Dans les environs d’Edo, 01 mai 1831.
Un village mis à feu et à sang, des cadavres au pied de la montagne, et cette femme qui courrait sans s’arrêter. Une geisha sans visage. Habillée d’un kimono aux couleurs chatoyantes orné de pétales de sakura rappelant ce magnifique coucher de soleil qui lui faisait face. Kimono qui allait au gré du vent qu’elle défiait les bras étendus derrière son dos. Un étrange katana à la main droite qui pourfendait le vent et scintillait aux couleurs de l’arc en ciel. Son visage semblait dissimulé par un masque de céramique immaculé, dont seuls ses yeux paraissaient. Des lèvres d’un rouge vif y semblaient dessinées, le tout surmonté par une coiffure qui regroupait sa chevelure en un seul chignon orné de dorures et de décorations quelconques. Gravissant la falaise qui surmontait la ville, cette jeune femme ne s’arrêtait pas, à la recherche de quelque chose. Sans s’arrêter, elle continuait son chemin et semblait déterminée. Qui était-elle ? Que cherchait elle ? Gravissant les rochers, escaladant ces pentes rugueuses, la jeune femme ne semblait pas s’abattre devant quelques difficultés. Utilisant parfois ses mains pour grimper la colline, elle rampait à quatre pattes afin d’escalader plus facilement cette colline qui semblait si haute. Un soupir se fit entendre de derrière ce masque qui lui donnait une expression neutre et bientôt, elle parvint finalement sur le haut de cette falaise sur laquelle donnait une vue d’ensemble sur ce village en flammes. S’approchant du bord, son sabre dans les mains, elle observait les villageois fuir, d’autres périr, et ces ombres noirs qui semaient la terreur parmi les habitants. Finalement, la geisha sans visage se retourna soudainement en entendant le bruit de quelques pas, ainsi qu’une respiration brutale. Face à elle, cet homme. Il était grand.
De longs cheveux noirs qui volaient au gré du vent. Une cagoule noire semblait dissimuler son visage pâle, ne voyant que ses deux yeux gris qui fixaient attentivement cette femme à l’expression inerte. Il l’approcha lentement, tout en empoignant fortement son sabre en mains. La jeune femme, sur ses gardes, ne lâchait plus son sabre, et s’approcha également de ce ninja qui venait la provoquer. Son épée diagonalement tenue vers le bas de ses deux mains, en s’avançant amenait celle-ci jusqu’à son visage, puis d’un coup brusque la cogna contre la lame du sabre ennemi. De toutes ses forces, la Geisha sans visage repoussait son ennemi de son sabre, avant de lâcher son sabre en l’air, évitant d’un mouvement de tête le fracas du sable contre son crâne, tête baissée elle flanqua un coup de coude dans l’estomac du ninja et attrapa son katana en vol. S’éloignant d’un pas de son ennemi, elle pointa le sabre en sa direction. Le ninja et la geisha se firent face, leurs armes chacune pointée en la direction de l’autre, ils restèrent quelques secondes dans cette position. Avant de se tourner autour, restant chacun sur leurs gardes, ils se fixèrent longuement.
Le Ninja fronçait des sourcils et jetait son regard éperdu sur cette femme, qui elle, camouflait ses expressions derrière un masque sans vie. Ces lèvres rouge vif et provocatrices, dessinées sur cette céramique blanche semblaient exaspérer son ennemi. D’un signe de la main, elle fit signe à son adversaire de s’approcher. Ne se faisant pas attendre, d’un geste brusque et rapide, il frappa le vent, tandis que la guerrière au masque recula d’un pas fluide et agile. Elle feinta un coup de sabre en revers, et enchaîna en entrainant son bras, son katana et le sabre ennemi plus au ciel. Reculant à nouveau, les deux adversaires ne se firent pas de cadeau. Un combat acharné s’en suivit. Les bruits de frottement des deux métaux résonnaient fortement, et les coups devinrent plus bruyants. Aiguisant leur lame contre celle de l’autre, le combat semblait acharné. Des cris se faisaient entendre de la part des deux adversaires. Avec fracas les deux lames se croisaient sans arrêt, quand l’un reculait, le second avançait. Et bientôt, le ninja pris l’avantage. Tombant sur le sol, la geisha ne bougea pas. Comme pour demander grâce, elle positionna son avant bras devant son visage, tandis que lui, s’apprêtait à planter le sabre dans son crâne. Elle était à sa merci. Mais le Ninja n’allait pas lui faire de cadeau. Il fallait qu’elle réagisse. Glissant finalement en dessous des jambes de son opposant, lui faisant rater sa cible et planter le sol, la jeune femme roula au sol avant de se relever donnant un coup de bras tout en secouant sa manche dans l’air pour se défaire de ce sable qui avait sali son kimono rose. Se retournant brusquement, tout en essayant de retirer son sabre de la roche, le ninja se fit poignarder par derrière. La geisha venait de perforer sa colonne vertébrale, transformant ce pauvre homme en brochette humaine. Tandis qu’agonisant et crachant du sang, la geisha sentit soudainement comme une vive douleur sur ses côtes. D’un mouvement brusque de la tête, elle aperçut son kimono tâché de sang, et cette lame qui lui traversait le flanc. Elle observait les mains tremblantes du ninja qui tenait le sabre, et observait ses yeux gris injectés de sang, et ce semblant de sourire derrière ce tissu noir ensanglanté.
- Tu penses avoir gagné…? Ricanait celui qui devait être mort à l’heure qu’il est.
- J’ai gagné. Affirma une voix féminine sortie du masque.
Brusquement, la Geisha retira son sabre du thorax de sa proie et pointa cette lame ensanglantée au ciel. Tandis qu’une lumière jaillissante émanait du sabre, le corps du ninja tomba au sol et lâcha finalement le sabre qui venait de blesser la jeune femme qui exécutait une sorte de rituel. Le cadavre bougeait nerveusement sur le sol tandis qu’une sorte de lueur blanche sortait de son corps qui se décomposa en une fraction de secondes. La lueur blanche forma un cercle autour d’eux à une vitesse de plus de 70 km/h avant de finalement se concentrer dans la lame du sabre ensanglanté de la jeune femme. Elle observa alors l’autre sabre sur le sol, qui baignait dans une marre de sang, puis posa son regard sur la plaie qui lui faisait tant souffrir. Elle perdait encore de son sang, et savait qu’elle n’allait pas tarder à donner son dernier souffle également. La main sur sa blessure, elle fit trois pas en arrière, leva les yeux sur la voute céleste orangée qui s’élevait au dessus d’elle. De ses deux mains, elle planta à son tour son sabre dans sa poitrine, avant de se laisser tomber en arrière.
Sur le sol n’est resté qu’un masque. Tandis que le corps de la jeune femme s’était volatilisé. On dit également qu’un papillon phosphorescent est sorti mystérieusement du masque de céramique et s’est élevé au ciel, disparaissant dans les nuages laissant derrière lui, une suite d’étincelles aux couleurs de l’arc en ciel…
18 Avril 2011, Tôkyô, Minato-ku, quartier Shinbashi.
Nous sommes à Minato-ku, l’un des arrondissements de Tokyo, dans le quartier de Shinbashi. Près d’un croisement entre deux grandes avenues vit une jeune lycéenne insouciante fraichement débarquée de Osaka, qui ignore totalement cette légende mystique. En effet, de nos jours, cette légende a bien été oubliée depuis des lustres, on oublia le sacrifice de cette femme au katana mystique et au visage de céramique. Et pourtant, ce fut dans ce bâtiment luxueux que sa nuit vint être perturbée par d’ésotériques rêveries interminables.
Cette nuit-là, Maki Suzuki s’était réveillée en sursaut. Suffoquant sous ses draps, son cœur battait de plus en plus fort. Qu’était-ce que cette sensation ? Après avoir angoissé longuement sous ses draps blancs, elle décida finalement de se lever avec cette peur au ventre. Elle observait alors l’heure qu’indiquait son réveil. 00h31. Elle passa longuement ses mains sur son visage et soupira à nouveau. « Encore ?! » s’écria t-elle. Sous l’obscurité de sa chambre, la jeune fille traversa sa chambre sous un air de fatigue, d’angoisse et de peur, avant d’ouvrir la porte de la salle de bain qui longeait le couloir de gauche. Elle fit coulisser cette porte de bois neuf surmonté d’une vitre gelée et pénétra dans la salle d’eau d’où elle se barbouilla le visage d’eau. Elle regarda une dernière fois son visage frêle, ses yeux noisette et pétillants, comme ceux d’une petite fille qui avait peur. Visage surmonté de cette magnifique chevelure brune qui lui tombait au niveau des épaules et dont une mèche surmontait son front, sans cacher ses magnifiques yeux. Elle se regarda ensuite de la tête au pied et réajusta sa nuisette blanche en satin avant d’éteindre la lumière, soupirant tout en faisant de nouveau coulisser la porte derrière elle. S’aventurant de l’autre côté du couloir, la jeune fille jeta un coup d’œil au niveau inférieur de l’appartement. Elle déposa ses mains sur la cloison de fer et observa ce parquet illuminé par la lumière négligemment laissée allumée et dont plusieurs cartons trainaient tout aussi négligemment. Descendant au niveau inférieur, la jeune fille faillit trébucher devant l’un des cartons entreposé à la dernière marche de l’escalier. Elle y donna un bon coup avant de traverser le hall éclairé, afin d’entrer dans la pièce suivante dont le mur ouvrait une grande entrée sans porte, comme si le hall et le salon ne faisait qu’un, mais que les deux extrémités de mur situées de part et d’autres ne servaient qu’à les séparer. Cette pièce semblait tout de même bien moins éclairée. Seule la télévision encore allumée faisait office de lumière. Ne voulant pas faire plus de gaspillage, elle n’alluma pas la lumière, puis s’avança vers l’un des canapés de cuir qui faisait face à la télévision. Elle reconnut une silhouette à moitié vautrée sur l’accoudoir. Un homme. Elle passa devant lui et lui tapota l’épaule avant de se rendre à l’autre bout de cette vaste pièce, traversant la salle à manger, emprunta une nouvelle porte coulissante dans laquelle se trouvait la cuisine. Très peu modeste, cette cuisine semblait tout d’une cuisine moderne, équipée, design et bien loin d’une simple cuisine couloir, celle-ci semblait bien grande et bien accueillante. S’extasiant une dernière fois devant cette pièce si étincelante, la jeune fille mit en route la bouilloire, se blottit sur l’un des tabourets du comptoir, et attendit patiemment que l’eau de son thé soit assez chaude. Se servant une tasse, Maki se rendit finalement au salon où l’appelait cet homme assis sur le canapé.
- Maki ? Tu n’arrives pas à dormir ?
- Tu sais… je… j’ai encore fait un mauvais rêve cette nuit tonton. Répliqua-t-elle, tout en éteignant la lumière de la cuisine.
- Ça doit être à force de manger ces cochonneries tous les soirs. Se moqua-t-il derrière un rire sarcastique.
- Ne ris pas ! Lança-t-elle, avant de jeter un coup d’œil sur le panorama du salon, qui donnait sur une ville colorée, étincelante et moderne. Tôkyô.
- Elle te plait notre nouvelle maison ?
Maki laissa un court instant de blanc, ne laissant uniquement la télévision parler, penchant la tête, but une gorgée de son infusion à la menthe, avant de se retourner et de s’asseoir sur l’accoudoir du canapé.
- Ca me va.
- Allez, finis ton thé et va te coucher ma grande. Demain, une dure journée s’annonce ! Finit-il, en tapotant l’épaule de sa nièce. |