Je me suis toujours demandé à quoi tout cela rimait… « Irène ! » L’adolescente fit volte-face, se retrouvant nez à nez avec cette fille. Elle coinça machinalement l’une de ses mèches brunes derrière son oreille. « J’ai dû courir pour te rattraper ! fit remarquer en riant l’intruse, ce qui agita légèrement ses longs cheveux châtains. Ca va ? » Je me suis toujours demandé pourquoi je te connaissais… « Irène ? » L’intruse la fixait de ses splendides yeux bleus, en souriant. « Pardon… Je vais bien. Et toi, ça va ? -Oui ! Tu as fini les cours ? » Je me suis toujours demandé pourquoi tout ce qui me concernait allait toujours aussi mal… « Irène ? Dis-moi, tu sèches ? -Oui. -C’est pas bien. -Ca te regarde pas, surtout. -Je sais… -Alors tais-toi. » Je me suis toujours demandé pourquoi elle était si parfaite, cette fille… « D’accord ! » L’intruse fit un grand sourire, à nouveau, montrant ses dents blanches impeccablement alignées, lesquelles n’avaient jamais nécessité l’intervention d’un orthodontiste. « Mais, euh, dis-moi… Que fais-tu par ici ? » « Par ici », c’était une rue où vivaient uniquement des gens biens. Des gens qui avaient réussi. Des gens qui n’étaient pas comme Irène… « Rien. -Il doit pourtant y avoir une raison… Non ? -Elle ne te regarde pas. -Je vois… Tu veux venir à la maison, tant qu’à faire ? -Non. -Ah… » Je me suis toujours demandé pourquoi j’étais comme ça… « Tu n’es pas très bavarde avec moi, depuis quelques temps, remarqua l’intruse. -En effet. -Ce n’est pas très amusant, tu sais ? Tu finirais presque par paraître méchante, à agir comme ça… » Je me suis toujours demandé pourquoi j’étais née… « Irène ? Tu veux qu’on parle de quelque chose en particulier ? -Non. -Ca se passe bien, chez toi, en ce moment ? Tes petits frères vont bien ? -Ca ne te regarde pas. -Ta sœur est sortie de l’hôpital ? -Ca ne te regarde pas, je t’ai dit ! -En fait, tu veux juste que je te laisse tranquille, murmura la fille. -C’est dingue, mais t’as tout compris, là ! -D’accord… Au revoir… -Adieu. -Mais tu sais que je reste ton amie ! Je veux continuer à te parler, comme il y a quelques mois ! -Bien sûr… » Et c’était bien là que se trouvait le problème. Je me suis toujours demandé pourquoi, toi, ma meilleure amie, tu avais pu… « Irène ? Qu’est-ce qui se passe ? » Je me suis toujours demandé pourquoi tu étais aussi gentille… « T’es toujours là, toi ? Tu devais pas te barrer ? -Irène… Je peux t’aider, tu sais ? -Non. -Je peux t’aider ! Dis-moi au moins quel est le problème ! -Quel est le problème. -T’es pas drôle et tu te fous encore de moi ! -Evidemment. -Okay, j’ai compris. » L’autre s’éloigna, tristement. Je me suis toujours demandé pourquoi je t’estimais tant, avant… L’intruse releva soudain la tête, se retourna, et fixa son amie restée immobile. Je me suis toujours demandé pourquoi j’arrivais si facilement à te haïr, parfois…Et c’est la seule question à laquelle j’ai maintenant la réponse. Tu sais, c’est justement ta satanée gentillesse, cette douce hypocrisie, pourtant si effarante, et qui arrive si bien à mettre en valeur ta cruauté.Je te hais. Irène fixait l’intruse, qui se rapprochait doucement, en souriant. « Allez, tu vois, je suis gentille. Un véritable petit ange, même ! Promis. Alors, dis-moi, s’il-te-plaît, dis-moi ce qui te tracasse… -Non. Je ne veux plus te voir. -Bien sûr que si, Irène… » Je me suis toujours demandé pourquoi tu n’avais pas encore deviné…Mais en fait… Tu le savais. Depuis si longtemps… Et tu en jouais.Je vous hais. « Tu sais, j’aime vraiment Dylan. A la folie. Il est tellement mignon, lui ! Et, après tout, ce n’est pas de ma faute si je suis normale, moi ! » Elle s’éloigna, sans quitter son sourire, si désarmant. Je me suis toujours demandé pourquoi j’étais née comme ça… Et je le hais. |