Ceci n’est pas une espèce de connerie de journal intime. Je ne raconte pas ma vie ici parce que j’en ai irrésistiblement envie mais pour ne pas oublier. J’oublie tout, on peut m’en vouloir mais c’est comme ça. Je me drogue.

Je ne me souviens même plus comment c’est arrivé, c’est fatal d’en arriver à dire ça je pense. Je sais que j’ai fumé très jeune, comme beaucoup d’ados. Mon premier join à 13 ans. Et quelques années plus tard mon premier rail. Et deux mois plus tard mon premier exta. Et puis quelques semaines à peine plus tard, mon premier cristal de MDMA. L’héro en poudre qui passe par mon nez, salement. Le plus drôle est sans doute que je m’informe de chacun des risques d’une drogue avant de l’essayer. Mais finalement peu importe. Les délais sont de plus en plus courts et j’ai de moins en moins peur, parfois.

J’ai 17 ans, bientôt 18, je repousse mes limites. Je n’ai pas peur de mourir.

Avant je m’achetais des choses, mais quoi ? Aujourd’hui je vends mes bijoux pour acheter encore plus de came, qui partira plus vite encore que la dernière fois.

Je suis fatiguée. Lorsque je rentre chez moi le soir je suis obligée de dormir un peu, le shit m’endors, je ne suis plus les cours puisque j’y vais défoncée. J’ai des pertes de mémoire fréquentes, à court et long terme. Mon corps est épuisé je le sens, je dors d’avantage mais je suis toujours plus fatiguée. Je me sens lourde. Et lorsque j’arrive au bahut le matin, je roule. Ça me parait tellement naturel et pourtant…

Je me sens seule aussi, parce que lorsque j’ai une prise de conscience comme ce soir, je n’ai personne à qui en parler. J’ai des amis, beaucoup même, mais nous nous enfermons, entre drogués, c’est la pure vérité. Il faut être tox pour comprendre ce que c’est. Et il faut réaliser quand tu regardes autour de toi que tu es un déchet, et t’en foutre, te moquer même de ceux qui mènent une vie respectable, parce que tu es marginal. Nous le sommes tous dès cet instant, ou nous choisissons la drogue à la vraie vie. Il y a cet instant merveilleux où il faut prendre la décision, illusion ou pas ?

Les drogués choisissent de vivre dans cette même illusion et deviennent des tox. Je ne critique pas, au contraire j’en suis. L’illusion est merveilleuse, la chute n’en est que plus difficile. Mes rares retours à la réalité en témoigneront.

Je fréquente des soirées douteuses, on y vend des paras comme des petits pains. Le monde est si beau. Et je bois trop.

Mais être tox, c’est aussi rentrer dans le circuit, et vendre quand on a plus les moyens d’acheter. Il faut être prêt au plus gros pour avoir sa dose parfois, mais rien n’est immoral quand on est défoncé.

Quand on me demande d’arrêter ça me fais presque rire, ou pas, je n’arrive pas a l’envisager, j’ai pas envie, j’en ai besoin, c’est la plus belle sensation qui soit.

Et il faut prolonger l’état. Toujours plus, alors que les effets se réduisent, toujours plus, mélanger les saloperies entre elles, de la vraie drogue, de la dure. Je ne supporte pas ça, les gens qui se shootent aux médocs. Mais je suis tox, mon tour arrivera. Quoi qu’il en soit j’ai oublié pourquoi j’écrivais et je ne me relirais pas.

A bientôt, pour le commencement. Comment en suis-je arrivée là ?