C'était un matin d'automne, un matin d'octobre. Ronald portait un pull en laine qui avait bien mal vieilli et une chemise en coton épais dont on ne voyait que le col. Les cheveux roux du fils Weasley avaient perdu en éclat, ils avaient jauni. Hermione contemplait son mari qui lui faisait dos. Il était assis dans son fauteuil. Le même depuis des années. Mais depuis quelque temps le siège moelleux était devenu le cercueil du fils Weasley. Hermione regardait son mari tous les jours et observait le même rituel. D'abords la préparation d'une tisane, puis il se dirigeait vers la fenêtre ou il s'installait pour la journée. Il posait sa tasse sur le petit guéridon, s'engonçait dans le fauteuil, puis il laissait ses yeux se perdre dans les champs qui bordaient la maison de famille. Hermione ne pouvait que contempler ce spectacle affligeant. Elle était là, derrière lui et pouvait sentir la vie de son mari lui glissait entre les doigts. Elle ne supportait plus cela.
Ça avait commencé il y a environ trois années. Les symptômes de la maladie n'étaient alors que peu palpables. D'ailleur Hermione avait dû fouiller à l'intérieur d'elle-même pour déceler les prémices de la maladie. Mais avec ses enfants, elle avait cherché et maintenant ce souvenir lui était revenu comme si c'était hier.
Hermione préparait un repas pour le trentième anniversaire de sa nièce Lily. Ce midi-là, un dimanche, Harry avait sonné à la porte. Ronald avait ouvert. Affairée en cuisine, elle ne peut dire ce qui s'était passé exactement mais, elle entendue des éclats de rire ! Harry vint l'embrasser chaleureusement dans la cuisine et lui avait dit : « Ha ! Tu ne dois pas t'ennuyer avec celui la ! Que vieux farceur ce rouquin ! Il m'a demandé « Oui monsieur que puis-je pour vous » ! « Je me tenais devant lui et il avait un air ! Comme si on ne se connaissait pas, j'ai presque cru que je m'étais trompé de maison ! » Ronald souriait derrière son beau-frère, heureux de l'effet de sa blague sur lui. « C'est vrai qu'il est en forme en ce moment, hier encore il cherchait sa cravate ! Je l'ai retrouvé dans ma marmite tout à l'heure !» lui avait répondu Hermione. Puis la journée avait filé. Ce jour-là comme à l'accoutumé, les invités étaient arrivés. On avait mangé, on avait festoyé, on avait regardé les photos. En fin de repas Ronald avait été se coucher, il disait avoir mal à la tête et avait vraiment semblé absent pendant le repas.
Hermione toujours dos à son mari porta la main à sa bouche. Dans un grand soupir, elle laissa échapper quelque larme. Elle ferma les yeux pour se ressaisir et les souvenirs resurgirent...
Attablée avec ses enfants, Hermione faisait part de son inquiétude. « C'est vrai qu'en ce moment, il collectionne les maladresses. C'est à n'y rien comprendre. Mais de là à partir travailler pied nu ...Je me fais du souci pour votre père. Hugo avait surenchérie. « Maintenant que tu me le dis, on a croisé Mrs Argol dans Londres la foi dernière et il ne l'a pas reconnu pourtant ils furent vos voisins de nombreuses années. » Hermione acquiesça. « Papa m'a affirmé qu'elle avait pris un gros coup de vieux et que c'est pour cela qu'il ne l'avait pas reconnu »
Hermione sécha ses larmes. Et tenta de se reprendre. Elle devait avoir de la force car même si Ron n'en avait plus, il fallait quelle garde le cap. « Ron ? Je vais prendre ma douche, je reviens dans un instant d'accords ? » Lança-t-elle doucement à son époux. Comme depuis quelque temps, il ne bougea pas, ne répondit. Il était planté là, dans le décor comme une vielle plante. Hermione s'empressa de monter les escaliers qui conduisaient à la salle de bain. Elle tourna vite le robinet d'eau chaude, se déshabilla et se glissa sous l'eau. Elle ne put retenir ses larmes et se mit à pleurer. L'eau de la douche étouffait les cris de ses sanglots. Sa main se crispait sur la paume de douche. Elle avait la rage. Son nez coulait, ses yeux lui faisaient mal. Depuis des jours elle se laissait aller. Elle avait à l'intérieur, la conviction que Ron l'entendait. Alors, pour ne pas qu'il se culpabilise elle pleurait la ou les sanglots étaient tus par le bruit de la douche. Quand elle fut calmée, elle s'enveloppa dans sa serviette, enjamba sa baignoire et s'assit sur le rebord. Madame Weasley était perdue. Ses pensées l'entrainèrent alors une fois de plus...
Le bureau du docteur Lordon, un médecin renommé dans le monde de la magie, était incroyablement grand. Les murs étaient jaunes et le mobilier moderne. Le couple était assis devant le fauteuil pivotant vide du docteur. Hermione regardait son mari, il avait des cernes. Il était abattu. Il avait été compliqué pour Ronald d'admettre que quelque chose n'allait pas. Alors, pour faire plaisir à sa femme et rassurer ses enfants, il avait accepté de se soumettre à une batterie d'examen. Ron avait soupiré comme s'il attendait qu'un jugement tombe et qu'il allait être envoyé tout droit à azkaban. Hermione pouvait palper l'angoisse de Ron .A cet instant, elle lui avait pris la main et lui avait adressé un sourire compatissant. Mais voilà le verdict tomba. Ron était victime d'une maladie rare pour les sorciers. Un « M2 » comme l'appelait le docteur, maladie de moldu. Il arrivait très rarement que certaine maladie de moldu affectait des sorciers. Ils avaient tous deux déjà entendu parler de ce phénomène mais pas de là à en être victime. « _ Les moldus appellent cette maladie Alzheimer ».
C'est à ce moment que Ron s'était levé d'un bon. Il regardait tour à tour sa femme et le docteur. Quand il lâcha le doigt pointé vers celui-ci « JE REFUSE D'ENTENDRE QUOI QUE CE SOIT AU SUJET DE VOTRE MALADIE DE MERDE !!!!!!!!!!!! JE NE SUIS PAS MALADE VOUS ENTENDEZ !!!!!!!!!!! » Hermione sentait son cœur battait si fort. Elle reprit la main de son mari qui se dégagea rapidement d'elle. Le médecin confus, n'eut pas le temps de répondre. Ronald avait tourné les talons et était parti en claquant la porte. Hermione avait sursauté. Jamais de toute leur vie, ils avaient dû affronter chose pareille. Le visage crispé, elle s'adressa au docteur. « Et.... Cette maladie.... Elle suffoquait, que...quel ? »
« Cette maladie entraîne une perte relativement progressive des neurones, petit à petit le sujet perd ces souvenirs, sa mémoire ... »
Hermione se sentait défaillir, « Et quel remède y a-t-il ?! » dit-elle avec une voix à peine audible.
Le médecin ne put soutenir le regard perçant de Madame Weasley. Il s'enfonça dans son fauteuil et croisa les bras. « Je suis désolé madame, mais à ce jour, ni les moldus ni nous-même sommes parvenu à neutraliser la maladie.. »
Comme si on lui avait arraché un membre, Hermione hurla. Elle resserra ses bras croisés contre sa poitrine. Des pleurs étouffés sortaient à peine de sa bouche. Les larmes collaient ses cheveux à son visage. Elle se balançait lentement sur sa chaise comme pour se bercer. Le médecin assistait à ce douloureux spectacle. « Si vous voulez, on peut tenter de situer votre époux dans la maladie ? » Elle hocha douloureusement la tête. « Avez-vous remarqué comme une perte de souvenirs lointains ? » Elle renifla et s'essuya les yeux. Son maquillage avait coulé. « Oui récemment, parfois on dirait même qu'il est comme étranger à sa propre famille. » Le docteur griffonnait. Il retira ses lunettes. « Avez-vous remarqué un changement si petit soit-il dans son comportement ? Est-il irritable ? A-t-il des propos décalés ? »
Hermione avait le souffle court. C'était comme un puzzle qui se reformait. Comme si le docteur lui ouvrait les yeux.
Et Hermione, accise sur le rebord de la baignoire rouvrit les yeux. Elle était sèche et elle avait froid. Elle alla s'habiller dans sa chambre. En redescendant, Ron était toujours là, dans le fauteuil, et il attendait on ne sait quoi. Hermione s'avança vers le guéridon. Le thé, comme chaque jour avait refroidi et n'avait pas été bu. Elle regarda à nouveau son mari. Depuis trois jours la maladie gagnait la bataille. Il avait déjà tant oublié. D'abord ses souvenirs lointains, des personnes, des souvenirs proches, même Voldemort n'était plus. Puis arriva le tour de sa famille. Il oublia Harry, Ginny, ses enfants. Il s'oubliait lui-même. Les gestes du quotidien si important au départ comme se brosser les dents étaient devenus des détails futiles. Quand Ronald déclara des oublis plus gênants dont il avait honte. Mais après la honte, il y avait l'oubli. Il prenait ses cachets une fois sur deux puis si Hermione n'était pas là, il ne s'en souvenait pas. Hermione était à bout. Pourtant, elle était encore la seule dont il se souvenait. Il y a deux jours de cela, il avait agressé l'infirmière, il disait qu'elle allait le tuer. Comment en tant que femme pouvait-elle vivre cela ? Hermione la première de la classe, Hermione j'ai réponse à tout, Hermione je sais tout. Hermione ne serait plus jamais Hermione. Elle devenait une coquille vide. Le médecin ne pouvait éclairer Hermione. La maladie pouvait prendre un patient en quelques années. Parfois cela durait une éternité. Ils avaient tant vécu ensemble. Ces trois années donnaient l'impression d'avoir duré mille fois plus que toutes les autres depuis leur rencontre dans le Poudlard express. Hermione se dressa entre la fenêtre et Ronald. Elle lui caressa le creux de la joue. « Je t'aime Ronald » lui murmura-t-elle. Elle l'embrassa au creux de la lèvre. Il était happé par le paysage. Le regard figé. Elle contourna le guéridon et ramassa la tasse qu'elle s'apprêtait à mettre dans l'évier quand elle entendit son mari se mouvoir du fauteuil. Il fit un geste de la main et lui dit : « Madame ! Puis je avoir un autre thé s'il vous plait » |