Lettre I
"Il se tenait au dessus d'un immeuble. Il se sentait enfin libre. Le vent venait se mélanger à ses cheveux. Il lui chatouillait les narines. Son cœur battait plus vite que d'habitude. Il repensait à son passé. Il revoyait des flash-backs. Il se sentait con. Sa vie ressemble à un livre perdu dans la bibliothèque, un livre que personne ne lira. Un livre écrit dans le vide où les mots tombent lourdement sur les pages et s'oublient à jamais. Il a toujours rêvé de faire partie de ces gens que l'on suit de près, chaque moindre geste est intéressant aux yeux des autres. Pour lui, il a mené une vie misérable. Il n'en voulait plus. Son cœur se brisait. Il sentait les cicatrices s'agrandir. Il saignait. Son esprit hurlait ! Il hurlait fort ! Ces hurlements se retentissaient dans sa tête. Ça résonnait. Ses mains se serraient sur son visage, ses ongles lui rentraient dans la peau. Il avait lui aussi envie de hurler !
Il a inspiré, a rempli ses poumons d'air et a poussé un tel cri que tout le monde sur Terre pouvait l'entendre. Il voulait sortir de sa cage ! Il n'en pouvait plus... Sa respiration s'est accélérée, il voyait le monde autour marcher au ralenti. Il a fermé les yeux. Il n'entendait plus rien. Il a fait un pas en avant. Il se tenait à présent sur le bord du toit.
Il a inspiré.
Encore...
encore...
encore...
et...
Encore un pas en avant.
Un pas dans le vide.
Il tombait tout en expirant.
Les yeux toujours fermés. C'étaient les secondes les plus longues de sa vie mais ça lui plaisait. Il se sentait libéré. Il souriait. Pour la première fois de toute son existence il souriait. Il se sentait vivant. Mais il ne l'était plus." - lettre trouvée le 19 décembre 2014 à destination inconnue tout comme l'auteur.
Cette lettre n'a jamais été ouverte jusqu'à maintenant.
Lettre II
"Je suis... Oui je suis. Quelqu'un ou quelque chose mais je suis. Je n'essaye pas de te faire une devinette non, loin de là... Je veux juste me définir. Pour les autres je suis Azat. Oui, simplement Azat. Non pas le père de famille attentionné ou le mari bien aimé. Juste Azat, le gars de 35 ans, né en 1969. J'ai des enfants pourtant. Deux filles mais elles n'ont pas la même mère. Je les aime aussi fort l'une que l'autre. Elles ont 11 ans de différence. Elles vont me manquer... Je suis en parfaite santé. Mais je le sens et ça me détruit, ça me tue avant l'heure. Je sens que je n'en ai plus pour longtemps. Je commence à craquer et il y a un désordre total dans ma tête. Je le sais et je le sens depuis des années, je mourrai à 37 ans. J'ai une question, peut-être qu'elle est insensée mais un homme, doit-il encore se considérer comme vivant s'il se prépare à mourir ? J'essaye juste de me remettre en question. Je ne sais même pas pourquoi j'écris tout ça, je ne fais que perdre mon temps... Ma deuxième fille... Alina... Peut-être qu'elle trouvera cette lettre un jour mais je ne l'espère pas. Elle ne se souviendra pas de moi. Il n'y aura que sa mère pour lui raconter à quel point je l'aimais. Je l'aime toujours ! Mais ça ne sert plus à rien de parler au présent. J'espère juste qu'elle verra les photos où je la prends dans mes bras. Je ne voulais pas la lâcher... On est le 16 août 2005. Dans un an et trois mois je ne serai plus de ce monde. Mon contrat se termine le 17 novembre 2006. Ce sera un vendredi. Et je pourrai enfin rentrer à la maison et revoir mes filles. Mais je ne saurai pas le faire car les morts ne vivent pas dans ce monde. " - lettre trouvée en 2007 à destination inconnue. Auteur - Azat, 35 ans (45 actuellement). Sa mort n'a pas été confirmée. Cette lettre n'a jamais été envoyée.
Lettre III "Il est toujours là. Derrière moi. Mais qui est cette personne?! Je ne comprends pas ! Je ne comprends plus rien. Il me souffle dans le cou. Sa respiration est calme. Ses mouvements sont réfléchis. L'air est plus frais là où il est. J'ai froid. Il a besoin de moi c'est une évidence mais pourquoi ? Que fait-il dans ce monde ? On se prétend des humains mais nous ne sommes que des taupes ! On vit dans l'ombre de nous-mêmes, nous sommes tous pareils. Mais je ne le suis pas moi !! Je suis quelqu'un d'autre ! LAISSEZ-MOI SORTIR !!! Je ne suis pas d'ici ! Arrêtez de me torturer... Je le sens dans mes tripes, au plus profond de moi. Je ne respire pas le même air. Je n'ai pas besoin de respirer pour vivre. Je ne vis pas. C'est simple. Je suis un écho du passé. CE N'EST PAS MOI ! Mon esprit est autre part. Comprenez-moi ! Je veux sortir de cette prison. Oui c'est une prison pour moi. Le monde pour moi n'a pas de valeur. Je meurs, doucement mais sûrement. Quand j'écris j'aime sentir l'odeur de l'encre qui se pose sur le papier. Page après page. Je crée quelque chose de différent. Ça me procure un sentiment nouveau. Un sentiment meilleur que toutes les drogues du monde peuvent vous offrir. Je SUIS ce texte. Je VIS dedans. Ici c'est moi. Je ne suis nulle part ailleurs. Sans ça, je ne suis personne. Je ne l'ai jamais été." - lettre trouvée le 7 mars 2015. L'auteur semble être un écrivain et la lettre lui est destinée. Il y a des timbres et l'adresse. Cette lettre n'a jamais été postée.
Lettre IV "Ça lui plaisait qu'elle le suive tout le temps. Peut-être qu'il était fou. Mais elle l'intriguait. Il s'est attaché à cet être démoniaque. Il est tombé amoureux. Mais comment ? Il ne la connaissait pas. Et il savait encore moins ce qu'elle était. Il est tombé amoureux de la mort. Sa vie a changé. Il est devenu sauvage. Son âme hurlait au plus profond de lui. Il était en train de tomber, les anges tentaient de le rattraper mais il tombait plus vite qu'eux. Il n'entendait rien, il ne comprenait rien de ce qu'ils lui disaient. C'est comme si il avait la tête sous l'eau. Il coulait. Son âme manquait d'air, son cœur s'étouffait. Il ne vivait plus que pour celle qui était toujours derrière lui, celle qu'il ne verra probablement jamais. Elle occupait son esprit. Un monstre était en train de naître en lui. Des milliers de griffes le torturaient de l'intérieur. Il voulait savoir, il devait savoir. Et elle, elle le regardait, l'observait se tuer pour elle. Son cœur crevait de mal. Il est devenu noir, noir de douleur. Il n'en avait plus besoin. Ça le démangeait, il se retenait pour ne pas l'arracher. Mais la mort, ça la faisait rire. Il l'a vu, il a vu son sourire avec ses dents pointues et tellement blanches que ça faisait mal aux yeux. Mais il ne comprenait pas pourquoi elle rigolait. Il pleurait. Ses larmes coulaient sur ses joues. Il crevait de douleur...encore. Ses yeux imploraient la pitié. Il n'en pouvait plus... Du rouge, c'était chaud, son visage, son rire, son corps se vidait, son âme crevait sous les yeux de la femme au sourire rayonnant. Il l'a vu. Il savait maintenant. Il n'était rien. Veines vidées, cœur brisé, esprit mort, il n'était rien pour elle. Il faisait un pas en avant et deux en arrière. Il mourait. Elle s'amusait. Il est tombé, elle l'a achevé. Il a joué, elle a gagné. Il a perdu. Et il est mort. " - lettre trouvée le 18 mars 2015 à destination inconnue. L'auteur est également inconnu. La lettre est écrite à l'encre rouge. Cette lettre n'aurait jamais dû être envoyée...
Je suis sorti fumer une clope. Elle n'était plus avec moi. J'avais tout lu et relu mais je n'ai jamais compris pourquoi elle est partie. Je me suis rappelé des lettres que je lui ai envoyé, des mots que je lui ai dit... "Je me suis dit que j'avais été con..." - oui j'ai vraiment été con. "...Ça n'aurait pas pu changer...ça ne changera jamais..." - mais ça a changé, on s'est perdu. Et elle, elle était telle une déesse et son cœur imprenable ne me laissait pas y entrer. J'avais mal mais cette fumée me calmait. La dernière lettre...c'était de trop. Vraiment de trop.
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