Elle regarda un moment devant elle ; l’infinité de l’océan se reflétait dans ses pupilles. Le ciel clair et dégagé ne laissait aucun présage de ce qui se préparait. Le vent lui souffla dans le dos, la poussant à s’avancer, à s’abandonner au vertige et à la gravité. Elle essaya de résister mais ses pieds avançaient malgré elle et elle se retrouva à l’extrême limite de la falaise. Elle regarda en bas et eu un haut le cœur ; sous elle d’énormes vagues chargées d’écume venaient se briser sur les rochers hostile et tranchant. Un instant elle se vit tomber, se briser sur ces roches qui la déchiquèteraient de leurs dents aiguisés et la mer houleuse qui déferlerait sur elle, la balloterait telle une poupée de chiffon ; elle frissonna et ferma les yeux de toute ses forces, essayant de chasser cette image d’horreur de son esprit. Ses mains tremblaient de froid et de peur et elle serra les poings. Enfin, prenant une grande inspiration, elle se laissa basculer dans l’oublie.
Au bout d’un temps qui lui parût infini, elle entra dans un nouveau monde : l’eau la glaça jusqu’aux os, lui coupant le souffle et laissant des milliers de bulles s’échapper de sa bouche grande ouverte. Elle suffoquait mais plus elle essayait d’happer à la recherche d’oxygène, plus ses poumons se contractaient de douleurs. Chaque centimètre de sa peau hurlait de froid et ses yeux révulsés lui brulaient. Puis soudain, alors qu’elle agonisait, n’y pouvant plus elle sombra. La mort lui parût douce. Elle flottait, loin de la douleur, des peines et de la méchanceté humaine, loin de tous ceux qu’elle avait connus et qui l’avait poussé à se retrouver là. Ici, le temps et l’espace n’existait plus, les yeux grand ouvert, elle ne voyait rien et voyait tout en même temps. Elle était comme une âme en suspend, attendant pour l’éternité quelque chose qui ne viendrait pas. Elle ne c’était jamais vraiment demandé ce qu’il y aurait après, elle espérait juste que ce soit mieux qu’avant, et elle ne c’était pas tromper. Elle se sentait enfin en paix, sans aucun besoin.

Puis tout à coup, tout bascula. La réalité l’avait rattrapé et venait l’arracher à son paradis. La douleur revint mais elle n’ouvrit pas les yeux, de peur de confirmer ce qu’elle savait déjà : elle était toujours en vie. Ou du moins le supposait-elle, mais la douleur lancinante dans tous son corps l’empêchait de mettre ses idées en place. Elle entendait des gens s’agiter autour d’elle, des murmures affolés et des gens qui la palpait, essayait de lui parler et s’inquiétait de savoir si elle les entendait ou pas. Elle ne voulait pas répondre, elle voulait partir, tout quitter pour revenir à son monde utopique dont elle avait fait partie un court instant. Soudain, elle se concentra sur une conversation qui, malgré sa souffrance, l’intéressa car en dépite de la discrétion dont ils faisaient preuve, les deux personnes qui discutait s’interrogeaient sur son devenir et ce qu’ils devaient faire d’elle.

« - Nous ne pouvons pas la laisser mourir, disait l’un
d’une voix douce et posée remplie d’inquiétude.

- Alors que veux-tu faire ? La
transformer ? Lui répondit l’autre d’un ton cinglant dont teintait une
pointe d’ironie et d’incrédulité.

- Non ! Enfin…écoute, ce serais peut être le
mieux à faire, elle agonise et chaque seconde est un pas de plus vers la mort
pour elle, nous ne pouvons pas la laisser comme sa.

- Mais elle c’est elle-même jeté du haut de cette
falaise non ?!  Nous l’avons tous vu
marcher et tomber de son plein gré ! Elle voulait se suicider !

- Ce n’est pas une raison pour la laisser
mourir ! Si elle est encore en vie c’est qu’il doit y avoir une raison. Tu
connais beaucoup de gens qui sautent d’une falaise et en ressortent vivant
toi ? A mon avis ce n’est pas le fruit du hasard si elle a survécue…

- Oh pitié ! Épargne-moi tes discours sur le
destin! Tu sais aussi bien que moi que ce ne sont
que des idioties ! Si elle a survécue c’est simplement car elle a eu de la
chance de ne pas s’empaler sur les rochers. Au lieu de la regarder souffrir le
martyre, je pense que nous devrions l’achever vite, mettons un terme a sa
douleur, Antoine !

Elle frissonna malgré elle ; le ton de l’homme n’avait rien de rassurant en dépit de ces paroles et elle se surprit à espérer que l’homme du nom d’Antoine ne laisse pas l’autre la toucher. A part cela, elle ce demandais ce qu’ils voulaient dire par « transformer » ?
Une autre vague de douleur la traversa et, gémissant, elle perdu le fil de ses
pensées. Autour d’elle, ils l’avaient entendu geindre et s’agitaient autour
d’elle, voulant savoir si elle allait mieux. Elle ne répondit pas et garda les yeux fermé. Quelqu’un posa quelque chose, sûrement une compresse, sur son front et elle sentit la douleur diminué jusqu’à devenir supportable. Elle était épuisée et sombra une deuxième fois.