Gotye - Somebody that I used to know
L’appartement était totalement dévasté. Renversés, les meubles et les objets jonchaient le sol et on aurait pu croire à un cambriolage. On aurait pu croire à une tornade, un carnage, un évènement incontrôlable qui entre, détruit tout, et ressort sans demander son reste. On aurait pu croire un tas de choses, et en regardant bien, on l’aurait vu. Au milieu de la pièce, seul, poing serrés, joues mouillées. Essoufflé, le cœur en miette, les jambes tremblantes. Le comprendre aurait été difficile, mais on aurait été soufflé par tant de haine et de souffrance sur un seul visage. Pourquoi, comment ? Le ravage dans son cœur l’a rendu incontrôlable, les brûlures dans son ventre l’ont rendu fou. Il n’a rien contrôlé, a laissé faire. Tout est brisé, tout n’est que le reflet de lui-même. Et la plus grande douleur réside dans le fait qu’il en est conscient. Il sait ce qu’il a fait pourquoi. Il avance au milieu des débris, les pousse, les regarde, les jauge. Il jauge sa peine et se dit qu’il est sérieusement au plus bas. Qu’il va falloir crisper fort toute sa volonté pour remonter cette foutue pente. Et là, au fond du couloir, il la voit. Le cadre est cassé, le verre éparpillée, mais elle n’a rien. Il attrape le papier glacé entre ses doigts tremblants et regarde. Fixe. Imprègne. Il le regarde lui, son sourire, ses yeux, son regard. Son tout qui fait qu’il sent trop fort son cœur battre. Il va s’asseoir sans s’en rendre compte et se rappelle. Ses mains tremblent, tout son corps refuse, mais il ne peut pas faire autrement. Son poing s’abat sur la table basse et il le regarde encore. Et il se rappelle.
C’est comme attraper son cœur entre ses mains et le serrer. Fort, si fort. Le regarder souffrir et presque aimer ça. Ils s’étaient aimés, ils s’étaient détesté, ils s’étaient battus pour eux. Il avait fait tous les efforts du monde et s’était rendu malade. Mais pourquoi se rendre malade, pourquoi se battre pour du vent ? Pourquoi tout ça ? Ils s’étaient rendu compte que non, ça n’irait pas. Amour trop fort ou trop mauvais, amour destructeur qui a ravagé leurs cœurs. Ils avaient parlé longtemps, avaient crié. Tout ça pour quoi ? Tout ça pour quoi ? Sa gorge hurle et son poing frappe à nouveau. Tout ça parce qu’ils s’aimaient. Il le sait, il le sent, son ventre se tord et sa poitrine souffre. C’est là, au fond de ses entrailles. Il le sent, le ressent, c’est douloureux. Et ça ne devrait pas l’être.
Alors ils se sont séparés. Il revoit les images et se lève. Ils s’étaient assis autour de la table, avaient déjeuné, s’étaient regardé. Et sans même un mot, sans quoi que ce soit, ils s’étaient souri. Ses cordes vocales souffrent. Sourire faux et sourire douloureux, qui a tout tué. Alors lui, lui s’était levé et était parti dans la chambre. Il avait passé un coup de fil et était revenu. Un miroir se brise et le sang coule, mais comment le sentir ? Quand la peine est trop grande, comment sentir quelque chose de si futile ? Il avait caressé sa joue, avait soufflé les mots destructeurs, on reste amis, c’est mieux, je t’aime. Et il était parti.
Il s’assoit et essuie rageusement ses larmes. Parce qu’il avait cru, il avait cru à ça. On ne peut pas vivre sans la personne qu’on aime, non, non, on ne peut pas ! Il hurle et frappe, jette les photos et les cadres, voudrait se jeter lui-même mais ce serait trop simple ! Parce qu’il l’aime, ouais, oh oui. Mais on ne s’en rend compte qu’une fois perdu, hein, c’est vrai. Il l’a appelé, en riant, en se disant qu’ils étaient stupides. Mais il n’a jamais répondu. Et le monde a fini de s’effondrer sous ses pieds. Il l’a senti, en lui, le déchirement. La fissure, le coup, la brûlure. Comme de l’acide en injection directe dans le cœur. Décomposition, il a compris. Il ne reviendrait pas, jamais, fin de la relation. Il ne lui parlerait plus, jamais, fin de tout. Fin des temps heureux et il aurait pu mourir de douleur. Sa main sur sa poitrine, il se sent défaillir et frappe encore. La photo de leurs mains liées, et il étouffe. Il se rappelle comprendre que tout est de sa faute.
Parce qu’il aime trop tôt, parce qu’il aime trop vite, parce qu’il n’oublie jamais. Il vit dans le passé et sa main tient son ventre. Il voit son regard plongé dans le sien, ses yeux qui lui disent qu’il doit avancer pour vivre leur amour. Il voit sa bouche l’aimer si fort et le supplier qu’il soit le seul. Il s’écroule. Il ne pourra jamais.
Il s’allonge doucement en fermant les yeux. Pour ne rien voir, effacer ses pensées, effacer ses souvenirs, effacer ses fautes, et le faire revenir. Parce qu’il ne reviendra pas. Et aimer fait mal. Aimer tout le monde fait mal, et perdre le bon tue. Il se redresse en attrapant son téléphone et le jette contre un mur. Il l’a fait souffrir, et maintenant il a fui. Mais il lui en veut. Parce que ça ne peut pas être comme ça. Hurle encore. Parce qu’il ne peut pas ne pas comprendre. Il doit l’aimer, si fort, il doit le porter à bout de bras, il doit être là. En tant que rien, en tant que lui, il doit être là. Et il hurle encore. Deux étrangers en mal d’amour. L’un d’avoir trop aimé, l’autre de s’être perdu au milieu des autres. Pourquoi ? C’est comme vivre un cauchemar au ralenti, et sa main tient son cœur. Il va à la fenêtre et respire fort. C’est comme être mort à l’intérieur.
C’est cette sensation horrible. Ce mal-être si fort. De prendre conscience que maintenant, on ne sera que quelqu’un qu’il a connu un jour. |