Les feuilles qui se balançaient encore sur les arbres commençaient à arborer leur douce teinte orangée en ce début d’automne un peu tardif. Une période adorée par les enfants de tous les âges. Seul Denis redoutait cette saison et regardait avec une crainte grandissante les misérables feuilles qui tombait les unes après les autres. Leur chute ne signifiait qu’une seule chose, Halloween approchait. Si pour vous Halloween rime avec déguisement et amusement, sachez que pour Denis, cette fête était un calvaire.
Chaque année depuis trois ans maintenant, la nuit du trente et un octobre à minuit moins quart précis, une fois la tournée des maisons achevée dans son déguisement du Comte Dracula, il reçoit toujours un drôle de visiteur. Un seul coup de sonnette et toujours le même accoutrement : un petit garçon sous un drap blanc, percé de deux trous pour les yeux et un grand sourire dessiné au feutre noir. Là où n’importe qui y verrait un costume réalisé avec amour par un enfant, Denis y voyait un véritable fantôme venu le hanter. En effet, personne à part Denis ne le voit et il ne sait pas d’où il peut bien venir.
Pourquoi un enfant, visiblement plus jeune que notre héros venant de souffler sa douzième bougie, se baladait seul le soir d’Halloween ?
Cette fois-ci, il était bien décidé à en avoir le cœur net !
Il prépara avec soin son plan afin de découvrir l’identité de ce vilain plaisantin. Il soupçonnait déjà le petit frère d’un de ses meilleurs copains mais il ne voyait lequel.
Le soir d’Halloween était enfin arrivé. Denis tremblait d’excitation à l’idée de mettre enfin un terme à ce manège qui n’était pas amusant. Il enfilait son costume légèrement retouché par maman, mit ses fausses canines et badigeonna ses lèvres de son sang « spécial vampire » : un savant mélange de grenadine et d’un peu de sirop de chocolat pour y mettre un peu d’épaisseur. Il s’apprêtait à partir quand son père l’appela.
- Denis, tu n’oublieras pas quelque chose ? demanda le père en soulevant un petit seau en forme de citrouille.
- Papa ! Les citrouilles c’est pour les bébés ! Je suis un grand maintenant, répondit je jeune garçon.
- Halloween sans citrouille ça n’a aucun sens, voyons, continua le père en affichant un sourire espiègle, ta mère l’a acheté exprès pour toi.
- Grrr, c’est bon je le prends avec !
Denis arracha le seau des mains de son père et s’en alla en claquant la porte. Dehors, un léger brouillard s’était installé dans la pénombre, seules quelques silhouettes apparaissaient à la lumière des lampadaires du quartiers. Des rires, des sorts et des bonbons, c’est ça Halloween.
Mais pour Denis, l’heure approchait et la dernière maison venait d’être faite. Plus aucun doute, le fantôme n’allait pas tarder. Il retourna chez lui et s’assied sur les quelques marches qui menaient à la porte d’entrée. Il scruta sa montre
Minuit moins vingt. Son cœur se mit à battre la chamade, ses doigts serrait le petit seau rempli à ras le bord de friandises en tout genre.
Une lueur jaunâtre se mis à flotter de l’autre côté de la rue, accompagné de pas qui résonnait dans tout le quartier redevenu calme. Denis scruta le brouillard : c’était le petit fantôme.
Minuit moins le quart. On y était.
Denis le laissa s’approcher et tenta de masquer sa peur du mieux qu’il put.
- Qui es-tu !? s’écria-t-il, la voix tremblante.
Le petit fantôme s’immobilisa à quelques pas de lui, les draps flottant doucement dans la brise fraiche.
- Pourquoi tu me poursuis !?
Le petit garçon pencha un peu la tête, comme s’il ne comprenait pas la question.
- Tu … peux me … voir ? demanda une petite voix cristalline.
- Bien sûr que je peux ! Pourquoi tu viens chez moi tous les ans ? Et puis t’es qui ?!, balbutia Denis.
- Ze m’appelle Jack, répondit joyeusement le petit.
- D’accord Jack, et tu peux me dire d’où tu viens ?
Un petit bras se leva d’en dessous du drap, découvrant sa main dans laquelle il tenant une bien drôle de lanterne : une bougie dans un navet aussi gros qu’un potiron. C’est donc de là que venait la lumière. Il pointa sa lanterne vers le brouillard.
- De quelque part par là.
- Je vais te ramener chez toi pour dire à tes parents que tu rodes autour des maisons pour faire peur.
À travers les deux grands trous, Denis vit le regard du garçon s’illuminer de joie.
- Ze fais peur !?
- À moi oui ! Tu viens tout le temps sonner à ma porte et tu ne dis pas un mot, normal que j’ai peur ! avoua le plus grand.
Le petit se mit à sautiller partout.
- Z’ai fait peur à un vampire !!
Denis ne comprenait plus rien.
- Eh ! Calme-toi ! Ce n’est pas drôle tu sais !
Mais le petit ne l’écoutait plus et se mis à courir en riant tout en chantant à tue-tête qu’il venait de faire peur à un vampire. Denis tenta de le calmer mais en vain. Jack s’encouru dans le brouillard qui s’était épaissit.
- Jack ?! cria Denis.
Rien, la lueur de sa lanterne avait disparu. Bon débarra, il ne reviendra peut-être pas l’année prochaine !
Denis rentra enfin chez lui. Il fut accueilli par sa mère.
- Non mais tu as vu l’heure !? J’étais morte d’inquiétude !
- Pardon maman … mais j’ai ...
- Pas de mais ! File te coucher !
Il baissa la tête et monta dans sa chambre. Il était en train de se changer quand on toqua à sa porte.
- C’est papa, chuchota une voix étouffée.
Le jeune garçon alla lui ouvrir.
- Et bien, on peut dire que tu as l’art de faire peur à ta mère !
- Je ne voulais pas trainer, on va dire qu’en chemin … j’ai croisé un « copain » …
- À cette heure-ci je ne vois pas qui pourrait trainer dehors à part Jack o’ Lantern, plaisanta le père.
Denis sursauta à ce nom.
- Qui ?
- Jack o’ Lantern, voyons ! Tu ne connais pas cette histoire ?
Denis secoua la tête pour dire « non ».
- Et bien, commença le père en s’asseyant sur le lit du garçon, il y a bien longtemps, un homme un peu farceur du nom de Jack se moqua du diable par deux fois et par deux fois il réussit à échapper à sa punition. Le jour où Jack mourut, il ne fut accepté ni au paradis ni en enfer …
- Pourquoi ? l’interrompit le jeune homme.
- Parce qu’il avait fait de vilaine chose et le diable lui refusa l’entrée de l’enfer car il s’est joué de lui une fois de trop. Alors Jack ne demanda qu’une seule chose, un navet et une bougie afin de pouvoir s’éclairer dans la nuit. On raconte qu’il apparait le jour de sa mort, le jour d’Halloween afin d’effrayer les monstres et les humains qui hante le monde des vivants. C’est lui qui est à la base de la fête d’Halloween.
- Donc le seau en forme de citrouille …
- Est censé représenter la lanterne de Jack.
- Tout à fait.
Denis réfléchi, il n’allait tout de même pas dire à son père qu’il venait tout juste de rencontrer un garçon nommé Jack, il ne le croirait pas de toute manière.
- Je comprends maintenant, merci papa !
- Dors maintenant, et pas trop de bonbons !
- Bonne nuit !
Dans la tête de Denis, tout se bousculait : était-il possible que ce petit garçon soit ce fameux Jack o’ Lantern ? D’un côté, tout correspondait à la légende, même s’il était petit, il s’amuse à effrayer les vivant en tenant un navet avec une bougie. D’un autre côté, ce Jack était trop jeune pour être celui de la légende. C’est sur cette réflexion que le jeune homme fini par s’endormir.
Le lendemain matin, en allant chercher son vélo dans le garage, Denis remarqua un objet étrange sur les marches du pas de la porte. Il reconnut aussitôt la lanterne en navet du petit fantôme de la nuit passée. Il n’avait donc pas rêvé. Denis la saisi entre les mains et l’examina sous toutes ses coutures jusqu’à ce qu’il vît une petite inscription gravé sous la lanterne
« Appartient à : Jack O’lantern Jr. »
Un petit sourire se dessina sur ses lèvres encore rouges du faux sang de la veille.
Il en était sûr à présent. Son petit fantôme avait accompli sa mission, effrayer les gens … comme son père. |