La nuit avait vite ensevelie Londres ce soir-là. Il était déjà tard. Le réveil sur la table de nuit indiquait une heure zéro trois. L'enfant et sa mère baignaient dans une douce obscurité. Il n'y avait aucun bruit mise à part la complainte de la pluie qui s'abattait sur l'unique fenêtre de la pièce. A part cela, il n'y avait aucun bruit. Comme il était dur pour la jeune femme d'être seule face à elle-même. Le silence infiltrait la moindre partie de son corps, elle pouvait presque entendre battre son cœur.

Les mains fines et noueuses d'Astoria serraient les barreaux du petit lit, ou son fils dormait paisiblement. La tête presque enfouie dans ses épaules, elle se tourmentait.  Depuis hier soir, il était né. Elle n'en avait rien dit. Mais d'ici demain ils seraient tous au courant. L'accouchement n'était pas prévu pour novembre. Pourtant, son fils en avait décidé autrement. Drago avait dû s'absenter trois jours, à l'occasion d'un congrès international qui regroupait les différents ministères de la magie du monde. Il savait que l'enfant devait naitre fin décembre, c'est pourquoi Astoria avait vivement insisté pour que Drago parte en toute quiétude.

Elle rouvrit les yeux sur cet enfant qu'elle avait porté durant huit mois. Comme il était beau. Ses lèvres étaient fines, son visage opalin. Il avait déjà beaucoup de cheveux. Des cheveux blonds comme toute la lignée des Malfoy. Il était beau, il était son fils. Les mains d'Astoria se raidissaient à mesure de sa réflexion. Ses yeux de nouveau clos laissèrent lentement échapper de douloureuses larmes. Elles vinrent finir leur course dans le lit du petit Malfoy. Elle laissa échapper un long soupir, quand elle tendit les bras vers l'enfant. Délicatement, elle le saisie dans ses langes brodés des armoiries de la famille Malfoy. Douloureusement, elle lui murmura à l'oreille. «  Etre un Malfoy nécessite forcément d'être sorcier mon fils » L'enfant gémit dans les bras de sa mère mais ne se réveilla pas.

 Dans sa longue nuisette de soie verte, Astoria son enfant dans les bras, sortit de la chambre 29 . Elle pénétra dans le long couloir de l'hôpital. Les lumières au-dessus des issues de secours étaient ses seules guides. Pieds nus, elle se déplaçait comme un chat. Personne ne pouvait se douter qu'elle sillonnait le couloir. Son pas lent berçait l'enfant. Au détour du couloir, on distinguait des ronds de couleurs.  Les appareils électriques de la nurserie émettaient ces lumières. Une infirmière  vérifiait que chaque nouveau-né en couveuse ne manquait de rien. Quand celle çi fut repartie, la jeune femme se glissa avec délicatesse dans  la pouponnière. Une boule d'angoisse montait dans sa gorge. Elle se sentait piquée en plein cœur tant le geste quelle s'apprêtait à faire était cruel. Des enfants moldus, partout.. . Mais ce n'est pas cela qu'elle cherchait.  Elle lisait, un à un chaque prénom, sur chaque berceau.  Son cœur battait a tout rompre mais manqua de lâcher quand elle s'arrêta sur ceux qu'elle cherchait avec désespoir. Le désespoir était son guide car le courage l'avait abandonné dès le premier mois de sa grossesse.  Lysander et Lorcan Scamander lisait elle. Elle les voyait pour la seconde fois. Le matin, elle visitait Luna Lovegood qui avait donné naissance à des jumeaux la nuit passée. En sortant de la maternité, Astoria avait été prise de violentes contractions. Son fils était né aux alentours de midi. Tout avait été si vite. Comme la décision qu'elle avait prise après son accouchement. La main dans le dos de son fils, son regard vint se poser sur les deux petits, entourés de leurs doudous et cadeaux. A l'image de Luna, leurs cheveux étaient blonds et fins, comme ceux de...  de son fils qu'elle n'avait pas nommé. Les deux jumeaux se ressemblaient mais ils étaient différents. Astoria prit une profonde inspiration et étreignit son fils contre elle. Elle l'embrassa doucement sur le front et vint le déposer à côté des jumeaux. « Voici ton frère » lui dit-elle en repoussant ses cheveux longs. Puis elle se saisie de l'un d'entre eux, Lorcan ? Lysander ? Elle ne le savait pas et ne voulait de toute façon pas le savoir. C'était néanmoins, celui qui lui semblait être le plus proche de son fils. Elle regarda douloureusement son petit Malfoy , dormir auprès de l'enfant Scamander.  Dans ses bras, elle tenait le fils de Luna, avec presque autant d'amour que lorsqu'il s'agissait de son propre enfant.  Avant de repartir, elle prononça : « Et factus est eorum obliti » Elle espérait que ce sortilège permettrait à l'enfant en se réveillant de repartir à zéro. Elle espérait que quand son fils lèverait les yeux sur Luna, il reconnaitrait en elle la seule et unique maman qu'il n'ait jamais eue.  

Le pas plus pressé qu'à l'allée elle se dépêcha de regagner sa chambre. L'enfant commença à bouger, sa petite bouche se crispait. Astoria tenta de le bercer, le visage de la belle jeune femme se déformait  au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient. Le bébé se mit à gémir puis à pleurer. Astoria sentait ses jambes lui céder. Elle n'avait pas la force de l'entendre pleurer.  La bretelle de sa nuisette glissait de son épaule. Dos à la porte, elle glissa le long de celle-ci jusqu'à ce qu'elle trouve le sol. Elle tenait fermement le petit qui pleurait avec elle. «  Je n'avais pas le choix », gémissait elle. Comme si la folie semblait la gagner, elle répétait sans arrêt cette phrase à ce fils qui n'était pas sien : «  Je n'avais pas le choix ». Elle posa l'enfant sur la moquette fleurie. L'envie de vomir lui souleva le cœur. Elle courut jusqu'au lavabo  de la salle de bain ou elle vomi. Ses nausées parvenaient à peine à couvrir les cris du  bébé. Elle entendait toujours cet enfant. Quand elle osa enfin se regarder dans le miroir, elle s'interpella : «  Oh Astoria, si la famille de ton époux venait à apprendre que toi et ta famille êtes victimes d'une malédiction, votre union demeurerait alors impossible ! » Astoria délirait. Elle sombrait dans la démence. Elle toucha ses cheveux sur le miroir au-dessus du lavabo. « Pauvre chérie, tout comme ta grand-mère ton premier enfant mis au monde naitra Moldus ! » Son reflet la narguait. Astoria éclata du poing le miroir qui se jouait d'elle.  Elle hurlait à l'intérieur, et l'enfant dans la chambre pleurait comme s'il pouvait l'entendre. « Laisse-moi ! » ordonnait-elle au miroir « Va-t'en » implorait elle a elle-même.  Elle pleura la encore un moment. Apres quelque minute, elle contempla son image dans le miroir brisé. Elle s'essuya la bouche du revers de la main. Elle remit sa bretelle et prononça « spéculum réparo ». Le miroir n'avait désormais plus aucune trace.

Il ne fallait pas que Drago, son époux qu'elle aimait tant, sache quoi que soit de cette histoire. L'idée qu'il la quitte lui était insupportable. La famille Malfoy était de sang pur. Ses  beaux-parents n'étaient  pas mariés par amour mais parce qu'il fallait préserver  la ligné de la famille. Quant à elle-même, sa famille avait toujours étouffé la malédiction.  Serpentard de génération en génération ,  Astoria avait su montrer patte blanche pour entrer dans la grande famille des Malfoy . Elle alla ramasser le bébé, qui ne pleurait presque plus. Astoria regagna son propre lit avec son nouveau fils. Le réveil indiquait désormais une heure vingt-neuf. Elle ne pouvait cesser de penser. Son enfant était si près. Juste au bout du couloir. Mais pourtant si loin, si loin du standard qu'exigeait de  porter le nom Malfoy. Elle agissait au nom de la dignité qu'imposait ce nom. Ce nom qu'elle aimait tant. Cet amour du nom et de l'homme lui laissait la trace indélébile d'avoir porté un enfant moldus. Astoria se sentait à l'agonie. Elle se sentait mourir de chagrin. Mais le dilemme était résolu, à présent elle avait un fils...

Un doux baiser, tira Astoria du sommeil.  Quand elle entrouvrit les yeux, elle senti la chaleur du bébé blotti contre son sein. Dehors, il faisait beau.  Drago était là, un bouquet de lys à la main. Astoria lui sourit la mort dans l'âme et lui dit : « Souhaites la bienvenue à ton fils Drago. »

 «  Bienvenue, Scorpius  » dit alors Malfoy.