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au 31 Mai 21 :
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L'étrange Noël de Monsieur Kant
Par Cloe Lockless
Noël '07  -  Romance/Fantastique  -  fr
One Shot - Rating : T+ (16ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     10 Reviews     Illustration    
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    « - On doit à Kant un étrange…
Le prof de philo s’interrompit, ses yeux cherchèrent au plafond le terme adéquat tandis que ses doigts s’agitaient dans les airs comme pour essayer de le saisir.
L. se pencha sur l’épaule voisine et murmura à l’oreille :
    « - … Noël…
Sans détourner son regard du titre que le professeur écrivait au tableau, M. esquissa un sourire, et se repencha sur ses notes pour y écrire quelque chose…
…puis glissa la feuille, l’air de rien, de l’autre côté de la table.

Disclaimer : Cette histoire est une fiction… Un défi lancé par ma petite fée à partir d’un titre très spirituel…

L’étrange Noël de Monsieur Kant
——————————

La nuit est tombée. Dans la maison, il fait silence. Il fait un peu froid, mais blotti dans le canapé, à côté du radiateur, ça ne m’atteint pas vraiment. Mes parents sont partis fêter Noël chez les grands-parents, mais j’ai eu le droit de rester ici. Car Morgan a enfin eu une permission de sortie pour Noël.

Les lumières sont éteintes, tous les volets ouverts, et la télé passe une très longue émission de danse contemporaine, qu’on avait enregistrée cet été. C’est génial les émissions d’Arte à minuit passée. Les commentateurs se taisent les trois-quart du temps, et quand il prennent la parole c’est dans un murmure hypnotisé. Le décor est dépouillé, des rideaux sombres bordent les coulisses, un écran de lumière bleue diaphane sert de fond, une paroi de verre se dresse au milieu de la scène, le long de laquelle descendent des centaines de ces petits bonhommes avec des boules à la place des mains et des pieds, ils dégringolent avec un bruit de pluie qui est la seule musique. Des gens en blanc font des mouvements étranges dans la pénombre.

Autour de la télé les ombres dansent aussi. Elles s’étirent le long des murs, changent de place par intermittence, frôlent les dossiers des fauteuils et les rideaux. Sur le petit meuble du téléphone, à côté du canapé, un petit sapin de Noël clignote de toutes les couleurs, projette des sortes de vitraux éclatées dans l’angle du mur.

Tapotant le verre entre mes doigts, je regarde mes pieds. Ils sont dans de longues chaussettes rayées, au bout d’une jambe qui parait interminable. On dirait ceux du personnage du Foot Book, notre livre d’enfant préféré que personne ne connaît, avec cette bestiole qui ressemble au Grinch sauf qu’il est jaunâtre. Mes chaussettes sont noires et blanches, plus ou moins, et les rayures font de drôles d’illusions d’optique, comme si ma vue se troublait sous l’effet de barbituriques. Ça se trouve la bestiole est orange, ou marron.

Je médite la question en chantonnant dans ma tête, marmonnant dans les tréfonds de mon keffieh.
« What's this? What's this?
There's color everywhere
What's this?
There's white things in the air
What's this?
I can't believe my eyes
I must be dreaming
Wake up, Jack, this isn't fair »
 
Je repose le pied sur la table.
 
Sur la table il y a Cripure, c’est le surnom affectueux que Morgan et moi avons donné à notre cher petit livre cubique, que nous avons acheté à deux avec amour pour se le partager en cours de philo.
 
Cela fait deux mois que je n’ai pas pu voir Morgan. Il a été puni de cours tout ce temps. Il avait pris Cripure avec lui, mais Kant n’était pas autorisé là-bas — trop « esprit pur ». Alors je l’ai récupéré. Mais pas intact.
 
Cela faisait plusieurs cours de philo que l’on remarquait une odeur bizarre. Un peu piquante, discrètement épicée, une odeur froide qui rappelait l’automne, ou un salon de grand-mère… ? Comme on avait presque tous nos cours de la journée dans cette salle, et que l’odeur ne se pointait qu’en philo, on en avait déduit que ce devait être le parfum particulier de notre professeur qui allait et venait sans cesse près de notre table. Et puis un jour, alors que nous nous reportions à la table des catégories de l’analytique transcendantale, le mystère s’est résolu. Et nous avons retrouvé les petits feuilles que nous avions ramassées sur le trottoir de la librairie et que nous avions fourrées là au hasard, pour qu’elles ne fassent pas de miettes dans nos poches en séchant.
 
Depuis, pendant que le prof tentait d’expliquer le fonctionnement de l’intuition sensible, nous faisions du kantisme appliqué en nous shootant au cueillement de fin d’été.
 
(Lo’ ça n’existe pas ce mot)
(Maintenant si : c’est un portemanteau cassé.)
 
Mais le docteur nous a puni pour notre égarement métaphysique. Le livre m’est revenu aseptisé de son aura cuivrée ; les feuilles n’y étaient plus, et je me suis rendu compte à quel point la couverture était blanche.
 
« Kidnap the Sandy Claws, lock him up real tight
Throw away the key and then
Turn off all the lights »
 
Le réveil sur la télé indique plus de minuit, mais il est complètement déglingué. De toute façon j’attends Morgan.
 
J’espère que je ne vais pas pleurer en le voyant.
 
C’est là, alors qu’il ne me reste plus que quelques minutes à patienter, que je me rends compte à quel point il m’a manqué, à quel point il me manque, atrocement.
 
Je ferme les yeux et inspire profondément.
 
Ma première rencontre avec Morgan remonte à loin. J’ai l’impression que je n’ai jamais connu que lui. A peine le prof nous avait-il placé à côté, nous nous étions découvert de nombreuses passions en commun, dont Tim Burton et les grandes méditations HS. Un an a passé, à incruster des notions proférées par la voix de l’estrade à un gribouillis de paroles de chansons, de textes plus ou moins poétiques, de discussions en brasse coulée, chuchotées au raz des feuilles.
 
A la deuxième rentrée de septembre, on parlait moins, on ne se regardait presque plus, mais on écrivait plus, toujours du non-sens. Et on lisait tous les textes indiqués par le prof, penchés l’un vers l’autre sur le livre qui ne tenait pas ouvert tout seul ; alors nos doigts s’effleuraient souvent pour tenter de maîtriser les centaines de pages rebelles. Et il lisait avec concentration, pendant que je regardais ses lèvres du coin de l’œil. Et je ne savais jamais lui répondre quand il me demandait ce que c’était déjà « objet transcendantal = X ». Je haussais les épaules avec une moue alanguie qui le faisait sourire.
 
La dernière fois que je l’ai vu, je ne me rendais pas bien compte qu’on se séparait pour longtemps. Je m’étais levé pour aller changer de CD et il me regardait. Et, statufié, je l’ai regardé se lever du lit, passer une main derrière ma nuque et m’embrasser. Juste une fois, doucement, puis une deuxième en riant devant ma mine stupéfaite. Et une troisième avant de partir, un peu plus fort sur mes lèvres. Nos doigts entrelacés se serraient un peu trop fort, sans vouloir se lâcher.
 
Ma gorge me fait mal, je ravale un sanglot stupide mais une larme m’échappe. Je la laisse couler, je ne lui prête pas attention.
 
Je pose le verre et m’enfonce un peu plus dans le canapé.
 
J’ai coupé le son de la télé. Les lumières de l’écran et du sapin me coulent sur les jambes et les bras. Le clair-obscur psychédélique me fait frissonner, mais je reste immobile. Il me semble entendre des bruits.
 
« Qui est-la ? » j’appelle.
 
Le silence revient aussi vite que je l’avais troublé. Je ferme les yeux en souriant, imperceptiblement.
 
Une présence passe près du radiateur, appuie ses genoux de part et d’autre de mon corps inerte et je sens dans le souffle qui me frôle le visage un rictus de connivence.
 
« I am the « who » when you call « who’s there ? ». » répond-il.
 
Je séquestre ses lèvres.
 
La froideur de sa nuque me donne des envies de meurtre. Ses doigts gelés qui se glissent sous mes vêtements me brûlent et se brûlent contre ma peau.
 
J’ai peur, j’ai peur de le briser si je le serre trop, j’ai peur qu’il disparaisse. Mais il s’agrippe à moi, de toutes ses forces. Il est là. Il est avec moi.
 
Je le dévore, il me ravage. Ça fait mal, mais on était à bout.
 
A bout de souffle, quand nos cœurs lâchent seulement nous nous écartons, d’un centimètre tout au plus. Nous éclatons de rire mais cela ne donne que des grimaces étouffées dans un souffle erratique.
 
Je plonge les doigts dans ses cheveux et ma langue caresse la sienne, plus doucement, même si je tremble. Il me répond en prenant son temps, il me touche et ça me calme. Ma fièvre l’a réchauffé un peu, et un courant tiède circule entre nous.

Je le regarde enfin. C’est un fantôme avec le sourire de Morgan que je distingue dans la semi-obscurité. La télé s’est mise en écran de veille, il n’y a plus que les lueurs colorées de la guirlande, et celle des réverbères par la fenêtre, un faible éclat blême qui semble traverser son visage. Son regard est creusé dans l’ombre. Les poignets que je tiens dans mes mains sont d’une minceur angoissante. J’ai mal au cœur.

« - Tu ressembles à Mr. Jack. »
 
Il esquisse un sourire en détournant les yeux.
 
« - Et ce soir je fais le père Noël.
- Avec son manteau cinabre…
- Ah, tu as trouvé ce que c’était ce truc ?
- Sulfure de mercure ; couleur rouge.
- Notre ami Kant était un grand chimiste. »
 
Il me fait lâcher ses poignets pour attraper quelque chose dans ses poches.
 
« - Tu as réfléchi au one-shot ?
- Je n’avais rien d’autre à faire que ça.
- …Alors ?
- Rien de fini. Il manquait toujours de ton esthétique transcendantale. »
 
Humour dévastateur — c’est toujours aussi nul. Mais le vide de ces deux derniers mois s’efface, les morceaux se ressoudent, cicatrisent peu à peu.
 
« - Tiens… »
 
Il se penche et me met une petite boîte sans papier entre les mains, contre mon ventre. Ses lèvres déposent des picotements le long de mon cou.
 
« - Ne l’ouvre pas tout de suite. »
 
Mais je n’ai pas l’intention de l’interrompre pour ouvrir une boîte. Je m’enivre à petites gorgées de son parfum…
 
« - Je suis désolé, je peux pas rester. »
 
Il embrasse le coin de mes lèvres et se redresse. J’ai un hoquet de stupeur.
 
« - Quoi !?
- Je suis le père Noël jusqu’au bout. »
 
Il est debout et me regarde en pinçant douloureusement les lèvres. Lentement il attrape le verre sur la table et le lève, et me sourit, amèrement.
 
« - Tu viens avec moi ? » demande-t-il.
 
Je suis debout deux mètres plus loin, mortifié. J’imagine le verre se briser par terre ; et j’en ramasserais un éclat, pour assassiner l’ange qui passe.
 
Je n’hésite pas longtemps. Le verre éclate au sol, cela fait comme un bruit de pluie. Nos mains s’attrapent et nous sortons par la véranda — en courant.
 
Dehors tout est pris dans le brouillard. Il fait froid, mais je cours tellement vite que je ne le sens pas. Mes doigts se tordent entre ceux de Morgan, et je redoute à chaque secousse, à chaque pas que l’on frappe sur le goudron, que cette douleur me lâche. Quelques flocons se mettent à tomber et éteignent les sons un à un. Du sang coule de ses poignets, je raffermis ma prise.
 
Puis on s’arrête, en plein milieu de la route, essoufflé. Je sens encore la pression de ses doigts.
 
Mais il n’est plus là.
 
« - Morgan ? »
 
Putain d’aperception.
 
Le souffle s’échappe de ma bouche pour se confondre dans la brume.
 
Des larmes transies roulent sur mes joues en les brûlant.
 
Il n’est pas là.
 
En désespoir de cause j’ouvre la boîte qu’il m’a donnée. Une sorte de vrombissement étouffé m’emplit le crâne, un voile de lumière crue me cerne de toutes part.
 
Une salle sans air, du blanc partout, une sale odeur de désinfecté.
 
Mes doigts tremblent violemment et le rebord me fait mal. Mais finalement le couvercle tombe.
 
« I am the wind blowing through you hair »



Tuuuut—
« Loïc ? c’est Maman. Tu dois être occupé avec ton ami, on se reparlera plus tard. Tout le monde ici vous souhaite un Joyeux Noël ! Je t’embrasse. »



Tuuuut—
« … C’est Florie… Je… vais rappeler sur le portable… — Clic »

La vibration fit frémir la table et se répercuta bruyamment dans la pièce. Le téléphone chancela, se tut en tombant sur le carrelage.

Tuuuut—
« C’est encore moi. Nous avons eu la sœur de Morgan au téléphone. Il est… mort, cette nuit. Tu nous avais dit qu’il sortait de l’hôpital pour Noël, je ne comprends pas. Loïc, je m’inquiète beaucoup. Appelle-nous vite sur nos portables, on va rentrer... »
 
Sur la table, à côté du verre vidé, gisait un Critique de la raison pure, ouvert ; des pages en avaient été arrachées et recouvertes d’écriture à l’encre noire, des ratures ; et des petits bouts de papier, où des mots étaient notés à la va-vite, jonchaient ces brouillons, et les feuilles de cours noircies, bleuies d’encres différentes.
Hypnotize.
Chaussette.
Tréfonds.
Déglingué.
HS.
Grimace.
Je t’aime.
Aperception
transcendantale.
Psychédélique.
Cinabre ?
Il était assis dans le canapé, la tête tombée sur son épaule, sur sa lèvre un peu de sang séché, une petite boîte ouverte, vide, contre son ventre, au creux de sa main. Mais il ne la tenait plus vraiment.

Note: "portemanteau word" est l'expression anglaise pour "mot valise".

J'espère que ça vous aura plu >_< N'hésitez pas à laisser vos impressions et/ou questions par review!

 
     
     
 
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