Pardonnez-moi, j'ignore ce qui m'a pris :p
Bonne lecture!
Le rideau se lève sur une pièce sombre, sans fenêtres, remplie parce ce qui semblent être des instruments de torture faits maison, tous assez farfelus.
Trois hommes nus les regardent comme s’ils venaient de s’éveiller dans cette pièce, les yeux ronds, ébahis. Au mur, un chevalet de peintre semble représenter la crucifixion ; des couteaux de cuisine et des sécateurs à rosiers côtoient des instruments moins conventionnels- un mixeur dénudé, des tessons de bouteille, un harnais d’équitation, un vieux parapluie dont il ne reste que les baleines…
La lumière s’éteint, on entend des pas, des bruits de lutte, un coup sourd, puis plus rien.
Quand elle se rallume quelques secondes après, l’un des hommes a le crâne défoncé et sanglant, les autres cherchent autour d’eux d’un air surpris.
Homme N°1 :
Allons bon, on dirait un vieux remake de film d’horreur.
Homme N°2 :
C’était à prévoir. Moi, je ne suis pas surpris. Bon, puisqu’on va crever…
Il se saisit d’un chalumeau accroché au mur et tente d’allumer une cigarette qui traînait dans un coin, ne réussit qu’à faire prendre feu au chevalet. Il hausse les épaules et ne tente même pas d’éteindre.
Homme N°1 :
Arrêtes avec tes conneries… Dans les films, ils font au moins semblant d’essayer de s’en sortir, de s’échapper, de trouver une porte ! Gardes-moi ce chalumeau pour autre chose. Tu vois bien que quelqu’un a flingué José, il va forcément s’en prendre à nous maintenant.
Homme N°2 :
C’est bien pour ça que je m’en grille une, réfléchis ! Même si le héros s’en sort en général pour les besoins du film, c’est la boucherie et le parcours du combattant pour les autres. Un survivant, et une bonne moyenne de cinq à dix morts. Franchement, j’aime mieux attendre pénard.
Il s’assied tranquillement après avoir allumé sa cigarette au feu du chevalet qui finit de se consumer.
L’autre fait le tour de la pièce, désœuvré, cherchant vaguement une sortie. Une unique porte de métal est solidement bouclée.
Homme N°1 :
Ce serait quand même bon de sortir. Remarque, avec José, ç’a été rapide, on n’est pas tombés sur un de ces vicieux qui torturent. J’avais un peu peur en voyant le chaudron là-bas ; ça faisait moyenâgeux.
Homme N°2 :
Ah, bien ! Donnes-lui des idées, tant que tu y es. Imagines qu’il nous écoute !
Homme N°1 :
Et qui te dit que c’est un homme, hein ? T’es vraiment dépassé, mon pauvre. Tous ces machins castrateurs au mur, c’est typiquement féminin. On croirait l’imagination de feu ma mère le jour où elle a découvert que papa la faisait cocue.
Homme N°2 :
Tais-toi, tu n’as même pas de femme. J’espère qu’il t’aura en premier, tiens ! Une femme… C’est pas permis d’être stupide à ce point. Tu as dit toi-même que ça avait l’air d’un remake de film d’horreur : tu en vois souvent, toi, des gonzesses y aller au chalumeau, dans ces films ? Non, quitte à taper dans le cliché, je parierais sur un homme.
Homme N°1, s’échauffant :
C’est parce que tu n’as aucune imagination ! Tu n’en as jamais eu, de toute façons, déjà en primaire tu copiais quand on devait écrire une histoire pour la maîtresse…
Homme N°2, un peu vexé :
Oui, mais j’ai l’esprit pratique. Chacun ses dons.
Homme N°1,ricanant :
Ah ! Ben on peut dire qu’ils vont nous servir, nos dons ! On va bien rire quand il ou elle se pointera, avec nos analgésies congénitales. C’est vraiment le gros lot.
Homme N°2 :
Mais tais-toi donc une fois dans ta vie ! Je te dis qu’on pourrait nous écouter, là !
Homme N°1 :
Et il a fait médecine aussi, ton tueur psychopathe qui écoute aux portes ? Personne ne sait ce que c’est que ce truc-là, hormis nous et nos foutus médecins.
L’Homme N°1 se lève, donne un petit coup du bout de sa chaussure dans le cadavre de José pour vérifier qu’il soit bien mort, puis retourne examiner les instruments suspendus à côté des cendres du chevalet.
Homme N°1 :
Dis donc, il se presse pas.
Homme N°2 :
Il veut peut-être nous laisser crever de faim, ou de soif…
Homme N°1 :
Et pour José ? Non, il veut faire monter la tension, c’est clair. D’ailleurs, tu as peut-être raison, si ça se trouve il écoute. Ca doit le distraire.
Il soupire.
Il faut avouer qu’il y a bien peu de bonnes distractions, de nos jours…
Homme N°2, criant vers la porte :
Allez, viens ! Ici, on a plein de bonne viande à griller au chalumeau…
L’homme N°1 pouffe de rire en regardant en coin le corps de José, d’un air un peu coupable tout de même.
Il reprend son sérieux, comme pris en faute, quand la porte métallique s’ouvre enfin. Il réfrène un fou rire en entendant son compagnon murmurer : « Sésame, ouvres-toi ! »
Le Tueur :
Alors comme ça, vous êtes impatients de vous faire griller la viande ? Je vais vous apprendre à faire les malins, moi…
Il s’approche du chaudron moyenâgeux et y verse un liquide puant l’huile de friteuse rance.
Homme N°2 , chuchotant :
Je t’avais bien dit que c’était un homme.
Homme N°1, de même :
Je t’avais bien dit qu’il écoutait, et que ce chaudron était louche.
Le Tueur :
Bon, c’est pas fini, les comiques ? Vous allez me faire le plaisir d’aller au fond de la salle, là, vers les chaînes…
Il pointe vaguement du doigt un recoin sombre, dallé de pierres, auxquelles sont accrochées des menottes et des entraves diverses. Les deux hommes s’exécutent docilement, comme deux enfants punis. Le tueur, un géant un peu empâté, semble ne plus savoir que faire de ses deux énormes mains.
Il regrette de ne pas avoir pris d’armes, rassuré de les voir tout de même obéissants.
Le Tueur, d’une voix qui se veut assurée :
Bon, ne bougez pas, je vais vous mettre les menottes… Vous d’abord.
Homme N°1 :
Ah non, s’il vous plaît, moi en premier… J’avais parié que vous étiez une femme, comprenez, je dois bien cela à mon ami qui a gagné…
Homme N°2 :
Non, écoutes, arrêtes de toujours ramener la couverture à toi. Il a dit moi d’abord, ça veut dire ce que ça veut dire ! Tu as qu’à regarder.
Homme N°1, cédant le passage vers son ami d’un geste courtois :
C’est pas parce qu’il t’attachera en premier que ce sera toi le premier tué, mon vieux.
Le Tueur :
Ca suffit, je vais vous attacher tous les deux, vos gueules maintenant !
Les deux hommes se laissent menotter, debout contre la pierre humide, un peu penauds à l’idée d’avoir froissé le Tueur qui tire un peu sur les chaînes pour la forme.
Le Tueur :
Et pas un mot, sinon je vous découpe la langue !
Il rit et file chercher un des sécateurs suspendus dans la pièce. Pendant ce temps, les hommes continuent leur conversation.
Homme N°2 :
C’est malin, avec tes conneries, tu nous l’as foutu de mauvais poil. Ca va durer des heures, maintenant…
Homme N°1 :
Qu’est-ce qu’on va se faire chier ! Tu crois qu’on devrait le prévenir ?
Homme N°2 :
Et perdre notre seul moyen de se divertir un peu ?
Le Tueur, de retour, les entend parler et devient rouge, rouge, le sang lui monte à la tête. A ce moment, il brandit le sécateur et de colère coupe le petit doigt de l’Homme N°2.
Homme N°1 :
Ah, c’est malin, avec tes conneries, t’as perdu un doigt.
L’homme N°2 semble seulement s’apercevoir de la perte de son appendice, se tourne vers le Tueur d’un air surpris.
Homme N°2 :
Vous n’aviez pas besoin de ça. Vous pouviez aussi toussoter, si vous vouliez qu’on vous prête attention. Tout le monde le fait.
Homme N°1 :
Et voilà, ça commence. Crétin, il va te découper en rondelles, pas quémander un regard maternel aimant…
Homme N°2 :
Pourtant, parfois, ça fait drôlement du bien. Et puis couper des bouts d’humains n’a jamais résolu de problèmes.
Il se tourne vers le Tueur.
Vous le saviez ?
Homme N°1 :
Tu comptes aussi lui payer une thérapie ? Bon, allez, crevez-le moi vite, j’en peux plus de l’entendre !
Le Tueur :
Dites, c’est quand même moi qui décide !
Homme N°2 :
Bien entendu. D’ailleurs, ce n’est qu’une suggestion, mais si vous voulez commencer par lui, j’accepte de lui laisser le rôle intéressant. Il avait l’air d’y tenir, tout à l’heure.
Le Tueur, interrogateur et comme en plein doute :
Mais… Je vous fait pas peur ?
Homme N°1, fusillant son ami du regard :
Si, si, bien sûr.
Homme N°2, tentant de se rattraper :
D’ailleurs, j’ai bien failli faire dans mon pantalon tout à l’heure, quand vous m’avez coupé le doigt… Si, si, je vous assure…
Le Tueur, ragaillardi :
Ah !... Ca me fait un bien, ce que vous me dites, vous n’imaginez pas !.. Tiens, je vous laisserais bien partir !
Homme N°1, galamment :
Je vous offre un de mes doigts également, si cela peut vous faire plaisir…
Le Tueur :
Vraiment ? Oh, c’est trop… Je… Je ne suis pas sûr de pouvoir accepter.
Homme N°1 :
Mais je vous en prie !
Le tueur s’approche en rougissant, tend timidement le sécateur sous l’œil bienveillant de l’Homme N°1 qui est presque attendri, et commence à hésiter entre les doigts.
Homme N°2 :
Vous pourriez lui prendre le petit doigt aussi, il s’en sert moins que les autres.
Homme N°1 :
Ne lui gâche pas son plaisir ! Prenez n’importe lequel, celui que vous voudrez…
Le Tueur :
Bon, puisque vous insistez, je prends celui-là.
Il coupe l’index de l’Homme N°1 avec un air réjoui digne des fêtes de fin d’année, puis le contemple un instant en le faisant rouler entre ses doigts, ravi.
Le Tueur,ému :
Bon, ben… Je vais vous détacher, hein…
Homme N°1, enfin libéré :
Je ne vous serre pas la main, je risquerai de vous tâcher de sang…
Homme N°2 :
Auriez-vous par hasard gardé nos vêtements ? Ce sera plus commode, pour sortir.
Le Tueur :
Ah… Désolé, je les ai brûlés. Comprenez, je pensais pas que vous ressortiriez.
Homme N°1 :
Il n’y a pas de mal, voyons.
Le Tueur :
Si vous voulez, j’ai deux tabliers. Ils sont à ma femme, mais ils sont plutôt mignons.
Homme N°2 :
Cela fera parfaitement l’affaire !
Le Tueur sort avec un air réjoui, revient avec deux petits tabliers à fleurs. Les hommes les enfilent avec des petits cris de ravissement, saluent une dernière fois le tueur, et quittent la pièce sans un regard pour José.
FIN
Voilà, pardon!
Pour info, l'analgésie congénitale est une maladie se traduisant par une insensibilité à la douleur.
Cette idée m'est venue dans mon bain, n'est pas sérieuse, j'espère juste vous avoir fait sourire...
A très bientôt,
Masa |