Disclaimer : Les lieux et personnages appartiennent à Joanne blablabla
Note : Série d'OS parallèles à une fic qui n'a pas encore vu le jour. Pas indispensable pour les lire, cela dit.
Note 2 : Pour Cloe. Bien qu'elle ne m'ait absolument pas aidé à faire quelque chose de viable de cette fic, la traîtresse.
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Il lui rappelle les matins gris du Terrier quand Arthur rentre à l’aube, la bouche molle de fatigue, et que Molly s’affaire à travers la cuisine. L’odeur du café se répand dans le hall, remonte en volutes le long de l’escalier, jusqu’à la dernière marche, celle qui grince et qui branle, celle sur laquelle elle s’est accroupie comme un chat dès qu’elle a entendu la porte d’entrée claquer. Parce qu’elle sait que Molly la chassera si elle la découvre, elle reste blottie là, dans cette odeur flottante qui lui soulève le cœur.
Depuis que ses frères sont partis, la grande maison vide résonne de leur absence, du bruit sourd seulement des choses que l’on déplace, les bibelots les babioles, le cliquetis des aiguilles – des bruits dénués d’âme qui la font se sentir minuscule et fragile.
Arthur est de nouveau l’homme de la maison. Son seul satellite mâle. Ginny s’accroche à lui de toute sa force mince, son mètre quarante deux jeté abandonné autour de ses épaules quand il se penche vers elle, quand il la hisse très haut entre ses bas serrés, ma Ginny chérie, mon petit bout de fille, il la porte doucement au-dessus de l’escalier, la recouche dans son lit et l’embrasse en tirant les bords de la couette. Tu sais bien que Molly n’aime pas lorsque tu… L’odeur du café dans sa bouche, l’odeur du papier et de l’encre sur ses doigts, l’odeur du dehors et de l’épuisement, les nuits blanches les couloirs glacés du ministère, les cigarillos de Dedalus Diggle… Le sommeil revient. Ginny s’endort lentement nichée contre son père ; cette odeur qui la berce est celle de tous les hommes.
Ginny pourrait mourir dans l’odeur des hommes.
Elle ne remarque pas que son père vieillit. Les rides sur ses joues, ne font que prolonger les infimes pattes d’oies qui sillonnent ses tempes. Son crâne lisse et doux est un terrain de jeu pour les doigts de Ginny. Quand les flammes crépitent dans la cheminée, et que Molly tricote au fond de son fauteuil, le dimanche soir elle grimpe sur les genoux d’Arthur, s’affaisse contre son ventre moelleux et rebondi, racontes-moi une histoire, papa, s’il te plait, encore une… Molly fronce les sourcils.
Cela fait bien longtemps qu’elle ne met plus les pieds dans la chambre des jumeaux. Trois ans d’études déjà…. trois ans d’études déjà et toujours cette angoisse de les savoir loin d’elle, de septembre à juin, les hiboux qui n’apportent que des mauvaises nouvelles, qu’est-ce qu’ils vont devenir, qu’est-ce que j’ai raté dans leur éducation… Si elle y entrait, le manque de ses enfants lui rongerait le cœur. Le capharnaüm coloré de la pièce ferait surgir plus fort l’inquiétude encore, la hantise du faux pas, la peur du désordre et de la mauvaise vie. L’incompréhension… Si elle y entrait, elle verrait que la chambre est toujours habitée.
Dans les lits des jumeaux, il y a des petits creux entre les plis des draps. Et Mister Muggles, l’hyppogriffe en peluche de sa benjamine, trône impassiblement au milieu des jouets.
Les matins où Arthur s’attarde au bureau, Ginny se transforme en ombre silencieuse, se faufile furtivement en-dehors de sa chambre et traverse le palier en quatre bonds légers, pour rejoindre la chambre d’en face.
Tout ce qui dans cette pièce tourmenterait tant Molly la ravit secrètement. Le bordel rutilant, les bruissements les breloques les parchemins froissés énigmatiques sont un peu de Fred et de George autour d’elle, un peu de cette vie torrentielle et joyeuse qui dégorge d’eux en grands feux d’artifice, ses héros, ses frères…
Mais les journées sont longues et mornes au printemps. Le soleil se couche bien après Ginny et l’aurore arrive vite, dispersant l’aube fragile au-delà des prairies. Les va-et-vients clandestins se réduisent, Arthur rentre plus tard ̶ de plus en plus souvent, la cage d’escalier reste vide au matin.
Les araignées font des nœuds de fils sous la rampe ; elles tissent le silence et l’absence d’odeur. |