Je ne ressens aucune douleur.

C’est comme si, tout autour de moi, le monde s’était changé en boule de coton blanc. C’est si apaisant, comme une délivrance à mes sens. Le chemin parcouru fut si douloureux et enfin, j’ai ma récompense qui me comble de bonheur. Dans ce monde de douceur, je me sens légère et flottante. Je peine à ouvrir mes yeux tant la lumière de ces lieux est intense.

Je ne sens aucune douleur.

Comme si cette sensation n’avait jamais existé. Comme si ce monde cotonneux était imbibé d’un puissant anesthésiant, brouillant tout mes sens. Pourtant je sais que ce n’est pas la réalité. Ce monde n’est qu’une illusion dans lequel je me suis enfermée. Une cage tout de blanc tapissé dont moi seule en détient la clé. Elle est cachée quelque part, là, au fin fond de ce qui s’apparente à un cœur. Mais je refuse d’aller la chercher, je me sens bien mieux ici. Personne ne peut m’atteindre ni me blesser, personne n’a le pouvoir d’y entrer. Seule dans ce palais, je suis à la fois le roi et la reine, la tour et le fou, le cavalier et le pion. Personne ne me fera sortir de ce monde pour affronter la dure réalité empreinte de haine et de violence. Laissez-moi juste en paix, laissez-moi savourer ces instants durement mérités.

Je ne sens aucune douleur.

Je vis dans ce palais blanc des milles et unes illusions, situé dans ce sombre royaume appelé « Solitude ». Il y fait toujours froid, on peut y crier, souffrir et pleurer qu’aucune bonne âme ne viendra vous aider. Dans ma cage, c’est moi qui décide des saveurs et des couleurs mais, dans ce royaume, je n’en suis ni la reine, ni la gardienne mais sa prisonnière. Ma liberté n’est qu’un mirage, créé de toute pièce par mon esprit souffrant de la cruauté des autres. Ma douleur, que je croyais partie revient aussi vite qu’elle n’est partie. Elle s’étend, ne connaissant pas de limites. Elle est comme je l’ai toujours connue, froide et destructrice. Les douces illusions, faites de sucre et de coton, qui me berçaient ne m’apaise plus. Cette douleur emplis cette pièce blanche, brisant mon calme et mon apaisement. J’ai si peur de toute cette noirceur il faut que je m’échappe de ma tour. Je dois ouvrir les portes mais je n’en trouve pas la clé. Elle est cachée bien trop loin, j’ai attendu trop longtemps et maintenant je ne sais plus l’atteindre. Je dois donc utiliser mes propres forces pour pouvoir sortir. Je frappe encore et encore, j’hurle ma détresse mais je me rappelle que dans ce royaume, aucune bonne âme ne viendra vous sauvez. Elle s’ouvre au prix de nombreux coups. Je n’ai plus de force pour hurler, juste assez pour avancer. Je ne suis plus qu’une ombre, un fantôme. Plus personne ne peut me voir. Je suis devenue le pantin de ma propre illusion et à présent, la triste marionnette monte les marches une par une, prête pour le grand final. Du haut de cette tour qui fût mon théâtre, je contemple ce vide une dernière fois, espérant vainement que quelqu’un coupe ces fils qui me maintiennent et m’emmène loin de tout, m’ôtant toute la douleur et la peur qui m’a entièrement envahit. Comme ayant entendu mes prières, le sol se dérobe sous mes pieds, me précipitant dans le vide. Ma tour s’effondre, m’emportant avec elle dans sa destruction. Je n’ai que ce que je mérite, les larmes me brûles les joues pendant ma chute, mais je m’arme de patience, dans quelques secondes tout sera fini.

Je ne sens aucune douleur.

Les yeux fermés, j’attends encore. Pourtant rien ne vient. Autour de moi, mon palais est en miette. On me berce, mais cette fois ce n’est pas le fruit de mon imagination. Des bras me porte et me câline, une voix calme et familière m’assure que tout va bien, que tout est terminé. On m’emporte mais je suis trop fatiguée pour me débattre, les bras qui m’entourent sont si rassurants et la chaleur qui s’en dégage est si réelle. Je me laisse emporté, je n’aurais plus à me battre. Mon seul ennemi est maintenant vaincu, je m’en vais panser mes blessures sous l’œil protecteur de mon sauveur, un ange qui a dû vaincre seul ses démons et illusions. Il me protège encore, il m’aide à affronter la réalité. À ses cotés, elle semble bien plus belle que je ne le pensais. Je traverse le temps et les âges, je n’ai besoin de personne, personne à part mon ange.

Je ne ressens désormais que du bonheur.