Premier pas. Tomber amoureux. C'était arrivé comme cela, doucement, lentement, au rythme du train du quai 9 ¾. Au début, c'était uniquement Lily. Lily rimait avec « amie ». Ultérieurement, Lily avait rimé avec « confidente et meilleure amie ». Et rapidement, Lily finit par rimer avec « amour de ma vie ».
Rogue attendait, mort de peur et pourtant avec un calme olympien que lui-même trouvait étrange. C'était écrit. Lily et lui. Il craignait Potter de loin, comme un rival déjà éliminé. Rogue était confiant.
Et rien. Heurter Lily, la jeter, la balayer. D'un coup, un unique coup. Implorer, prier Lily. Il avait traîné à terre, attendant un pardon qui ne devait en aucune façon venir, improbable qu'il était. Endurer l'éloignement et l'ignorance de Lily. Partir de Poudlard, un rêve morbide en tête, et vouloir n'y revenir qu'en meurtrier.
Deuxième pas. Dire « J'accepte ». Dire un mot, un unique mot. Le prononcer comme une fatalité et celer un futur en un ultime halètement. Ne juger que peu l'impact à venir pour la vie à mener, être totalement centré et ancré à l'actuel, à l'immédiat du moment.
Rogue n'écoutait que rarement cette ardeur de l'acte qu'un autre lui dictait. Chaque choix devait être mûrement réfléchit avant d'être approuvé. Cependant, ce qui avait eu lieu cette nuit là ne lui permettait de cogiter que peu, et il était totalement obnubilé par la même mélodie laconique qui vrillait, fouillait et occupait le moindre mouvement intellectuel qu'il effectuait : « Morte, morte, morte. » Telle était la ritournelle macabre que lui chantonnait une voix au timbre cruel.
En hommage à Lily, il avait dit « oui ».
Pénultième pas. Courir. Fuir comme il le pouvait, rapidement, courir comme un fou et partir loin. Traquer, chercher l'infirme information qui ne le deviendrait que davantage au fil du chemin à parcourir. Rapporter à l'Ordre et repartir, continuellement à l'affut. Il attendait, d'heure en heure, taupe au milieu du repère de la vipère.
La vie ne coutait rien, en ce lieu. Il pouvait la perdre n'importe quand. Il pouvait mourir... Cela ne le touchait qu'à peine, l'idée en devenait, à la longue, pratiquement charmante. Il ne prétendait en aucune façon briguer la mort, pourtant le concept lui-même était acceptable. Cela n'avait en réalité aucun type d'importance. Éducateur le jour d'un domaine trouvé peu attractif, cafard la nuit pour un motif noble et cependant tellement regrettable. Rogue n'avait rien à attendre de cette vie, pourtant il la menait, réglée comme une marche militaire.
Ultime pas. Mourir. Mourir en fixant l'enfant de Lily. Mourir en fixant l'enfant de Potter. Rogue était mort noyé à l'intérieur du vert émeraude qu'il idolâtrait. Mort entre ciel et terre, entre gloire et boue, entre vert et bleu, entre Lily et Voldemort. Mort en l'oeil de Lily. Mort, enfin. Mort à la fin.
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