manyfics
     
 
Introduction Les news
Les règles Flux RSS
La Faq Concours
Résultats ManyChat
Plume & Crayon BetaLecture
Nous aider Les crédits
 
     

     
 
Par date
 
Par auteurs
 
Par catégories
Animés/Manga Comics
Crossover Dessins-Animés
Films Jeux
Livres Musiques
Originales Pèle-Mèle
Série ~ Concours ~
~Défis~ ~Manyfics~
 
Par genres
Action/Aventure Amitié
Angoisse Bisounours
Conte Drame
Erotique Fantaisie
Fantastique Général
Horreur Humour
Mystère Parodie
Poésie Romance
S-F Surnaturel
Suspense Tragédie
 
Au hasard
 
     

     
 
au 31 Mai 21 :
23295 comptes dont 1309 auteurs
pour 4075 fics écrites
contenant 15226 chapitres
qui ont générés 24443 reviews
 
     

     
 
Le survivant
Par sflagg
Originales  -  Drame/Général  -  fr
One Shot - Rating : K (Tout public) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     0 Review    
Partager sur : Facebook | Twitter | Reddit | Tumblr | Blogger

 Paris la nuit, Paris sous les bombes, Paris détruite, Paris en ruine. Et dans cet amas de décombres et de morts, j’étais là, rare survivant alors que tant d’autres étaient trépassés.

 Nous étions des soldats de plomb dans une putain de guerre à la con. Des pions dans un immense jeu où s’affrontaient le bien et le mal, détruisant sans pitié nos vies et celle de nos meilleurs amis.

 Cela faisait déjà près de cinq ans que le massacre se perpétrait, se perpétuait. Mais qui décidait qui serait mort ou encore vivant quand le Soleil se lèverait sur les ruines encore fumantes d’une nuit de combats et de désolation ? ... Dieu ? Personnellement, ça faisait longtemps que je ne croyais plus en lui.

 Nous étions le 22 août 1944, et personne ne savait encore quand la guerre serait finie.

**

 Cette nuit là, environ deux heures après que le Soleil se soit couché, une douzaine de mes camarades et moi-même fûmes désignés pour faire des rondes dans le quartier où nous étions en poste et dont j’ai oublié le nom depuis.

  La ville n’était plus qu’un cimetière où s’alignaient les fantômes d’anciens immeubles qui maintenant faisaient partie du passé, de notre passé. J’avais les larmes aux yeux devant ce spectacle de désolation, car, plus jeune, j’avais vécu dans cette cité que l’on nommait la Ville lumière, mais qui à présent était éteinte. Et la seule chose que j’avais alors en tête, c’était de faire payer tout ce gâchis aux responsables, aux  Allemands ; de buter du Boche, d’exterminer tous ces bâtards de nazis. J’étais sur les nerfs.

 Nous étions tous sur les nerfs. Nous avions tous débarqué en Normandie le 6 juin et des dizaines de nos camarades y étaient toujours, oubliés là, comme des héros trop courants pour être célèbres, alors qu’eux étaient morts pour que d’autres puissent vivre un jour dans un pays libre.

 Oui, beaucoup d’entre nous avaient vu leur meilleur ami, voir un membre de leur famille, y mourir dans d’atroces souffrances. Mais nous nous étions promis une chose avant de débarquer : Temps qu’il y aurait des survivants des deux côtés, nous nous battrions, la peur au ventre et dans la tête l’envie de s’enfuir à toutes jambes ou de se cacher dans un trou, certes, mais sans jamais flancher, sans jamais faire preuve de lâcheté.

  Dans beaucoup de ces tombeaux à ciel ouvert, des soldats, amis ou ennemis, étaient en faction. Morts de trouille, ils tiraient sur tout ce qui bougeait. Une nuit avant, deux Américains étaient tombés sous les balles de trois Français faisant une patrouille de reconnaissance. L’un d’entre eux était devenu fou, répétant tout le temps qu’ils auraient dû le savoir, que cela n’aurait jamais dû arriver. Il s’est jeté, le matin suivant, sur les lignes allemandes, en défouraillant comme un damné et tuant ou blessant plus d’une dizaine de Boches avant de s’effondrer à son tour.

  Putain de guerre à la con ! Combien d’entre nous s’en remettraient vraiment, s’en remettraient totalement, quand ce massacre, cette boucherie, cette barbarie serait finie ? Si elle se terminait un jour. Je ne le savais pas, je ne le sais toujours pas, et ne le serai certainement jamais.

  Nous venions juste de partir et avancions dans la rue ; deux hommes fermant la marche, deux mètres en arrière, le gros de la troupe au milieu avançant en colonne deux par deux, et enfin, deux autres marchant deux mètres en avant, en éclaireurs.

 L’un de ces derniers n’avait rien à faire ici, comme nous tous bien sûr (personne n’avait le droit de vivre une vie comme celle que nous avons vécue alors). Mais lui, c’était autre chose, il avait perdu la boule lorsqu’il avait vu son frère mourir dans ses bras. Il ne comprenait pas pourquoi on l’avait pris à ses parents, ni pourquoi, on lui demandait de tuer des gens qui ne lui avait rien fait. Son frère, je ne sais combien de fois, nous avait demandé de nous occuper de lui, s’il venait à mourir, car il était un peu retardé mentalement. Et c’est ce que nous avons fait, du moins jusqu’à ce soir-là.

 Il avait insisté pour faire partie de l’avant-garde, et, après maints refus, nous finîmes par capituler et le laissâmes prendre le poste qui normalement devait me revenir. Je le vis mourir, quand tout partit en couilles, et la vue de son crâne explosant sous la pression du projectile mortel me hante encore et me hantera jusqu’à la fin de mon existence. Je m’en voudrais toujours d’avoir si facilement laissé ce pauvre garçon prendre ma place. Et j’appris plus tard que beaucoup d’entre nous s’en faisaient tout autant le reproche. Nous l’apprêtions tous. Avec sa simplicité, sa naïveté, il nous faisait rire, amenant de la joie les jours tristes, en clair, tous les jours, car ils étaient tous tristes. Dans cet enfer comment aurait-il pu en être autrement ?

 Lorsque les balles fusèrent de l’immeuble à notre gauche, tous n’eurent pas le temps de se mettre à couvert, et quatre autres des nôtres rejoignirent le premier au panthéon des “ Mort pour la France ”. Au bruit des mitrailleuses et des fusils, j’en déduisis qu’ils devaient être pas loin d’une vingtaine à nous canarder, et nous, nous n’étions plus qu’à peine plus d’une demi-douzaine. Et à ce moment-là j’ai vraiment cru que c’était fini, que nous allions tous y passer; que nous allions enfin laisser tomber les armes et la violence pour prendre un repos éternel, un repos si bien mérité, même si aucun d’entre nous n’avait vraiment envie de trépasser. Heureusement une autre unité, en patrouille pas loin, entendit les coups de feu et accourut pour nous soutenir.

 Le combat dura toute la nuit et beaucoup de braves gars y restèrent. Je vis leur sang les quitter, emportant avec lui leur si courte et triste vie. J’entendis leur cri percer le monotone hurlement des armes quand un projectile atteignait son but, effectuant le macabre travail qui lui avait été donné et qui n’était autre que d’éliminer une vie.

 Enfin, quand l’aube pointa un bout de ses rayons de soleil à l’horizon, teintant de bleu le ciel nocturne, les tirs ennemis avaient diminué d’ardeur, se faisant plus sporadiques. Pendant la nuit, j’avais, sans pour autant les avoir vus, entendu plusieurs fois des corps tomber et s’écraser au sol. Aucun doute que l’ennemi se faisait moins nombreux, alors que de notre côté d’autres gars étaient venus à notre secours, remplaçant les morts et les blessés que d’autres encore évacuaient au fur et à mesure qu’ils tombaient.

 Vers sept heures nous sortîmes de nos cachettes et chargeâmes. Je vis, vision d’horreur, un de mes camarades, qui était avec moi depuis le début et qui m’avait déjà sauvé la vie au moins deux fois, s’effondrer, la tête à moitié arrachée par une balle explosive. Je n’eus pas le temps de m’apitoyer sur son sort qu’une vive douleur me vrilla le bras gauche. Je roulai sur le sol, un voile recouvrant mes yeux, la douleur étant à la limite du supportable, mais je ne m’évanouis pas. Puis, reprenant mes esprits, j’inspectai ma blessure, qui par chance n’était pas bien grave, donc je me relevai, et repartis à l’assaut.

 Sur la dizaine de gars à avoir joué les kamikazes, nous ne fûmes que quatre à réussir à pénétrer dans le cercueil géant. Et là, parmi les décombres, je vis la chose la plus horrible de ma vie de soldat. Devant mes yeux, un des soldats contre lesquels nous nous battions baignait dans son sang. Sang qui coulait de son cou décapité en un ruisseau rouge et visqueux jusqu’à sa tête encore casquée... casquée d’un casque anglais. Je stoppai subitement ma course, et, comprenant l’ignoble vérité, je hurlai : “ Cessez le feu ! Cessez le feu, ce sont des Anglais... ” Puis un liquide amer et chaud me coupa la parole, en jaillissant de ma bouche comme l’eau à la sortie d’un tuyau d’arrosage que l’on vient d’ouvrir. Je vomis pendant un temps qui me sembla ne pas vouloir s’arrêter.

 Putain de guerre à la con, nous venions de nous entretuer pendant une bonne partie de la nuit, ajoutant une quinzaine de morts et une vingtaine de blessés à la déjà trop longue liste des victimes de ce gâchis. Il ne restait plus que cinq Anglais sur les dix-huit qu’ils étaient au départ, et tous plutôt mal en point.

 Ces enculés de nazis devaient bien se marrer, s’ils étaient en train de nous observer. Mais par chance pour eux, nous n’en repérâmes aucun, sinon je crois que cela aurait été une véritable boucherie. Car, malgré la nuit que nous venions de passer, nous avions une folle envie d’en découdre avec de vrais ennemis, histoire de venger les faux, morts bêtement, morts pour rien, tués par des alliés. Putain de guerre à la con... !

 **

  Oui, c’était une putain de guerre à la con. Beaucoup y sont morts ; encore plus y ont laissé un ami ou un membre de leur famille, voire les deux, voire plusieurs. D’autres, encore plus nombreux, y ont perdu un bras, une jambe ou les deux... ou les quatre. Certains en sont même revenus aveugles ou sourds, voire complètement fous.

 Quant à moi, mon bras s’en est bien remis, même s’il me fait un peu souffrir quand je force dessus où quand le temps est humide ; mais la blessure que j’ai à l’âme depuis cette triste nuit de cauchemars, elle, n’a pas cicatrisée. Et dans mes rêves, je vois souvent le corps sans tête de ce pauvre Anglais me disant de sa voie d'outre-tombe sortie tout droit de sa gorge béante que je suis un assassin, un meurtrier pire qu’un Boche. Je sais pourtant que c’est eux qui avaient commencé à nous canarder, mais je me sens tout de même toujours fautif. Je ne peux m’en empêcher, et sais que jusqu’à ma propre mort ce sentiment me poursuivra.

  Je m’appelle François Dubois et j’ai écrit ceci pour que les générations futures n’oublient pas ce que nous avons dû faire, ce que nous avons dû subir, dû endurer pendant ces terribles années de carnages, et pour qu’ils ne répètent jamais nos erreurs.

 Mais je l’ai aussi fait en hommage à tous les soldats, à tous les amis morts pour la France, morts pour la liberté, ma liberté, notre liberté, votre liberté.

  À tous ces braves, je ne leur dirais qu’un mot en point final à ce récit : Merci !

 

Fin !

 

Écrit en mai 2015.

        S.Flagg

 
     
     
 
Pseudo :
Mot de Passe :
Se souvenir de moi?
Se connecter >>
S'enregistrer >>