Salut les ptits clous.

     Une idée qui me taraude depuis quelques années... Il se passe quoi après le mot "FIN" dans les contes de fées et autres Disney ? 

     Ca fait longtemps que j'ai pas écrit, mais je me suis un peu amusée avec la première gourde qui me soit venue à l'esprit : Cendrillon.

***

     Cela faisait déjà quelques temps maintenant que Cendrillon avait emménagé avec son prince. Cela la changeait de son piteux manoir, qui tombait en ruine après que sa douce et tendre belle-mère eut dilapidé tout l'argent de feu son père.

     Toutefois, après quelques moments idylliques, le couple de Cendrillon commençait déjà à battre de l'aile. Imaginez-vous, vous marier avec un sombre inconnu après avoir dansé une seule valse et s'être fait traquer dans tout le royaume par une espèce de Chambellan bizarre... Il y aurait de quoi flipper grave, non ?

     Enfin bref, elle avait accepté cette espèce d'idiote parce que promesse d'amélioration de conditions de vie, élévation sur l'échelle sociale... On flaire toutes le mariage blanc. Mais ce n'est pas pour ça que Cendrillon avait des soucis avec son mari, non. C'était avec quelque chose qu'elle n'aurait pas cru possible.

     Après avoir passé des dizaines d'années à récurer des casseroles, repasser du linge, faire le ménage, et j'en passe et des meilleures, Cendrillon avait développé une espèce d'allergie à la crasse. Si un seul grain de poussière venait malecontreusement se poser sur son doigt, elle piquait une crise digne des plus grandes hystériques de l'histoire. Elle voit un psy, tout va bien.

     Ce qui ne va pas en revanche, c'est son idiot de mari. Lui qui s'est toujours vautré dans le luxe, le calme et la volupté -sans vouloir plagier qui que ce soit...-, lui qui n'a connu toute sa vie que grâce et candeur -c'est qui ça, grâce et candeur ?-, il a voulu expérimenter quelque chose de "nouveau". Oui, pour lui nouveau, ça veut dire vivre dans un taudis, dans un maelström de poussière et de bazar. 

      Cela fait maintenant un mois qu'ils font chambre à part. Ils ne se comprennent plus vraiment. Se sont-ils un jour compris ? Elle astique frénétiquement son argenterie tandis qu'il reste affalé dans son lit et regarde les mouches voler. 

     Que faire dans ce genre de situation ? Quand on s'appelle Cendrillon, on peut appeler sa marraine la Bonne Fée... Chose qu'elle fit. Après un mois de conflit latent quand même, lente de la comprenette la Cendrillon.

     "Que dois-je faire avec lui, Marraine ?" lui demanda-t-elle sans détour, alors qu'elles prenaient le thé dans le jardin d'automne du château -quelle princesse se contenterait d'un jardin d'hiver ?-.

     "Largue-le... Tu sais, tu vis dans une époque sainte où toutes les belles filles de ton âge peuvent trouver un mari assez rapidement. Regarde Aurore ou Blanche... Même cette  échevelée de Raiponce a charmé un homme. Tu ne veux pas de la paperasse d'un divorce ? Un accident est si vite arrivé ! Et puis dans l'espèce de capharnaüm qui lui sert de chambre, on ne risque pas de trouver son cadavre tout de suite..."

     Cendrillon n'en croyait pas ses oreilles : la personne qui l'avait incitée plusieurs mois auparavant à aller à ce foutu bal lui disait de tout envoyer bouler ! C'était à n'y plus rien comprendre.

     "Ma pauvre fille, je ne fais que te dire ce que tu penses dans ton coeur, je n'ai pas réellement de conscience propre quand je suis avec toi...

     - Donc vous pensez que je devrais le quitter ?

     - Non, mais c'est ce que toi, tu penses."

     Cendrillon soupira un long moment. Ce n'était pas vraiment dans les moeurs de l'époque de divorcer, mais elle ne se voyait pas demander à sa marraine d'assissa... assassa... de zigouiller son mari, si inutile soit-il. La Bonne Fée prit congé, laissant la princesse en proie à son conflit intérieur. 

    Ça ne pouvait pas continuer comme ça. Elle prit son courage et ses jupons à deux mains et se rendit, résolue, dans la chambre de son mari.

     Elle frémit en posant la main sur la poignée, redoutant plus que tout l'état dans lequel elle allait trouver la chambre. En actionnant le mécanisme, une bouffée de poussière l'attaqua et elle retint son souffle, espérant que la torture prenne rapidement fin. 

     Sa belle-mère et ses demies-soeurs l'avaient habituée à vivre dans une maison sale, mais pas dans un telle taudis infâme. Elle voyait les blattes courir sur ce qui devaient autrefois être de riches tapis. Des souris, bien loin de ses amies, grignotaient de ci, de là, un trognon de pomme ou un reste de dîner figé dans son assiette.

     "Cindy ! Quel plaisir de te voir, ça faisait un moment que tu étais passée dans le coin !"

     Il semblait ravi de la voir malgré l'air patibulaire mais presque qui s'était dessiné sur son visage.

     "Je te quitte. C'est pas possible de vivre comme ça. Je n'ai même pas envie que tu essaies de changer, de comprendre ce que je ressens. J'aurais dû me douter que tu n'étais qu'un enfant pourri gâté, pourtant je t'ai laissé une chance, et tu ne fais que me rappeler cette vie maudite que j'avais avant de te rencontrer. J'espérais qu'avec toi, au moins, ma vie serait plus douce, que je pourrais couler des jours heureux dans un joli château, bien entretenu, et toi tu te complais dans ta crasse. Ça suffit, je m'en vais."

     Elle claqua la porte, entendant au passage un "tu vas faire quoi sans moi ?" qu'elle éluda d'un haussement d'épaules dédaigneux. Un détour par sa chambre pour récupérer... Pour récupérer quoi d'ailleurs ? Rien ne l'intéressait. Elle sortit et jeta un dernier regard à ce qui aurait pu être la réalisation de son tendre rêve puis s'enfonça dans la forêt à la recherche d'un nouveau toit.