- Espèce de sale-sang-de-bourbe, vociféra Draco en la vrillant d'un regard meurtrier. Les élèves autour tressaillirent à ces paroles, certains horrifiés, désapprobateurs, et d'autres décidant de faire comme s'ils n'avaient rien entendu. Le professeur Rogue à l'ouïe si fine lorsque des élèves chuchotaient en bavardages compulsifs sembla devenir tout bonnement sourd et ne leva pas son nez crochu de ses notes.
Nous y revoilà.
Au début Hermione chancelait un peu sous le coup d'une insulte proférée avec un tel mépris, et un dégout palpable pour quiconque était présent dans la pièce. Lorsqu'elle avait compris la signification de ces mots, il y a de ça des années, elle s'était sentie blessée, horriblement blessée, et salie. Elle avait ravalé ses larmes puis avait tourné les talons, alors que Ron faisait une tentative désastreuse pour la venger et la défendre. Elle avait ressenti un profond élan d'affection et de culpabilité dans la cabane d'Hagrid, quand Ron tenait son sceau contre lui et vomissait par intermittences un flot de limaces. Elle s'était sentie écoeurée aussi, mais à peine.
Mais, cet idiot sentiment de peine qu'elle avait ressenti le jour où Draco l'avait humiliée et avait fait étalage du souhait qu'elle fasse la rencontre du Basilic était envolé depuis belle lurette. En toute franchise elle trouvait ça ridicule qu'il continue d'inlassablement lui jeter ça à la figure comme si l'insulte allait l'achever sur place. Hermione avait dépassé tout ça. Mais bien que l'affliction de voir qu'on la rejetait pour quelque chose d'aussi bas ne se fasse pas sentir, sa haine envers cet effroyable petit con de Malefoy avait été décuplée par vingt, si ce n'est plus.
Ce qu'elle le détestait.
Alors oui, elle a beau prendre un air royalement indifférent lorsqu'elle passe devant lui après avoir murmuré à Harry et Ron de garder leur calme une part obscure et mesquine d'Hermione aurait souhaité envoyer ses meilleurs amis sur Malefoy, comme une racaille l'aurait fait avec ses rottweilers enragés. Elle voyait la scène avec une précision étonnante, elle applaudissant leur accès de violence et éclatant d'un rire surexcité et diabolique. Oh que oui, la vision de Malefoy se pissant dessus de peur et obligé de détaler comme un lapin pour ne pas se faire déchiqueter les fesses était abominablement jouissive.
Mais il fallait se montrer raisonnable, d'autant plus qu'ils venaient de rentrer dans la salle de cours de Rogue, le lieu ne convenait pas à un règlement de compte, aussi tentant soit-il. Et puis Hermione avait ce refus catégorique et des plus étranges pour un égocentrique Serpentard à la manque tel que Malefoy de faire plonger ses amis avec elle, de leur attirer des ennuis seulement parce qu'elle n'est pas capable de passer au travers d'une insulte qui après réflexion n'en est une que pour la personne qui l'utilise. Elle met donc en sourdine son envie d'en découdre et tire sur la manche de Ron et Harry pour les faire revenir à la triste réalité du cours de potions sur le point de débuter. Les inestimables amis lancent des regards pleins d'animosité et de promesses de représailles avant de suivre Hermione et de s'asseoir à leur table habituelle, sortant leurs affaires avec plus de brusquerie qu'à l'accoutumée alors que Hermione montre un calme olympien.
Pour afficher un tel self-control il est évidemment nécessaire de faire comme si les abjects petits ricanements qu'elle entend à la table voisine ne parviennent pas jusqu'à son oreille. Harry et Ron n'y font pas attention mais Hermione les entend avec une netteté absolument dérangeante, au point de ne plus se concentrer que là-dessus, au point que ce son accompagné d'une mesquinerie puérile en devienne intolérable. La Hermione sereine et paisible grince malgré elle des dents, et résiste avec peine au besoin cuisant de faire volt-face et enfin voirQU'EST-CE qui chez elle provoque une hilarité si bruyante. Elle manque de faire un trou dans sa feuille tant elle appuie dessus lorsqu'elle entend Draco chuchoter une idiotie de plus sur son compte à l'oreille d'une Pansy jubilante. Il n'y a que dans ces moments qu'ils sont copains comme cochons ces salauds.
Il l'insupporte.
Pourquoi a-t-il fallu aussi qu'elle choisisse la classe de Rogue pour malencontreusement le bousculer ? Elle n'avait qu'à attendre une minuscule heure avant de se montrer aussi maladroite et distraite. Et puis il avait fallu que ce soit son hideuse personne aristocratique et mangemorte qu'elle percute ! Ah ça c'était facile de ricaner exprès juste assez fort pour qu'elle soit la seule à l'entendre et la seule à se dépatouiller avec sa paranoïa mal à l'aise et furieuse.
Bon sang, mais comment Pansy fait-elle pour avoir un gloussement aussi agaçant ? Hermione ne peut que croire que c'est le résultat de plusieurs années d'exercices intensifs, ça rééquilibre un peu le fait que la peste soit une véritable gourde en potions sans doute. Les potions. Voilà une chose où Hermione les battait tous à plate couture, et elle tira de la constatation de son talent supérieur une satisfaction hautaine, qu'elle regretta sur-le-champs avec une mimique surprise de ce qu'elle avait pu penser. Voilà qu'elle se montrait aussi méprisable que la bande assise derrière elle, toujours en train de se chuchoter des choses visiblement comiques à s'en taper le cul par terre.
La Gryffondor enragée, frémissante d'une fureur sur le point de déborder et d'éclabousser chaque recoin de la pièce sert encore la malheureuse plume et n'est plus qu'à une infime hésitation de s'en servir comme projectile, non disons plus comme fléchette acérée, pour la lancer avec une adresse surnaturelle dans l'oeil de Draco, le si propret Draco qui deviendrait borgne pour le restant de ses jours.
Un sale sourire étire la bouche de la Miss Je-sais-tout.
Le hurlement d'horreur de Pansy à la vue de son beau blond et de la plume vicieuse enfoncée dans son œil retentirait avec violence dans Poudlard, interpelant les spectres, les professeurs, les portraits, les elfes qui afficherait un air profondément effrayé à l'idée du drame survenu. Evidemment à la découverte de la victime Hermione était persuadée que c'est plus des jets de confettis et des serpentins qu'elle recevrait que des retenues. Après tout Draco s'est-il montré gentil une fois dans sa vie ? Pouvait-on décemment la punir pour lui avoir flanqué une bonne leçon ?
Mais Hermione, bien que sérieusement ébranlée par ces sentiments revanchards et mauvais bataillant en elle, garde encore son esprit sensé. Aussi la plume malmenée se contente de plonger docilement dans son encrier avant de prendre quelques notes et indications du professeur, dont elle s'efforce de ne pas perdre le fil malgré les interruptions que font ses fantasmes de persécutée à bout de nerfs. Elle ne va pas non plus passer tout le cours à s'imaginer des scénarios où Draco finit mort/ mutilé/ avec un membre cassé/ agonisant dans une marre de sang. Il faut aller de l'avant. La thérapie de Hermione pour se calmer est en fait assez morbide quand elle y songe, mais diablement efficace.
Elle ne doit pas montrer que les piques de malefoy ont encore la capacité de l'atteindre. Après tout il ne s'en prend à elle qu’occasionnellement, quand elle a l'outrecuidance de croiser son chemin alors qu'il est de mauvaise humeur, ou quand il ne sait plus quoi répliquer pour faire sortir Harry de ses gonds et se tourne naturellement vers elle. C'est si facile de traiter de sang-de-bourbe, Hermione aura beau faire n'importe quoi et se démener comme une forcenée pour faire oublier ce que des sorciers considèrent comme une faiblesse l'injure marchera toujours. Malfoy sait cela et trépigne de satisfaction à l'idée qu'ainsi quoique Potter fasse ou lui dise il gardera l'avantage, il y a ce point noir qu'il aime leur rappeler à tort et à travers quand l'envie s'en fait ressentir. Oubliant comme les trois concernés se fichent bien de ce genre de considération et aujourd'hui bien loin de les mettre mal à l'aise ne leur donne que l'envie de l'étriper. Il est donc essentiel de ne pas perdre la face. Malefoy n'est qu'une crapule, et puis il est l'ennemi déclaré de Harry, pas celui d'Hermione. Finalement les quelques fois où il la traite de sang-de-bourbe sont assez rares en comparaison du nombre de fois où il a tenté de tourmenter l'Elu. Elle se fait donc petite avec sa haine enfouie, et assez irrationnelle quand on y pense.
Hermione pousse un soupir de lassitude alors qu'elle se lève pour aller chercher les ingrédients comme demandé, et que les serpentards font mine de se reculer en fronçant le nez comme si elle puait la vermine. Non décidément la temps où les remarques blessantes l'affectaient est révolu, et elle esquisse un faible sourire pour rassurer Ron et Harry qui ont un air confus et impuissant, et fusillent encore les ennemis du regard.
Oui, Hermione a dépassé ces choses-là.
Mais ça ne lui enlève pas le réconfort de s'imaginer soudain rugissant et empoignant la table de Draco avec la brutalité d'un Troll, juste pour le plaisir de la fracasser sur sa belle gueule de sang-pur suffisant. |