SILENCE
Tout n'était que silence.
Un silence obsédant, glacial.
Le seul bruit qu'il pouvait entendre était celui de sa propre respiration saccadée, entrecoupée de hoquets tandis qu'il fixait avec fascination le liquide rouge qui s'écoulait de son abdomen. Il sentait dans sa poitrine les battements de son cœur devenir irréguliers et de plus en plus faibles. Un sourire de dément lui étira les lèvres. Cela faisait si longtemps qu'il y avait eu aussi peu de bruit et autant de silence ! La dernière fois, quand était-ce ? Il ne s'en rappelait même plus. Rien que des souvenirs brumeux d'un enfance peut-être oubliée, peut-être enfouie au plus profond de sa mémoire et de son cœur, là où même son esprit ne peut accéder. Il avait toujours souhaité un monde silencieux pour ne plus entendre les dialogues des adultes, les rires des enfants et les chuchotements des animaux. Un monde où le moindre bruit serait condamné.
Un monde muet.
Ce ne fut pourtant jamais possible. Il y avait toujours quelqu'un pour briser ce doux espoir qu'il sentait monter en lui la nuit venue, toujours quelqu'un pour l'insulter, le croyant fou. Mais, au fond de lui, il savait qu'il ne l'était pas et que c'était seulement le rêve d'un homme terriblement las. Las de l'hypocrisie et du mensonge. Las des hommes qui, bien qu'ils soient sourds, ne cessent de discourir et de débiter des absurdités, tout le temps, sans répit…
Un rire muet le secoua.
Au bord de l'inconscience, il se dit qu'enfin il avait réussi. Toutes ses années, il l'avait attendu et voici qu'il venait à sa rencontre.
Un poignard,
Une lame bien aiguisée.
C'était aussi simple que ça.
Et, alors que le tourbillon de la mort l'entraînait, il sourit pour la dernière fois. Puis le néant l'accueillit dans une froide étreinte mais il s'en moquait éperdument, il était bien. Depuis longtemps qu'il l'attendait.
Ce silence. |