Première année.
Il les observait depuis quelques jours. Depuis leur arrivée ici, en fait. Il ne savait pas vraiment comment faire pour aller vers eux. Pire, il savait qu’ils le rejetteraient s’il essayait… Alors il regardait. Découvrait. Et, de plus en plus, espérait. Sans y croire vraiment, certes, mais il ne pouvait s’en empêcher.
Remus était ainsi, depuis la Nuit ; la Morsure. Les noms étaient multiples pour qualifier cette nuit cauchemardesque mais les images, les sensations, les bruits ne changeaient pas. Ils demeuraient, inaltérables, prêts à s'imposer à chaque instant pour lui faire revivre la scène.
La douleur. Le loup. Les hommes masqués, leurs rires sardoniques. Et le rejet. Pire que tout, le regard des gens. Les amis qui se détournent. Les moqueries.
Il frissonna à ces souvenirs, reprit son observation du groupe d’enfants pour oublier. Pour essayer, du moins. Puis il baissa les yeux aussi vite qu’il le put lorsque le brun au sourire suffisant se tourna dans sa direction. Vertige. Le soleil l'éblouissait.
Il se convainquit comme il put de faire semblant de lire, de passer inaperçu. Ses pensées étaient saturées de cette amertume que seules l’habitude et la résignation peuvent faire naître. Son sourire éphémère disparut de nouveau.
- Remus !
Le garçon sursauta en entendent son prénom, leva de nouveau les yeux vers Sirius. Qui ne se trouvait plus au bord du lac,mais à quelques pas de lui. Comment connaissait-il son prénom ? Il s’était approché vite…
Remus hésita l’espace d’une seconde. Etait-ce une farce, comme les deux amis semblaient adorer en faire ? Malgré leur jeunesse, tous deux avaient déjà une réputation de plaisantins invétérés. Pourtant, ils n'étaient à Poudlard que depuis un mois à peine, tout comme lui.
Oui, c'était sûrement une plaisanterie que lui faisaient James et Sirius. Tant pis, il leur aurait parlé, au moins. Il n'aurait pas autant de regrets que d'habitude… Il finit par répondre d’une voix qui ne ressemblait pas à la sienne un "Oui ?" incertain.
- Viens, au lieu de te morfondre dans ton coin ! Après tout on est dans la même Maison !
C’était l’autre, James, qui avait parlé. Il avait l’air sincère. Il l’invitait à les rejoindre, toujours adossé à un arbre, au bord du lac. Et Sirius lui souriait, avec gentillesse.
Alors l’espoir s’effaça, devint certitude tout aussi passagère que les sourires de Remus.
Des amis. Enfin.
*****
Deuxième année.
- Ajoutez à votre potion trois grammes de racine de mandragore, puis…
Remus laissa son attention dévier, faisant machinalement ce que le professeur demandait tout en écoutant ses amis :
- Vous ne pensez pas ? demanda James.
- Si, bien sûr, renchérit Peter, elle est incroyablement belle, tu as raison !
Ils parlaient encore de Lily, visiblement. C'était la dernière lubie de James, sortir avec la sage et hautaine Gryffondor. Remus ne s'intéressait pas encore aux filles, lui. De toute manière, il n'en avait pas le droit.
Sirius leva les yeux au ciel tandis que son meilleur ami vantait les qualités de Lily une énième fois. Remus devina que, plus encore que l'engouement de James, c'était l'admiration de Peter pour celui-ci qui l'énervait. Il suivit Sirius des yeux sans vraiment savoir pourquoi, fasciné ; le garçon se balançait sur sa chaise au risque de tomber.
- Monsieur Black, tenez-vous convenablement ! Cinq points en moins pour Gryffondor ! Vous n'êtes plus en première année, souvenez-vous en et comportez-vous comme un élève de votre âge !
Remus sursauta, se tourna vers le professeur qui les toisait avec sévérité. Sirius se contenta de sourire avec suffisance mais cessa de se balancer. Le professeur les observa encore pendant quelques secondes puis reprit son monologue d'une voix forte :
- Tournez quatre fois dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. A ce stade, votre potion devrait être bleu ciel, presque transparent. Alice, comment se fait-il que votre potion fume ?
Le professeur se précipita vers la fillette rouge de confusion. Peter se mit à remuer le liquide sombre qui se trouvait dans leur chaudron. Il devint immédiatement d'un bleu très pur, cristallin. Remus sourit et reporta son attention sur Sirius, qui observait son chaudron avec stupéfaction.
Le garçon leva les yeux vers Remus, demanda d'une voix réjouie :
- Combien on parie que notre potion explose avant celle d'Alice ?
Remus secoua la tête, amusé malgré lui et se pencha sur le chaudron de ses amis. La potion était verdâtre, bouillonnante. Il grimaça.
- Vous avez oublié de mettre les dards de Billywig… Vous n'avez plus qu'à recommencer.
- Ou alors on prend un échantillon de votre potion et on la fait passer pour la notre, suggéra James. Tu veux bien, Remus ?
- Bien sûr, répondit celui-ci.
Mais avait-il seulement le choix ? Il voulait garder ses amis. A tout prix.
*****
Troisième année.
- Remus, tu vas encore à l’infirmerie ? Mais qu’est ce qu’il t’arrive à la fin ?
Le garçon ferma les yeux avec lassitude. Se répéta comme une litanie de ne pas s'énerver, surtout.
- Sirius, je t’ai déjà dit que c’était personnel… Qu’est ce que tu ne comprends pas dans ce terme ?
Une pointe d’agressivité perçait derrière ses mots. Remus grimaça, accéléra le pas. La nuit allait tomber d’un instant à l’autre, et ces idiots continuaient à le harceler… Non.Cet idiot. James et Peter avaient abandonné depuis un moment, préférant faire leur devoir de Métamorphose, une fois n’étant pas coutume. Mais Sirius insistait, encore et encore.
- Remus, nous sommes amis, non ? Eh bien des amis se disent tout. Donc tu dois me dire pourquoi tu vas à l’infirmerie. C’est aussi simple que ça.
Non, ce n’était pas aussi simple. Remus avait envie d’hurler. Et la lune qui se levait déjà…
Alors il se mit à courir, s’interdisant de pleurer. Il ne pouvait pas laisser le loup prendre le dessus, pas avant d’avoir atteint la Cabane.
Les minutes qui suivirent se perdirent dans l’ombre. Il courait pour arriver avant les étoiles, avant la lune ; rien d’autre ne comptait. Il gagna cette course contre lui-même avec l’impression d’avoir perdu. Encore.
Douleur. Ses membres semblaient se briser et se remettre en place en dépit de la logique. Son souffle se faisait erratique, comme si son cœur allait imploser.
Sa conscience s'enfonça dans les méandres de la nuit. Il devint loup.
Douleur.
Remus hurla.
- Tu n'as pas été à l'infirmerie.
Remus retint un cri de peur, sursauta violemment. Rétorqua d'une voix rauque, fatiguée, sans même se retourner :
- Bien sûr que si, Sirius.
Le brun se glissa silencieusement hors du dortoir, entraînant Remus derrière lui.
- Lumos, murmura-t-il avant d'observer le garçon avec un sourire étrange, un peu triste. Tu ne sais pas mentir, Remus. Arrête de me prendre pour un imbécile. De quoi as-tu peur ? D'être rejeté ?
Epuisé, Remus se laissa glisser contre le mur sans répondre, fermant les yeux pour ne pas montrer sa souffrance à son ami. Son meilleur ami.
Et probablement plus pour longtemps, ne put-il s'empêcher de songer avec ironie. Il était pratiquait beaucoup l'autodérision, ces derniers temps.
- Mais Remus, si on avait voulu te laisser tomber, on l'aurait fait depuis longtemps !
- Tu… Tu ne comprends pas…
Sa voix n'a été qu'un souffle. Sirius se laissa glisser au sol à son tour, pris entre les siennes la main ensanglantée de Remus. En caressa chaque cicatrice, chaque morsure du bout des doigts tout en parlant, comme pour les estomper.
- Je comprends que c'est toujours lorsque la lune est pleine que tu t'exiles. Je comprends que la Cabane Hurlante n'est pas hantée ; que ce ne sont pas des fantômes qui l'investissent à chaque pleine lune. Je comprends que les cicatrices sur ton visage et tes bras te viennent d'un monstre. Que ce n'est pas un quelconque chien qui s'attaque à tes mains chaque mois. Qu'ai-je besoin de comprendre de plus, Remus ?
Le loup-garou se laissa aller. Pleura, longtemps. Sirius le serra dans ses bras, lui murmurant des paroles hésitantes, essayant de l'apaiser sans vraiment savoir quoi dire. Puis il se contenta de le tenir contre lui, laissant les larmes de son ami se tarir d'elles-mêmes.
Avant de s'endormir, Remus sourit, d'un sourire heureux.
Quelqu'un l'aimait, malgré sa nature.
*****
Quatrième année.
- Remus, il faut faire quelque chose pour toi.
Remus se redressa sur ses coudes et se tourna vers James, interloqué. Il était en train de s'extasier sur Lily quelques secondes plus tôt, comment en était-il donc arrivé à parler de lui?
Tout en faisant tourner sa baguette entre ses doigts, James poursuivit :
- Ton petit problème de fourrure te gâche la vie. On peut essayer d'arranger ça, non ?
Remus détourna les yeux, soupira d'un air las. Tout en se redressant tout à fait pour s'adosser à un arbre, il rétorqua :
- James, je t'ai déjà dit qu'il n'existait<i>rien</i>capable d'atténuer ou de faire disparaître la lycanthropie. Tu ne peux pas arranger quoi que ce soit, c'est ainsi.
Sirius se retourna.
- Et si nous venions avec toi ? Peut-être que tu te contrôlerais, puisque nous sommes tes amis… Je veux dire, tu ne nous attaquerais pas, n'est ce pas ?
Remus baissa les yeux, hésita à répondre. Il détestait parler de cela… Surtout à lui. Il finit par lancer d'une voix atone :
- Si tu avais lu le traité que je t'ai prêté à ce sujet, tu te souviendrais que, lorsque je me transforme, le loup prend possession de moi. Entièrement. Je ne sais même pas ce que je fais ces nuits-là, Sirius ! poursuivit-il, la voix soudain vibrante de désespoir. Si vous veniez, je vous tuerais.
Durant quelques minutes alourdies par le silence, les quatre amis semblèrent réfléchir. Peter finit par proposer, l'air peu sûr de lui :
- Et si nous arrivions à être plus forts ou plus rapides qu'un loup ? Il existe sûrement des potions et des sortilèges, non ?
Sirius et James échangèrent un regard étrange, comme s'ils se comprenaient sans même parler. Ou comme s'ils avaient eu la même idée exactement au même instant. Symbiose. Remus sentit une pointe de jalousie lui serrer le cœur et rejeta bien vite ce sentiment. L'envie n'avait pas lieu d'être. Surtout pas. James finit par répondre à Peter :
- Des sortilèges, je ne sais pas. Mais, par contre, vous vous souvenez de notre cours de la semaine dernière, en Métamorphose ?
- Lequel ? Celui sur la disparition totale ou bien les animagi ?
- Les animagi, bien sûr. Remus, imagine un peu : si l'un de nous devenait, par exemple, un oiseau, il pourrait rester avec toi dans la Cabane Hurlante et vérifier qu'il ne t'arrive rien. En plus, on pourrait s'occuper de toi lorsque la transformation est finie. Et tu saurais que tu n'es pas seul.
Remus secoua la tête.
- C'est impossible. Un animagus est toujours un sorcier très doué qui s'est longuement entraîné. De toute manière, nous sommes trop jeunes et, quand bien même nous pourrions devenir des animagi, où voulez-vous vous entraîner dans Poudlard ? Ce n'est pas comme si nous pouvions passer inaperçu… Je vous remercie d'essayer de m'aider, cela me touche vraiment. Mais ça ne sert à…
- Eh bien, nous allons essayer, alors, le coupa James avec entrain. Et je suis sûr que nous y arriverons !
- Bien sûr ! Après tout, nous sommes parmi les meilleurs élèves de Poudlard, ce sera une façon de le prouver à tous…
- Et puis…
Remus ferma les yeux, cessant d'écouter ses amis et leurs idées folles. Dangereuses, aussi. Pourtant, il se sentait bien, allongé dans l'herbe.
La voix de Sirius le tira de son état léthargique.
- Enfin, avec James, on a essayé samedi dernier.
- Et alors, ça a marché ? questionna Peter de sa voix aiguë.
- Non, pas la moindre transformation, même infime. Mais ça ne veut rien dire, il suffit…
Remus se laissa une nouvelle fois glisser dans ses pensées, se concentrant pour ne plus rien entendre. Sirius parlait de James… Encore.
Une nouvelle fois, il repoussa la jalousie aux confins de sa conscience et serra les poings à s'en faire mal. Il avait tellement envie de ne plus rien ressentir pour lui…
Si seulement on avait juste ce que l'on voulait, dans la vie…
*****
Cinquième année.
Rendez-vous ce soir dans la clairière vers 23 heures.
Viens seul.
S.
Remus glissa l'enveloppe dans la poche de sa cape. Cela ne ressemblait pas à Sirius de lui écrire des mots… Ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : ils ne seraient que tous les deux. Ses joues se teintèrent de rouge sans qu'il ne puisse le contrôler. Il serra les dents. Il ne pouvait pas se permettre la moindre pensée déplacée. Sirius était un ami. Juste un ami. Et ça ne changerait pas. De toute manière, même s'il n'y avait pas eu toutes ces raisons liées à lui-même qu'il se répétait en boucle, le problème serait venu de Sirius : il aimait les filles. Indéniablement. Car sinon, pourquoi accumulerait-il ainsi les conquêtes de quelques semaines, quelques mois ?
Remus les enviait, ces adolescentes dont il semblait s'éprendre. Que n'aurait-il pas donné pour se trouver à leur place ; pouvoir sentir les lèvres de Sirius contre les siennes et glisser ses mains dans ses cheveux… Tout cela n'était que chimères. Chimères interdites, qui plus était : il n'avait pas le droit de rêver de lui.
Remus termina sa ronde en quelques minutes sans faire vraiment attention à ce qui l'entourait, ne songeant qu'à ce bout de papier froissé. Et il se haïssait pour cela.
La Forêt Interdite se dressait face à lui, menaçante. En digne Gryffondor, Remus n'hésita pas ; il avança. Il voyait à peine où le menaient ses pas, la lune étant loin d'être pleine, mais il ne tomba pas ; Sirius l'attendait.
Il arriva enfin à la clairière, observa d'un regard absent les arbres baignés de lumière lunaire. Elle semblait vide. Puis il perçut un bruit, si léger qu'il crut l'avoir imaginé. Baguette en main, il se retourna. Rien.
De nouveau le bruit, comme les pas d'un animal. Et puis un aboiement rauque, juste derrière lui. Remus eut à peine le temps de faire volte face ; l'animal se jetait sur lui. Le loup-garou ferma les yeux et serra les dents. Dans un instant, il serait mort, dévoré par la bête énorme au sombre pelage qui le plaquait au sol. Elle ressemblait à un Sinistros… Déjà, il sentait son souffle contre sa gorge… Puis le souffle en question fut remplacé par une langue baveuse, et le chien se mit à le lécher avec application.
Sans pouvoir réfréner un rire nerveux, Remus essaya de se redresser tout en fixant le chien. Ses yeux… Ils n'étaient pas normaux. Du moins, pas pour un chien. Il comprit enfin.
- Sirius !
Le chien aboya joyeusement en secouant la tête, lécha une dernière fois la joue de Remus puis sembla se brouiller.
Moins d'une minute plus tard, Sirius apparaissait à sa place, toujours couché sur Remus.
- Tu as vu, j'ai réussi ! s'exclama-t-il tout en se redressant sur ses coudes.
Remus frémit. Les mains de Sirius enserraient ses avant-bras. Et ce simple contact suffisait à lui donner la chair de poule. Il essaya vainement de ne pas y penser. Si jamais il laissait ses sens dominer sa raison, il l'embrasserait. Forcément. Il était tellement désirable, penché sur lui avec son sourire amusé… Et il ne voulait pas gâcher leur amitié à cause d'un amour voué à l'échec. Alors il songea au sol caillouteux qui lui meurtrissait le dos plutôt qu'au corps qui pesait sur le sien. Il essaya, du moins, car son attention fut rapidement retenue par une incongruité : Sirius semblait torse nu, ce que Remus remarqua avec un certain plaisir. Mais le reste de son corps semblait bien peu vêtu, lui aussi…
- Sirius… Tu sais que tu es totalement nu ?
Le jeune homme brun baissa les yeux sur son corps l'espace d'une seconde, puis haussa les épaules avec désinvolture.
- Oh, ça ? C'est juste que je ne maîtrise pas encore tout de ma transformation. Attend, mes vêtements doivent se trouver quelque part par là, ajouta-t-il en se levant d'un bond.
Remus ferma aussitôt les yeux, gêné, les joues brûlantes. Il n'avait jamais vu Sirius aussi… eh bien, aussi nu. Et il devait se l'avouer, la vision ne lui déplaisait pas. Pas du tout, même, à en croire les images qui s'imposaient à lui. C'était justement le problème ; il n'avait pas le droit de ressentir quoi que ce soit. Sirius était un garçon. Et Sirius était son ami. Si l'on ajoutait à ces deux constatations le fait qu'il était lui-même un loup-garou, on comprenait aisément qu'il ne pouvait pas l'aimer.
Remus soupira, presque heureux de s'être prouvé une nouvelle fois que ses sentiments étaient vains. Rouvrit les yeux avec précaution. Les détourna de Sirius enfilant son pantalon, à quelques mètres de lui.
Il n'avait plus qu'une envie : rentrer au dortoir et oublier. Effacer le corps de son meilleur ami de son esprit. Et faire disparaître cette tension dans son bas ventre.
Sirius se rapprocha de lui tout en enfilant une vieille chemise. Un sourire immense aux lèvres, il déclara avec emphase :
- Je suis un Animagus, ça y est ! Et avant James, en plus !
Remus ne put s'empêcher de songer que Sirius parlait encore de James, puis rangea cette pensée dérangeante avec les autres. Elles s'estomperaient avec l'eau. Cela paraissait si simple, dit comme ça…
Pourtant, ça ne l'était pas. Il jalousait James. Parce qu'il était le plus proche de Sirius, parmi eux. Parce qu'ils étaient ensemble sans cesse, même aux entraînements de Quidditch. Parce que, tout simplement, il était le meilleur ami de Sirius.
Remus serra les dents jusqu'à en avoir mal. Il savait qu'il n'avait pas le droit de penser ce genre de choses. Que c'était égoïste et injuste vis-à-vis de James. Et il en avait tellement honte…
Avec un sourire un peu triste, il suivit Sirius hors de la clairière, se concentrant sur la place des étoiles au-dessus d'eux pour le plus penser à rien d'autre. Parfois, la nuit devenait amie.
*****
Sixième année.
- A toi l'honneur, Lunard.
Le ton de James se fit cérémonieux alors qu'il tendait la carte à Remus. Se détournant de Sirius qu'il fixait inconsciemment depuis plusieurs secondes, le jeune homme s'en saisit et la déroula doucement. Puis, sortant sa baguette, il murmura la phrase pour laquelle ils venaient d'opter :
- Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises.
Aussitôt, une multitude de points mouvants et de lignes sombres apparurent sur la feuille jusqu'alors vierge. Les quatre amis se penchèrent, émerveillés.
- Ca fonctionne ! La carte des Maraudeurs fonctionne ! Regardez…
Sirius pointa quatre minuscules taches noires auprès desquelles s'étalaient leurs noms en lettres tarabiscotées. Il éclata d'un rire rauque et joyeux puis sortit sa propre baguette.
- Méfaits accomplis.
Les points s'estompèrent jusqu'à disparaître. Peter se tourna vers James et Sirius, l'air hésitant.
- Vous ne croyez pas que quelqu'un d'autre pourrait trouver la formule ? Ou alors l'activer d'une autre manière…
- Bien sûr que non Queudver, réfléchis ! Remus a trouvé des sortilèges qui garantissent que personne ne pourra utiliser notre carte sans cette formule. Enfin, tu peux essayer si tu veux, mais cela ne servira à rien…
Peter recula discrètement sans rien tenter.
Après avoir observé la carte pendant de longues secondes, Sirius s'exclama :
- Tu me fais penser à quelque chose, Peter. Cornedrue, on pourrait la faire réagir lorsque plusieurs sorts lui ont été lancés, non ?
- Si, c'est une très bonne idée ! Tu penses à quelque chose de précis ?
- Pas vraiment. On pourrait… Je ne sais pas… La faire parler par exemple ?
- Pas bête, Patmol ! Lunard, tu saurais comment faire ça ?
Remus soupira, se concentrant sur James pour ne pas laisser ses yeux retourner à la contemplation de Sirius. Etre amoureux lui nuisait sérieusement.
- Non, James, je ne sais pas. Mais j'irai à la bibliothèque demain pour chercher, ça te va ?
- Oui, ce sera parfait. Merci Remus ! Bon, puisqu'on doit attendre pour la rendre intelligente, on n'a qu'à la signer ! Queudver, tu as pensé à la plume et à l'encre ?
Le garçon acquiesça vigoureusement et sortit ce que lui demandait James de son sac. Retrouvant son ton solennel, celui-ci déclara :
- Lunard ? Sans toi et ton petit problème de fourrure, nous n'aurions jamais eu l'idée de cette carte… Tu as donc l'honneur de signer en premier.
Plutôt amusé par l'affectation dont son ami faisait preuve, Remus griffonna Lunard en bas de la feuille, puis la glissa vers Sirius en évitant tout contact avec sa main. La carte alla ensuite à James puis à Peter avant de revenir devant le loup-garou.
En lettres noires s'étalaient désormais quelques mots : Les Mauraudeurs : Lunard, Patmol, Cornedrue et Queudver.
Remus se sentait à sa place, sur cette carte. Et puisqu'elle était reflet de la réalité, il se sentait bien. Vraiment bien.
*****
Septième année.
Remus l'observait depuis le début de la soirée. Il le trouvait confortable, ce vieux fauteuil. C'était pour cela qu'il ne l'avait pas quitté depuis plusieurs heures. Lui-même était presque euphorique. Une petite voix guillerette lui soufflait d'ailleurs que l'alcool était à l'origine de cette joie inhabituelle, mais il la fit en taire en buvant une autre gorgée de Whisky pur feu.
En temps normal, il ne buvait pas. Mais voir Sirius danser avec cette fille au décolleté plongeant l'avait démoralisé. Et puis, pour une fois, il pouvait s'amuser un peu : les examens étaient passés et deux mois de vacances s'offraient à lui. Il espérait revoir Sirius après Poudlard, même s'il n'ignorait pas que cela lui ferait du mal.
- Lunard !
Remus mit quelques secondes à réaliser qu'on l'appelait et à se tourner vers James. Une poignée de secondes supplémentaires fut nécessaire pour qu'il réalise que, oui, James tenait une Lily plus que consentante dans ses bras. Etait-elle ivre, elle aussi ? Ils avaient pourtant rompu quelques jours plus tôt…
- Remus, ça va ?
James semblait inquiet. Remus tenta de lui sourire d'un air rassurant, ce qui sembla alarmer davantage son ami. Apercevant le verre que tenait le loup-garou, il s'exclama :
- Mais… Remus, tu as bu ?
- Oui… Un peu…
Incapable d'en dire plus, le jeune homme se laissa aller contre le dossier du fauteuil et ferma les yeux. Il commençait à se sentir un peu nauséeux. Lily se dégagea des bras de James et s'approcha de Remus.
- Remus, combien de verres as-tu bu ?
- Deux... Je crois.
- James, j'ai l'impression qu'il est ivre…
- Avec deux verres ? rétorqua son petit ami, incrédule.
- Il n'a pas l'habitude de boire. Et il s'agit de Whisky, James, pas de simple Bièraubeurre. Bon, il faudrait le coucher, je ne pense pas qu'il soit en état de monter lui-même.
Remus perçut confusément qu'on parlait de lui puis il se laissa aller, écoutant la voix guillerette qui s'immisçait dans son esprit depuis qu'il avait commencé à boire.
Remus gémit.
Il était en train de se réveiller et avait la désagréable impression qu'on lui frappait la tête. De l'intérieur. Il essaya de se redresser et grogna de nouveau. Le moindre mouvement semblait décupler les coups. Il ouvrit les yeux tout en veillant à ne pas bouger. Et les referma aussitôt. Visiblement, il rêvait. Car, à part dans une de ses chimères nocturnes, Sirius ne pouvait pas se trouver au-dessus de lui.
- Remus, t'es enfin réveillé ?
Ah. Dans ses rêves, Sirius était plus doux, beaucoup plus romantique. Certainement pas impatient et ennuyé. Donc c'était la réalité. Raison de plus pour garder les yeux clos : s'il regardait Sirius, Remus était sûr de l'embrasser. Et après avoir tenu autant d'années, c'aurait été vraiment idiot…
- Remus ? Tu ne vas pas nous faire un coma éthylique quand même…
Le jeune homme sentit les doigts de Sirius contre son cou, vraisemblablement pour prendre son pouls. Mauvais, ça. Il ne pouvait pas lui permettre de le toucher. Se redressant d'un bond sans tenir compte de la douleur, il s'exclama :
- Non non. J'ai juste mal à la tête. Ne t'inquiète pas pour moi.
Sirius l'observa longuement, les sourcils froncés. Et Remus ne put s'empêcher de le trouver beau, ainsi, avec ses yeux inquisiteurs et sa moue sceptique. Il ferma de nouveau les yeux. L'alcool devait encore lui brouiller les sens, pour qu'il pense ce genre de choses. Et pour qu'il s'imagine l'embrasser -et plus si affinité…
- Tu es sûr ? Tu as vraiment l'air étrange. Et tu viens de dormir pendant deux heures sans bouger, ça ne te ressemble pas.
- Deux heures ? interrogea Remus, rouvrant les yeux sous le choc. Et tu es resté là tout ce temps ?
- Ben, oui, rétorqua Sirius comme si ça tombait sous le sens. J'allais pas te laisser mourir tout seul dans ta chambre…
- Oh. Je vois. Merci. Et Elisa ?
- La fille avec qui je dansais ? Aucune importance, Remus, tu le sais bien. Ce n'est qu'une fille quelconque.
Le jeune homme brun sourit avec indifférence. Remus détourna les yeux. Il fallait que Sirius parte. Maintenant. Sinon, il ne répondait plus de rien… L'alcool aidant, son envie de l'embrasser grandissait de façon alarmante.
- Sirius… Retournes-y, je vais juste me recoucher et dormir.
- Oh, je n'ai plus tellement envie. Je vais rester avec toi, des fois que tu ferais un coma post-alcool.
- Non, ce n'est pas une bonne idée. Sirius, s'il te plait !
Remus n'avait pas prévu d'avoir l'air suppliant. Le jeune homme brun se tourna vers son ami et l'observa.
- Qu'y a t il, au juste ?
- Il faut que tu partes.
- Pourquoi ?
Remus ferma les yeux. Longuement. L'alcool était pire que n'importe quel philtre aphrodisiaque.
Il ne boirait plus jamais.
Il ne voulait surtout pas voir Sirius. Ce n'était d'ailleurs même plus une question de volonté : il ne devait pas le regarder sous peine de faire une bêtise monumentale. Il s'interdit donc de penser lorsque son ami se leva et son cerveau resta tout aussi amorphe quand le jeune homme murmura, soudain à quelques centimètres de son oreille :
- Remus ? Tu n'as vraiment pas l'air bien…
Il y eut quelques secondes d'un silence sans fin puis Sirius répéta, encore plus inquiet :
- Remus, regarde-moi, s'il te plait.
- Non.
- Pourquoi ?
Sans pouvoir s'en empêcher, Remus rétorqua, regardant fixement ses mains crispées l'une autour de l'autre :
- Arrête avec tes "pourquoi" ! Pars, c'est tout.
La voix de Remus se brisa et inspira profondément. Non, il n'allait pas pleurer, quand même… Pas pour ça...
Décidément, il ne boirait vraiment plus jamais. D'autant plus que la voix guillerette venait de réapparaître, plus insistante que jamais. Et si sa raison le prévint de ne pas suivre les conseils qu'elle lui prodiguait, son esprit embrumé l'oublia bien vite.
Sirius passa alors une main autour de ses épaules en murmurant un "Remus ?" clairement alarmé.
Et Remus succomba à la voix. Il embrassa Sirius.
A suivre, pour ceux que ça intéresse !
N'hésitez pas à me donner votre avis sur cette fiction =).
A bientôt,
Nya |