Claimer : les personnages et les idées sont à moi. Rating : T Note : bonjour. A la base c’était un défi que j’avais lancé à un ami dans le cadre des « Jeux de mots », et puis je me suis dit que vus les mots choisis, ça pouvait convenir pour le concours Halloween, dont acte. C’est sans doute un peu rapide, voire bâclé, et j’aurais sans doute pu développer, mais bon…Bonne lecture quand même. Mots : Chat Courir Lune Mouiller Abécédaire Bague Couteau Phrase de fin : « Arrête de crier comme ça. Honnêtement, tu me fais de la peine » Pleine lune Ulrich aime les rituels. Sa vie entière est rythmée par toutes sortes d’habitudes, ce qui n’en fait pas pour autant un jeune homme ordinaire, du moins c’est ce qu’il se plaît à penser – très souvent. C’est un garçon un peu orgueilleux mais il préfère croire qu’il a raison de l’être, au vu de la médiocrité généralisée qu’il a pu constater chez ses congénères. Il n’a jamais vraiment eu l’instinct grégaire, ou alors seulement pour tenter d’exister au sein de la masse tout en faisant son possible pour s’en distinguer. L’être humain dans son ensemble ne l’intéresse que très peu, en dehors de quelques rares élus dont l’individualisme rivalise avec le sien, et auprès de qui il peut trouver une certaine forme d’émulation. Des gens pour qui les mots « compassion » ou « empathie » ne veulent rien dire et qui les ont rayés de leurs abécédaires personnels. Une sorte d’élite, en somme, qu’il s’est choisie et qui se conforme à ses propres critères. Ce soir c’est Halloween, mais Ulrich préfère appeler cette fête Samhain – pas vraiment en raison d’un quelconque respect d’une certaine tradition, cependant : c’est juste une façon supplémentaire pour lui de rappeler aux autres, au commun des mortels, sa supériorité culturelle et intellectuelle. Et il adore l’étaler devant son public ignorant et aveuglé par sa rhétorique, qu’il imagine brillante. En réalité, Halloween ou Samhain, il s’en fout complètement, il ne sait même pas vraiment de quoi il parle. Il en sait juste un peu plus que les gens qui l’écoutent avec ravissement, alors ça lui suffit, tant qu’il parvient à se démarquer – pourquoi et pour qui ferait-il plus d’efforts que nécessaire ? Ce soir c’est Halloween et la lune pleine et ronde brille d’une lueur rougeâtre qui ravit son sens de l’esthétique. Une soirée parfaite, ou presque. Il a passé une ou deux heures à se préparer avec minutie en vue de la petite réunion à laquelle il compte participer plus tard – un de ces rituels qui martèlent son existence, justement, et auxquels il accorde la même importance que boire ou manger. Tout n’est qu’apparences, immuablement. La bague qu’il porte avec ostentation au petit doigt de sa main droite n’est qu’une contrefaçon, d’une excellente qualité certes, mais dépourvue de toute authenticité. L’important, c’est ce que les autres croient, et ils croiront en l’image qu’il leur offrira en pâture. Seigneur de pacotille pour sujets de bas étage. Et puis, il y a Clémence. Elle fait partie de ces rares personnes qu’Ulrich apprécie réellement, mais paradoxalement, c’est précisément parce qu’elle ne lui ressemble pas. Clémence ne ressemble à personne, avec ses airs de chat sauvage et ses yeux plus bleus qu’une porcelaine de Chine. Un bleu totalement pur, sans la moindre trace de vert ou de gris – Ulrich pense souvent à cette couleur comme la personnification même de l’innocence, et il rêve parfois de réussir à troubler l’implacable limpidité des iris clairs. Juste pour le plaisir, et aussi parce qu’une telle transparence ne peut que le mettre mal à l’aise, lui qui présente une surface tellement lisse et opaque aux yeux de tous. Ce soir, il se pourrait bien qu’il y parvienne, alors il époussette négligemment son long manteau de velours – synthétique, c’est plus pratique à l’entretien – et empoigne fermement sa canne au pommeau de laiton vieilli avant de quitter l’appartement. (…) La lune lui semble énorme vue d’ici, comme un immense disque sanglant aux contours rendus flous par le froid qui lui irrite les yeux. La dalle de béton est rugueuse et mouillée sous son dos – son manteau est probablement foutu, mais ce n’est sans doute rien en comparaison de l’état dans lequel se trouve son pantalon. Une sorte de barre de métal appuie douloureusement contre ses reins, sans qu’il parvienne à deviner de quoi il s’agit exactement ; il est couché sur le dos, alors il a du mal à voir où il se trouve précisément. Les liens qui le retiennent semblent être du vulgaire chanvre, rien de très élaboré en tout cas – mais noués suffisamment serré pour l’empêcher d’esquisser le moindre mouvement. Une pensée le traverse fugacement : un tel manque de décorum – c’est du gâchis. Il ne sait pas combien de temps il a pu courir. Ca lui semble une éternité, mais ça peut tout aussi bien n’avoir duré que quelques minutes de fuite éperdue entre les barres d’immeubles abandonnés et les terrains vagues envahis par les mauvaises herbes. Son pantalon est recouvert d’une substance poisseuse – peut-être du sang, mais il est à peu près certain qu’il a dû se pisser dessus, voire pire. Peut-être aussi que c’est du sang qui coule dans ses yeux, et qui lui fait voir la lune si rouge. Il espère que ce ne sont pas des larmes. Il prie pour conserver un peu de dignité – parce que c’est la seule chose qui lui reste. Clémence – quelle ironie, un tel prénom si peu en accord avec la personnalité de la jeune fille, songe-t-il avant de sombrer définitivement dans la folie – le fixe froidement de ses yeux céruléens. Ses si jolis yeux bleus qu’il pensait tellement innocents. Tellement purs. Elle lève le couteau au-dessus de sa tête, lui présentant un visage parfaitement inexpressif, et lui murmure d’une voix atone : « Arrête de crier comme ça. Honnêtement, tu me fais de la peine ». |