Oui, c'est très court. J'espère que vous ne m'en voudrez pas. (:

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« Toi et moi savons que j'ai toujours eu du mal à dire ce que je ressentais, en particulier aux personnes qui me sont chères. J'aurais pu commencer cette lettre d'un million de façons différentes, mais nous y voilà, les premiers mots sont posés et je n'ai plus d'issue de secours. Mais si je suis là, maintenant, avec ce crayon à la main, ce n'est pas pour parler de moi mais de toi. Te serais-tu douté un jour que tu aurais face à toi ce bout de papier signé de ma main ?

Je te regarde grandir, t'étoffer, devenir quelqu'un et crois-moi, il n'y a rien de plus effrayant pour un père que d'assister à la métamorphose de ce qu'il a vu naître. Dès que tu as ouvert les yeux pour la première fois de ta vie, j'ai espéré que rien ne te fasse entrave. J'aurais voulu tout contrôler, te mettre à l'abri d'un monde qui m'a souvent déçu, du danger qui menace, des amours fragiles et des erreurs faciles. J'aurais sacrifié mon bon sens pour te garder avec moi, protégé de tout et de tous. Je sais qu'en lisant ces mots, tu dois te demander si c'est bien moi qui les écrit. Je sais que c'est de moi que tu as peur, lorsque tu commets des erreurs. Je sais qu'à tes oreilles, je suis la voix de la colère, que mes actions précèdent mes pensées et que bien souvent, j'ai sévi avant d'écouter ce que tu avais à me dire. Tu es encore jeune, peut-être pas à tes yeux, non, les enfants veulent toujours grandir trop vite, mais pour moi tu restes mon petit garçon qui courait après les goélands pour le simple plaisir. À présent, tu fais tout pour te distinguer de son souvenir, de l'enfant que tu as été, tu laisses pousser tes cheveux, tes vêtements se resserrent, tes sourcils se froncent. Comment t'en faire le reproche ? J'ai été comme toi, et bien pire. J'ai fait des fautes que j'ai regretté, d'autres que je ferais encore. Tu serais étonné de connaître toutes les turpitudes de mon adolescence. Bien sûr, tu crois avoir tout entendu sur nous, mais mieux vaut que tu n'en saches pas trop.

C'est parce que j'ai vécu avant toi que je te déçois parfois. C'est parce que j'ai souffert et fait souffrir que je veux te protéger de toi-même. Tu dois me trouver injuste. Moi, je n'avais pas de parents pour m'interdire quoi que ce soit. C'est pour ça que j'aimerais que tu me comprennes parfois, et que tu me pardonnes un peu.

Tu verras, Aël, que lorsque tu seras père, tu comprendras tout ce que j'ai voulu te dire ici. Si je t'ai un jour blessé, si j'ai un jour agis injustement, je m'en excuse. Mais lorsque je vois ta façon d'affronter les difficultés, les moqueries dont nous sommes les responsables, lorsque je vois ta force et ton courage, je ne peux m'empêcher de penser que c'est en partie grâce à nous. Pardonne-moi pour cet égoïsme. Te voir heureux compte plus à mes yeux que n'importe quoi d'autre. Retiens seulement que ton père et moi avons cette fierté innocente d'avoir su faire de toi un garçon digne.

Je sais que je ne te l'ai jamais dit, j'espère seulement que tu n'en as jamais souffert. Mais je pense qu'il est temps, avant qu'il ne soit trop tard. Je t'aime. »