C'était un vieil homme. Un vieil homme aux cheveux gris, tout fripé et rabougri. Assis sur le toit d'un immeuble, il réfléchissait.
Sa vie, il l'avait passé à essayer de détruire une certaine personne.
En échouant lamentablement à chaque fois. Parfois il était vaincu de justesse. D'autres il n'avait clairement aucune chance. Mais à tous les coups, c'était l'échec qui se présentait à lui. La défaite venait le frapper de plein fouet et lui laissait un goût amer en bouche.
Pourtant, il n'abandonnait jamais. A chaque fois il récidivait. Pourquoi cela ? Etait-ce de la volonté ? Un refus d'abandonner même après des dizaines d'essais ? Nul ne le sait.
Et encore et encore, coup après coup, il se faisait battre. Inexorablement.
Mais pas cette fois. Cette fois c'était différent.
...
Il avait réussi. Il avait enfin détruit son ennemi.
...
Le voilà alors, assis sur le rebord de ce toit, tenant la tête de cet ennemi maudit mille fois au dessus du vide. Ce gigantesque abîme semblait vouloir l'attirer, le faire chuter dans l'infini de son immensité.
Mais cela, il n'y prêtait aucune attention. Il regardait le visage désormais inerte et se posait des questions sur son être.
Il avait enfin détruit celui qu'il avait tant haï, alors pourquoi ce désespoir ?
Il avait enfin accompli le but de sa vie, alors pourquoi ressentait-il un tel vide ?
Il avait désormais tout pour lui. Tout ce qu'il pouvait contempler depuis ce sommet lui appartenait. C'est ce qu'il avait toujours voulu.
Mais dans ce cas, pourquoi ne parvenait-il pas à ressentir de la joie, ou même seulement de la satisfaction ?
...
Bien qu'il se posait toutes ces questions, il en connaissait parfaitement les réponses. Il ne parvenait juste pas à les accepter.
C'était impossible pour lui de les accepter.
Mais pourtant, il le fallait. Il ne pouvait pas continuer à se torturer l'esprit ainsi. Il devait se libérer. Réaliser ce qu'il avait toujours renié.
...
Il avait passé tant d'années à combattre cet ennemi. A modifier, améliorer ses plans pour mieux le mettre en déroute. A redoubler d'ingéniosité afin de lui résister. Tant de temps, tant d'efforts déployés.
Et maintenant, c'était fini. Et le désespoir l'envahit.
Car cette bataille infinie, cette lutte sans merci était ce qui le faisait vivre. Il ne se sentait exister que de cette manière.
Et maintenant que tout était terminé, qu'il avait atteint son but, que lui restait-t-il ? Rien.
Il était le maître de la ville, il pouvait faire absolument tout ce qu'il voulait, mais le problème est là : il ne voulait rien.
Rien d'autre que lutter contre son cher ennemi. Car c'était là que résidait sa raison de vivre.
Il est désespérément seul.
Son existence est vide sur la Terre.
...
Il se leva alors, se tint droit, les cheveux au vent, et contempla l'horizon. Exactement comme cet ennemi haï a pu le faire un peu avant le début de leur deuxième bataille.
C'est pour cela qu'il avait choisi cet immeuble. En mémoire de cette seconde bataille. La meilleure, en son sens. La plus serrée, la plus riche en moments forts. Celle où ils ont tous deux frôlé la mort.
...
Alors que l'aube arrivait, baignant la ville de sa lumière encore pâle, le Dr. Wily huma une dernière fois l'air du haut de cet immeuble, ferma les yeux, puis se laissa tomber en avant.
"La destination n'est pas importante. Ce qui compte, c'est le voyage" Robert Louis Stevenson |