Os, maman pleurait.
Mot de l'auteure:
Ce OS traînait sur mon IPad depuis un moment, je l'avais écrit le 8 janvier pour un anniversaire de mort puis je l'ai oublié. Je l'ai retrouvé il y a peu et je l'ai peaufiné pour le publier. Pendant le premier jet, j'étais en pleine dépression, et je l'ai corrigé le 10 août. Voilà pour le blabla sur l'histoire de cette histoire et bonne lecture!
Maman pleurait.
Enfant, je me demandais toujours pourquoi elle avait l'air si triste, pourquoi marchait- elle toujours légèrement en avant, pourquoi certaines personnes la traitaient comme une personne fragile sur le point de se briser.
Maman pleurait.
Elle pleurait en nous regardant, moi et mon frère quand nous jouions dans le jardin.
Maman pleurait
Elle semblait si désespérée quand papa se blessait, avait une expression si triste quand elle voyait la jambe de papa. Quand j'étais petite, je pensais que tous les papas avaient une jambe en fer, qui sonnait à chaque pas.
Maman pleurait
Elle pleurait le soir, avant de se coucher, elle pleurait quand on lui demandait de parler de grand père, de son enfance, elle s’arrachait les cheveux comme un oiseau s’arrache les plumes.
Maman pleurait
Elle pleurait quand Gale, un ami de la famille venait nous rendre visite, avec sa femme de temps en temps, souvent sans. Papa le regardait, une flamme de défi dans les yeux, puis ils s'enfermaient tous les trois dans le bureau de maman, on l'entendait crier et des fois certaines phrases comme "C'est de ta faute qu'elle est morte!" nous parvenaient au dessus des cris. On se regardait mon frère et moi, interloqués.
Maman pleurait
Elle fondait en larmes quand on lui demandait d'intervenir dans une des classes des grands de l'école. Puis elle prenait sur elle
Maman pleurait
Maintenant, je connais la cause de ses larmes, du haut de mes quatorze ans, j'ai étudié son expérience dans les livres d'histoire, je l'ai vu intervenir et nous parler des Hunger Games sous la fascination de la classe lui posant des questions déplacées telles que: ça fait quoi de tuer? Elle disait que c'était plus facile que ça en avait l'air, l'instinct guidait le corps afin de survivre.
Maman pleurait en visionnant les cassettes de cette époque révolue. Elle se faisait mal en sélectionnant des cassettes de nombreux cartons. Certains jeux revenaient plus souvent que d'autres: le vingt cinquième, le cinquantième, le soixante cinquième, les soixante quatorze et soixante quinzièmes...
Maman criait
Je m'en suis rendue compte quand elle rangeait la maison, elle nous avait envoyés chez l'épicier mon frère et moi, à l'autre bout du district et j'avais oublié le porte monnaie. Je la voyais retourner les caisses, les monter au grenier à toute vitesse puis se résigner et les redescendre dans un cri, une cassette de spots de propagande à la main, Papa lui frottait le bras, lui disait qu'elle se faisait mal, et il avait bien raison, le geai perdait espoir...
Maman pleurait
Mais maintenant, ses larmes se sont taries, elles appartiennent au passé, remplacées par des larmes de sang tandis que son corps était à terre.
Maman ne pleure plus, elle ne pleurera plus jamais
Elle est morte, s'est finalement brisée, arrachée de terre par la trop grande lourdeur de son passé, elle ne pouvait plus ployer comme le roseau, s'est taillé les veines du bras au niveau d'une des cicatrices de ses batailles. Ses ailes se sont arrachées et maintenant, elle est avec les anges. Papa à dit à mon frère qu'elle est allée rejoindre ses parents et sa sœur. Je ne savais même pas que j'avais une tante, elle devait être morte pendant la révolte.
Je pense que le petit a à peu près compris, dans notre famille, la mort est si familière... On ne connaît pas nos familles, mis à part notre grand mère maternelle, qui avait l'air aussi fragile que maman.
Maman ne pleure plus. Elle ne peut plus pleurer. Elle est maintenant heureuse, avec sa famille gâchée. Un jour, on la reverra, elle et son tempérament de feu, ses robes enflammées et magnifiques sur son chariot la menant à l'échafaud, tiré par des chevaux noirs. Je lui en veux, mais en même temps, je la comprends.
Maman pleurait, elle pleurait toujours, mais maintenant, comme je regrette de ne plus revoir ses larmes...
|