Partie 1 : Harcesis Hell La nuit était tombée depuis déjà deux heures sur la petite ville de Loth. Voilà le genre d'introduction traditionnelle à laquelle on s’attend au début de n’importe quelle histoire de fiction. Oui, mais voilà. L’histoire qui va suivre n’est pas ce que l’on pourrait appeler n’importe quelle histoire de fiction. Il se trouve que ce que j’écris à présent dans l’espoir que vous le lirez sans courir le moindre danger, ce dont je doute légèrement, est assez curieux. Autant pour moi qui essaye de vous relater cette aventure sans omettre aucun détail, autant pour vous, lecteurs, qui pourraient ne pas croire à mes écris, ce qui je dois dire me désolerais pour vous. Enfin, nous ne sommes pas maître de notre propre destin. Nous ne sommes pas maître de notre propre destin. Phrase bien connue de n’importe quelle personne se trouvant au devant d’une entreprise déplorable ou proche de l’être, et subodorant un ennui à venir. Je n’étais pas maître de mon propre destin lorsque j’ouvris le livre trouvé devant la porte de la bibliothèque du troisième étage, ne prenant pas garde au titre de l’ouvrage, titre que je ne vous dévoilerais pas par crainte que vous ne cherchiez à le trouver. Malgré tout cela, la phrase : « La nuit était tombée depuis déjà deux heures sur la petite ville de Loth » Est effectivement le début de mon récit. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences trompeuses des premiers paragraphes d’un texte. La nuit était tombée depuis déjà deux heures sur la petite ville de Loth et Darius Dark sortit sur le trottoir devant sa maison, absolument semblable aux autres maisons du quartier résidentiel qu’il habitait depuis un mois avec sa fille, Elise Dark, et son chat. J’étais, je m’en souviens parfaitement, accoudée à ma fenêtre à cet instant. Je résidais à cette époque dans la maison située en face de celle de Darius et aussi loin que je m’en souvienne, c’était un jeune homme charmant bien qu’un peu singulier. Lors d’un après midi ensoleillé du mois de juin, nous prenions tous deux le thé dans son jardin, le temps était délicieux et les fleurs commençaient déjà à poindre, lorsqu’il commença à me parler d’une dénommée Julia, qui apparemment, se trouvait être la défunte mère de sa fille, Elise. Aussi curieux que j’eusse pu trouver cela, Julia était la cousine germaine de Darius, donnant donc à Elise toute la beauté des enfants de ménages consanguins. Elle arborait les traits fins et délicats, presque aristocratique de son père et d’après ce que m’avait dit celui-ci, sa magnifique chevelure nuit lui venait de feue sa mère. Elle présentait un teint pâle, presque souffreteux, et des membres minces et déliés. Dire qu’elle était ravissante fut à l’époque un euphémisme sérieux. Son arrivée dans l'établissement des sœurs de Ste madeleine fut vivement remarqué ainsi, elle et son père suscitèrent de nombreux commentaires dans toute la ville. "Qui était donc ces nouveaux venus qui s’installaient sur Blind Avenue ? Dans la maison n°7 qui plus est, résidence inoccupée depuis des années à cause du voisin d’en face qui était un peu lunatique sur les bords. Comment cet homme qui avait au premier abord parut si respectable pouvait-il fréquenter cet uluberlu fils de morphinomane qu’était Harcesis Hell ?" _ Harcesis ; M’avait-il donc dit un soir que nous conversions devant la cheminée et que je lui avais posé la question ; Je me moque de ce que peut penser le monde, tant qu’il me permet de vivre en paix. Puis, en souriant avec malice, il remontait du bout d’un de ses doigts blafards la monture de mes petites lunettes rondes sur le haut mon nez constellé de taches de rousseurs, s’accordant effroyablement avec mes cheveux roux et mes yeux d’un vert-bleu glauque et presque aussi funeste que cette histoire. Ce soir là, lorsqu’il sortit sur le perron de sa maison, j’aurais pu m’attendre à tous. A un incendie, une invasion barbare, un sabbat démoniaque en pleine rue, une météorite s’abattant sur la maison de Mme Tatin m’aurait même fait un peu plaisir, mais non. Définitivement non, je n’aurais jamais pu ne serait ce qu'esquisser l’idée que cela était possible. Darius fit trois pas hors de chez lui, tourna la tête de tous cotés, l’air légèrement inquiet et ses yeux finirent par s'immobiliser sur quelque chose qui semblait le terrifier. Il recula de quelques pas et prit d’une sorte de frayeur indicible il courut et rentra dans ma maison, oubliant de frapper. Je descendit immédiatement pour comprendre la raison de cette intrusion peu courtoise et restais figé sur cette expression qui me hante toujours. Il paraissait avoir pleuré, chose que je ne me serais jamais imaginé venant de lui, et fatigué, son teint naturellement pâle était devenu blafard. Il tremblait et ses yeux s’égaraient un peu, ne sachant pas où se poser. Darius, qui d’ordinaire me semblait si sûr de lui, si fort, se dévoilait dans toute sa fragilité au milieu de mon hall d’entrée. Je murmurais. _ Mon dieu Darius, qu’est ce qu’il se passe ? Il m’attrapa le bras et le serra avec une force peu commune. Je le regardais un peu soucieux de ce qui faisait un tel effet à mon ami. _ Harcesis, il faut faire quelque chose. Mon Elise, il l’a prit !! _ Elise ? Qui ? De quoi parlez-vous enfin ? Je n’entends rien à ce que vous dites ! _ Vlad. Vlad est venu alors que j’étais absent et il a prit Elise. Il est dehors avec elle. Il me lâcha et fit le tour de lui-même marmonna des mots peu compréhensibles. _ Seigneur dieu, faites qu’il ne lui fasse pas de mal. _ Darius, écoutez-moi. Vous allez venir dans le salon et vous m’expliquerez calmement ce qu’il se passe. Je le conduisit fermement jusqu'à ladite pièce attenante à l’entrée et le fit s’asseoir sur le divan. _ Je vous écoute. _ Vlad est dehors vous dis-je, et il a Elise avec lui. Faites quelques choses Harcesis, vous êtes un Hell ! Je restais quelques secondes abasourdit par ses paroles. Qui diable était donc ce Vlad ? _ Darius, si vous ne m’expliquez pas plus que cela, je ne pourrais pas faire grand chose, quand bien même je serais un Hell… ! Il se leva et me regardant gravement il me demanda de le suivre. _ Je vous demande de me suivre Harcesis. Il se dirigea vers mes escaliers et à ma grande stupéfaction, les gravit avec un geste pour moi, m’indiquant de bien vouloir me dépêcher. Voilà. Nous y sommes. Le véritable point de départ de mon histoire est à quelques lignes de vos yeux, et je vous vois continuer à lire. Je ne sais si écrire ce récit fut une bonne ou mauvaise idée mais je l’ai fait, tout comme vous ne savez pas encore si lire ce récit fut une bonne ou une mauvaise idée. Mais c’est ainsi, oui, c’est à ce moment là que je me rendis bien compte que je n’étais pas maître de mon destin. Une fois les trois étages gravis, je me trouvais seul sur le palier, face à une unique porte. Darius n’était plus en vue et lorsque je voulus ouvrir la porte, je me rendis compte qu’elle était close. Mon dieu, mais où était Darius ? _ Darius ? J’avais beau appeler, rien ni personne ne me répondait. Je me résolu alors à descendre lorsque quelque chose attira mon attention. Un livre était posé sur le pas de la porte. Je le fixais pendant quelques secondes, persuadé qu’il n’était pas là lorsque j’étais arrivé mais pensant qu’il s’agissait d’une étourderie, je le ramassais. Le titre me revient encore en mémoire, doré sur une couverture de cuir rouge. A suivre. |