Je vis dans le monde de vos contes de fées.
Parfois, la nuit, je m'évade et me glisse dans le vôtre.
Je suis apparu à vos enfants, ceux qui regardaient le monde de leurs grands yeux, tentant de dévorer le monde tout entier. Parfois, ils riaient. De grands rires clairs, purs comme ne savent l'être que les rires des marmots.
Souvent, ils me regardaient simplement, les questions tournoyant au fond de leurs prunelles.
La plupart du temps, je vous observais. Je vous ai vus, j'ai vu vos drames, j'ai vu vos guerres. Les meurtrières, aux odeurs de sang et de poudre à canon. Les silencieuses, celles qui s'agitaient dans vos cœurs.
Sur votre petite planète, vous avez aimé. Petits humains, savez-vous que vous brillez, quand vous aimez ? C'est comme une aura, une aura dorée qui vous entoure. Parcourue d'étincelles qui frémissent comme des battements effrénés.
Lorsque je m'éloigne suffisamment, lorsque je vous regarde de là-haut, votre planète ne m'apparaît pas bleue. Votre planète est une masse bourdonnante de sentiments en marches. De sentiments qui s'éteignent et qui s'allument comme des lampions.
Vous êtes si fragiles.
J'ai murmuré à l'oreille de vos écrivains. De la plume aux touches de bois des machines à écrire. Du stylo bille aux écrans d'ordinateur.
J'ai été votre muse, parfois pour la vie. Souvent pour une nuit.
J'ai guidé le pinceau qui a tracé les œuvres que vous acclamez, celles que vous oubliez.
Certaines de mes histoires vous ont fait rêver. D'autres vous ont fait pleurer.
Je vous ai guidés. Vous m'avez transformé. L'organe qui palpite au creux de ma poitrine lorsque je descends parmi vous est couvert des cicatrices que vous m'avez laissées. Parfois, elles sont amères comme le vinaigre et empestent les souvenirs refoulés. Parfois, elles sont douces comme du miel. Je les chéris, toutes autant qu'elles sont. Elles m'ont construit.
Voici l'histoire de ces cicatrices.
Voici mon histoire. Peut-être aussi la vôtre, qui sait. |