Notre histoire a débuté lors de notre quatrième jour de lycée… Mais revenons au commencement. Je m’appelle Mitchie… Michelle en fait. Je trouve mon prénom trop ancien, c’est pour cela que dans la vie de tous les jours on me surnomme « Mitchie ». Je suis donc une lycéenne depuis peu, âgée de quatorze ans, au caractère discret et sérieux. Tout le contraire de ma meilleure amie Abigaëlle. Un exemple ? Elle est en retard quasiment tous les matins. D’ailleurs ce jour-là je l’ai attendu aussi…
Je patiente adossée à la clôture qui borde la maison. Le quartier est calme en ce début de matinée. La température est agréable, ni trop chaude, ni trop froide. Une belle journée s’annonce. Toutes les conditions sont réunis pour que ce jour se passe bien… enfin toute sauf une. L’heure. Je regarde une énième fois les chiffres défiler sur l’écran de mon portable. Voilà dix minutes que j’attends !
Je regarde en direction de la maison. Au-delà du jardin verdoyant se dresse une bâtisse de taille moyenne dans les tons de pêche. Entourée par de nombreuses plantes, l’habitation à l’air paisible. Cependant je crois distinguer une grande agitation derrière les rideaux blancs. Je fixe alors la porte en bois. Priant pour y voir apparaître Abie. Je retiens ma respiration pleine d’espoir lorsque je la vois s’ouvrir. Mais c’est un garçon accompagné d’une petite tête brune qui en sort. Lorsqu’il referme derrière lui, je soupire désespérée. Je lance alors un regard au loin dans notre rue. Les premiers cars scolaires ont déjà pris la route.
Soucieuse, j’interpelle Luc, le petit frère d’Abigaëlle :
« - Salut ! Dis-moi, qu’est-ce qu’elle fait ta sœur ?
- Elle déjeune, encore. »
Je prends un temps de réflexion avant de relever :
« - Comment ça ‘encore’ ?
- C’est la deuxième fois ce matin.
- Quoi ?! »
Je me frappe le front avec la paume de ma main complétement désemparée. Luc et Nathalie me laissent incrédule sur le trottoir non sans quelques mots d’encouragements.
Plus tard, alors que je regarde un autre bus partir, Abie décide enfin de sortir le bout de son nez. Elle franchit la porte une tartine encore dans la bouche. Je la regarde accusatrice.
« - Crouf ? (quoi ?), demande-t-elle.
- Tu es vraiment obligée de prendre deux petits déjeuners ? »
Elle avale le reste de son repas en une bouchée et escalade la clôture avant de me répondre :
« - Deux ?... Non j’en ai pris trois ce matin.
- Quoi ?! Trois ? Mais où est-ce que tu cases toute cette nourriture ? »
J’observe ma meilleure amie, sa taille fine et sa musculature athlétique. Elle ricane un instant, ce qui me calme :
« - Tu es vraiment obligée Abie ?
- Tu rigoles ? Pour moi c’est VI-TA-LE, dit-elle en accentuant chaque syllabe.
- Et arriver en retard aussi ?
- En retard ? Mais non, on est juste… »
Elle est coupée par le bruit de moteur du dernier bus qui passe juste derrière elle.
« - …à l’heure… COURS ! »
J’exécute son conseil en même temps qu’elle. Nous déambulons à vive allure dans les rues jusqu’au prochain arrêt en croisant les doigts pour y arriver à temps. Une fois à bon port, je me permets une pause pour respirer. Appuyer contre un mur, je tente de reprendre mon souffle. Même essoufflée, Abie finit par articuler :
« - Tu vois… On est arrivée à temps ! »
Je roule des yeux tandis que le car arrive à notre niveau. Je monte la première et m’installe du côté de la vitre. Pendant le trajet, Abigaëlle me parle de tout et de rien, mais je ne l’écoute pas vraiment. Je suis absorbée dans mes pensées et fixe mon reflet. Je remets en place mes barrettes dans mes longs cheveux marines. Naturels ! Je tiens à le préciser. Puis une boule de stress se déforme dans mon ventre à l’idée d’arriver une nouvelle fois en retard pour le cours de français. Abie continue son monologue sur le physique avantageux de Valentin et son style vestimentaire. Cependant cela m’importe peu. Finalement, elle remarque que je ne l’écoute pas :
« - Eh ! Mitchie, tu m’écoutes ?
- Hein ? … Oui, tu me parlais de Valentin, dis-je d’un ton las.
- Tu dis ça comme si ça ne t’intéressait pas !
- Sans vouloir te vexer Abie, c’est le cas ! Je me fiche pas mal du tee-shirt qu’il va porter aujourd’hui.
- Mais t’imagines si c’est un nouveau ? ou le blanc qui met si bien en valeur ses muscles… »
Abigaëlle s’égare en rêverie et même peut-être qu’elle est sur le point de baver. Je la ramène parmi nous :
« - Arrête, on dirait Milaine qui parle ! (longue histoire cette Milaine… Vous comprendrez plus tard)
- C’est vrai ? Oh mon Dieu ! » Abie se censure à l’aide de sa main. Manifestant ainsi son dégoût à l’idée d’être comme Milaine.
A ce moment, le bus s’arrête et tout le monde descend. J’en profite pour jeter un œil sur l’heure qu’il est. Je prends peur, nous sommes juste niveau timing. Nous courons jusqu’à la salle de français. Malheureusement alors que nous traversons la cour, la cloche sonne. Nos efforts n’ont servis à rien. Nous arrivons en retard. Je fusille Abigaëlle du regard alors qu’elle frappe à la porte. Le professeur nous fait signe d’entrer. Il nous sermonne sur la ponctualité et notamment sur le fait que cela fait plusieurs fois en quelques jours. Mais il est clément… enfin, je me comprends. Plutôt que de nous coller toutes les deux, il nous donne des « travaux d’intérêt généraux », c’est-à-dire que nous devons aider à ranger les livres dans la nouvelle bibliothèque de l’école. Légèrement dépitées tout de même, Abie et moi rejoignons nos places respectives.
Une fis les deux heures terminées, la récréation est la bienvenue pour se libérer l’esprit. Cependant je garde une certaine rancune envers ma meilleure amie. Je lui en fais part immédiatement plutôt que de laisser traîner :
« - La prochaine fois, je partirais sans toi.
- Désolée Mitchie, promis ça n’arrivera plus ! »
Je reste dubitative face à cette promesse. Mais je sais qu’elle est sincère. Abie déteste les mensonges tout comme moi je déteste être en retard. Elle me sort alors son arme ultime : son regard de chien battu.
« - Bien sûr que je te pardonne… De toute façon tu sais très bien que c’est une menace en l’air, j’en suis incapable. »
Deuxième arme secrète : Le sourire extras-blanc. Celui qu’elle affiche en toute situation joyeuse.
Nous sortons donc dans la cours pour rejoindre le reste de notre petit groupe. Nous nous installons sur des chaises installées en terrasse de la cafétéria. Mais laissez-moi vous présenter mes amies. Notre bande est constituée de sept filles en nous comptant, Abigaëlle et moi. Commençons par Emilie. C’est une fille plutôt du genre romantique et fleur bleue. Sa caractéristique principale : elle porte toujours une touche de rose dans ses tenues. Sa couleur fétiche. Sinon c’est une fille excentrique à la chevelure dorée. Ses yeux gris varient de nuances en fonction de la météo.
Passons à sa meilleure amie, Ludivine. Emi et Ludi sont les parfaits opposés. Si Emilie est gaie et rose bonbon, Ludivine est une fille très sombre et obscure. Elle arbore un style inspiré du gothique. Elle ne fait pas peur pour autant même avec sa peau d’albâtre et ses cheveux ailes de corbeaux. C’est une fille assez mystérieuse qui restreint son cercle intime.
Ensuite, il y a Clara, appelée aussi C.C. Tellement discrète qu’elle passe presque inaperçue. C’est un vrai petit rat de bibliothèque ou un livre ambulant. Mais elle est tellement timide qu’elle a du mal à exposer ses idées pourtant intelligente. Elle se cache derrière un style simple de vêtement ou de coiffure. Des cheveux châtains encadrent son visage.
Notre bande compte aussi Ashley ou H. C’est une très bonne amie de Clara mais je ne saurais dire si elles sont proches au point d’être meilleures amies. Mais revenons à Ashley. C’est une fille assez secrète qui ne se dévoile pas vraiment. Pourtant, elle possède cette aura qui nous incite à lui faire confiance, à lui confier nos secrets. Sans doute grâce à ses yeux bleus glacés qui semblent nous transpercer. Mais H n’est pas qu’une paire d’œil, c’est aussi une fille à la chevelure ondulante et à la peau mat.
Ensuite, la dernière à part nous, c’est Sophie. Soso est une blonde platine aux cheveux courts et aux yeux d’or. Dans le style garçonne et énergique. Elle aime les sensations fortes et ne s’en cache pas. C’est souvent la première à mener la rébellion. On ne connaît pas vraiment sa vie extérieure au lycée malheureusement.
Puis, il y a nous, Abie et moi. Abigaëlle est une vraie pile électrique. Toujours pleine d’énergie et d’idées farfelues. Elle a des cheveux châtains qui tirent étrangement vers le roux en été ainsi que des yeux verts émeraude. De plus, ses habits aux couleurs chatoyantes ne passent pas facilement inaperçus. Et finalement, il y a moi. Comme je l’ai dit auparavant mes cheveux sont naturellement bleus marines. En plus de cette particularité génétique, je possède des yeux turquoise assez rares et voyants. Pour éviter d’attirer l’attention plus que cela, je cache un de mes yeux derrière une grande mèche de cheveux. Je suis d’un tempérament calme et posé en général.
Vous voyez on est plutôt une bande atypique. Aucune ne se ressemble et pourtant chacune de nous s’adore. Nous passons le plus clair de notre temps toutes les sept. Même s’ils nous arrivent souvent de se retrouver en groupe encore plus restreints. Mais revenons à notre histoire.
Nous sommes donc installées face à la cafétéria tranquillement pendant que nous racontons notre péripétie du matin. Les filles en rigolent car elles ont l’habitude de nos aventures. Une soudaine agitation attire notre attention. On voit un groupe d’élèves se former et on entend deux personnes se disputer :
« - Tu te crois supérieure à moi ? Mais personne ne l’est dans ce lycée de campagne ! Personne tu m’entends ! J’incarne la classe et le style au milieu de tous ces paysans. »
Je regarde ma meilleure et dans un soupir nous lâchons en chœur :
« - Milaine… »
On s’approche de l’attroupement poussée par la curiosité. En effet, c’est bien Milaine qui est au cœur du désaccord. Elle crie sur une adolescente inconnue. Cette dernière se défend :
« - De la classe et du style, toi ? Laisse-moi rire. Je dirais plutôt que tu ressembles à une prostituée. »
Elle n’a pas tort… Aujourd’hui Milaine est habillée très légèrement, même pour la saison. Elle porte un haut blanc moulant et décolleté en plus d’un short beaucoup trop court. Sans parler qu’elle exhibe son ventre bronzé et son visage maquillé comme un pot de peinture.
Milaine et ses groupies, c’est-à-dire deux filles du même genre qu’elle, peut-être en moins dévergondées, font mine d’être choquées :
« - Comment oses-tu ?
- Mais je fais ce que je veux ! Ce n’est pas une pimbêche qui va me dicter comment je dois conduire. »
Bien envoyé. Les groupies se concertent et l’une d’elles se hasardent :
« - Mimi… Tu veux qu’on appelle les gars ?
- Non pas besoin !, elle balaye l’idée d’un geste désinvolte de la main, j’en ai fini pour l’instant. »
Puis elle s’adresse à l’inconnue menaçante :
« - Par contre ne croit pas que c’est terminé. On se retrouvera ce soir !
- Je t’attendrai. »
Mimi tourne des talons suivis de près par ces deux toutous. La foule se dissipe et tout le monde rentre en cours lorsque la sonnerie retentit. La matinée se finit avec une seule conversation sur les lèvres, la dispute entre Milaine et l’inconnue.
Vient l’heure de la cantine. Nous nous retrouvons toutes autour d’une table pour se restaurer même si les plateaux semblent peu attirants. Cependant Abie finit toujours toute son assiette, je me demande sincèrement comment elle fait quand je vois ce que contient la mienne. Je tourne ma fourchette dans ce qui ressemble à de la purée de carotte avant de repousser mon plat.
Vers la fin du repas, si on peut le nommer ainsi, Milaine s’accoude à notre table suivie de près par son petit groupe :
« - Alors Michelle, tu t’obstines avec ta coloration bleue en espérant qu’elle soit enfin à la mode ? »
Ses groupies ricanent de bon cœur tandis que je réponds :
« - Pour la dernière fois Mimi, mes cheveux sont naturels ! »
Milaine se joint à ses camarades. Abie exaspérée lance :
« - Dis-moi Mimi, la honte de ce matin ne t’a pas suffi que tu viens nous chercher ? »
Les rires cessent et un silence de plomb s’installe. Ludivine surenchérit quelques minutes plus tard :
« - Au fait Milaine tu nous le fait gratuitement cette fois ? Parce qu’on n’a pas vraiment les sous pour se payer tes services. »
La table s’esclaffe et les élèves autour nous suivent. Milaine vire au rouge tomate :
« - Arrêtez ! Arrêtez !... Comment osez-vous ? »
Toute la salle la regarde amusé avant de vaquer à nouveau à ses occupations. Avant de partir, Mimi nous menace :
« - C’est la dernière fois que je tolère ce comportement. La prochaine fois ce ne sera pas un avertissement mais bel et bien la guerre ! »
Puis elle s’éloigne de notre table contrariée.
On reprend les cours sereinement jusqu’à la récréation. Puis nous retrouvons notre « quartier général », autrement dit la terrasse. On commence à discuter garçon. Chacune son tour passe un interrogatoire de la part d’Emilie. Quand vient mon tour, elle me tarabuste pour découvrir si un garçon me plaît. Mon corps trop sincère se met à rougir. Toutes devines la vérité et me demande d’avouer :
« - Allez Mitchie, fais-nous confiance ! »
Je jette un coup d’œil vers Abie qui m’encourage avec un hochement de tête.
« - Et bien… Le garçon en question c’est… Edouard. »
J’ai les oreilles qui chauffent. Mes amies ouvrent toutes de grands yeux et Clara se sent obligée de demander :
« - LE Edouard de la seconde cinq ? Celui-là ?
- Oui, dis-je tout doucement. »
Maintenant elles affichent toutes un sourire qui signifie qu’elles vont s’en mêler.
« - Non, les filles. Je connais ces sourires. C’est non ! Vous n’allez pas le voir ! »
On rigole, mais cet instant de plénitude s’arrête lorsque j’entends une voix désagréable :
« - Alors comme ça tu veux sortir avec Ed… Ne t’inquiète pas, il sera vite au courant ! »
Milaine affiche un sourire satisfait. La colère monte petit à petit en moi, mais je me calme, me rappelant qu’elle a toute une bande de prétendants bien costauds à ses pieds. Heureusement la sonnerie retentit mettant fin à cette désagréable conversation.
Avec Abie nous finissons une heure plus tard. Nous profitons de notre temps libre pour entamer notre punition. Nous nous dirigeons donc vers le CDI où nous sommes accueillis chaleureusement par la bibliothécaire :
« - Bienvenue les filles, votre professeur m’a tenu au courant. Je dois vous dire que ça me fait plaisir d’avoir un peu d’aide même si c’est une punition qui vous amène ici. »
Nous nous sentons terriblement gênées mais elle continue :
« - Mais qu’elle sotte ! Comme d’habitude je parle trop. Et bien commençons, il y a tellement d’étiquette de partout que je pense ne pas avoir besoin de vous expliquer. Bonne chance. »
Elle retourne derrière son bureau pianoter sur un ordinateur. Abigaëlle et moi échangeons un regard interloqué avant de hausser les épaules et de nous mettre au travail. Nous nous dispersons à travers les rayons afin que l’une ne gêne pas l’autre.
Lors du rangement d’un carton de roman, je découvre un livre totalement vierge, sans titre, sans auteur, sans étiquettes. Soupçonneuse, je vais voir la bibliothécaire mais celle-ci s’est absentée. Je dépose alors le livre sur son bureau avant de retourner ranger.
Après avoir passé une heure à trier des bouquins, on sort enfin du lycée pour regagner le bus. Dans celui qu’on emprunte, il n’y a pas grand monde, environ six personnes. Mais l’une d’entre elles attire mon attention. Il s’agit de l’inconnue de ce matin, celle qui s’est disputée avec Milaine. Elle regarde par la vitre, ses écouteurs dans les oreilles. Abie et moi nous installons avant que le bus ne démarre. Après un court trajet, le bus s’arrête pour nous laisser descendre, nous et la mystérieuse fille. Cette dernière nous dépasse alors que nous marchons doucement pour pouvoir papoter. Une fois qu’elle s’est éloignée de notre duo, elle se fait encercler par cinq garçons. Sous nos yeux ébahis, ils commencent à la bousculer et la malmener. Je regarde Abie choqué et d’une seule voix on hurle à ses agresseurs :
« - Eh ! Vous là ! Laissez-là tranquille ! »
Mais voilà dans notre courageux élan nous n’avions pas prévu qu’ils se rapprocheraient dangereusement de nous.
Deux colosses se contentent de retenir la jeune fille tandis qu’un de leur camarade se jette sur Abie et que les deux autres ont pour intention de m’acculer contre un mur. D’ailleurs, ils parviennent avec brio. Abigaëlle, elle, a toujours su se défendre. Elle enchaîne les crochets jusqu’à ce qu’elle m’entende crier de terreur. Là, elle tourne la tête et se prend un mauvais coup dans la mâchoire qui lui entaille la lèvre.
A ce moment, l’un des deux compères envoie son poing vers ma figure. Je lève les bras au-dessus de mon visage pour me protéger. Je vois son poing m’arriver dessus et anticipe la douleur. Cependant, il ne me touche jamais. Sa course a été arrêtée par une sorte de bouclier bleu qui m’enveloppe. Sa main émet un crack sonore qui résonne dans mes oreilles. De surprise, je crie et tombe par terre. Le jeune homme à la main meurtri se retire en gémissant de douleur. Je profite de la distraction qu’il occasionne pour tenter de m’échapper. Malheureusement son compagnon est plus réactif que je ne le pensais et me rattrape. Il m’agrippe à pleine main les cheveux et mi tire en arrière. J’essaye de me réceptionner pour garder l’équilibre mais mon poignet amorti mal la chute et se tord. Je grimace.
Pour me rassurer, je cherche Abie des yeux. Espérant la voir en meilleure position que moi. Comme si elle avait entendu mes pensées, elle met un coup de poing dans le nez du garçon qui s’éloigne ensanglanté, puis tourne la tête vers moi. Mon agresseur tire un peu plus sur mes cheveux. Je gémis de douleur et vois la panique dans le regard de ma meilleure amie. Elle se précipite vers nous et saute sur le dos du garçon qui la dépasse d’au moins une tête. Elle le martèle de coups en tout genre et je me débats comme une folle pour qu’il me libère. Il finit par lâcher prise quand Abie lui laisse la marque de ses dents en souvenir sur le bras.
Comme ses camarades, il prend la fuite en maugréant après nous. Maintenant, il ne reste sur parking que nous, l’inconnue et les deux garçons qui s’étaient tenu à l’écart de la bagarre. Ils finissent eux aussi par déguerpir en courant lorsque les phares d’un bus viennent éclairer l’arrêt.
L’inconnue s’approche de nous les yeux gonflés de larmes, des ecchymoses apparaissant doucement sur son visage. Mais nous lui avons évité le pire. Elle nous remercie chaudement et s’excuse de nous avoir embarquées là-dedans :
« - Je… Je ne comprends pas ce qu’ils me voulaient… Ils n’ont rien dit… ils ont juste commencé à… à me frapper… Rien d’autre. Je suis tellement désolée ! »
Nous la rassurons :
« - Ne t’inquiète pas nous n’aurions jamais pu laisser faire ça. »
Puis elle part rapidement. Quant à nous, nous savons ce que c’est gars lui voulait. Cela ressemblait fortement au genre de règlement de compte que Milaine organise pour se venger…
Nous finissons le chemin pour rentrer respectivement chez nous en silence, exténuée par ce qu’il vient de se passer. Une fois à la maison, ma mère me questionne pour connaître l’origine de mon poignet tordu alors qu’elle me soigne. Pour ne pas l’inquiéter, je lui dis simplement :
« - C’est rien maman, j’ai juste loupé une marche ! »
Elle accepte ma réponse même si je vois bien qu’elle ne me croît pas totalement :
« - Bon j’espère juste que tu pourras aller danser demain. »
Après des bons soins, un bon repas et un bon bain, je retrouve enfin mon lit. Je suis en train de m’assoupir lorsque je reçois un SMS d’Abie :
« - Mitchie quand je vais t’en parler tu vas me prendre pour une cinglée. Mais j’ai pas halluciné j’en suis sûre ! Je sais pas comment c’est possible mais il s’est vraiment passé un truc bizarre sur le parking ce soir ! »
Je lui envoie :
« - Je sais… On en discute demain OK ? »
En effet ce phénomène bleu a bien eut lieu mais pour le moment je n’ai pas la tête pour y réfléchir. Du moins mon corps me fait sentir qu’il n’en a pas la force. Car mon esprit lutte pour en connaître la raison. Mais mon corps gagne. Je m’endors vite et me réveille tôt le lendemain matin. Je me prépare pour le lycée silencieusement et arrive en avance pour aller chercher Abie. Miraculeusement, je la trouve déjà prête devant son portail. Je reste un moment surprise avant de la rejoindre. On se salut rapidement et on commence à marcher. Aucune de nous n’ose aborder le fameux sujet. Puis Abie brise la glace :
« - C’était une belle bagarre hier…
- Oui c’est sûr mais on a eu chaud aussi !
- Au fait… Pour le truc… Tu sais…
- Le bouclier bleu ?
- - Donc je ne suis pas folle ! Tu l’as vu toi aussi !
- Pour ce qui est d’être folle ça reste encore à prouver, mais sinon c’était bien réel. »
Abie me frappe l’épaule et me tire la langue. Un silence s’installe.
Nous arrivons à notre arrêt et je remarque quelques taches de sang, vestiges de la bataille d’hier. La lèvre d’Abie a déjà commencé à cicatriser et mon poignet me fait déjà moins mal même s’il reste bandé. Bientôt cette soirée ne serait plus qu’un mauvais souvenir. Me voyant songeuse, Abigaëlle me demande :
« - A ton avis, c’était quoi le truc bleu ?
- Je n’en sais rien…, Je regarde mes paumes, mais je suis quasiment sûre que s’est sorti de mes mains. »
On se regarde un moment puis on décide de clore le sujet et de n’en parler à personne. De toute manière qui nous croiraient ? A la limite on penserait qu’on s’est pris un mauvais coup sur la tête. Au pire on nous ferait interner.
Nous montons dans le bus et un quart d’heure plus tard nous voilà en cours. Les deux premières heures passent lentement car je ne peux pas m’empêcher de penser aux événements d’hier. Puis la récréation sonne, Abie et moi racontons notre combat aux autres membres du groupe en oubliant de préciser pour la paroi bleue. Cependant je dois reprendre plusieurs fois Abigaëlle qui, emportée par l’élan, commet quelques impaires vis-à-vis de notre secret. Nos amies en reste bouche bée.
C’est alors que Mimi rapplique. Cette fois-ci, elle ne s’attaque pas à moi mais à ma meilleure amie :
« - Tu t’es habillée dans le noir ce matin ?
- Moi au moins je ne suis pas à moitié à poil ! »
Milaine est outrée. Mais comme d’habitude elle porte des vêtements minimalistes. La remarque d’Abie est vraie tandis que la sienne complètement erronée. Abigaëlle continue :
« - Au fait, la prochaine fois si tu veux intimider quelqu’un trouve des gars plus doués pour la bagarre ! »
Mince celle-là je n’ai pas pu l’empêcher. Milaine vire au noir :
« - Comment, c’était vous ?
- Et oui.
- Alors là… c’est vraiment le tout dernier avertissement. La prochaine fois que me parlez de la sorte ce sera la guerre ! »
Milaine s’éloigne. Abie me regarde puis mime le fait d’étrangler cette pimbêche. Une énergie jaune se forme entre ses mains et prend la taille d’une balle de tennis. Paniquée, je me dépêche de lui faire baisser les bras tandis qu’elle reste émerveillée. Puis je m’assure que personne n’ait rien vu.
Les cours reprennent mais sans qu’un nouveau phénomène ne se déclare. Après le repas, Milaine se pavane devant notre groupe :
« - Au fait Michelle, c’est fait !
- Qu’est-ce qui est fait ?
- Edouard, il est au courant pour ton petit béguin. Et à vrai dire il n’en a strictement rien à faire de toi ! »
Abie veut me défendre mais, blessée, je l’intercepte :
« - Ecoute Milaine, j’ai étais patiente. On ne peut pas dire le contraire. Pendant trois ans je t’ai laissé m’humilier et me martyriser. Que ce soit sur mon physique, mes cheveux ou mes vêtements. Mais là… Là ! Tu as dépassé les bornes ! »
Je crie la dernière phrase, ma colère éclatant au grand jour. Je suis furieuse contre moi-même de m’être laisser faire depuis si longtemps. Ça ne peut plus continuer.
« - Je ne sais pas ce que je t’ai fait exactement pour que tu me persécute de la sorte, mais c’est fini j’en ai marre ! Je sature !
- Arrête de pleurer on dirait un bébé.
- ARRÊTE ! J’en ai ras le bol de tes histoires. C’est terminé !
- Mitchie… Mitchie… Je gagnerai toujours. Ne t’enfonce pas plus sur ce terrain. J’ai des infos compromettantes sur toi, tu sais ?
- Je n’en ai plus rien à faire ! Vas-y ! Déballe ma devant tout le monde si ça peut te faire plaisir. Mais tu n’en seras pas plus apprécié par tes camarades. Et tu n’auras pas plus d’amis. Tu sais Milaine, je t’ai très bien cernée.
- Qu’est-ce que tu racontes ? J’ai pleins d’amis !
- Vraiment alors cite-en moi UNE seule que tu ais gardé depuis le collège.
- Est bien… »
Un long silence s’installe tandis qu’elle réfléchit puis que son visage se décompose lorsqu’elle réalise.
« - Tu vois, tu n’en trouves pas. En fait je te plains.
- Tu me plains ?
- Oui, ça doit être dur d’être toujours seule et de jouer constamment un rôle. De n’avoir personne sur qui réellement compter. »
Je jette un coup d’œil à mes amies derrière moi qui restent médusées.
« - Arrête, qu’est-ce que tu racontes ? dit-elle au bord des larmes.
- La vérité contrairement à d’autre qui se voile la face. »
Elle part furibonde à l’autre bout de la cour n’ayant plus de quoi rétorquer.
Je me rassois à côté d’Abie. Tout le groupe me regarde surpris :
« - Quoi ? J’ai quelque chose sur le visage ? »
Elles se mettent toutes à rire avant de m’expliquer :
« - Waouh ! Mitchie ! Tu l’as séché ! s’exclame Ashley.
- Je ne savais pas que tu pouvais te mettre en colère, renchérit Ludi.
- C’est vrai tu es tellement calme d’habitude, intervient Clara.
- En général quand tu es fâché tu ne hausses même pas le ton et tu restes stoïque, continue Sophie. »
Abie me serre dans ses bras :
« - Je suis fière de toi ! »
Je réponds :
« - Je l’ai juste remise à sa place. »
Alors que les filles continuent de rire, une acolytes de Mimi passe à côté de nous et nous informe :
« - Michelle, Mimi veut te faire savoir qu’elle te donne rendez-vous ce soir à l’arrêt de bus et elle a dit que c’était valable pour Abigaëlle. »
Puis elle repart en trottinant sans que je puisse lui répondre.
Pendant la première heure de cours de l’après-midi, je m’excuse auprès d’Abie pour lui avoir causé des ennuis. Mais elle me rétorque :
« - Ce n’est pas ta faute Mitchie. Je l’avais cherché depuis longtemps et puis si je lui avais répondu moi ça aurait été pire ! »
J’accepte son explication. Mais il n’empêche que je me sens coupable de la situation. Je tente désespérément de trouver une solution mais mon esprit reste bredouille.
A la récréation, Milaine passe près de notre groupe et lance sans s’arrêter :
« - A dans deux heures… »
Abie répond :
« - J’espère pour toi que tu as trouvé de meilleurs combattants parce que ceux d’hier étaient vraiment nul pour se battre ! »
Je donne un coup de coude dans les côtes à ma meilleure amie. Comme si ça ne suffisait pas, il faut encore qu’elle en rajoute !
Après la pause, nous avons une heure de libre avant la prochain cours. Nous profitons de cet instant pour aller à la bibliothèque, histoire de finir notre punition. Le rangement est déjà bien avancé il ne reste plus que quelques cartons. Quand nous arrivons, la bibliothécaire est absente. Nous décidons de tout de même faire notre punition. Comme hier, nous nous séparons.
Nous rangeons des livres depuis dix minutes quand depuis la rangée d’à côté, Abie crie :
« - Aïe ! Saleté de bouquin ! »
Je passe la tête dans l’allée et l’observe en train de sauter à cloche pied. Visiblement, un livre lui est tombé dessus. Je rejoins Abie qui se stabilise. Je ramasse le livre et reconnais immédiatement sa couverture grise. En effet, il s’agit bien du livre que j’ai déposé hier sur le bureau de la documentaliste. Sauf que cette fois, il y a un titre : « Galatéa ». Abie vient se coller à moi et ensemble nous lisons :
« - Galatéa ? »
Soudain, le livre se met à trembler. Tellement que je lâche par surprise. Il s’ouvre par terre en plein milieu de pages blanches. Je commence à avoir peur et attrape le bras d’Abie. Nous crions puis je me sens comme aspirée par le livre.
Je me retrouve dans le noir le plus total et m’évanouis sous le coup de l’émotion. Quelques instants plus tard, j’ouvre les yeux et remarque une sortie baignée de lumière à ma droite. Mes yeux s’habituent petit à petit à l’obscurité et je distingue autour de moi des parois en pierre. J’en déduis que nous avons atterrit dans une grotte. Mais comment est-ce possible ?... Ce n’est pas le moment de penser à cela, il faut d’abord que je retrouve Abigaëlle. Je la cherche du regard puis la distingue près de la roche. Apparemment elle est profondément endormie. Je tente de la réveiller sans la brusquer, mais après plusieurs minutes je perds patience et hurle :
« - DEBOUT ABIE ! »
L’écho de ma voix retentit pendant un moment tandis qu’Abie se frotte les yeux avant de s’assoir. Maintenant je comprends lieux pourquoi elle arrive si souvent en retard le matin. Elle baille et articule :
« - Tiens, qu’est-ce qu’on fait dans une grotte ?
- Qu’est-ce que j’en sais ? Bon, et si on sortait ? »
Je me lève rapidement et heurte le plafond.
« - Tiens ça a sonné creux !, rigole-t-elle »
Abie se tient le ventre prise d’un fou rire. Je la rappelle à l’ordre :
« - Ce n’est pas le moment Abie ! Lève-toi et fais attention au plafond. »
Abigaëlle suit mon injonction et comme une sotte, se cogne aussi.
« - Toi aussi ça sonne creux ! »
Je rigole gentiment de ma petite vengeance. Abie se tient la tête à deux mains et frotte l’endroit qu’elle a cogné. Elle me tire la langue et réplique :
« - Je croyais que ce n’était pas le moment ? »
Nous rigolons toutes les deux en se dirigeant vers la sortie main dans la main. Enfin on atteint l’extérieur. Nous débouchons dans une petite clairière au milieu d’une forêt dense. Abie indique :
« - Ça ce n’est pas le CDI !
- Non tu crois ? »
Je me frappe le front avec le plat de ma main comme à chaque fois qu’Abie sort ou fait une bêtise. Je continue :
« - Mais où est-ce qu’on est ? »
C’est alors que j’entends un bruit de branche qui casse et dans la pénombre des arbres je vois sortir des dizaines d’araignées de deux mètres. Celles-ci nous encerclent prêtes à nous dévorer vivantes. |