Pour l'énième fois de la soirée, la sonnette résonna. Harry se leva pour aller ouvrir, armé par précaution d'un paquet de bonbons. Quand il ouvrit la porte, il soupira, désabusé et n'arriva même pas à accorder un sourire au groupe de petits mangemorts, encadrant un petit Voldemort, qui se trouvait devant lui. Il leur tendit le paquet de bonbons, et referma la porte rapidement. Ca faisait certes sept ans qu'il avait combattu et tué Voldemort, mais, pour lui, c'était encore trop tôt. Il ne s'était jamais vraiment remis de cette terrible bataille. Moins il y pensait, mieux il se portait. Mais voilà, depuis deux ans maintenant, Halloween se chargeait de le lui rappeler à travers les déguisements des enfants... Plus jamais il ne voulait qu'on le lui rappelle Plus jamais Halloween ! pensa-t-il avec véhémence . Ce qui le stupéfiait c'était que les parents aient oublié si vite... Il savait que les êtres humains avaient cette incroyable capacité à se remettre de toute période dure... Tous, mais lui n'y arrivait pas. Même Ron et Hermione, avaient réussi à tourner la page. Ils s'étaient mariés récemment et étaient les heureux parents d'une petite fille. Hermione avait pourtant perdu ses parents, et Fred et Georges étaient tous les deux tombés dans un coma dont on ne savait pas s'ils allaient en sortir un jour. Il soupira encore une fois, et décida, même s'il savait qu'il allait le regretter de s'ouvrir la bouteille de vodka, qu'il gardait toujours au cas où un apéro surprise s'organisait chez lui. Ce qui n'arrivait presque jamais d'ailleurs, depuis que la fille de Ron et Hermione était née... Harry se sentait seul. Même à son travail, il ne réussissait pas à nouer des contacts sérieux que ce soit amicaux ou amoureux... Depuis longtemps déjà, il savait qu'il était gay, il avait eu quelques aventures, mais qui avaient rarement duré plus de quelques semaines. Et puis, il faut dire que son travail de notaire n'aidait pas beaucoup à nouer des contacts. Il avait choisi ce métier contre toutes les attentes. Il était de toute façon hors de question qu'il fasse auror, tout ce qui pouvait le rapprocher une nouvelle fois des sbires de Voldemort l'horrifiait. Non, il avait pris la première occasion qui se présentait : un travail de notaire, dans un quartier de Londres particulièrement habité par les sorciers. Il avait pensé à quitter le monde de la magie, mais quelque chose l'en avait empêché. Il voulait, après avoir fait tout ça, voir en quelque sorte le résultat de son action, du sacrifice qu'il avait dû faire... tuer un homme, tout maléfique qu'il soit. Et les enfants déguisés en Voldemort devraient le réjouir, mais au contraire, ç'avait été oublié trop rapidement, trop rapidement, pour que ça ne recommence pas. Et c'était sa plus grande peur. La sonnette tinta à nouveau dans l'appartement. Harry s'empara une nouvelle fois d'un paquet de bonbons et alla ouvrir la porte. Cette fois, un franc sourire éclaira son visage. Il avait devant lui une petite citrouille, à côté d'un monstre à grosses pustules. Oui, ça c'était le halloween qu'il connaissait et aimait ! Pour la peine, il leur donna deux paquets de bonbons, et les enfants repartirent tout contents. Mais lorsqu'il referma la porte, le voile de solitude qui s'était pour un instant relevé, retomba lourdement. Il se reservit un verre. Il savait qu'il ne devrait pas, qu'il supportait en général mal l'alcool, mais tant pis ! Dans la demi-heure qui suivit, il dut faire encore trois aller-retour jusqu'à la porte pour distribuer des bonbons. A chaque fois, son pas se faisait moins assuré, sa vision moins nette, et sa bouteille, moins remplie. Il se soupçonnait une vague tendance au masochisme. Il aurait très bien pu rester dans son canapé, éteindre la lumière et ne pas aller ouvrir la porte, mais voilà, à chaque fois, c'était plus fort que lui, il y allait. La sonnette retentit encore une fois. Allez, il se décida à se lever mais pour la dernière fois. Titubant, il faillit s'étaler de tout son long après s'être pris les pieds dans le tapis du salon mais se rattrapa douloureusement à la cloison entre son salon et l'entrée. Il s'arrêta quelques secondes devant la porte, le temps de reprendre ses esprits et l'ouvrit. _ Oh nooooon celle-là c'est la meilleure ! S'écria-t-il, en riant aux éclats. _ Que les enfants se déguisent en Voldemort ou en mangemorts, encore, mais là ! En Malfoy, faut quand même le faire ! Ils ont de l'imagination ces mômes !!!!!!!!! La raison de l'hilarité d'Harry le regarda, déstabilisé. Il se reprit cependant très vite, et la mine vexée qu'il avait prise quelques instants auparavant s'effaça pour laisser un visage de marbre. _ Harry, dit-il doucement... C'est moi, Draco ! Tu sais, le vrai Draco ! Mais Harry continuait de rire sans même faire semblant de l'écouter. _Harry, reprit-il un ton au-dessus. Je suis Draco ! Tu sais celui avec qui tu travailles de temps en temps, le riche et bel avocat fils d'un des mangemorts les plus terribles, et à qui tu as pardonné tu ne te souviens pas ? Il avait dit les derniers mots à toute vitesse, car au mot « mangemorts », Harry avait brusquement relevé la tête, et ne riait plus du tout. Il le fixait même avec un regard meurtrier, mais aussitôt après, le regard se fit de nouveau vitreux et l'hilarité le reprit. _ Dracooooo ! Depuis quand tu fais Halloween toi aussi ? Ti n'es pas un peu grand ? Attends, je vais te chercher des bonbons, je reviens tout de suite! Harry se retourna, mais dut le faire un peu trop brusquement ou en oubliant de tourner les pieds aussi puisqu'il se retrouva le nez par terre. Le ridicule de la situation ne lui échappa pas, et il se remit à rire. Entre temps, Draco était entré dans l'appartement et avait refermé la porte avant de s'avancer vers son « hôte ». _ Harry, ça va ? _ Oui, impeccable, je ne savais pas que ce tapis était aussi douuuuuuux. _ Bon, ça suffit maintenant, passons aux choses sérieuses ! Desaoulare ! Quelques minutes plus tard, Harry se réveilla dans le canapé avec un affreux mal de tête, mais sobre. Son esprit resta brumeux, mais tout d'un coup il se rappela qui l'avait desaoulé, et donc qui était devant lui en ce moment même : _ Draco ! Que fais-tu chez moi ! Demanda-t-il hargneusement. Qui t'a demandé de me désaouler ! _ J'ai pensé que c'était la meilleure chose à faire quand je t'ai vu près à embrasser ton tapis, répondit narquoisement Draco. Et pour la première question, sache que c'est Hermione qui m'a téléphonée pour me dire que tu passais Halloween tout seul, et que tu n'allais pas bien, et que comme elle ne pouvait pas s'en occuper à cause de la petite, qu'il faudrait que je passe. Harry rougit de honte à l'idée d'être considéré comme quelqu'un qui a besoin des autres. C'était faux, il se débrouillait très bien tout seul... Mouais.... La bouteille de vodka vide renversée sous la table basse de son salon le démentait. _ Bon, très bien tu es là, et maintenant ? La question décontenança Draco, mais brièvement. _ J'avais apporté le dessert, mais je vois que tu n'as pas du tout mangé. Donc maintenant à table ! Et comme Harry ne réagissait pas, Draco se leva et prit le téléphone. Il commanda le menu « monstres et sorcières » au restaurant chinois moldu du coin, et exigea une livraison dans les meilleurs délais. Il avait su se montrer si persuasif que dix minutes plus tard, le livreur sonnait à l'appartement. Entre temps, Draco avait trouvé le placard à vaisselles, et mit la table. Puis il traîna un Harry hébété vers la table. _ Bon appétit mon cher ! Au fil du dîner, Harry se désembruma, et ils entamèrent une vraie conversation, c'est-à-dire pas un monologue de Draco sur la pluie et le beau temps mais un vrai dialogue... certes toujours sur la pluie et le beau temps... et le boulot. Harry et Draco se voyaient régulièrement maintenant, et il leur arrivait même de se téléphoner, quand l'un avait besoin d'un conseil sur telle ou telle loi, intéressant plus le domaine de l'autre. Puis arriva le dessert. Un admirable gâteau au chocolat, en forme de citrouille, la glaçure étant à l'orange, le tout entouré par une toile d'araignée en sucre. Peut-être était-ce l'effet du chocolat, ou de la forme du gâteau, mais toujours est-il que les langeus se délièrent et abordèrent des sujets plus personnels. Surtout quand Harry réalisa que si Draco était là, c'est que lui aussi était tout seul un soir d'Halloween. Et il resta bouche-bée encore un instant quand à la question « Tu habites tout seul ? » Draco répondit « oui j'habite tout seul et c'était peut-être le sens de ta question Harry mais oui je suis gay » Harry n'avait en fait pas du tout mis de sens caché dans sa question, et il voulait simplement s'intéresser au mode de vie de son ami, et quand Draco le comprit, ils éclatèrent de rire tous les deux. Une certaine complicité s'était installée entre les deux. Ils riaient doucement à la douce lumière d'une lampe dans un abat-jour en forme de citrouille. « Harry... Quand j'ai sonné à ta porte tout à l'heure, tu as dit une drôle de phrase « que les enfants se déguisent en Voldemort ou en mangemort » avec un ton bizarrre. C'est ça la cause de ton bourrage de gueule solitaire ? » Le visage d'Harry s'était fermé à ces mots, et Draco comprit qu'il avait frappé juste. Ainsi Harry ne s'était jamais remis de cette bataille. Il se sentit honteux aussi, parce qu'il lui arrivait de faire des blagues de mauvais goût sur Voldemort et son père, comme si c'était si loin maintenant, si loin que plus rien ne pouvait arriver. Lui ça ne l'avait pas choqué que les enfants se déguisent en Voldemort ou mangemorts, au contraire, il avait trouvé ça drôle, comme si tourner en dérision quelque chose qui avait tant terrifié tout le monde était normal. Mais pour Harry, ça ne l'était pas, et il en souffrait. ça se voyait. Instinctivement, Draco se rapprocha d'Harry, comme si sa présence aurait pu le réconforter. _ Tu sais, Harry... ça passera... Il aurait voulu rajouter des mots mais ne trouva pas quels auraient pu être les bons, et s'attacha à mettre toute sa compréhension dans son regard. Visiblement le message fut reçu, car Harry sourit : C'est juste que je trouve que les enfants déguisés en petites citrouilles ou monstres à pustules sont tellement mieux ! C'est ces déguisements-là dont j'avais envie petit ! Sur ce, Draco blagua sur le fait qu'il aurait vraiment aimé le voir en citrouille. Harry lui demanda quels étaient ces déguisements préférés, Draco lui rétorqua que les déguisements n'étaient pas dignes de son rang. La soirée s'écoula ainsi paisiblement. Mais il y avait quelque chose en plus, un lien qui s'était créé entre les deux hommes. Et quand fut venu le moment de se séparer, ils savaient tous les deux, qu'ils ne passeraient plus jamais halloween seuls. _________________________________________________________________________________________________ THE END Voilà, j'espère que ça vous a plu ! Bisous à tout le monde ! |