C'est la première fiction originale que j'ai faite et l'idée m'a été donnée (imposée, en fait, puisque c'était un genre de défi) par une amie, auteur elle aussi et qui publie sous le pseudonyme d'Ardha sur fanfiction.net. Et peut-être un jour sur Manyfics, qui sait... ;)
Voici doncLe plus beau jour de ma vie! Enjoy !
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Au dehors, les arbres défilent dans la nuit persistante. Mathieu, la tête posée contre la vitre, a fermé les yeux. Il est à peine sept heures et demie du matin. Le moteur du car est comme un immense ronflement, ronflement d’asthmatique. Le froid, le gel, rien de tout ça ne fait de bien aux vieux bus. Il se sent ralentir, entend la porte de devant s’ouvrir dans un soufflement sonore. Il frissonne, se recroqueville un peu. Le froid, le gel, rien de ça ne lui fait de bien non plus.
-Je peux m’asseoir ?
Il rouvre les yeux, un peu. Se retourne vers la jeune fille qui attend, pleine d’espoir, qu’il lui réponde oui. La course est bientôt terminée, le car est bondé.
-Désolé, fait-il las, j’attends quelqu’un.
Elle passe son chemin. Ils passent toujours leur chemin. Que pourraient-ils faire d’autre ? Mathieu referme les yeux. Le prochain arrêt sera le bon. Dans sa semi inconscience, il a l’impression que le bus tourne autour d’un rond-point. Plus que deux kilomètres. Deux kilomètres, et il sera trop tard pour vouloir dormir. Il sourit vaguement à l’idée, comment cet imbécile fait pour être en pleine forme dès le matin ?
-Matt ! Push your sac !
Mathieu sursaute presque, mais obtempère. Son sac de cours se retrouve relégué au même rang que ses baskets.
-Un jour il faudra que tu m’expliques ton remède…
-Très simple, tu veux que je te le dise ?
-Vas-y, étonne-moi.
-Je dors, la nuit.
Les lèvres de Mathieu s’étirent en un sourire vaincu. S’il commence comme ça, ça ne sert même plus à rien d’argumenter.
-T’as pas l’air ravi d’aller au lycée, aujourd’hui.
-Je devrais ?
-Ce n’est pas aujourd’hui que la classe de Pauline revient en cours ?
-C’est vrai ? C’est aujourd’hui ? Merde…
Cyril se retient de ne pas exploser de rire.
-Ah oui je vois, c’est le grand Amour !
-Mais non, c’est pas ça ! Mais je lui avais promis qu’elle aurait un cadeau à son retour…
-T’as oublié ? Pourquoi ça ne m’étonne pas…
-C’est pas que j’ai oublié ! J’ai juste… pas pensé.
Pauline.
-Eh, de toute façon c’est elle qui revient d’Italie, non ? Pas toi ! C’est elle qui devrait de ramener quelque chose !
-Pourquoi tu cries ? Je suis juste à coté…
-T’es lourd quand tu cherches un mensonge pour ta petite amie…
Sa petite amie.
-T’as pris ton livre d’anglais ? Demande-t-il au bout d’un moment.
-Ah ! T’as trouvé ?
-Cyril… C’est vraiment nul ce que tu sous-entends…
-T’as trouvé… Continue-t-il avec un sourire.
-Oui, bon, t’as ton livre d’anglais ou pas ?
-Of course.
-Pas moi.
-C’est drôle, je me serais douté.
Le car ralentit, s’arrête. Tous les pressés qui veulent partir vite se lèvent avant l’immobilisation complète. Cyril en fait partie. Mais lui… ça doit juste être pour le fun. Du moins, d’après ce qu’en pense Mathieu. Parce que quand il s’en va, le laisse tout seul pour quelques minutes, il ne peut jamais s’empêcher de lui envoyer un clin d’œil moqueur. « T’as vu ? Je me casse sans toi ! ». Et Mathieu sourit.
Il repose son sac sur la place de nouveau libre à coté de lui et fouille dans la première poche. Il en sort un briquet et un paquet de cigarettes. On défile toujours dans l’allée. Il tire sur une des cigarettes et range le paquet, met le briquet dans la poche de son jean. Quand il sort il est l’un des derniers. Il pose les pieds sur le bitume et va rejoindre Cyril à quelques mètres. Il ne l’a pas attendu pour allumer la sienne. Le trajet jusqu’au lycée est presque silencieux.
-Alors, tu vas lui dire quoi à Pauline ?
-Pourquoi ?
-Don’t know. Comme ça, pour savoir.
-Ça va lui plaire, t’inquiète pas.
-C’est pas pour elle que je m’inquiète…
Mathieu tourne les yeux vers son ami. Il regarde devant lui, la fumée de sa cigarette est épaissie par la vapeur que forme la chaleur de sa bouche quand il souffle dans l’air glacial de l’hiver.
-De quoi ?
Il le regarde brièvement. Très brièvement.
-Tu l’aimes ?
-Qui ?
-Pauline, évidemment ! Tu vois, c’est pour ça que je m’inquiète. T’as même pas compris de qui je te parlais.
-Attend c’est quoi ça, mon procès ?
-Non ! Mais… je sais pas, t’as l’air ailleurs en ce moment.
Il ne répond rien. Il n’a rien à dire. Il n’y a rien à dire.
-T’as l’air toujours aussi tired, fait Cyril pour détendre un peu l’atmosphère.
-Ton accent est toujours aussi pourri.
-C’est parce que j’en ai pas, on appel ça du franglais.
-Ça a un nom ?
-Très drôle.
-C’est moche.
-C’est pas la première fois que tu me le dis.
-Et certainement pas la dernière.
Ils se regardent quelques secondes, rient un peu. L’incident est clos. Matt soupire, tant mieux… Pauline. C’est vrai qu’il n’y a pas du tout pensé, depuis trois semaines qu’elle est partie. Et ça… c’est mal ? Oui. Il devrait faire plus attention à elle. Elle le tire quand même d’un sacré emmerdement. Elle ne le sait pas, certes… mais le geste n’en est pas moins beau.
Ils prennent quelques courtes minutes pour finir leurs cigarettes en dehors du bâtiment, puis se dirigent tout droit vers les salles bleues.
-T’as lu De Gaulle, un peu ?
-Nan.
-T’abuses, Matt.
-T’en es au combien ?
-Troisième.
-Oh bah ça va, je suis au un. Le milieu à peu près…
-Je vois pas en quoi ça te rassure. T’as vu la taille des machins ? Un chapitre sur sept c’est pas remarquable.
-Et trois alors ?
-C’est déjà deux de plus.
La première sonnerie du matin retentit. La deuxième ?
-On est en retard.
-Qu’est-ce que tu paries que non ?
-Un croissant.
-Je tiens.
Ils montent tranquillement les deux étages qui les séparent de leur salle de littérature. Tout le monde est encore dans le couloir. Mathieu se tourne vers son ami, sourire aux lèvres.
-Tu me dois un croissant.
Cyril soupire longuement en voyant Mme Huston arriver.
-A si peu près… Fait-il, faussement déprimé.
Elle leur ouvre la porte et les fait s’asseoir, le dernier ferme la porte et elle s’apprête à s’excuser de son retard. Elle pourrait s’en passer, depuis le temps qu’ils l’ont… Mais on frappe et elle s’interrompt.
-Oui ?
La porte s’ouvre sur M. le CPE. Au nom si compliquer que personne n’ose l’utiliser.
-Je vous amène un nouvel élève, vous avez certainement due être prévenue, dit-il en s’adressant au professeur.
-Heu… je… Bafouille-t-elle. Oui, bien sûr ça me revient ! M. le proviseur adjoint m’en a parlé.
M. le proviseur adjoint n’a pas spécialement de nom compliqué, mais Mme Huston n’a pas la mémoire des noms.
-Je t’en prie, fait-elle alors que le CPE retourne sur ses pas. Redis-nous rapidement ton nom, que je te note sur ma liste, et va t’asseoir, heu… là-bas, près de la fenêtre !
Léo. Il dit s’appeler Léo Masson. Il a les cheveux bruns, coupés courts, mais pas trop. Les yeux verts. Très verts. De jolis yeux verts. Il est de taille agréablement moyenne. Son manteau est ouvert, son écharpe aussi. Il nage un peu dans ses vêtements. Il a l’air timide… Il est joli garçon. Très joli garçon. Il vient de s’asseoir devant lui, et Mathieu trouve qu’il a un joli dos. Comment peut-on avoir un "joli dos" ?
-Matt, tu rêves, encore… Lui chuchote Cyril à côté de lui.
S’il savait.
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Le cours passe vite, très vite. Mathieu n’en a presque rien retenu. Il faut qu’il parle à ce garçon. C’est presque… viscéral.
-On se retrouve en philo ?
Ce n’était pas vraiment une question, d’ailleurs Mathieu n’a pas répondu et Cyril part déjà vers les salles de maths avec un petit tiers de la classe.
-Salut, moi c’est Mathieu, dit-il en tendant une main au nouveau.
-Heu… salut, répondit-il en la lui serrant un peu.
-Tu fais spé math ou anglais renforcé ?
-Heu… anglais…
Mathieu lui sourit, qu’il se détente un peu.
-Dans ce cas suis-moi, c’est par là.
Il a mit sa main sur son épaule pour le faire se tourner. Il n’aurait peut-être pas dû. Il ne la retire que quand ils marchent dans le bon sens, derrière les autres qui n’ont pas attendu pour aller jusqu’à l’étage du dessous.
-Tu vas voir, la plupart des profs qu’on a sont géniaux. T’étais où avant ?
-A Saint Cora, répondit-il doucement.
-Ah oui ? C’est un lycée privé, non ?
Léo sourit un peu, il a un très joli sourire. Mathieu a soudain envie de les connaître tous, chacun des sourires dont il est capable.
-Ouais… Mais je crois que je préfère le public.
-C’est vrai que le privé n’a pas vraiment bonne réputation dans le coin…
Et Mathieu est bêtement heureux que la conversation ne soit pas trop forcée. Quand il voit la porte de la salle d’anglais se refermer doucement il fait quelques pas rapides et la bloque, empêchant le dernier élève de la rabattre complètement.
-Oh, excuse Matt.
-T’inquiète. Hello, continue-t-il en s’adressant à son professeur.
Il entre et Léo entre à sa suite, incertain de la suite des évènements. Il l’invite à venir s’asseoir près de lui, sans y penser vraiment.
-Oh ! Tu es le nouvel élève ? Fait la professeur avec un fort accent anglais.
-Ou… oui, madame.
-Perfect, perfect, je vais noter ton nom…
-Léo Masson.
-Ok, great, tu t’assois avec Matthew ? Pas de problème, fais attention il parle beaucoup… J’ai corrigé vos devoirs, je suis plutôt satisfaite de vos résultats. Il y a toujours quelques élèves qui ont du mal, mais dans l’ensemble vous vous êtes améliorés depuis le premier trimestre, c’est bien…
Mathieu n’écoute déjà plus.
-Au fait, chuchote-t-il. Pourquoi t’es parti de Saint Cora ? Tu t’es fait virer ?
-Heu… non… C’est un peu compliqué…
-Matthew ! Listen, please…
-Sorry.
-Je vous donne un corrigé avec les…
-C’est compliqué "long" ? Reprend-il. Ou compliqué "compliqué" ?
-Compliqué… "compliqué".
-Ok, j’insiste pas. J’espère que tu te plairas mieux ici.
-Ouais… j’espère aussi.
Il y a vraiment quelque chose de différent chez ce garçon.
-Tu connais quelqu’un dans le lycée ?
-Heu… non, personne.
-Si tu veux tu peux manger avec moi ce midi, il y a juste Cyril et deux trois potes de ES.
-Oh… ok, merci…
-Pas de problème, sourit-il.
Il faudrait peut-être qu’il arrête d’agir comme ça. Il va trouver ça louche. Ce serait dommage. En plus si ça se trouve il est même pas… Ça aussi, ce serait dommage. Un si joli garçon.
-Matthew, très bien…
Mrs Law lui tend sa copie, qu’il prend entre ses doigts. Elle passe son chemin et il ouvre sa copie double, regarde rapidement ses fautes. Puis sourit, c’était un bon devoir… Est-ce que Léo est bon en anglais ? Il relève les yeux pour le lui demander… et tombe sur son regard vert intense déjà posé sur lui. Léo rougit et se retourne vers le tableau. Mathieu n’a même plus la force de bouger. A cet instant, c’est à peine s’il se souvient de son nom. Mathieu n’a jamais cru au coup de foudre. Il vient surement de changer d’avis.
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-T’avais raison, Cyril…
-A propos de quoi ? Demande-t-il distraitement en notant l’étymologie grecque du mot "esprit".
-Je n’aime pas Pauline.
Cyril se tourne lentement vers lui.
-T’es sérieux, là ? Fait-il tout bas.
Oui, bien sûr qu’il l’est. Il ne l’aime pas et il le sait, puisqu’il ne l’a jamais aimée. Elle est… juste sympa. Il se tourne vers son ami mais n’ajoute rien, le temps que Cyril refasse le lien avec la réalité.
-Et… qu’est-ce que tu comptes faire ?
-Je ne sais pas. Je fais surement… rompre.
-Aujourd’hui ?
Mathieu prend le temps de réfléchir. Aujourd’hui… peut-être. Peut-être pas. Pauline revint seulement d’Italie, ce serait peut-être… brutal. Mais en même temps…
Ses yeux se posent sur Léo. Monsieur Roban l’a mit au premier rang. Le pauvre. A quoi pense-t-il ?
-Matt, je t’ai perdu.
-Ah, ouais, pardon.
-Pourquoi tu le fixes ? Il t’a dit quelque chose ? Demande-t-il en suivant son regard.
-Hein ? Non ! Et puis je ne fixe pas…
-Tu fixes tout le temps.
Pas tout à fait faux. Matt prend deux-trois notes. La conscience errante, c’est bien dans le grand deux ?
-T’as été lui parler ?
-Ouais.
-Il est sympa ?
-Il a l’air.
Cyril sort discrètement son portable.
-J’ai un message…
-C’est qui ?
-C’est Pauline. T’as pas le tien ?
-Doit être éteint. Je lui ai proposé de manger avec nous.
-A Pauline ?
-A Léo.
-Ah.
Cyril range son portable, jette un coup d’œil sur la feuille de son ami.
-T’es en retard de deux paragraphes.
-Merde.
-Ça a l’air de profondément te bouleverser…
-Fais gaffe, tu vas me vexer.
Ils sourient. Ce que ce prof peut être rébarbatif…
-Donc… Reprend Cyril. Tu ne manges pas avec elle.
-Qui ça ?
-Pauline.
-Ah, non.
-Tu lui as dit ?
-Je ne l’ai pas vu.
-Tu l’évites ?
-Non…
Le temps flotte un peu entre les deux amis. Matt se retourne vers lui.
-Je ne l’évitais pas, ce matin.
-Et maintenant ?
Matt réoriente son regard sur le tableau blanc, Cyril soupire, un peu.
-Et qu’est-ce qui a changé, depuis ce matin ?
-Je ne sais pas… rien, surement.
Devant le tableau monsieur Roban regarde sa montre.
-Ah, déjà ! Décidément, ça passe vite… En tout cas j’espère que vous avancer bien sur vos dissertations ! Je ne vous rajoute pas de travail supplémentaire.
Mathieu lève les yeux au ciel.
-Meeeerde…
-Pitié, dis-moi que t’as au moins commencé…
Mathieu soupire lentement. Cyril aussi.
-You’re a stupid guy, Matty…
La sonnerie retentit.
-Je ne vous retiens pas, jeune gens ! Bonne journée !
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Dans le couloir, Mathieu attend que Léo sorte. Quand il arrive Cyril lui sert la main.
-Salut.
-Salut…
-Tu veux passer l’heure de perm avec nous ? Demande Mathieu. Le self ouvre pas avant la demi et jusqu’à moins le quart c’est la cohue.
-Heu, ouais, bien sûr, je veux bien… Juste, faut que je passe à l’infirmerie, pour ma dispense de sport…
-Ah ouais ? T’es dispensé ?
Léo hoche doucement la tête, il n’a pas l’air de savoir quoi ajouté. Mathieu se traite d’idiot, cette question était stupide.
-Ok, pas de problème, tu sais où est l’infirmerie ?
-Heu… ouais.
-Ok, on sera au CDI.
-Heu…
Ça c’est Cyril qui se racle la gorge à côté de lui.
-Je ne crois pas, non…
Mathieu le dévisage un instant. Puis se souvient.
-Ah. Oui, non. Heu… On a un pote qu’est… disons qu’est plus le bienvenu au CDI alors… On sera en salle jaune. C’est… dans l’autre bâtiment.
-Ok, fait Léo comme seule réponse. Alors… j’y vais.
Il part en direction de l’infirmerie et Mathieu le regarde un instant. Il est curieux, curieux de savoir pourquoi ce garçon a besoin d’une dispense de sport. Maladie ? Blessure ? Entorse ? Permanent ? Exceptionnel ?
-Mathieu, je t’ai perdu.
-Ah, ouais, désolé.
Un si joli garçon.
-Bon, salle jaune, alors ?
-Ouais.
-Pourquoi t’as dit ça, j’aime pas cette salle…
-De toute façon à cette heure-ci il y a plus de place en J. Et puis les autres y seront.
-Ouais, si tu le dis.
Ils marchent jusqu’à la porte la plus proche et, passant dans la cours, apercevant la grille… Ils s’arrêtent un instant, pensifs. Pendant quelques secondes, le silence est palpable.
-Petite clope, d’abord ?
-Ouais, bonne idée.
Ils dévient légèrement de leur trajectoire. Pour y revenir, quelques minutes plus tard. Dans la salle jaune ils retrouvent Evan, Maxence et Thomas.
-Bah alors les gars, vous étiez passés où ?
-Pause clope, à ton avis !
-Eh, Roban est là ?
Evan, le blond, Maxence, le brun, et Thomas, celui qui espère toujours qu’il n’aura pas philo l’après-midi.
-Bien sûr qu’il est là, répond Cyril en leur serrant la main.
Mathieu l’imite, avant de rallier une table supplémentaire pour pouvoir s’asseoir.
-Dommage.
-Eh ça me fait penser, il y a un nouveau dans notre classe.
-Sérieux ?
-Ouais, Matt l’a invité à manger avec nous.
-Ça vous dérange pas, j’espère ?
Les trois autres se regardent.
-Bah… non.
-Il est sympa ?
-Ouais, je crois.
-Tu crois ? Matt, sérieux ça veut dire quoi, ça ! Rit le blond.
-Oh arrête, t’as très bien comprit !
Tout en parlant Mathieu sort ses affaires. Trousse, agenda, feuilles…
-Qu’est-ce que tu fais ? Lui demande Cyril.
-Bah, je… je sais pas, réflex. Ouais en plus c’est con on n’a rien à faire pour demain…
-Ah si, on a de l’anglais, mais c’est plutôt que tu veuilles le faire qui m’étonnait !
-Eh alors Matt, t’as vu Pauline ce matin ?
Mathieu se retourne vers Maxence. Pauline, il l’avait presque oubliée.
-Non, bah non, on s’est pas croisés…
-Pas trop triste ? Sourit Thomas, moqueur.
-Toi tu ferais mieux de bosser ta philo, le prof nous a filé une interro surprise tout à l’heure…
Tom écarquille les yeux, balise un peu. Cyril sourit mais ne dit rien.
-Arrête ? Tu déconnes là, pas vrai ?
-Je sais pas… Peut-être que je mens juste pour te faire flipper, ou peut-être que je dis la vérité et que je te mets le doute juste pour faire chier…
Près d’eux, les deux autres sont au bord de l’éclat de rire.
-Balise pas Tom ! Rit Evan. Tu sais bien qu’il raconte n’importe quoi !
-En plus il y a déjà la disserte pour la semaine prochaine ! Renchérit Maxence. Il va pas nous rajouter ça en plus !
-Hein ? Quelle disserte ?
Mathieu se retourne vers Cyril, sourire aux lèvres.
-Ah, tu vois ! Il n’y a pas que moi !
Cyril qui lève les yeux au ciel. Et qui tombe sur Léo en ramenant son regard vers la porte, Léo qui arrive tout juste.
-Ah, Léo ! Fait Mathieu en le voyant à son tour. Viens !
Le garçon s’approche, timide devant le regard des autres élèves.
-Prend une chaise, on va se serrer un peu.
Et alors qu’il obtempère, Mathieu continue.
-Donc les gars, c’est Léo. Léo, là il y a Thomas, Maxence et Evan.
-Salut, fait Léo incertain en s’asseyant.
-Salut, répondent les autres d’une même voix.
Mathieu s’apprête à lui demander s’il a facilement trouvé la salle mais deux mains se posent sur ses yeux, fines et fraiches…
-Coucou mon ange !
-Oh ! Pauline ! Fait-il, essayant d’être enthousiaste.
Il pose ses mains sur les siennes et aimerait ne plus jamais voir. Ses chances avec Léo viennent de diminuer de moitié.
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Elle l’embrasse et il s’en veut. Il s’en veut vis-à-vis de Pauline, tant il se sent imposteur auprès d’elle. Vis-à-vis de Léo, aussi. C’est absurde. Il ne le connaît que depuis trois heures. Trois heures déjà. Ils se sont si peu parlé. Il se demande si ses cheveux sont doux. Ils en ont l’air. Il a un peu rougit, il regarde ses mains, il doit se sentir seul. Peut-être embrasse-t-il mieux qu’elle…
-Bon les gars, on va manger ?
-Oh, non, attend ! Emma et Julie ne vont pas tarder.
-Elles sont où, là ? Répond Evan.
-Julie devait passer au secrétariat, elles sont allées ensemble. Mais moi je voulais voir Mathieu… Sourit-elle.
Elle a déjà posé son sac, elle s’invite sur ses genoux.
-Tu ne me demande pas comment s’est passé le voyage ?
-Mais si, comme s’est passé le voyage ?
Elle sourit et l’embrasse.
-Très bien ! J’ai plein de trucs à te raconter !
Il se sent mal.
-Elles sont là ! Fait Thomas. C’est bon, on peut y aller ?
-Ventre à pattes… Commente la première nouvelle venue avec un sourire.
-Vous allez manger, là ? Demande la seconde.
-Ouais ! Fait Evan en prenant son manteau.
-Ah ok, ça marche.
Mathieu ne pensait pas, ce matin, que Pauline et ses amies mangeraient avec eux. Il regarde brièvement Léo. Il ne va plus savoir où se mettre, avec tout ce monde.
Tous se dirigent vers la sortie. Mathieu, la main toujours dans celle de Pauline, essaye de les ralentir, pour s’assurer que Léo les suive.
-Alors, tu viens ? Fait-il en se retournant.
Léo s’approche un peu, finit de mettre son sac sur ses épaules.
-Tu… t’es sûr que ça te dérange pas ?
Matt lui sourit. Ce type est vraiment trop mignon.
-Mais non, t’inquiète, il n’y a aucun souci.
-Ok…
Il l’incite d’une main à les suivre et passe brièvement sa main sur son épaule. Amical. Il se sent… adultère. C’est ridicule. Ridicule mais lourd. Ils rejoignent les autres et très vite se retrouvent coincé dans la queue interminable du self de midi moins vingt. Ah, si ses amis n’étaient pas si voraces, ils auraient pu éviter les bouchons… Mais là n’est pas sa principale préoccupation.
-Alors t’es arrivé aujourd’hui ?
-Ouais, ouais je suis là depuis ce matin.
Mathieu ne sait plus où se mettre. La main encore et toujours dans celle de Pauline, il assiste à la découverte de Léo par sa petite amie.
-T’étais où, avant ?
-A Saint Cora.
-Ah ouais ? Dans le privé ?
Mathieu regarde ailleurs. Il a hâte que cette attente prenne fin. Le self est bondé aujourd’hui, à cause du devoir commun des secondes ce matin, et ils n’avancent pas vite. En plus il commence à avoir faim.
-Et pourquoi t’as changé ?
-Eh, tu sais ce qu’on mange ? Coupe-t-il pour éviter le malaise qu’il a senti le matin même.
-Hm ? Oh, des frites je pense.
Ah. Oui. Maintenant qu’elle le dit ça sent la friture à plein nez. Pauline arrête enfin de s’intéresser à Léo et reprend une conversation quelconque avec ses amies. Mathieu regarde Léo regarder ses pieds. Il aimerait tant que tout soit simple.
-Ah merde, on est neuf.
Mais rien n’est jamais simple. Surtout depuis huit heures dix ce matin.
-On a qu’à se mettre sur une table de douze, fait Matt en haussant les épaules en réponse à Evan.
Un de trop pour une table lambda… ils n’ont qu’à changer leurs habitudes. Mathieu pose son plateau sur l’une des seules grandes tables et invite d’un sourire Léo à s’asseoir à côté de lui. Pauline se met en face et les autres semblent se broder autour. Face à Léo Emma lui sourit et Mathieu la fixe un instant. Après tout c’est une jolie fille. Une jolie fille déjà casée, il faut que Matt se détende un peu. Pourtant le repas semble se dérouler sans lui et il ne parvient pas à défaire son regard des yeux attentifs de Léo qui s’adapte à eux, à lui et ses amis. Pour être plus discret il aurait fallut qu’il soit en face, mais Pauline l’aurait sans doute mal prit.
-Eh, attend ! Attend, j’en ai une autre !
Ses amis continuent eux de vivre et Mathieu redoute la blague qui va suivre, Thomas n’a jamais eu un sens de l’humour vraiment profond.
-Comment on appelle un pédé qui fait du bouche-à-bouche ?
Il attend quelques secondes et Matt se retient de lever les yeux au ciel.
-Alors ? Personne ? Une tante à oxygène !
Et tout le monde trouve ça drôle. Pas Mathieu. Pauline râle, pour la forme, mais elle rit quand même. Il lève les yeux vers Léo. Lui ne rit pas non plus.
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-Tu vas faire quoi pendant deux heures, du coup ?
-Il faut que je donne ma dispense au prof de sport, et puis après, je sais pas…
-Eh ! Matt ! C’est pas aujourd’hui qu’on commence le bad ?
Mathieu se retourne vers Evan. Leurs classes ont sport au même moment. Maxence, Thomas et Cyril sont du groupe d’athlétisme. Il réfléchit un instant.
-Heu… Ouais, je crois bien.
-T’as une raquette, toi ?
-Non.
-Moi non plus.
Mathieu voit Cyril sourire en coin et il sait qu’il a deviné ce qui va suivre.
-Cyril, t’aurais cinq euros ?
-Dix ? Renchérit Evan.
-Vous faites chier les mecs, fait-il en sortant un billet de sa poche. Evan, tu me dois déjà une place de ciné…
-Que je te rembourserai.
-Bien sûr.
Matt range le billet dans sa poche avec un sourire, avant de se retourner vers Léo.
-Tu vas voir, la prof est sympa. Un peu à l’ouest, mais elle t’obligera surement pas à rester.
Une fois au gymnase Léo frappe à la porte du bureau commun aux professeurs de sport. Mathieu et les autres partent se changer.
-Vous faites quoi vous en ce moment déjà ? Demande Evan.
-Course !
Mais Mathieu n’écoute déjà plus, il n’a plus que Léo en tête. Léo, sa dispense de sport, ses grands yeux verts et son joli sourire. Il ne lui a pas demandé pour sa dispense, il aurait peut-être dû. Ou peut-être a-t-il bien fait. Mais la question qui lui trotte dans la tête reste la même ; est-ce que Léo embrasse bien ?
-Matt, tu viens mettre les filets ?
Il revient à lui, se souvient du billet dans la poche de son jean.
-Attends, je vais acheter nos raquettes à la prof d’abord.
-Ah ouais, c’est vrai, tu me rejoins là-bas ?
-Ouais.
Il s’approche du bureau des professeurs et soupire en voyant qu’un groupe de filles attend déjà devant la porte close.
-Moi on m’a dit qu’il s’était fait viré de Saint Cora parce qu’il était violent…
Mathieu tend l’oreille. Est-ce qu’elles parlent de Léo ?
-Ouais, moi aussi on m’a dit ça, apparemment il aurait frappé un mec de sa classe.
-Ah ouais ? Moi j’ai entendu dire que c’était trop une victime à Saint Cora.
-Sérieux ?
-Ouais, genre qui se faisait tabasser et tout. Apparemment il avait pas d’ami, vous voyez le genre…
-Mais…
La quatrième fille, celle qui n’a pas encore ouvert la bouche, laisse sa phrase un instant en suspend et Mathieu retient son souffle.
-Moi j’ai cru comprendre qu’il se faisait frapper parce qu’il était… vous savez…
-Quoi ?
-Bah… homo, quoi…
-Pédé ?
-Ouais.
Les filles se taisent un instant.
-Bah… en même temps…
-Ouais… il y en a que ça peut…
-Ouais, voilà…
Mathieu est alors soudain abasourdi devant tant de… bêtise. Elles se taisent une fois de plus quand Léo ressort du bureau avec un mot pour la vie scolaire. Il le voit et lui sourit un peu avant de sortir. Mathieu répond à son sourire et exulte presque de la gêne qu’il ressent chez les pimbêches d’à côté. Il en rirait presque, mais il a deux raquettes à aller acheter.
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La douche lui fait du bien, il ferme les yeux et arrête de penser. Il entend à peine les cris, les exclamations des autres élèves du vestiaire. L’eau chaude coule dans ses cheveux, dégoulinent jusqu’à ses pieds. Et s’il le dit, s’il le lui dit, qu’est-ce qu’il va lui arriver ? On n’arrête jamais de penser très longtemps. Est-ce qu’il est prêt à risquer l’étiquette qu’on lui collera surement ? Avec un soupire il essuie le shampoing de ses yeux pour les rouvrir sans mal. Et si Léo le rejetait ? L’eau s’arrête de couler. Mais rien ne presse, ils ne se connaissent encore pas. Mathieu tire sur la serviette qu’il a laissée à cheval sur la cloison et la frotte dans ses cheveux. Il verra ça… plus tard. Il va finir par être en retard en histoire.
-Matt !
-Ouais, j’arrive !
Il s’essuie rapidement et met la serviette autour de ses hanches. Par habitude il le sait, il n’a que trois minutes pour s’habiller et monter au troisième.
Cyril frappe à la porte de leur salle de cours.
-Entrez ! Vous êtes en retard messieurs…
-Désolés monsieur, on était en sport.
-Comme tous vos autres camarades… Dépêchez-vous donc de vous asseoir.
Monsieur Routard. Mathieu n’a jamais aimé monsieur Routard. Pas depuis trois ans qu’il l’a. Il balaye rapidement la salle du regard. Les seules places de libres sont l’une derrière l’autre, au fond à droite. Loin de Léo. Il se fait une raison, tant pis. L’heure passe lentement, très lentement. Trop lentement. Mais elle passe tout de même.
-Pour la prochaine fois vous me ferez les questions trois, quatre et cinq page trois-cent-dix. Plus le paragraphe argumenté.
Mathieu note très rapidement. Cyril le regarde, amusé.
-T’arriveras pas à te relire.
-Mais si…
-Monsieur Masson ! Fait Routard en haussant la voix pour se faire entendre au milieu des bavardages et des raclements de chaises. Votre professeur principal m’a demandé de vous dire de passer en salle des professeurs avant de partir !
-Au pire je te demanderai.
-Mais bien sûr…
Mathieu a un sourire espiègle et Cyril soupire un peu.
-On clope ?
-Bien sûr.
-Tu prends le car de seize heures trente ?
-Nan, nan. J’attends dix-sept heures, il faut que je parle à Pauline.
-On se retrouve ici ?
-Ouais.
Ils viennent de passer la grille et allument leurs cigarettes.
-Et tu comptes lui dire quoi ? Demande Cyril en recrachant ses premières volutes de fumée.
-Je sais pas vraiment.
-Nan mais je veux dire… tu lui ressors le mensonge que t’as trouvé ce matin, ou tu préfères rompre tout de suite ?
-Je te l’ai dit, je ne sais pas ce que je vais faire.
Mathieu tire une nouvelle bouffée.
-A ce point là.
-C’est compliqué.
-C’est ce que je vois.
Ils finissent de fumer dans un silence relatif. La sonnerie retentit quand Cyril écrase la sienne sur le sol.
-A tout à l’heure alors.
-Ouais.
Mathieu le regarde partir vers les salles bleues et écrase la sienne à son tour.
-Ouais… Répète-t-il pour lui-même.
Il repart vers la salle jaune, celle où, à cette heure, il trouvera Pauline. Pauline, Julie, Emma et peut-être d’autres. Il soupire longuement. Pas qu’il n’aime pas les copines de Pauline, mais certaines sont… pestes, pour rester poli. En passant devant les marches menant au CDI, il se sent obligé de serrer la main à de vagues connaissances de STG. Ils sont des potes d’un pote au pote de machin, et évidemment machin connaît truc qui connaît des potes à Mathieu. Ou quelque chose dans ce goût là. Trois portes plus loin il ouvre en priant pour qu’elle ne soit pas là. Mais aujourd’hui ne dérogera pas à la règle.
-Tiens, t’as de la visite, Pauline.
Elle se retourne vers lui avec un grand sourire et se lève pour venir l’embrasser. Il détourne le visage, comme s’il n’avait pas remarqué son besoin immédiat de démontrer son affection. Le pire – le pire – c’est qu’il hésite toujours.
-Pauline, tu sais… Commence-t-il, mal-à-l’aise.
Tu sais, ce cadeau que je t’avais promis, je me suis dit que tu préfèrerais venir le choisir avec moi, je t’emmène faire les boutiques ce week-end. Il jette un coup d’œil vers les quelque filles toujours assises à leur table, un peu plus loin. Elles sont les seules de la salle. Il jongle d’un pied sur l’autre.
-Tu sais… je pense que… enfin je crois qu’on devrait rompre, tous les deux.
Pendant quelques secondes ils entendent la conversation des filles qui n’ont pas saisi le malaise. Pauline le fixe, semblant imprimer lentement l’information.
-Tu… quoi ?
-En tout cas ce… ce n’est pas ta faute, mais… Enfin je crois que quelque chose à changé. Je suis vraiment désolé…
Elle hoche doucement la tête. Il se demande si elle a compris.
-Pauline… ?
-Oui, je… d’accord.
Elle se retourne lentement, retourne vers ses amies. Il la regarde faire, un peu inquiet de son manque de réaction.
-Eh, Pauline, fait Emma. Ça va ?
-Oui…
Elle s’arrête, se retourne, revient vers lui et le gifle. Sous le choc, il cligne un peu des yeux.
-Voilà, dit-elle. Je crois qu’il fallait que ça soit fait.
Ses amies se sont tues et Mathieu la regarde s’asseoir. Puis il sort de la salle, maintenant silencieuse. Une fois dans le couloir il s’appuie contre la porte et souffle un bon coup. Il se sent… presque soulagé. Il port une main à sa joue endolorie. Elle n’y est pas allée de main morte. Sur les marches menant au CDI, ses connaissances parlent très fort. Il serait presque désabusé devant tant d’absence de savoir-vivre ; sur la porte d’en face est scotchée une annonce de devoir commun. Si ça avait été le leur… Mais une de leurs exclamations le cloue momentanément sur place.
-Ça vous dit, là, d’aller défoncer la gueule au pédé ?
Mathieu rouvre les yeux qu’il avait apparemment fermés. Sans se retourner vers eux, il marche aussi calmement qu’il peut vers la porte la plus proche. Puis, une fois dehors, il se met à courir vers les salles bleues. Il ouvre précipitamment la porte du couloir et souffle presque de soulagement, Léo sort à peine de la salle des profs. Il parvient à le rattraper avant qu’il ne sorte du bâtiment.
-Léo !
Le garçon se retourne et il a l’air surpris de le voir ainsi courir vers lui. Dieu qu’il est beau.
-Ok, heu… Fait-il en reprenant son souffle. Ça… ça va te paraître bizarre que je te demande ça, mais…
Il inspire et par là tente de rassembler tout son courage.
-Tu voudrais sortir avec moi ?
L’autre reste interdit de longues, trop longues secondes.
-Tu… tu me demandes de sortir avec toi ? Reprend-il finalement. Mais, on se connaît depuis… ce matin !
-Oui, je sais. C’est pas un piège ni rien, mais…
Mathieu cherche ses mots. Il a conscience de ne pas paraître crédible.
-J’ai rompu avec Pauline, là, et… enfin je comptais attendre, tu sais, mais… il y a eu les STG et…
Léo semble perplexe. Mathieu le comprend, même lui peine à saisir ce qu’il dit. Il sursaute quand il entend la porte s’ouvrir. Il se retourne vivement, ce sont eux. Il reporte son attention sur Léo.
-Heu… Ok. Je ne veux pas te faire peur, mais tu devrais partir.
-Quoi… ?
-Il est là, les gars !
Les terminales STG ne sont pas méchants et loin d’être stupides. Sauf ceux-là. Mathieu n’a jamais rien eu contre eux, mais depuis quelques minutes on peut dire qu’il les a dans le nez. Eux ont plutôt l’air de l’apprécier, mais ça c’est parce que tout le monde apprécie Mathieu.
-Eh, Matt ! Tu ferais mieux de pas trop t’approcher de lui !
-Ouais, on sait jamais ce qu’il pourrait te faire !
Jean-Baptiste et Jérémy. Les seuls des quatre à la fois stupides et méchants. Viennent ensuite Sam, juste stupide, et Damien, juste méchant. Mathieu se retourne vers eux, le regard noir.
-Et vous comptez faire quoi, là, au juste ?
-T’es pas au courant ? Demande JB l’air réellement surpris, et un peu moqueur aussi.
-Eh mon gars, tout le monde le sait ! Renchérit Jérémy avec un sourire presque dégouté.
-C’est une tarlouze ce mec !
Mathieu se sent bouillir en dedans.
-Surveillez vos paroles, bande de crevards ! Crache-t-il en réponse. C’est mon petit ami que vous êtes en train de traiter de tarlouze !
.
Dans les couloirs des étages supérieurs, c’est le calme plat. Dans les classes, on compte les secondes. Dans sa classe, Cyril compte les secondes. Neuf, huit, sept… Il aurait dû faire comme Mathieu, il aurait du arrêter le latin. Six, cinq, quatre… Il retient sa respiration. Trois, deux, un… Enfin. La sonnerie n’a pas encore fini de sonner qu’il dévale l’escalier. Direction : home, sweet home ! Au rez-de-chaussée il s’apprête à prendre la première porte qui vient, mais ses yeux sont attirés par une silhouette familière. Entre le coin de l’escalier et la porte des toilettes, Mathieu est adossé contre le mur.
-Eh… Fait-il, soucieux, en s’approchant. Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?
Il présente les premières couleurs d’un cocard sous l’œil droit et saigne légèrement au niveau de la tempe. Mais Mathieu arbore un sourire vraiment étrange. Cyril se précipite pour le soutenir quand en voulant venir vers lui il manque de basculer.
-C’est le plus beau jour de ma vie… Lui dit-il seulement.
Plus tôt…
Pour être franc, Mathieu ne sait pas vraiment qui de ses assaillants a commencé. Mais il est au moins sûr d’une chose ; se défendre contre quatre types, c’est compliqué. Au début on pense qu’on pourra toujours s’en sortir, mais au final on fait comme lui, on se recroqueville autant qu’on peut pour limiter la casse. Il entend vaguement résonner le son d’une course dans le couloir vide, mais il semble bien être le seul. Les autres n’arrêtent pas de le frapper pour autant. Il aurait bien aimé, pourtant. A croire qu’on ne peut pas tout avoir, dans la vie.
-Messieurs ! Retentit soudain une voix autoritaire.
Les STG se retournent vers elle. Ils ne disent rien pendant quelques secondes.
-On n’a rien fait, m’dame ! Lance le plus stupide.
-Vraiment ? Et bien vous aller venir m’expliquer ça dans le bureau du proviseur ! Tout de suite !
-Mais c’est lui, madame, il… !
-Il quoi ? Coupe-t-elle sèchement. D’après ce qu’on m’a rapporté vous l’avez agressé sans raison.
Mathieu rouvre enfin les yeux et se redresse un peu. Près de madame Huston, Léo se tient à l’écart. Elle embarque rapidement ses agresseurs vers la zone administrative et lui conseille vivement d’aller voir l’infirmière. Léo vient l’aider à se relever.
-Ça va ? Demande-t-il, soucieux.
-Ouais, t’inquiète…
Mathieu porte la main à sa tête et jure à voix basse en sentant qu’il saigne un peu.
-T’es sûr ?
-Mais oui, franchement c’est rien, Huston est arrivée trop tôt. Merci pour ça, au fait…
-Ouais… Enfin taper quelqu’un à dix mètres de la salle des profs, il fallait être un peu stupide, quand même.
-C’est vrai…
Mathieu sourit et ils se regardent un instant.
-Tu veux aller à l’infirmerie ? Finit par demander Léo.
-Oh, non, c’est bon…
-T’es sûr ?
-Oui, assure Mathieu avec un sourire amusé.
N’empêche, il commence à se sentir fragile sur ses jambes. L’adrénaline n’arrange en rien son cas. Demain, tout le lycée saura qu’il est… enfin ils sauront quoi.
-En tout cas… Reprend doucement Léo. C’est vraiment sympa ce que t’as fait pour moi.
-Oh, c’est rien, c’était normal…
-Non, fait-il en secouant un peu la tête. Quelqu’un d’autre se serait effacé. Ou enfuit. Ou pire.
Il lui prend la main et Mathieu se demande si son cœur va tenir le choc.
-Je pense que ça vaut le coup d’essayer, toi et moi.
-V… Vraiment ?
-Ouais, vraiment.
Léo lui sourit, Mathieu commence à croire qu’il rêve. Mais le garçon de son rêve éveillé se rapproche de lui, un peu incertain, et il sait qu’il va l’embrasser. Ça a le mérite de lui faire comprendre que ce qu’il vit est plus encore que réel, c’est merveilleux. Il comble l’espace entre leurs lèvres et soupire de bonheur. Les yeux fermés, il entrevoit désormais un avenir véritable.
FIN
Et voilà ! J'espère que ça vous aura plu, n'hésitez surtout pas à me faire part de vos avis ! ;)
Ciao,
Chip. |