuer, il lui fallait une victime. Et sa victime jouait au Lord Noir, croyant se protéger en ne se montrant pas sur le champ de bataille… Son orgueil tuerait Voldemort, Harry se le jura.
Il avait aussi cru voir le corps lacéré d’une Bellatrix Lestrange enfin terrassée, jeté dans la boue. Il n’avait pas vérifié non plus. Si ce n’était déjà fait, quelqu’un finirait par tuer cette Mangemorte cruelle et sans pitié. Quelqu’un vengerait Sirius pour lui.
Harry était à la lisière de la forêt. Immobile. Fragile. N’osant ni avancer ni faire demi-tour.
C’est un hurlement déchirant qui le décida à faire le premier pas, à franchir l’invisible frontière qui séparait la Forêt des combats… Il se mit à courir lorsqu’un rire inhumain, teinté d’une joie vicieuse, répondit au cri d’agonie.
Il n’avait pas le choix. Chaque seconde d’hésitation était une mort supplémentaire.
Draco lui traversa l’esprit et une crainte innommable lui traversa l’esprit. Pas lui… Tous les autres, mais pas lui…
Alors il courut, sans but, sans faire attention. Il tomba maintes fois. Se releva toujours. S’écorcha aux branches et trébucha sur les racines. Continua inexorablement. Songeant à Draco, toujours. A ses amis, à ceux qui mourraient pour qu’il puisse vaincre Voldemort, mais surtout à Draco. Alors il courut plus vite encore. Il n’échapperait pas à son destin. Autant aller à sa rencontre.
Et il trouva, enfin.
La suite ne fut que paroles sans queue ni tête, sortilèges flous, rires sardoniques et cris haineux. Harry haïssait, oui, pour la première fois de sa vie. Et par chacun des sortilèges qui fissuraient un peu plus le bouclier magique de la créature à peine humaine qui lui faisait face, il vengeait un mort, un blessé, un opprimé. Il vengeait ses parents, Sirius, Dumbledore, Alice et Frank… Il vengeait aussi tous les visages anonymes qui avaient succombé sous les coups de Voldemort et de ses Mangemorts.
Et le bouclier céda. Et Harry perdit connaissance, l’excès de magie devenant insupportable. Et Voldemort périt.
Evanoui au milieu des aiguilles de pin et de la boue, il ne vit pas les filaments translucides de pure magie qui se mêlèrent à son « stupéfix ». Il n’apprit jamais que ces filaments étaient les traces de l’amour que lui portait Draco. Il ignora que la fusion de l’amour et du sort qu’il lança fit naître un sortilège inconnu, d’une puissance inimaginable, qui figea à jamais la vie de Voldemort dès qu’il l’effleura. Il manqua aussi la collision violente entre le corps de son ennemi et un arbre, celui qu’aujourd’hui encore on nomme « Arbre de la Défaite ».
Non, Harry n’assista pas à la mort de Voldemort.
Il ne vit que le visage angoissé de Draco au-dessus de lui, bien des heures plus tard. Il ne connut les détails de la mort de Voldemort que grâce aux centaures, qui y avaient assisté à distance, sans chercher à lui venir en aide. Il apprit aussi la mort de nombreux amis. De certains de ses meilleurs amis… D’inconnus plus nombreux encore.
Il pleura. Il culpabilisa. Il s’enferma dans une bulle de chagrin. Il se révolta. Puis il assimila, doucement.
Ce n’est qu’au bout de longues heures qu’Harry réalisa.
Il vivait. Il avait survécu…
Et Draco aussi.
Et ce n’est qu’au bout de plusieurs mois qu’Harry comprit.
Il devait vivre, pour ceux qui étaient mort…
Pour que leur sacrifice n’ait pas été inutile.
Pour aimer Draco autant qu’il le méritait.
Alors Harry vécut. Longtemps. Avec Draco.
Il ne vécut pas vraiment heureux, mais il vécut.
Et, même si Hermione n’avait pas tenu les siennes, il tint sa promesse…
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